les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Jardin du Dey
Hôpital militaire -
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Dar-el-Baroud (Salpêtrière)
sur site le 10 -5-2009

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Jardin du Dey
Hôpital militaire

( Les premiers établissements de cette catégorie furent d'abord sous des tentes, en des villas, des mosquées, des casernes, des forts. Les pharmacies furent à la caserne Kherratine, à la mosquée Ali Bitchnin, en d'autres mosquées.)
Dar-el-Baroud (Salpêtrière)

La ravissante campagne de ce nom, et une partie des bâtiments qui y furent élevés, ont été créés par Baba-Hassen, dont le règne dura de 1791 à 1799 (Hassan-Pacha).

Sous le pachalik de Mustapha, elle passa aux mains des héritiers de l'ancien souverain.

Le Dey Ahmed, en 1805, confisqua la propriété qui demeura bien du Beylik jusqu'en 1830, époque à laquelle l'Administration des Domaines en prit elle-même possession.

Le 8 mars 1831, la campagne fut louée au prix annuel de 3.000 francs, avec bail pour trois, six et neuf ans, à MM. Crevelli et Saint Hippolyte, officiers d'État-Major. Une clause du contrat imposait aux locataires la fourniture quotidienne au Général en chef, qui était alors le Général Berthezène, des légumes et des fruits nécessaires à la table de celui-ci.

Séduit par le charme du jardin du Dey (on l'a vu précédemment), le Général Rovigo eut l'idée d'y établir sa résidence d'été et fit connaître bientôt son intention d'occuper l'un des pavillons du milieu.

Les deux officiers, que la perspective du partage de ce domaine contrariait, offrirent alors, le 10 février 1832, de résilier leur bail, demandant en compensation des dépenses qu'ils avaient faites là, la somme de 5.000 francs. L'État acquiesça à cette proposition.

Un inventaire des plus détaillés de cette propriété fut dressé au moment de la résiliation.

Il apprend que le jardin fruitier comprenait : 161 orangers, 81 citronniers, 167 figuiers, 20 abricotiers, 190 poiriers, 5 amandiers, 10 cerisiers, 3 caroubiers, 77 grenadiers, 2 pêchers, 14 oliviers, 6 cognassiers, 21 pruniers, 6 merisiers, enfin 12 arbres inconnus.

Il fait connaître encore qu'il s'y trouvait 819 pieds de vigne en treille, couvrant une surface de 18.960 mètres carrés. Les pampres étaient soutenus par des centaines de piliers en maçonnerie.

Bolle dit, à ce sujet : " De la voûte d'entrée près de laquelle se trouvaient les écuries, allait, jusqu'au palais, un superbe berceau de vignes sur double rangée de colonnes formant un délicieux abri d'ombre et de fraicheur. La Casbah, observe-t-il, était, elle aussi, parée de treilles luxuriantes dont les troncs centenaires servirent malheureusement, en 1830, à chauffer la marmite du soldat


D'autres détails, à ce propos, s'évoquent :

Des treilles non moins remarquables se voyaient dans la plupart des villas de la banlieue. En outre, des vignes plantées par les premiers Maures venus d'Espagne, ajoutaient un peu partout, au charme du décor champêtre, s'élevant jusqu'au sommet des arbres et s'enlaçant de là, à ceux du voisinage. A ces Maures d'Espagne, Blidah dut ses jardins; Bône, ses plantations; Coléah, sa soie; Mostaganem, son coton et Alger, ses eaux.

Mais poursuivons l'inventaire. Nous voyons à sa lecture, que le jardin potager fut trouvé dans le plus mauvais état de culture et que des cours d'eau, abandonnés à eux- mêmes, inondaient la propriété dans tous les sens.

L'état descriptif de ce jardin énumère ensuite très minutieusement les différentes sortes de légumes qui étaient cultivés en ce lieu et qui occupaient "une superficie de 29.973 mètres carrés".

Cependant, mû par un sentiment d'humanité, - ainsi qu'il a été rappelé - le duc de Rovigo abandonna son projet de villégiature en cet endroit et se proposa de faire attribuer ce domaine à l'armée pour ses malades.

Souscrivant à ce voeu, M. Pichon, conseiller d'Etat et intendant civil de la Régence, autorisa M. Girardin, directeur des Domaines, à céder le Jardin du Dey au Corps d'occupation.

L'acte de donation stipula de façon formelle, que si cette campagne et ses dépendances étaient affectées à un service autre que celui d'un Hôpital militaire, l'Administration des Domaines rentrerait dans ses premiers droits.

Quinze cents malades purent être installés dans le nouvel établissement ainsi créé, lequel devint dans la suite l'un des plus beaux de cette catégorie que possédât la France.

La jolie villa du centre, où, comme par le passé, chantaient des jets d'eau parmi les fleurs et les marbres, fut réservée aux officiers en traitement et au Médecin-Major, Directeur.

Lorsqu'en 1835, l'État dégageant du séquestre le Palais d'Hiver, paya la location de cet immeuble aux héritiers de Baba-Hassen ( La princesse N'fiça et le prince El-Hadj Omar, enfants d'Hussein, gendre de Baba-Hassen.), qui étaient revenus à Alger, l'année précédente, ceux-ci demandèrent qu'il fût procédé de même en leur faveur pour le Jardin du Dey. Peu après, le 18 juillet 1835, sans attendre la décision de l'Etat, ces héritiers louèrent, pour 1.000 boudjous (1.800 francs), cette campagne à un sieur Gantois qui lui-même, transmit ses droits à un sieur Caussidon. Celui-ci, en 1839, demanda à l'État la restitution de ce domaine et le paiement de son loyer depuis 1835. L'État répondit par un refus catégorique. Un procès fut engagé alors, qui dura fort longtemps.

Le 24 juillet 1848, le Conseil d'État appelé à statuer sur cette affaire, rejeta la demande du sieur Caussidon, établissant que cette campagne ne pouvait être vendue, attendu qu'elle faisait partie des biens du Beylik et qu'elle n'aurait pu l'être, non plus, comme propriété privée, car les arrêtés de septembre 1830 et de juin 1831, relatifs au séquestre des immeubles des émigrés, l'eussent rendue inaliénable.

A son tour, en octobre 1845, le caïd Ismaël-Agha, époux et mandataire de la princesse N'fiça, avait adressé au Gouvernement une requête dans le même sens, qui éprouva le même échec.

L'État, au cours de ce procès, fit procéder à une enquête minutieuse tendant à confirmer ses droits sur cette propriété.

On avait déclaré que Baba-Hassen, ayant constitué en habous une partie de ce bien, la confiscation d'Ahmed était de ce fait, illégale. Mais il fut objecté que cette mesure eut des précédents : d'autres immeubles, en effet, tels ceux de l'Intendance, du Consulat d'Angleterre (devenu le Conseil Général), avaient été séquestrés par les Deys, quoique habousés. On affirma en outre que les héritiers touchaient une rente pour cette campagne que leur servaient les Deys. A quoi il fut répondu que si cette rente avait été servie, elle ne représentait pas un loyer, mais bien une charité, faite à ces héritiers.

Le Tribunal, le Midjelès ( Invités à donner leur avis sur cette affaire, les juges du Midjelès déclarèrent que le Dey Ahmed n'avait nullement le droit de confisquer un bien habousé. Priés de reproduire par écrit cette réponse, les juges s'y refusèrent.) fut invité, à ce propos, le 10 juillet 1835, à interroger certains personnages qu'on savait posséder des renseignements sur la question. Trois seulement furent entendus, les juges estimant qu'il serait superflu de convoquer les autres.

Le Sid Mohammed, Khasnadji de la Régence, déclara que le Jardin du Dey avait toujours été la propriété du Beylik.

Le Sid Mustapha, Saïdji du Palais (payeur), affirma que, durant son ministère, il ne servit jamais de rentes aux héritiers.

Mâalem Ahmed, amin des maçons, fit connaître que le grand bâtiment du jardin fut édifié, en 1820, par le Dey Hussein; que les écuries situées à gauche de l'entrée, furent construites par le dernier Khasnadji, Braham, "avec l'argent, les matériaux et les mules du Beylik" (sic) que celui-ci fit également creuser le puits "voisin du pavillon du Général Berthezène", établir les *différentes conduites d'irrigation et installer un jet d'eau à bassin de marbre, qu'il prit au jardin Bakri, contigu à la campagne du Dey.

L'amin déclara enfin, qu'une partie des fruits, des légumes et des fleurs, était portée chez le Dey. Le reste était vendu au profit du Trésor. La campagne appartenait donc bien au Beylik. Le premier jardinier de la propriété qu'on interrogea, d'autre part, fit savoir qu'avant l'arrivée de Lord Exmouth (1816), le jardin était cultivé par des esclaves chrétiens que nourrissait l'État, et qu'il le fut, après, par des ouvriers maures, rétribués sur la caisse publique.

Il déclara aussi que le grand mur de clôture était l'oeuvre du Dey Hussein et qu'une partie des moutons élevés dans cette enceinte (il y en avait 500) était réservée à celui-ci et à sa suite.

Il dit encore que, de 1820 à 1830, la propriété fut administrée par les Khodjetel-Kheil qui étaient les administrateurs des domaines ruraux du Beylik.

On apprit, en outre, que les gens du Hamma et de Bouzaréah étaient chaque année réquisitionnés officiellement pour le service de la récolte du domaine extérieur à l'enclos.

Ces divers témoignages, qui établissaient que le Jardin du Dey, était bien une pro- priété du Beylik en 1830, confirmèrent définitivement les droits de l'État sur ce domaine.

Cependant, le nouvel hôpital qu'on installa bientôt là, n'occupa tout d'abord qu'une partie de la propriété dont la superficie était de huit hectares.

Le jardin potager mentionné plus haut fut loué jusqu'en 1840, à un sieur Carrel, pour la somme de 3.010 francs. Un rapport nous apprend que la valeur des diverses cultures de ce jardin était à cette époque, de 17.403 francs 85.
Une portion du domaine, extérieure au mur d'enceinte, fut louée aussi en mai 1834 à un sieur Wittersheim, pour la somme de 2.550 francs.

En 1837, dans la partie Ouest, qui était employée à la culture de la cochenille, vingt ares furent mis à la disposition du Service de Santé pour la création d'un Jardin Botanique. Ce jardin, agrandi dans la suite, acquit en 1848 une surface de deux hectares. Il fut affermé, à cette époque, pour la somme de 1.000 francs par an, à un particulier qui, en même temps, loua pour 1.500 francs deux hectares de jardin dépendant de la Salpêtrière.

Au mois de février de l'année 1857, la dame Goussem, chargée des intérêts de la princesse N'fiça, fille d'Hussein, obtint du Gouverneur que des fouilles fussent effectuées dans l'ancien jardin du Dey. Ces fouilles demeurèrent infructueuses.

Le Jardin du Dey n'était pas habité par Hussein en 1830. Il était, à cette époque, loué au Ministre des Finances. La maison étant trop vaste pour être occupée en entier, plusieurs chambres du corps de logis avaient été transformées en magasins de laines; d'autres pièces avaient reçu un dépôt considérable de couscous, de blé et d'orge. Dans les chambres voisines des cuisines, on retrouva de grandes jarres remplies d'huile d'olive et de beurre fondu, des pots pleins de viande de mouton, cuite et conservée dans de la graisse.

Le Jardin du Dey, qui comprenait deux grands bâtiments à l'entrée et deux pavillons, fut habité au début de la conquête par le Général Berthezène et par le Général Clauzel ( Le célèbre Baudens, nous l'avons rappelé ailleurs, exerça en cet hôpital. En 1917, le nom du préconisateur de la quininè contre les fièvres, Maillot, fut donné à cet établissement. En 1934, une plaque de marbre commémora, dans les jardins, les membres du service sanitaire, morts victimes de leur dévouement.).

Un seul pavillon (celui des officiers), subsiste aujourd'hui. L'autre, érigé à l'Ouest de celui-ci, disparut en 1850. Bien avant, avaient déjà disparu de remarquables bosquets et vergers. En 1835 était mentionnée comme intacte encore, une superbe orangerie que sillonnaient des allées "pavées de mosaïque".

Cliquer sur l'image.
pavillon des officiers
pavillon des officiers
Coll. B.Venis

Le beau pavillon des officiers se signale par de magnifiques salles voûtées que soutiennent des colonnes de marbre groupées par deux ou par trois, ce qui est assez rare - par des salons parés de fresques de Raynaud, de Cauvy - d'un tableau également, de Taïb, reproduisant Larrey devant Lannes blessé à mort - par des couloirs plaqués de faïences, de bandeaux d'émail où l'épigraphie musulmane dit par exemple : "La précipitation donne des regrets" - "La patience est le salut" - par des cours dans la verdure desquelles chantent des jets d'eau et dont l'une s'originalise de piliers étonnamment trapus.

L'hôpital fut visité, en 1842, par Larrey; en 1846, par le Ministre Salvandy; en 1865, par Napoléon III; en 1900, par le Général André, Ministre de la Guerre; en 1922, par Mme Millerand; en 1925, par les Ministres Borel et Antériou.

Comme il a été dit aux articles : Casernes et Mosquées occupées, Alger eut également au début un hôpital civil.

L'hôpital civil fut, en 1832, rue des Consuls, en l'ancienne mosquée El-Kechach, devenue école des Beaux-Arts. En 1838, rue Bab-Azoun, en la caserne turque Kherratine.

Le dirigea le docteur Bauwen*, ancien médecin du Consulat d'Angleterre, membre du collège royal d'Edimbourg et de Londres, nommé le 30 mars 1832. Ses appointements lurent de 3.000 francs. L'une de ses filles épousa le Consul de Suède Schultz. En 1852, l'hôpital fut à Mustapha-Inférieur où il est encore.
*note du site: ainsi écrit dans l'édition

Les Turcs avaient, rue de l'Aigle, un asile primitif pour les soldats devenus impotents. Un Allemand, étudiant en médecine, Pfeiffer, organisa en 1830 un hôpital pour les blessés ramenés de Staouêli. A cela se réduisit le Service sanitaire turc. Pour le passé, cependant, est à mentionner l'hôpital militaire que fit construire, en 1550, le Pacha Hassan.

Dar-el-Baroud (Salpêtrière)

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Dar-el-Baroud (Salpêtrière)
Dar-el-Baroud (Salpêtrière)
Coll. B.Venis

Au Jardin du Dey ont été annexés les bâtiments voisins de la Salpêtrière qui datent du commencement du XIXème siècle et que termina en 1815 M. Schultz ( Ancien officier du Génie.), précité, Consul de Suède à Alger. Un hôpital pour 700 malades y fut créé.

Ces bâtiments, desquels dépendaient un grand jardin et un champ de quatre hectares, comprenaient une villa et une construction appelée Dar-el-Baroud ( Une inscription qui se trouvait autrefois à Dar-el-Baroud figure aujourd'hui à l'entrée de la caserne de la Casbah. titre pour la traduction).), la maison de la poudre (d'où le nom de Salpêtrière).

Cette partie a été transformée en caserne pour les infirmiers de l'hôpital.

Auprès de la Salpêtrière se trouvait le Marabout de Sidi-Yacoub ( Le quartier de Sidi-Yacoub était appelé : Fas-el-Djenaïn (Banlieue des Jardins).), dont la dotation se composait "d'une boutique, d'un jardin potager et d'un champ".

Cet édifice religieux fut occupé par la troupe dès la Conquête. En face de ce marabout, sur le bord de la mer, se trouvait une petite mosquée que fit construire Ahmed-Pacha, à la fin du XVIIème siècle. Elle fut démolie au début de l'occupation.

Gener et Bayot.- Entrée de la darse et Porte de France
Gener et Bayot.- Entrée de la darse et Porte de France
(entre pages 224 et 225)