HABITAT URBAIN
Le problème de l'habitat
urbain occupait dans les questions algériennes une place prépondérante
car de son développement dépendent étroitement l'évolution
rapide des masses musulmanes; l'extension de l'artisanat et surtout l'amélioration
des conditions sanitaires d'une fraction importante de la population laborieuse
du pays.
L'attraction exercée par la ville sur les campagnes surtout depuis
la fin de la guerre 1914-1918, l'arrêt presque complet de la construction
depuis 1940, ont empiré d'une façon désastreuse les
conditions de logement urbain et l'on assiste à l'entassement d'une
nombreuse population, en majorité musulmane, dans la banlieue de
la plupart des villes algériennes, autour desquelles tendent à
se créer des ". zones " plus malsaines et plus hideuses
que toutes celles des grandes agglomérations d'Europe.
Différents systèmes originaux pour améliorer une
situation del difficile furent envisagés avant 1939 mais n'ayant
jamais reçu de consécration légale, ils furent l'objet
de réalisations locales n'ayant aucun caractère général.
Orientés, à cette époque, vers les besoins spécifiques
des populations musulmanes rurales et urbaines, ces projets, étant
donné l'évolution de leurs bénéficiaires urbains,
semblent ne plus devoir faire actuellement l'objet d'une législation
spéciale et s'intégrer dans le vaste programme de réalisations
prévu par l'organisation de " l'habitat social " en Algérie.
Ce terme nouveau appliqué à un programme nouveau révèle
les besoins actuels d'une Algérie en voie d'évolution.
C'est en tenant compte des besoins de l'habitat et à la suite du
désir exprimé par les Assemblées Algériennes
de participer à la construction d'habitations populaires, qu'un
projet de loi instituant "-Phabitat social " a été
soumis au Gouvernement. Ce projet, qui se situe en bonne place dans le
programme des réformes actuellement en voie de réalisation
en Algérie, a pour objet d'instituer une oeuvre sociale susceptible
d'apporter dans un avenir immédiat une solution aux problèmes
posés par les trop nombreux " bidonvilles " et les quartiers
anciens aux appartements étroits et insalubres.
Organisation située à mi-chemin entre la législation
des habitations à bon marché et celle anciennement prévue
pour l'habitat urbain indigène, l'habitat social bénéficiera
sous formes de subventions limitées, de l'aide
de l'État pour l'édification de logements individuels ou
collectifs, tout en exigeant un effort minimum de part des bénéficiaires.
L'accession à la propriété sera ainsi rendue possible,
dans certains cas, sans que, pour autant, le régime ainsi institué
participe de l'assistance, mais bien de la prévoyance sociale.
Ainsi l'Algérie va se trouver dotée d'un organisme susceptible
d'apporter dans le domaine de l'habitat une solution rapide et efficace,
et les réalisations fragmentaires actuellement en cours à
Alger (Cités El Djenane, El Nador, du Clos Salembier) à
Hussein Dey, 'à Rovigo, à Miliana, à Constantine,
ainsi que les projets envisagés pour Ménerville, Guyotville,
Miliana, Téniet-E1-Hâd, Bône, Mascara, Perrégaux
pourront, recevoir une impulsion définitive, toc) millions étant
inscrits au budget pour l'habitat rural et le double pour l'habitat urbain.
Tout en préparant cette vaste organisation, l'administration expérimente
des maisons types d'un prix de revient serré, de construction facile
et utilisant de préférence des matériaux locatix.
Les techniciens Y ont une occasion d'exercer leur ingéniosité.
Déjà l'emploi du béton de terre stabilisé
retient leur attention. Ce mélange dosé d'argile, de sable
et de gravillons, employé en France, en U.R.S.S., sera utilisé
en Algérie. D'autre part, on prévoit l'usage de la "
fusée céramique " qui a déjà donné
d'excellents résultats au Maroc.
L'ère des réalisations est venue. Déjà des
cités nouvelles se profilent, des villages sociaux entourent les
centres industriels et le problème capital de l'habitat s'intègre
dans l'oeuvre algérienne, oeuvre harmonieuse, adaptée aux
exigences d'éléments techniques divers, oeuvre à
laquelle préside avec clairvoyance et énergie M. le Gouverneur
Général Yves Chataigneau.
Cité musulmane d'Aïn
Bouchekif
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HABITAT RURAL
La structure géographique
de l'Algérie, pays à vastes espaces où alternent
les terres de culture et les montagnes ou steppes infertiles, n'a pas
permis à la population autochtone de réaliser au cours des
âges ces concentrations humaines d'où se dégagent
rapidement une organisation du travail et un sens, de la vie commune,
bases des civilisations occidentales. Il est donc naturel que la notion
d'habitat ne se soit pas imposée sous sa forme usuelle sauf dans
quelques régions à caractère partiçulier telle
que la Kabylie.
On peut admettre d'ailleurs un mode, de vie pastoral répugnant
aux contraintes et aux disciplines, jusqu'au moment où une certaine
densité de population exige une .organisation plus complexe. L'Algérie
a atteint aujourd'hui ce point critique. La France y a apporté
la paix intérieure et une assistance médicale conduisant
insensiblement. vers un surpeuplement qui ne laissera bientôt plus
aux individus la possibilité de vivre isolés au milieu de
la nature. Ces dons précieux contiendraient de redoutables contreparties
s'ils n'étaient complétés par une mise en valeur
rationnelle des ressources locales.
Les transformations progressives ne sont pas immédiatement perceptibles,
C'est pourquoi le mal n'apparaît souvent qu'à la faveur d'événements
importants qui rompent brusquement un fragile équilibre. En fait
il n'y a pas si longtemps qu'il s'est révélé avec
force.
D'immenses efforts ont été faits et se poursuivent pour
améliorer le rendement de la terre algérienne. Ils ont débuté
par la réalisation d'un équipement hydraulique d'envergure.
Cette politique de :l'eau a amené naturellement une politique de
paysanat destinée à fixer au sol les populations en leur
assurant des moyens d'existence. Et ceci conduit de la même manière
à une nouvelle conception d'habitat rural à forme villageoise
groupant en un même lieu des travailleurs accomplissant les mêmes
tâches et bénéficiant des mêmes avantages.
A l'anarchie individuelle, au charme périmé, succède
ainsi une organisâlon colilective ouvrant l'accès à
la vie civilisée.
Des expériences ont été tentées peu avant
la guerre et dès 1940 des groupes ruraux tels qu'à ïn-Bouchekif
prèS de Tiaret
dans le département d'Oran, Oum-el-Bouaghi au-delà
de Constantine et d'autres encore, fonctionnaient et vivaient malgré
les difficultés de l'époque.
Mais ces réalisations he constituent qu'une avant-garde dont les
enseignements ajoutés à tous ceux que Jes expériences
des administrateurs ont prodigués permettent de dégager
maintenant des programmes plus complets,
Les épreuves et les privations consécutives
aux hostilités ont revalorisé la terre et ceci a renforcé
la thèse de l'eXploitation méthodique du sol avec l'aide
de ses habitants. Cette notion économique a redonné à
l'équipement rural toute son importance et aujourd'hui s'ouvre
une ère nouvelle, celle d'un ruralisme organisé qui affirmera
l'attachement de l'homme à la terre.
Si le Gouvernément Général de l'Algérie exerce
sa tutelle en subventionnant jusqu'à cinquante pour cent l'exécution
des centres ruraux, la commune est le moteur de l'opération, elle
a l'initiative de l'action. Celle-ci, si elle est bien comprise, assure
le confort et le bien-être des habitants dont les nouvelles ressources
enrichissent le pays.
Déjà, avant même que le plan général
d'action communal soit mis en oeuvre, des communes aidées par le
Gouvernement Général, ont ouvert des chantiers ou présenté
des projets. Nous citerons le Hodna avec ses villages d'oléiculteurs
déjà tracés et entourés de jeunes oliviers,
espoir de cette région jusqu'ici désertique; Tébessa
dont le centre de Chéria, où s'élèvent déjà
les premières rhorfas (maisons
à voûtes légères en briques creuses),
sera demain une belle cité-jardin de 100maisons; Hamma-Plaisance
qui établit un centre à caractère artisanal, heureusement
projeté; Sebdou avec son village des. Ouled Mimoun amorcé,
où les agriculteurs musulmans éduqués au contact
de nombreux colons européens trouveront demain le logis confortable
qui leur faisait défaut; Aïn-Témouchent
et son centre des Berkèches. Autant de foyers de civilisation
qui naissent. Bientôt, si l'on en juge par l'ampleur de l'initiative
communale relevée dans les programmes constructifs présentés
à l'Administration supérieure, ces villages se multiplieront
malgré les difficultés matérielles et la temporaire
insuffisance de production des matériaux.
Les architectes se trouvent en effet en présence de problèmes
techniques difficiles à résoudre et doivent faire preuve
d'imagination et d'esprit d'initiative. Ils ne peuvent attendre les éléments
préfabriqués, d'un prix de revient encore élevé,
et doivent utiliser au mieux les produits du sol. Ceci nécessite
des études souvent longues et ingrates, mais la variété
des moyens de constructions proposés montre que la bonne volonté
intelligente supplée dans une certaine mesure à la relative
pénurie, conséquence directe de la guerre.
Que sont ces centres ruraux ? Des agglomérations de maisons paysannes
proches parentes des maisons campagnardes d'Europe : deux ou trois pièces
d'habitation complétées par des écuries et hangars.
Ces maisons modestes mais solides et saines sont groupées autour
du centre civique, avec écoles, maison commune, bureau de poste,
salle de consultations et bien souvent centre de culture ou ferme modèle.
L'importance de ces centres varie suivant la richesse de l'exploitation
agricole, elle peut aller de 6o à 250 maisons. C'est peu si l'on
se réfère aux règles actuelles de l'Urbanisme, c'est
considérable si l'on pense qu'il s'agit de réunir des populations
éparses accoutumées à vivre en petites collectivités
isolées.
L'Algérie était fière de ses riches plaines bien
cultivées, héritage des pionniers européens du siècle
dernier, grands `défricheurs de marécages, mais demain elle
sera tout aussi fière d'avoir fait reculer la lande et le désert
et de montrer à leur place des champs et des villages prospères.
Cette lutte pour la vie, contre la stérilité et l'abandon
est le gage de son avenir; cela suffit à expliquer pourquoi le
plan d'action communal a rencontré une pleine compréhension
auprès de tous ceux qui, avec foi, croient à la grandeur
du destin de la belle province d'outre-mer.
Marcel LATHUILLIERE,
Architecte D.P.L.G.
Architecte Conseil à la Direction des Réformes.
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