LA CREATION DU
VILLAGE
(suite de l'étude historique précédente)
Les lots de colonisation ont donc été achetés
au gouvernement, à un prix payable en dix ans.
Beni Haoua.est situé à 17 kms, à l'ouest de Dupleix.
Il n'y a pas de route, et l'on fait venir par la mer les matériaux
de construction.
C'est en 1916 que le village en cours de création prend le nom
de Francis Garnier.
Un peu plus tard, la route est tracée, le long
de la superbe corniche qui surplombe la mer, d'une beauté sauvage,
très découpée et escarpée, ouverte aux vents
du large, au milieu d'une végétation de pins luxuriante.
Deux tunnels sont creusés dans la roche, à la sortie desquels
on domine la splendide baie des Souhalias, délimitée à
l'Ouest par la pointe du Pain de Sucre, et, à l'Est, le "Rocher
de la Mine".
Pour traverser l'oued Outar, en amont du village, on construit
un pont.
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Alain COHET, raconte :
Déjà, durant mon enfance,
il respirait la vétusté. Il était recouvert
d'une affreuse peinture noire, écaillée par endroits
et laissant voir les armatures de son béton. Il devait être
quand même solide puisque, après le 8 novembre 1942,
les convois américains l'ont emprunté à toute
allure et sans incident. Tel quel, c'était pour nous un lieu
que nous fréquentions beaucoup car cet endroit de la rivière
comptait pour les enfants nombre de choses intéressantes
que les adultes ne savaient voir. Il est vrai qu'à l'époque
il en fallait peu pour nous amuser !
Deux cents mètres
plus haut en venant de Dupleix, se situait l'embranchement où
s'amorçait la descente vers le village de la mine de Breira.
Autre lieu mythique où, par tradition, se réunissaient
tous ceux qui venaient accueillir ou accompagner les voyageurs et
amis qui étaient venus les voir ou s'en retournaient chez
eux. Tous les jours s'y arrêtait alternativement le car bleu
ou le car jaune pour déverser sa cargaison de passagers,
bagages et colis divers.
La guerre, faute de carburant, avait perturbé la pratique.
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A la sortie du village, à environ 2 kms en allant
vers Ténès, fut construit le Pont du Caïd sur l'oued
Mentrache.
A la sortie ouest
du village, dans la première courbe, juste un peu plus bas
de chez Mme Camp, disons à hauteur du marché, une
borne kilométrique portait sur sa face est MOSTAGANEM 160
km et sur sa face ouest ALGER 160 km.
Le pont du Caïd sur
l'oued Mentrache
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Environ 2 km plus
loin, fut construit le Pont du Caïd sur l'oued Mentrache.
C'était aussi un but de
promenade. A pied, ou à bicylette, et souvent, l'été,
les jeunes du village, s'y rendaient le soir, au clair de lune.
"Ce parcours était préféré à
celui qui allait vers le pont de l'oued Outar à environ,
lui aussi, deux km. Peut-être pour ne pas passer devant le
cimetière.
A l'entrée du pont nous faisions demi-tour. Toujours pieds
nus pour sentir encore la chaleur de laroute goudronnée.
C'était là notre seule distraction, le soir au village
: il n'y avait rien d'autre comme passe-temps, à part la
plage durant la journée.
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Le pont du Caïd sur
l'oued Mentrache
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Passé le pont, à droite, un chemin menait
au Marabout d'Imma Binett.
Les sept religieuses rescapées du naufrage du Banel, en 1802, capturées
par les indigènes, avaient été installées
au douar des Beni Haoua, juché sur un promotoire à l'embouchure
de l'oued Mentrache. Devenues leurs épouses, elles furent à
l'origine d'une nouvelle tribu, les "Ouled Nounett" ("Fils
des nonnes"), ce qui explique les cheveux clairs, voire blonds, et
les yeux bleus de leurs descendants. (Un des serviteurs de la ferme Bortolotti
était surnommé "Kada z'yeux bleus").
L'une d'entre elles, la Mère Jeanne Binett, mena une vie exemplaire,
faisant beaucoup de bien à la population locale. Sa réputation
avait traversé les djebels les plus reculés, et on venait
la voir de très loin.
Vénérée de tous, elle devint "Imma Binett",
ou "Mama Binett", et fut enterrée comme un Marabout,
avec les sourates coraniques, et considérée comme tel par
la population. Sa tombe fut creusée à flanc de coteau, dominant
la mer, non loin donc des falaises surplombant le lieu du naufrage.
Le lieu fut alors considéré comme sacré, et les femmes
musulmanes stériles vinrent la prier chaque vendredi, et en pélerinage
chaque mois d'août.
En 1937, Camille Bortolotti, adjoint spécial de
Francis Garnier, particulièrement respectueux des traditions musulmanes
locales, fit construire une Kouba au-dessus de la tombe, qui prit l'appellation
du "Marabout d'Imma Binett".
L'inauguration se fit en présence du sous-préfet, des marabouts,
des membres de la Djemaa, et du caïd Mokrane, descendant d'une des
"filles" de Mama Binett.
Camille Bortolotti y fit déposer l'inscription suivante, rédigée
en arabe et en français :
" Ici repose Imma Binett. Avec
ses compagnes, elle se trouvait à bord du Banel, allant de
Toulon à la Louisiane. Elle fut épousée par
une notabilité de l'endroit. A sa mort elle fut vénérée
comme une sainte"
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Et une plaque commémorative porte les noms des
autorités présentes ce jour-là.
Lors du séïsme de 1954, la coupole du
minaret s'écroula, mais resta intacte, et Camille Bortolotti la
fit remettre en état en 1958.
En 1980, un nouveau séisme fit encore s'écrouler
la dite coupole, toujours intacte, mais, cette fois-ci, on ne sait pourquoi,
elle n'a pas été restaurée, et elle git toujours
au pied du marabout.
Mais je reviens à notre village qui prend
forme.
Ma tante Solange, fille de Camille Bortolotti, née en août
1918, raconte :
"Trottoirs bordés de pierres taillées,
bornes fontaines métalliques où l'eau potable était
acheminée par des canalisations dont la source se situait à
7 kms... Chacun construisait sa maison autour de la place centrale où
s'élevaient l'ensemble école-mairie-poste... Palmiers, ficus,
bougainvilliers furent plantés...
En 1925, les habitants ont voulu une église.
Chacun a donné qui des matériaux, qui de son temps, qui
de son argent, qui de son travail. Je me souviens du va-et-vient des manoeuvres
et des maçons, ( MM Boutin, Plumet, Albino, Bottot...)
Entrée du village - route de Ténès.
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Mairie, poste
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Une chapelle est construite, avec un petit clocher et une petite pièce
servant de sacristie. Les dons arrivent : chaises, bancs, deux petits
vitraux, deux prie-Dieu en velours rouge pour les mariages, un harmonium
qui faisait "couic" à un stade du trajet d'une pédale,
des statues...Un petit "Sacré-Coeur" au-dessus de la
croix de l'autel, aux yeux brillants et le manteau cramoisi, qui donnait
bien des distractions aux petits assis sur les bancs, devant... Une grande
Sainte-vierge au doux visage et au grand manteau bleu, un énorme
Saint-Michel tout blanc, sortant son épée pour terrasser
le démon, (don des pêcheurs de la Marsa), en face duquel
une petite Sainte-Thérèse, un Saint-Joseph, et un Saint-Antoine-
de- Padou, encore plus petits sur leurs socles.
Le curé BRINGUES, prêtre très bon et très
dévoué a apporté l'essentiel des autres paroisses
qu'il desservait déjà : Novi, Gouraya, Villebourg, Dupleix,
cinq villages sur une distance de 60 kms environ. Il parcourait ces distances
au volant d'une vieille "bébé Peugeot" brinquebalante
qu'il avait bien du mal à conduire sur une route plus que sinueuse
et bien souvent mal empierrée....
Le jour de l'inauguration, et de la consécration
au Sacré Coeur de jésus, des fidèles des cinq paroisses
environnantes furent présents, ainsi que ceux de Beni Akil et des
Mines de Breira. Venant de Cherchel, Mlle Vaquès, directrice de
ce qu'on appelait "l'école libre" avait composé
le "compliment" qu'un enfant devait réciter.
C'est moi qui a été désignée, et, habillée
de blanc, un noeud de ruban dans les cheveux, j'ai dû m'avancer
au devant du cortège.
C'est amusant, du fond de ma mémoire, les mots surgisssent. Cela
commençait par :
" Monseigneur, je viens d'avoir 7 ans, ma raison
n'est pas bien grande, mais mon coeur est déjà grand. En
voyant cette foule, je raisonne et me dis :
- Monseigneur de Constantine, venu de si loin pour nous faire cette sainte
faveur, quel honneur, quelle joie !..."
Il s'agissait de Monseigneur TIenard, évêque de Constantine,
qui remplaçait l'archevêque d'Alger, retenu par ailleurs....
La messe de consécration fut suivie avec émotion par ces
gens qui avaient tout quitté pour ce morceau de terre qu'ils croyaient
leur à jamais.
Notre cher curé Bringues restait toujours calme,
et d'une étonnante douceur. Les arabes le respectaient, même
Hadj Koudou, muslman sectaire et imbu de ses prérogatives, puisqu'il
était allé à la Mecque, et avait fait la guerre avec
la France à "madame Gascar", comme il aimait l'expliquer.
Et, comme il n'y avait pas l'eau courante, à cette époque,
il consentait à porter mon bidon d'eau et mes fleurs jusqu'à
l'église, lorsque j'allais aider à la préparation
des cérémonies.
Plus tard, il a fallu faire des réparations.
Les fonds étant inexistants, habitants et "estivants"
(qui avaient acheté des lots pour y passer leurs vacances), se
sont consultés pour trouver une solution. Il fut décidé
de faire une fête dont le produit servirait à la restauration
de l'église., Dans la cave de la ferme de mes parents, des charpentiers
et décorateurs improvisés ont confectionné une scène
avec des madriers. Et le 15 août 1949, les enfants ont chanté,
les plus grands ont déclamé, dansé, joué la
comédie. Un bal a réuni la population des environs. Le rapport
a été presque suffisant pour régler les factures.
Pour trouver le complément, la "troupe" est partie en
camionnette pour donner un spectacle à Ténès, vendant
les photos à l'entracte, éprouvant autant de plaisir, je
crois, que les spectateurs.
Et l'année suivante, une autre fête a
été donnée pour assumer des réparations au
Marabout d'Imma Binette.
C'était cela, le Francis de ma jeunesse : le
bonheur d'être joyeux ensemble, et de ne laiser jamais personne
solitaire."
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Fête août 1949
" Trois Bonnes sous le même bonnet"
(Monique Visignol et Geneviève Bortolotti)
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Bien avant cette période, nos aînés,
qui excellaient dans l'art de la fête, et aimaient particulièrement
monter des spectacles, avaient organisé d'autres
journées récréatives.
En témoignent ces photos datées de 1936 : Comme chaque fois,
la représentation avait eu lieu dans la Cave de la Ferme de mes grand-parents,
décorée et aménagée pour la circonstance.
LA POUDRE AUX YEUX (Labiche.)
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" DANSE MADRILENE" (Solange Bortolotti
et René Lecoq)
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" LA FETE VILLAGEOISE" Avec tous les petits enfants
du village
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