Quelques Événements
Bombardement de Lord Exmouth en 1816
Extrait du Mémoire de M Deval, consul, sur les bombardements subis
par Alger (depuis 1681) ( Renseignements
demandés par le Ministre, en mai 1827, et fournis par le consul,
à bord de la Provence, vaisseau sur lequel celui-ci, parti d'Alger
sur la Torche, le 11 juin 1827, avait reçu l'ordre de se rendre.)
Après avoir cité
les bombardements français de 1683, par Duquesne, de 1688 par d'Estrées,
les bombardements espagnols de 1783 et 1784 par Barcelo, le Consul relate
les bombardements anglais de 1816 et 1824.
Les bombardements de Duquesne et de d'Estrées sous Louis XIV étant
suffisamment connus, nous nous en tiendrons à la relation du bombardement
de 1816, avec courte mention de celui de 1824.
" ...En 1816, Lord Exmouth se présenta en rade avec 6 vaisseaux,
4 frégates et 2 bricks, pour demander au nom de sept grandes nations
de l'Europe, l'abolition de l'esclavage des Européens à
laquelle le dey se refusa obstinément. A la suite de vives discussions,
une rupture fut décidée.
Le Consul général britannique et sa famille furent arrêtés
et maltraités. Deux capitaines de vaisseaux qui se trouvèrent
à terre furent blessés grièvement, pour s'être
mis en défense, et arrêtés aussi."
"Il fut expédié l'ordre immédiat, à Bône
et à Oran, d'y arrêter de même tous les Anglais et
protégés Anglais. Mais Lord Exmouth crut devoir dissimuler
cet affront et ramena l'affaire à une sorte de conciliation. Il
convint avec le Dey que la question de l'abolition de l'esclavage serait
remise à la décision de la Porte Ottomane. A cet effet,
une frégate anglaise fut expédiée à Constantinople,
conduisant un officier du Gouvernement d'Alger chargé de cette
commission."
"Cependant, un grand mécontentement se manifesta à
bord de la division anglaise et, à son arrivée à
Gibraltar, l'opinion publique parut très défavorable à
Lord Exmouth. Les capitaines de vaisseaux qui avaient été
insultés et maltraités à Alger
étaient singulièrement irrités
et l'esprit des équipages fut exaspéré. Mais déjà,
avant l'arrivée à Londres, le bruit des mauvais traitements
qu'on avait fait essuyer aux agents anglais à Bône et à
Oran, et celui du massacre des pêcheurs de corail, ajoutèrent
une telle masse de griefs contre Alger, que la médiation de la
Porte Ottomane pour l'abolition de l'esclavage, consentie par Lord Exmouth,
fut rejetée par le Cabinet, et une seconde expédition plus
formidable de forces maritimes contre Alger fut décidée.
Une corvette anglaise, expédiée de Londres pour en donner
avis au Consul général britannique, arriva à Alger,
le 7 août. Le Consul général retarda de quelques jours
ses dispositions. Dans l'intervalle, des avis successifs reçus
par le commerce, éveillèrent les soupçons des Algériens.
Le Consul général réussit à faire évader
sa femme et sa fille déguisées en gardes-marines, mais lui-même
fut surveillé de trop près pour pouvoir se retirer."
Deux canots de la corvette envoyés successivement à terre
sous divers prétextes, furent arrêtés. Quatre officiers
et 14 matelots furent jetés dans les prisons. La corvette fut obligée
de les abandonner pour aller à la rencontre de l'escadre anglaise.
Le Consul général, destiné à périr,
fut jeté dans le cachot des malfaiteurs, chargé de grosses
chaînes, sans pain ni eau. Il ne dut sa subsistance qu'à
un de ces malheureux qui partagea avec lui, un peu de pain et d'eau.
Le 27 août, parut devant Alger l'escadre anglaise composée
de : 2 vaisseaux à trois ponts, 3 vaisseaux de 74 à 80,
1 frégate de 60, 6 frégates de 44, 5 corvettes, 5 bombardes,
plus 5 frégates et une corvette hollandaises ( Commandées
par le vice-amiral Van der Copallen.) (28 bâtiments de
guerre), avec 4 cutters et 5 avisos, en tout 37 voiles."
Une frégate fut détachée avec pavillon parlementaire;
elle expédia un canot à terre sous ce pavillon. L'officier
qui le montait, était porteur d'une lettre de Lord Exmouth au Dey,
par laquelle il l'informait que le Cabinet de Londres n'avait point ratifié
la convention de renvoyer à la médiation de la Porte Ottomane,
la question de l'abolition de l'esclavage à Alger, que d'ailleurs,
on n'avait pas tardé à être informé à
Londres, que les Anglais à Bône et à Oran, avaient
été maltraités, que deux navires anglais avaient
été pillés à Oran, et qu'une partie des corailleurs
à Bône, jouissant de la protection anglaise, avaient été
massacrés; qu'en conséquence le Cabinet de Londres avait
décidé que le Dey d'Alger reconnût immédiatement
l'abolition de l'esclavage des Européens et qu'il fût fait
réparation aux sujets et protéges Anglais.
Le Dey renvoya avec mépris la lettre de Lord Exmouth et fit dire
qu'il n'avait aucune réponse à donner.
Alors l'amiral anglais qui avait eu le temps de mouiller jusqu'à
l'embouchure du port et d'assigner à tous ses vaisseaux le poste
qu'il leur destinait, fit signal aux bombardes de s'approcher.
Les Algériens eussent pu faire beaucoup de mal aux Anglais avant
qu'ils se fussent embossés, mais le Ministre de la Marine s'opposa
à ce que l'on fisse feu avant d'en avoir obtenu l'ordre du Dey
qui annonça son arrivée prochaine au bord de la mer. Ce
ne fut qu'alors, que les forts d'Alger commencèrent à tirer.
Les vaisseaux déjà en place, firent un feu si vif que les
batteries supérieures de la Marine furent démontées
et d'autant plus facilement, que le vaisseau amiral monté par Lord
Exmouth, était posté à l'embouchure intérieure
du port et les prenait à revers.
A cette époque, une batterie de 40 pièces de canons de gros
calibre qui domine cette position et qui depuis, a été établie,
n'existait pas, mais les batteries inférieures qui sont casematées
et ont une épaisseur de mur considérable, tinrent bon et
continuèrent un feu bien nourri; aussi firent-elles beaucoup de
mal aux Anglais pendant dix heures consécutives que dura le combat,
c'est-à-dire, depuis 1h. 1/2 après-midi, jusqu'à
11h 1/2.
L'intérieur du port étant foudroyé par l'artillerie
de l'Amiral, fut bientôt abandonné. On y envoya une embarcation
qui attacha une chemise soufrée à la frégate algérienne
mouillée à l'embouchure.Le feu excité par un vent
frais, se communiqua bientôt à toute l'escadre; 5 frégates,
4 corvettes et 30 chaloupes cannonières furent totalement embrasées
dans l'espace de quatre heures. Vers minuit, deux frégates en feu,
poussées par le vent d'Ouest sur l'escadre anglaise, obligèrent
Lord Exmouth de couper ses cables et toute l'escadre anglaise et hollandaise
se retira de l'autre côté de la baie et y mouilla.
Le lendemain 28, le Dey consentit aux conditions qui lui furent imposées
: d'abord, l'abolition absolue de l'esclavage des chrétiens à
Alger, puis la délivrance des esclaves de toutes les nations européennes
existant dans le gouvernement, et sans rançon. Celle qui avait
été perçue deux mois mois auparavant, en 370 mille
piastres fortes pour 370 esclaves napolitains, fut de même restituée.
Le nombre des esclaves fut évalué à environ 1.000,
par conséquent, ce fut 1 million de piastres fortes qui fut perdu
pour le trésor de la Régence.
Lord Exmouth fit savoir au Dey combien il devait lui être reconnaissant
de n'avoir pas exigé de lui, le remboursement des frais de cette
expédition évalués à 500 mille livres sterling.
Les Pays-Bas, dont les forces s'étaient unies aux Anglais, participèrent
au bénéfice de cette action mémorable et obtinrent
la paix avec Alger et la jouissance des traités anglais.
Les Anglais avouèrent 885 hommes morts à bord de l'escadre
combinée, sans compter un grand nombre de blessés et, quoiqu'on
suppose les pertes des Algériens plus considérables, il
paraît, d'après les recensements ultérieurs, qu'ils
n'en perdirent pas davantage, nombre qu'ils n'avouent pas toutefois.
Le vaisseau contre-amiral à trois ponts, un vaisseau de 74, et
la frégate de 50 furent gravement endommagés, le 74 surtout,
fut abîmé; une frégate anglaise et une hollandaise
furent très maltraitées et perdirent beaucoup de monde.
Le séjour assez long de Lord Exmouth à
Alger pour y être venu trois fois dans la même année,
pour diverses négociations, lui avait donné connaissance
de la possibilité de mouiller avec son vaisseau à l'entrée
du port, presque à toucher les maisons de la ville dont cette partie
n'était pas fortifiée - de manière à foudroyer
l'intérieur du port et à prendre à revers toutes
les batteries supérieures des forts de la Marine dont les canonniers
furent aussitôt mitraillés et exterminés.
La ville ne put être incendiée ni par une grande quantité
de fusées à la congrève ni par d'autres matières
enflammables, les maisons construites toutes en pierres et en briques
ne donnant prise au feu, mais les bombes firent de grands dégâts,
quoiqu'un grand nombre dépassât la ville et tomba dans la
campagne; néanmoins on pense que si le Dey eût tenu bon,
l'escadre anglaise n'était pas en état de recommencer l'attaque
' le lendemain, non seulement par le manque de poudre, mais aussi par
ses pertes considérables et le délabrement de presque tous
les vaisseaux.
La Régence d'Alger fut certainement affectée des pertes
et dommages qu'elle essuya, surtout de celle de son escadre, mais elle
fut loin de se décourager, ses fortifications toutes déchiquetées
sont restées entières, et aucune n'a croulé, le ciment
qui les lie paraît indestructible. "
Le Dey Omar, en moins d'un an, répara en effet les dommages et
pourvut Alger d'une nouvelle flotte. L'accès de Lord Exmouth jusqu'à
l'entrée de la darse, inspira la construction d'un fort qui fut
dénommé : bordj Lord Exmouth, fort dont subsiste une partie,
dans le sous-sol de la place du Gouvernement.
L'expédition de Lord Exmouth, bien que n'ayant pas abouti dans
la suite, aux résultats espérés, eut néanmoins
un grand retentissement en Angleterre.
En récompense, l'Amiral reçut le titre de Vicomte. En outre,
les emblêmes de son blason furent augmentés. Celui-ci comprit
entre autres sujets : un vaisseau mouillé devant le môle
d'Alger - un esclave tenant haut, la croix, et laissant tomber ses fers.
Le nom d'Alger fut ajouté à la devise.
L'Amiral reçut aussi, des officiers de son escadre, une pièce
d'artillerie, d'une valeur de 35.000 francs, représentant dans
tous ses détails, le môle et ses fortifications.
Il reçut encore, des rois de Hollande, d'Espagne, de Sardaigne,
des ordres de chevalerie; du prince Régent, une médaille
commémorative; du Lord Maire, un sabre enrichi de diamants; des
cités de Londres et d'Oxford, le droit de bourgeoisie.
(Ces derniers renseignements, extraits de Playfair).
Ainsi qu'il a été rappelé au début de l'article,
Deval citant les bombardements historiques subis par Alger, fit, mention
de celui de 1824 par Sir Henry Néal. Précisons que l'expédition
fut motivée par le refus du Dey, de recevoir le nouveau consul,
Mac-Donnell. Indiquons encore que la flotte anglaise comprenait 23 voiles
: 1 vaisseau, 5 frégates, 9 corvettes-bombardes, 1 gabarre, 2 bricks,
1 goélette, 4 cutters et en outre un bateau à vapeur que
commandait Sir Henry Néal, et qui au cours de la lutte, perdit
sa cheminée.
Au siècle précédent, en 1775, l'Espagne avait envoyé
contre Alger, une expédition où figurèrent 344 navires
de transport avec 21.500 hommes et 1000 cavaliers, sous le commandement
du Général O'Reilly - ainsi que six vaisseaux de haut bord,
14 frégates, 7 galiottes, 4 chebeks, 4 bombardes, 4 ourques, 2
paquebots (petits bâtiments pour transmission des ordres), au total
41 bâtiments de guerre. Cette force navale, gouvernée par
don Castejo, arriva le 30 juin. Mais un combat malheureux à l'ouest
de l'Harrach, obligea cette armée à se rembarquer.
Prise du Fort
l 'Empereur ( Pour détails
sur le fort, voir: "Les Villas - Djenan Yussuf Khodja" , et
"Batteries Extérieures - Fort-l'Empereur".)
L'armée du Général de Bourmont, débarquée
à Sidi-Ferruch, le 14 juin, victorieuse le 19, à Staouéli,
avait, en livrant divers combats, poursuivi sa marche dans la direction
d'Alger.
Les troupes avancées le 29, vers le Fort l'Empereur, constituaient
trois corps que commandaient respectivement les généraux
Berthezéne, Loverdo et d'Escars.
Pendant la nuit du 29 au 30 juin, le Général du Génie,
Valazé, fit tracer les premiers ouvrages de siège, qu'il
poussa jusqu'à 250 mètres de la citadelle.
Malgré leurs fatigues, les soldats, avec une activité fébrile,
travaillèrent aux tranchées pendant quatre jours et cinq
nuits. Les Turcs tentèrent à plusieurs reprises de troubler
cette oeuvre en se glissant parmi les buissons et le long des haies de
cactus et d'aloès, jusqu'au pied même des talus d'où
ils fusillaient les sapeurs. Malgré ces vives attaques, les batteries
s'élevèrent promptement. Elles étaient armées
de vingt-six bouches à feu, comprenant six pièces de 16,
dix de 24, quatre mortiers de 10 et six obusiers de 8.
On les dénomma batteries Saint-Louis, Henri IV, du Roi, Duquesne,
du Duc de Bordeaux.
Sur leur emplacement s'élèvent aujourd'hui de gracieuses
villas, que longe la sinueuse route d'El-Biar.
De son côté, l'amiral Duperré, afin de créer
une diversion, avait ordonné à la flotte une fausse attaque
sur les défenses du front de mer ( On
avait cru en France, que l'attaque d'Alger se ferait directement par mer,
comme cela eut lieu si souvent dans le passé. Dans cette illusion
l'imagerie populaire représenta prêtes à débarquer,
les troupes françaises réunies sur le pont des navires bombardant
la ville. Dans la même illusion, un Marseillais émit l'idée
de transformer en hôtel flottant, un bâtiment qui eût
été offert au prix de 13 francs par jour, et devant avoir,
canons, télégraphe, journal hebdomadaire. Il se serait tenu
à une lieue de la ville pour permettre de voir le débarquement.
On parla de la chose à Paris (Moniteur du 4 avril 1830).).
Le 4 juillet, avant le jour, toutes les batteries de siège furent
prêtes. Le général d'artillerie, de la Hitte et le
colonel d'Esclaibes, son chef d'Etat-Major, n'avaient point quitté
leurs batteries de toute la nuit.
A 3 heures 30, une fusée-signal s'éleva
dans le ciel étoilé. Les batteries à l'instant, tonnèrent
toutes à la fois, dessinant dans l'obscurité un immense
cercle de flammes. Ce fut un fracas épouvantable.
Au premier coup de canon, M. de Bourmont s'était transporté
sur la droite des batteries; la terrasse du Consulat d'Espagne (propriété
Chekiken) lui servit d'observatoire. Hussein et sa cour s'étaient
en même temps installés sur le haut de la Casbah. L'armée
française, échelonnée jusqu'aux crêtes de la
Bouzaréah et la population d'El-Djezaïr, accourue
aux remparts, suivaient avec l'attention la plus vive, les péripéties
de l'action.
La nuit était belle, rafraîchie par une légère
brise d'Est. Dans les ravins, rampaient des traînées de brumes.
Le fort lui-même, ouaté de brouillard, était dominé
d'un immense nuage de fumée où l'éclat des bombes
mettait ses rutilements.
A l'entour, de tous les points du cercle de l'artillerie française,
partaient des éclairs suivis de détonations assourdissantes;
des paraboles fulgurantes marquaient dans l'espace le passage des projectiles
lancés de mortiers.
Le Fort-l'Empereur, au front duquel ses batteries en activité faisaient
resplendir une couronne de feu, donnait une magistrale riposte qu'appuyaient
d'un concours énergique les Tagarins
et la Casbah.
Le jour se leva. Avec lui, les artilleurs du général de
La Hitte pouvaient espérer rendre leur tir plus précis,
mais les nuées dont s'enveloppait le fort persistaient malgré
le soleil. Enfin, vers six heures, elles commencèrent à
se dissiper. Les coups portèrent alors avec une justesse impressionnante.
Incessamment battu de boulets, le parapet tombait en ruines en maints
endroits, laissant à nu les batteries. Les défenseurs aussitôt
amoncelaient là, d'énormes balles de laine qui, s'effondrant
à leur tour peu après et s'embrasant, emplissaient l'air
d'une insupportable odeur. A tout instant les pièces étaient
démontées et les Canonniers ne suffisaient plus pour les
replacer sur leurs affûts. On voyait, sous le feu de la batterie
Saint-Louis, des files entières de Turcs fauchées, mais
d'autres, à la même minute, venaient prendre leur place.
Insensiblement, le fort se tut. Ses parapets devenus déserts, étaient
néanmoins ravagés par les boulets et par les bombes. La
face de la forteresse alors, se découpa, se fendit, se brisa par
portions. Elle sembla prête à crouler.
Deux mille hommes qu'aucun mur ne protégeait plus, se trouvaient
entassés en cette enceinte infernale où il n'y avait raisonnablement
place que pour six cents.
Les projectiles français causaient en leur groupe compact d'effroyables
ravages.
En cette détresse, chacun à l'arrivée d'une bombe,
s'efforçait de rejeter celle-ci à quelque distance, accomplissant
ainsi, froidement, un acte de téméraire bravoure que les
circonstances faisaient regarder de tous, comme la chose la plus naturelle
du monde.
Sous cette pluie de fer, le commandant fut renversé trois fois.
Quelques Maures révoltés essayèrent d'évacuer
le fort; mais les Turcs, sur le champ, firent voler leurs têtes
sous le yatagan.
Enfin, le chef de la forteresse, comprenant que toute résistance
devenait inutile, se décida à ordonner la retraite.
Les portes furent ouvertes; les Maures sortirent les premiers, chargés
des cadavres et des blessés. Les Turcs formèrent l'arrière-garde.
Ils se retirèrent en bon ordre, gardant sur leurs mâles visages,
un air de superbe fierté. Mais à peine la garnison parut-elle
devant la Casbah, que le Dey furieux, la fit impitoyablement mitrailler.
Après l'évacuation du fort, on vit un seul homme - un nègre
passer et repasser devant les embrassures détruites, puis disparaître
après avoir enlevé à deux angles de la citadelle,
deux drapeaux rouges qui y avaient flotté durant le bombardement.
Soudain, une explosion épouvantable se produisit. La terre trembla.
Il sembla, dit le capitaine Barchou, qu'un volcan venait de s'ouvrir au
sein du château. Une éruption de flammes, de fumée,
de pierres, de membres humains, de débris de toutes sortes monta
dans les airs : c'était la poudrière du Fort-l'Empereur
qui venait de sauter. Le spectacle était terrifiant. Longtemps,
l'atmosphère demeura obscurcie par d'innombrables flocons de laine
provenant des ballots dont les Turcs avaient matelassé leurs brèches.
La commotion fut si vive, que tous les Consulats, toutes les villas des
alentours, eurent leurs vitres brisées. De tous côtés
une pluie de sable se répandit. Des canons de gros calibre furent
lancés à d'énormes distances et des lambeaux sanglants
se retrouvèrent sur les terrasses et dans les rues d'Alger (Christian).
L'armée française demeura un instant interdite, mais bientôt,
à la voix de ses chefs, une compagnie de grenadiers s'élança
à travers les décombres; les autres troupes suivirent, et
quelques secondes après, le drapeau français flottait sur
les ruines de Sultan-Kala' Si ( Désignation
turque de la forteresse.), où le général
de Bourmont allait recevoir les premières propositions de paix.
Ce fut dans la villa d'El-Biar, Djenan Raïs Hamidou, que fut déposée
l'aceptation de la paix dont les clauses avaient été arrêtées
auprès du Fort par le Général en Chef.
Il est vraiment regrettable qu'on n'ait pas songé à conserver
le bureau-secrétaire sur lequel la capitulation d'Alger fut ratifiée.
Ce meuble, rapporte Aumerat, fut acquis par le Consul d'Angleterre Robert
Saint-John qui, en 1842, le vendit au Supérieur de la Trappe, Dom
Francois Régis, lequel l'emporta en Italie.
A l'entrée du fort, se trouve une inscription arabe disant :
" Louange à Dieu seul. Salut et bénédiction
sur son apôtre. Il (Dieu) a restauré par nos soins, cette
forteresse bénie et solide. - Ibrahim Pacha Ramdan, par la force
du Tout-Puissant, l'Evident - Dieu - a placé sa demeure sur la
plus haute des élévations d'Alger. - 1156 (de l'hégire)
du Seigneur des Musulmans."
Devant l'entrée, fut érigée en 1912, le monument
à l'Armée d'Afrique qu'avoisinèrent dans la suite,
un soldat de la Conquête en pierre et un lion de bronze.
A la demande du Comité du Vieil Alger, le fort fut classé
en 1930.
Indications complémentaires
Deux drapeaux turcs, a-t-il été dit, furent
enlevés par un nègre avant l'explosion. Mentionnons qu'un
troisième était demeuré. Ce dernier fut à
l'arrivée française, arraché par le sergent Rochoux,
que, le 8 septembre, le général Clauzel proposa pour la
Légion d'honneur.
A mentionner d'autre part, qu'entré des premiers, le soldat Lombard,
voulant signaler la prise de la forteresse aux troupes retenues au loin,
arbora sur son sommet, sa chemise qui en l'occasion, constitua une gaie
improvisation du blanc drapeau royal !
L'emblème qui flotta sur Bordj-Sultan, comme d'ailleurs sur les
autres forts, était un drapeau rouge marqué d'un croissant
blanc.
Ce drapeau n'était pas le seul toutefois, que possédassent
les Algériens. Il en existait un autre de couleur verte, dont le
champ était semé d'étoiles, de croissants et de lunes
(Plantet).
La forme adoptée ne fut pas toujours la même en tous temps.
Rappelons que Regnard mentionne un " étendard de Barbarie,
coupé en flamme, au croissant descendant " qu'arbora le
navire par lequel il fut pris en 1678.
* *
Autres indications
Les archives du Ministère de la Marine font connaître
(album de 1782), qu'Alger eut sur certains navires, un pavillon rouge
à tête de Maure enturbannée de blanc, et un autre
à 5 bandes horizontales : bleu, rouge, verte, rouge, bleue.
Postérieurement, l'ouvrage "Pavillons des puissances maritimes
en 1819" indique le pavillon rouge uni - ce que confirment les dépêches
de la Division du Levant, entre 1820 et 1830, pour les divisions barbaresques
de la flotte ottomane.
Cependant, le pavillon le plus couramment employé par les Corsaires,
fut rouge, à un ou plusieurs croissants blancs, ayant la convexité
tournée du côté de la drisse.
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