ESSOR DE L'ALGÉRIE - 1947
essor du sud algerien
26. - Essor du sud algérien

Général O. MEYNIER
Ancien directeur des Territoires du sud de l'Algérie.

ici, mars 2016

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Vue aérienne de Laghouat

L'essor du sud-algérien dans la période qui s'étend de 1942 à 1946 doit être appréciée dans le cadre de la mission que les Territoires du Sud ont à assumer dans l'économie de l'Algérie et plus généralement de l'Afrique du Nord, et se mesurer à l'importance des résultats qui ont été obtenus à ce sujet, lors des événements capitaux qui ont marqué cette période. La vocation spéciale des territoires sahariens résulte, on le sait, de la géographie humaine de ce pays, de son histoire et de sa position intermédiaire entre l'Afrique du Nord et l'Afrique Noire.

Le Sahara, cette " Terre qui se meurt ", suivant la définition et le mot de l'explorateur Félix Dubois, tire son importance essentielle de son rôle de lieu de transition entre les deux rives du Sahara.

C'est par lui que se sont faites les grandes migrations de peuples (Berbères-Arabes) qui ont porté en pays noir, les premiers germes de civilisation en même temps que les traces d'un sang nouveau. C'est également par lui que s'est fait, pendant longtemps, un commerce assez important dont malheureusement' la principale matière d'échange fut, en dernier lieu, formée par les esclaves... Dans cet affreux désert, subsistaient cependant quelques " îlots de prospérité " (oasis de palmiers, " arrems ", champs de cultures des Touaregs...) qui servaient de reposoirs, pour les caravanes et tous les déplacements d'hommes...

Mais c'est aussi au désert (lorsqu'y régnait l'insécurité) que trouvaient asile des bandes pillardes qui gênaient ou paralysaient les centres d'activité locale et entravaient toute sorte de liaison entre Afrique blanche et Afrique noire. Chose plus grave, cette insécurité apportait troubles et guerres dans les Sociétés humaines installées dans les contrées habitées voisines, à moins qu'elles n'adoptassent de sévères mesures de polices susceptibles d'assurer, avec la sécurité des routes du désert, la tranquillité des états riverains. Ceux-ci pas plus que la France du XIXe siècle, n'étaient maîtres d'avoir ou de n'avoir pas une politique saharienne. Pour leur existence et leur prospérité, ils étaient contraints d'intervenir dans le désert !

Telles furent les considérations qui, en 1902, motivèrent la création des Territoires du Sud, en tant qu'unité administrative et militaire distincte... Au moment où éclata la guerre de 1939, la plupart dès objectifs visés (maintien des " îlots de prospérité ", sécurité, liaison des deux rives du désert...) étaient réalisés dans d'assez bonnes conditions... Est-ce que la guerre allait en compromettre le cours ?

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Le maintien des îlots de prospérité dans le désert (et si possible leur extension) nécessite, en premier lieu, une connaissance scientifique aussi complète que possible du pays... La création, en 1937, de l'Institut de Recherches Sahariennes, rattaché à l'Université d'Alger, avait dès avant la guerre, donné un réel développement à ces études... La guerre ne les a pas interrompues... Succédant aux missions antérieures du Hoggar, en 1928, et aux Ajjeurs (193o-1932) une Mission scientifique a été envoyée au Fezzan (Dirigée par le professeur MAIRE.), aussitôt sa conquête réalisée par les troupes conjuguées du Tchad et des confins Algéro-Tripolitains. Elle a rapporté des documents du plus haut intérêt, sur les pays récemment occupés. Des savants isolés (professeurs Killian et Capot-Rey) ont d'ailleurs poursuivi des études sur le sol et les productions du Sahara algérien.

Il fallait encore conserver dans le Sahara, ces îlots de prospérité préexistants et, si possible, développer leurs ressources...

La Direction des Services agricoles des Territoires du Sud s'est attachée à étendre la superficie des terres cultivées en céréales (passée de 3.000 à 5 .000 ha), à améliorer le rendement des oasis en dattes de qualité, à tirer meilleur parti de certaines cultures industrielles (tabac, henné). L'exploitation de l'alfa (abandonnée durant la guerre) est reprise sur un mode nouveau et promet de donner lieu à une industrie locale intéressante (usines de cellulose).

En même temps, malgré des circonstances défavorables, la plus grande attention était portée à la protection de l'élevage (ovin et camelin) qui constitue la richesse des nomades.

Cependant la Direction des Travaux publics du Gouvernement général poursuivait l'étude d'une " politique hydraulique " objective. De nouveaux forages artésiens étaient prévus ( A Ghardaïa notamment.). Un programme important de barrages était établi.

Enfin, l'exploitation des mines de charbon de Kenadsa était considérablement développée afin de parer aux déficits de ce produit et était portée à 244.000 tonnes annuelles.

Par contre, la question du chemin de fer transsaharien, qu'à l'instigation du Reich le gouvernement de Vichy avait ressuscitée, est remise à des temps meilleurs.

Enfin, l'assistance sociale recevait, en pleine guerre, dans le sud une extension importante : infirmeries indigènes ( Leur nombre est de 23 et celui des postes sanitaires de secours de 117.), stations de consultations médicales et d'autre part les institutions de bienfaisance (soupes scolaires, entraide française, société des petits sahariens) se multipliaient, tandis que les ouvroirs continuaient d'apporter aux populations un surcroît apprécié de ressources artisanales.

Le commerce transsaharien était virtuellement supprimé, après une période de prospérité relative, par l'adoption du " franc colonial ".

Toutes ces réalisations n'eussent pu subsister si la tranquillité et l'ordre n'avaient été fermement maintenus dans le Sud, dans cette période troublée... A cette mission pacifique les troupes et les goums sahariens ne faillirent pas. Aucun acte de banditisme, aucun soulèvement même partiel, n'ont été signalés. Bien au contraire, ces belles troupes, agissant en étroite collaboration avec les contingents, venus du Tchad, sous les ordres du général Leclerc, ont complété le cadre de sécurité de l'Algérie en s'emparant de haute lutte des oasis de Ghat et de Ghadamès, menaces perpétuelles contre nos possessions du Sahara oriental. Elles ont même prolongé leur action sur le Fezzan, où l'administration française a partout remplacé l'italienne, pour le plus grand bien et la plus grande satisfaction des populations.

Les contacts conservés de ce côté, avec les troupes anglaises d'occupation de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, nous mettent désormais à l'abri des surprises que l'on pouvait toujours attendre de voisins aussi... instables que les italiens.

Tous les problèmes posés par l'occupation du Sahara, exigent avant tout, l'établissement de moyens de liaison et de communication entre les différents postes et colonies intéressés à la sécurité et à la prospérité du Sahara. Une attention particulière n'a pas cessé d'être portée à cette question. Le réseau de T.S.F. a continué de fonctionner parfaitement durant ces années de crise. D'autre part on s'est efforcé de perfectionner le système des pistes automobilisables. Les services du Génie, des Territoires du Sud, du Mer-Niger ont concouru à cette oeuvre grâce à laquelle les compagnies de transport subventionnées (transsaharienne sur l'axe Reggan-Gao, Transports tropicaux sur la direction Hoggar-Zinder, Devic et Delaunay, etc...) ont pu contribuer au transport de nombreux voyageurs transsahariens, fonctionnaires et particuliers, en provenance de l'A.O.F. et de l'A.E.F. empêchés par les événements d'emprunter la voie maritime pour leur rapatriement.

Enfin, les liaisons par avions (militaires d'abord puis confiées à la société Air-France) n'ont pas cessé de s'améliorer et assurent dès maintenant les transports de courrier et de voyageurs entre les postes et les colonies les plus lointains.

Et si durant la guerre, il n'a pu être question d'une reprise du tourisme algérien, qui, avant la guerre, avait connu un réel succès, dès maintenant des programmes sont établis pour redonner vie à cet instrument remarquable pour le développement des liaisons intercoloniales et par contre coup pour la reprise d'une collaboration technique et financière désirable, entre les deux rives du Sahara. La société des Amis du Sahara s'y emploiera de son mieux.

En résumé, on doit constater que la période de guerre, loin d'être pour l'essor du sud algérien une période de stagnation, a été presque dans tous les domaines, marquée par une activité productrice, amorce pour des lendemains plus intéressants encore,.

L'évolution de ces territoires dans l'avenir pourra se résumer ainsi :
----Fixation définitive des frontières des territoires du Sud, tenant compte de la nouvelle conjoncture politique au Fezzan et en tripolitaine notamment.
----Organisation adéquate des administrations et des-troupes sahariennes, destinées à maintenir la paix dans le Sahara tout entier par une liaison politique et économique étroite entre les. possessions françaises des deux rives du désert et une action coordonnée avec les puissances étrangères limitrophes de l' Algérie.
----Poursuite de la reconnaissance scientifique du Sahara et des mesures d'ordre politique, social et économique les plus propres à maintenir et si possible, à développer les îlots de prospérité dans le Sahara (forages, barrages, exploitations agricoles et minières, assistance médicale et sociale, instruction). . .

Amélioration des réseaux de liaison et de communication (automobiles, aériennes, etc.), propres à faciliter l'oeuvre lie police et, de mise en valeur des territoires sahariens.

Général O. MEYNIER
Ancien directeur des Territoires du sud de l'Algérie.