Francis Garnier
REMISE DE LA CROIX DE CHEVALIER DE LA LEGION D'HONNEUR à Camille BORTOLOTTI

 


Textes, illustrations : Geneviève Bortolotti - Troncy
mise sur site le 16-2-2011

150 Ko
retour
 

REMISE DE LA CROIX DE CHEVALIER DE LA LEGION D'HONNEUR
à Camille BORTOLOTTI

Francis-Garnier, juin 1953


Monsieur le Secrétaire Général,
Monsieur le Président de l'Assemblée Algérienne,
Messieurs les Délégués,
Monsieur le Sous-Préfet,
Messieurs les Administrateurs,
Mesdames, Messieurs,
Monsieur BORTOLOTTI et Cher Ami,

C'est avec un coeur palpitant d'allégresse que je prends la parole pour vous dire combien, ce jour, pour nous tous, et en particulier pour moi, est mémorable.

Au nom des populations musulmanes du douar BENI HAOUA que je représente, et en mon nom personnel, je vous exprime toute la joie et toute la fierté que nous ressentons à l'idée de voir tout à l'heure, épinglée sur votre poitrine, la plus haute distinction honorifique que le gouvernement Français décerne à ses meilleurs serviteurs. Je n'exagérerai rien en proclamant que, vous aussi, vous êtes un de ceux qui ont le mieux servi la cause française dans ce pays, et que vous êtes digne de mériter cette Croix de Chevalier de la légion d'Honneur.

Je parle en connaissance de cause, car voilà bientôt plus de quarante ans que la famille BORTOLOTTI et la famille MOKRANE se côtoient et vivent dans une communion de coeur et d'idées. Moi, personnellement, je vous connais depuis près de trente-cinq ans.

J'ai assisté aux différentes étapes de votre belle carrière politique que je souhaite plus brillante encore, ainsi qu'aux différentes phases de votre prospérité économique qui ira en s'accentuant, je l'espère.

Ce progrès soutenu et constant dans deux domaines où il faut reconnaître qu'il est très difficile de réussir, témoigne d'une ardeur au travail, d'une ténacité sans relâche, d'une volonté peu commune, et d'une honnêté exemplaire. Ces dons exceptionnels, vous ne les avez pas utilisés d'une façon égoïste, uniquement dans votre intérêt privé, mais vous les avez mis également au service d'un but plus désintéressé et plus noble, celui de travailler pour la collectivité. Vous vous êtes penché avec sollicitude sur le sort des masses rurales pauvres, qui peuplent les montagnes ingrates du douar BENI HAOUA.

En effet, grâce à vos qualités de coeur, à votre générosité sans bornes, vous avez sauvé de la mort des familles entières que la faim guettait à chaque hiver. Pendant les années sombres de la guerre, la maison Bortolotti était devenue le refuge de tous ceux qui étaient traqués par le froid et la faim.
Madame Bortolotti, à qui je rends hommage, s'est si bien dévouée pendant ces années de disette, qu'elle jouit du respect et même de l'admiration des habitants de Francis-Garnier et de Beni Haoua.

La guerre terminée, vous avez cherché à élever le niveau de vie rustique des populations en vous attaquant au problème de l'arboriculture, la seule source de vie dans ces régions déshéritées.
Grâce à vos méthodes de travail, et à la grande propagande que vous avez faite en faveur des cultures en banquettes, vous avez été l'exemple vivant du colon moderne qui, armé de son bulldozer, ose s'attaquer à la montagne, réputée inaccessible et stérile. Dans ce domaine, vous vous êtes fait une réputation telle que l'on peut, à juste titre, vous gratifier de ce slogan : "Si banquette il y a,
Mr Bortolotti est passé par là".

Vous avez réussi à convaincre les fellahs de la nécessité de travailler leurs terres en pente, vous les avez autorisés à prélever, dans vos pépinères, des plants d'arbres divers, vous leur avez prêté vos tracteurs, et tout cela gracieusement.

Ainsi, vous avez contribué à apporter le bien-être dans beaucoup de familles, et à faire reculer la misère dans ces foyers de paupérisme que sont les douars BENI HAOUA, SINFITA, et TAOURIRA.

Votre activité ne s'est pas cantonnée dans les limites des douars que je viens de citer, mais elle a débordé, comme une sève généreuse, et a coulé à partir de l'Oued DAMOUS, jusqu'à TENES.

Le S.A.R. et le Foyer Rural, deux édifices qui embellissent notre cher petit centre, sont également vos oeuvres. Je souligne que ces deux organisations, qui se complètent merveilleusement, en améliorant les conditions de la vie des ruraux, ainsi que celle des citadins, sont les premières du genre qui ont été créées dans la Commune Mixte de Ténès.

Vous avez édifié, au centre de Francis-Garnier, une usine moderne qui produit des confitures réputées sur les marchés mondiaux. Cette usine constitue une source de revenus importante pour les ouvriers de Beni Haoua, qui y travaillent dans les meilleures conditions d'hygiène, et qui bénéficient des avantages de la Sécurité Sociale, tout autant que leurs camarades des grandes villes. Vos ouvriers sont très fiers de vous parce qu'ils vous aiment, comme vous les aimez. Votre sollicitude à leur égard est tellement grande que vous avez envoyé, à vos frais, deux de vos ouvriers les plus méritants en pélerinage aux Lieux Saints de l'Islam.
Sachez, mon Cher Ami, que ce geste vous honore, parce que vous avez compris que la récompense idéale, à laquelle aspire tout musulman, est celle d'aller visiter la Maison Sacrée d'Allah.

Je ne puis malheureusement pas m'étendre davantage, étant limité par le temps, sur toutes vos réalisations en faveur des pauvres et de la classe ouvrière, mais j'espère en avoir dit l'essentiel.

Je ne puis terminer sans insister sur vos qualités morales et sociales qui ont fait de vous un grand et bon Français. Vous avez, dans ce pays-ci, depuis que je vous connais, prêché inlassablement l'union, l'amitié, et la concorde des deux races. Vous avez consacré le meilleur de votre temps à faire taire les rancunes, à montrer le vrai visage de la France civilisatrice, et à faire des Musulmans de cette région de fidèles serviteurs de la France.

Votre idéal a été de répandre le bien autour de vous, par amour du genre humain.

Le témoin de votre oeuvre dans ce domaine est là, à cinq cents mètres, debout sur la colline qui surplombe la mer : c'est le Mausolée de MAMA BINETT, que vous avez édifié à vos frais. Cette religieuse, que la main du destin a conduite de façon si tragique sur nos plages, a su si bien rallier à elle tous les coeurs au prix de souffrances et de sacrifices, qu'elle est aujourd'hui honorée et vénérée, aussi bien par les Chrétiens que par les Musulmans. Vous avez puisé, dans l'histoire de cette Sainte, les vertus qui font les grandes figures, vous vous êtes imprégné de son exemple, et, comme elle, vous vous efforcez d'atteindre le plus noble des buts : celui d'unir tous les coeurs par le Bien.

Permettez-moi, Cher Ami et Cher Camarade Légionnaire, avant de vous donner l'accolade, de vous féliciter chaudement pour cette décoration justement décernée, qui récompense un long passé de labeur et de dévouement.

J'associe à ces félicitations votre chère épouse, Madame BORTOLOTTI, et vos enfants qui suivront la voie tracée par leur père, celle de montrer que la présence de la France est partout bienfaisante.

VIVE BORTOLOTTI,
VIVE LA FRANCE

Signé :
MOKRANE,
Caïd de BENI HAOUA