La Porte d'Azoun et ses abords
La Porte d'Azoun, bien que s'éclairant au souvenir du geste audacieux
du chevalier Savignac, demeure en l'Histoire d'aspect plutôt sombre,
avec les odieux appareils de mort parant ses murailles qui, tant de fois,
virent l'agonie affreuse de tant de malheureux que la justice turque avait
condamnés à mourir sur ses crochets de fer.
Plusieurs ont décrit les supplices divers imaginés par les
Barbaresques. M. de Rocqueville qui, en 1675, vit à l'oeuvre les
bourreaux des Pachas, et fit connaître leurs différents modes
d'opérer, s'exprime ainsi au sujet des exécuteurs des ganches.
"...Il y en a, dit-il, qui engancent. Ils ont un fer long de trois
pieds qui est fixé à la muraille, pointu comme une épée.
Ils attachent un homme, pieds et mains ensemble, et le laissent tomber
sur ce crochet, de sept ou huit pieds de haut, et s'il s'accroche par
le pied, le bras ou le côté, il demeure en cet état
jusqu'à ce qu'il soit mort."
Beaucoup de ces malheureux ne mouraient qu'au bout du quatrième
ou du cinquième jour, de douleur et de faim, ou d'un accès
de rage.
Pendant des années, quelques-uns de ces terribles crochets furent
conservés à l'Archevêché. Que sont-ils devenus...?
Il subsistait un peu partout à Alger, dans les premiers temps de
l'occupation, des traces des exécutions turques.
En 1842, on voyait encore, à l'auvent de la porte de la Casbah,
des clous et des cordes qui avaient servi à la pendaison d'esclaves
chrétiens (Bavoux).
-- Ce supplice de la corde, les murailles de Bab-Azoun, le virent également.
Bolle, en les décrivant, nous renseigne sur ce genre d'exécution.
"La Porte Bab-Azoun, dit-il, est ouverte dans une longue muraille,
qui s'étend de chaque côté, et dans laquelle sont
percés, en guise de fenêtres, un grand nombre de trous grillés."
"A l'heure dite, on faisait sortir de ces ouvertures une corde arrêtée
par un bâton en travers. Les patients étaient conduits sur
la terrasse supérieure. On leur passait la corde au cou; ils étaient
aussitôt précipités et pendaient le long de la muraille
où leurs cadavres demeuraient jusqu'à ce qu'ils se détachent
d'eux-mêmes."
L'auteur ajoute
"Souvent la garniture des fenêtres était au complet..."
- En outre de ses cadavres, la sortie d'Azoun comportait encore des amas
des plus nauséabonds, lesquels résultaient de la vie quotidienne.
- Sur la gauche, le long des falaises, étaient accumulés
des amoncellements d'ordures, comme à Bab-el-Oued. La chose était
d'une durée pluriséculaire.
- Ajoutons qu'on trouva, en 1830, près de la porte d'Azoun, un
monticule formé de plus de 400 crânes humains, recouverts
de chaux. Les pluies avaient mis à nu une partie de ces têtes
qui étaient celles d'indigènes, rebelles à l'impôt,
qu'on avait décapités en leurs tribus (Hatin).
Autre physionomie du lieu qu'on se plut à signaler, celle-ci, simplement
originale : sur un point, les abords de la porte d'Azoun présentaient
aux premières années de l'occupation un aspect particulièrement
pittoresque, avec les nombreux animaux de bât et de trait qui s'y
pressaient journellement. Nous reproduisons, à ce sujet, un arrêté
publié en 1835, que l'Administration fit traduire en arabe et afficher
sur les murs d'Alger:
ARRÊTÉ
Nous, Lieutenant Général, Pair de France,
Gouverneur Général des possessions françaises dans
le Nord de l'Afrique,
Vu la délibération du 8 février dernier par laquelle
le Conseil Municipal de la ville d'Alger a voté la perception d'un
droit d'attache sur les bêtes de somme qui stationnent à
l'entrée de la ville, sur les glacis du faubourg Bab-Azoun,
Vu les articles, etc...
Arrêtons ce qui suit :
Art. 1er - A partir du 1 mars prochain, il sera perçu un droit
d'attache sur les bêtes de somme qui stationnent à l'entrée
de la ville, sur les glacis du faubourg Bab-Azoun, ou qui stationnent
sur tout autre emplacement ultérieurement désigné
par le Conseil Municipal. Ce droit est fixé à 10 centimes
par jour, à raison de deux mètres carrés de terrain
occupé par chaque bête de somme.
Les voitures de louage qui font le service des environs de la ville paieront
au prorata du droit sus-mentionné.
Art. 2. - L'intendant civil des Possessions françaises dans le
Nord de l'Afrique est chargé de l'exécution du présent
arrêté.
Alger,
le 23 février 1835.
D. Comte D'ERLON.
Pour
le Gouverneur :
Le Secrétaire du Gouvernement,
VALLET-CHEVIGNY.
- Hors de la porte d'Azoun se trouvaient deux casernes de cavalerie, des
tanneries, voisines des fossés, des fabriques de pipes, des ateliers
de maréchaux-ferrants, des boutiques de marchands de fruits, de
légumes, de viande, des magasins de poterie et surtout des installations
de vanniers occupant une butte qui s'élevait sur l'emplacement
du square d'aujourd'hui.
C'était près de cet endroit que l'on procédait aux
exécutions capitales. La justice française faisait, au préalable,
exposer là, les criminels.
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