Francis Garnier
L'ECOLE COMMUNALE

Texte : Alain Cohet envoi : Geneviève Bortolotti - Troncy
mise sur site le 5-3-2011

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L'ECOLE COMMUNALE :

Il est bien présomptueux d'aborder, après Pagnol, ce sujet. Pourtant, au vu de ce qui se passe de nos jours dans l'éducation dite nationale, on ne peut que se référer avec tendresse à cet heureux temps où l'on apprenait simplement à apprendre.

Dans les petits bourgs, alors, un instituteur (homme ou femme ne se prévalant pas encore du titre ronflant de " professeur des écoles ") avait en charge le dégrossissage d'une trentaine de gamins sur six années d'âge, depuis la classe de maternelle jusqu'à celle du certificat d'études, examen qui correspondait à celui d'entrée en 6éme des lycées et collèges. Certaines années on vit même cet effectif dépassé et les maîtres, saints laïcs, n'en faisaient pas une histoire, ne se mettaient pas en grève. C'est tout juste si, parfois, les maires de village osaient une observation auprès des rectorats de la ville lointaine. L'image ci-contre en témoigne.

Les choses se passaient simplement. A l'appel de la cloche, nous rejoignions en rang et dans le calme les trois rangées de pupitres correspondant à nos âges et à notre avancement dans les études et entamions les travaux qui nous étaient distribués.

En cas de besoin, certains des " grands " étaient conviés à l'honneur de répétiteurs des petits qu'ils aidaient à ânonner leur b-a, ba, pendant que le maître dirigeait une dictée ou énonçait un problème d'arithmétique. Les bons élèves se voyaient accorder une récompense : sonner la cloche des entrées et sorties de classe, assurer le service des encriers de pupitres avec une belle encre violette préparée chaque semaine avec la poudre idoine, l'hiver veiller à charger pendant la récréation le poêle avec du bois stocké sous le préau. La journée accomplie, nous sortions en rang, sans oublier de saluer d'un bonsoir m'dame ou bonsoir m'sieur.


En fait, la journée n'était terminée pour personne. Le maître avait encore les devoirs des jours précédents à corriger. Les élèves, après avoir pris leur goûter et s'être détendus dans des jeux divers, devaient s'attaquer aux devoirs du jour : page d'écriture pour les petits (avec pleins et déliés à la plume sergent major), problèmes de calculs, composition française ou carte de géographie à reporter sur le " cahier de classe " pour les plus grands.


En ce temps là, il importait également à nos maîtres tout autant de nous initier aux disciplines fondamentales que de nous informer de nos racines. C'est pourquoi histoire et géographie tenaient une grande place.


Et d'abord l'Algérie. On nous situait sa position privilégiée sur cette côte d'Afrique, on nous décrivait son relief, ses cours d'eau, son climat doux sous un soleil brutal. On nous parlait de sa longue histoire. Oh, nous ne remontions pas trop loin dans le temps, négligeant peut-être Jugurtha, Juba ou la Kahina, mais on nous disait ce que nous devions aux berbères, aux phéniciens, aux romains qui avaient fécondé cette terre difficile. Les temps modernes n'étaient pas oubliés. Nous savions que la conquête avait exigé des combats meurtriers dans lesquels s'étaient illustrés des personnages fabuleux, le duc d'Aumale, l'émir Abd El Kader, farouche guerrier que la France honora plus tard quand il se fut rallié à elle. Et n'oublions pas le père Bugeaud dont la devise " ense et aratro " fut implicitement celle des premiers colons qui suèrent sang et eau pour faire fructifier les maigres et parfois insalubres parcelles de terrain qui leur avaient été concédées.


Mais, bien que vivant du côté sud de la Méditerranée, nous apprenions aussi notre hexagone par le détail, tous les départements avec leur chef-lieu, tous les fleuves, les plaines et montagnes, les variations climatiques (et la douceur angevine), la beauté des paysages, les richesses agricoles, minières et humaines.

Nous apprenions comment nos ancêtres, depuis les gaulois jusqu'aux poilus de Verdun avaient, dans l'effort et la douleur, construit notre nation. La mère patrie était la mère de nos mères, donc notre mère aussi et nous l'aimions comme telle. Quelque vingt années plus tard, cette affection, hélas, fut durement secouée à propos des événements qui détruisirent notre Algérie natale et changèrent radicalement notre perception de la " douce France ".


Nous reçûmes donc, pour cet âge, une instruction sérieuse mais point sévère. Les jeux d'enfants l'égayaient quotidiennement et nous apprenaient en même temps les règles de la vie en commun lesquelles, à la base, ne différaient guère de celles des adultes. A l'école, on nous enseignait le monde, à la maison, on nous enseignait la vie.Ainsi avancions-nous, lentement mais sûrement, dans la compréhension du monde et progressions-nous vers l'univers des adultes, ces titans par la taille, l'esprit et les connaissances, dont les comportements nous paraissaient parfois si étranges ou hermétiques.Les grandes questions, nous nous les poserions plus tard !

Alain COHET