Yves CHATAIGNEAU,
Ambassadeur de France,
Gouverneur Général de l'Algérie.
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DEPUIS deux ans, l'Algérie, joyau et clef de voflte
de la communauté française participe à un de ces
mouvements accélérés d'évolution qui fixent
en un moment les dispositions et le souffle d'un pays pour y fonder la
durée de son histoire. En septembre 1944, elle remettait à
la Métropole à la fois le siège du gouvernement de
la République et le flambeau de la souveraineté nationale
que lui avaient confiés les Français combattants demeurés
libres et ceux qui résistaient à l'envahisseur. Tout en
demeurant place des armes et des soldats de la libération du territoire,
elle se retrouvait dans ses cadres originaux à reconstruire, avec
ses exigences locales à satisfaire, selon ses expressions propres
à affirmer.
Elle a, par la hardiesse et l'ardeur de ses fils énergiques et
entreprenants, dégagé les ruines de la guerre, franchi les
épreuves du climat, labouré, forgé et construit les
ouvrages de l'avenir.
Pauvre de maîtres, indigente de matériaux,
elle s'est proposé l'ouverture de 400 classes par an, mais elle
a dépassé l'exécution de son programme.
La science en éveil de ses ingénieurs et la volition dure
de ses ouvriers ont maîtrisé l'insuffisance du matériel
et assuré l'édification de 3 barrages et de 48 usines. En
six mois, cent cinquante kilomètres de voie ferrée nouvelle
ont imposé leur loi aux sables de l'Erg. L'eau a surgi à
Tebessa
et à Cheria. Une oeuvre grandiose de restauration des sols salvatrice
pour l'Algérie s'offre en modèle à trois continents.
Une cité s'élève en plein désert, à
Béchar
et à Kénadsa,
orgueil des mineurs prompts dans une émulation incessante pour
la production nationale à arracher plus de 20.000 tonnes de houille
chaque mois à des tailles étroites sous un ciel brûlant.
La lutte qui préserve de la maladie ou la guérit se multiplie
dans les hôpitaux neufs et dans les colonnes médicales.
Cinquante mille hectares de terres couvertes en secteurs d'amélioration
rurale, 2. 500 ha. d'oliviers plantés pour les fellahs recasés,
one villages d'éleveurs, de chameliers et de cultivateurs en construction,
tous éléments constitutifs de la santé d'un paysanat
déjà soutenu par 400 millions d'avances pour achat de semences
et refonte de cheptel.
La démocratie française d'Algérïe, contre vents
et tempêtes, se propage de tous à chacun.1 315 695 électeurs
nouveaux ont affronté, dans la maîtrise de leurs droits,
dix scrutins successifs, 182 centres municipaux sont en même temps
création de maturité civique, foyers d'éducation
politique et orgueil de gestion collective. Dans un élan unanime,
ils dressent le bilan de leurs revenus qu'ils contrôlent et ils
sérient l'urgence de leurs travaux qui couvriront l'Algérie
d'un manteau blanc d'écoles et de dispensaires.
Conviés également et tous ensemble à l'exercice de
leur majorité, les citoyens de l'Algérie, entendent y appliquer
aussi bien la jeunesse enthousiaste qu'ils tiennent de leur tempérament
et la sagesse que leur dictent les alternances incertaines de l'atmosphère.
Poussés par l'ardeur dans l'entreprise et guidé; par le
sens du relatif dans l'action, ils savent fonder oeuvre audacieuse, solide
et durable, sous les plis du drapeau tricolore signe de leur ralliement
et de leur fidélité.
Mission m'a été donnée il y a deux ans de diriger
la conduite de leurs élans renouvelés. J'ai l'honneur d'y
consacrer dans la sympathie que je leur ai, ce que la nature, selon l'expression
d'un de mes éminents prédécesseurs, m'a donné
d'activité, de dévouement et de résolution.
Yves CHATAIGNEAU,
Ambassadeur de France,
Gouverneur Général de l'Algérie.
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