ESSOR DE L'ALGÉRIE - 1947
La transfusion sanguine
Rivet, façade nord du sanatorium
12. La
transfusion sanguine
Ed. BENHAMOU,
Professeur de Clinique à l'Université d'Alger

ici, mars 2016

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C'est d'Alger que partit, en novembre 1942, dès le débarquement des Américains et alors que la France était sous la botte ennemie, la Réanimation-Transfusion qui a connu pendant la dernière guerre un si grand succès et sauva tant de vies humaines.

Dès que, sous l'impulsion du Médecin-Général Vanlande, fut organisé le Centre de Transfusion de l'Armée dont la direction nous fut confiée, nous suscitâmes la création de filiales au Maroc, en Tunisie, à Oran, à Constantine, tandis que se joignaient à nous Dakar et Brazzaville. Le Centre d'Alger devenait ainsi, pendant la période des hostilités, un immense robinet d'ouverture du sang, alimenté par tous les Africains.

Sans doute, pendant la guerre de 1914-1918, connaissait-on déjà la transfusion sanguine, mais la découverte de cette guerre, fut avant tout l'organisation de la Transfusion sanguine, c'est-à-dire :
      1°/La création de grands centres de récolte;
      2°/ La création de centres d'entraînement pour les réanimateurs-transfuseurs qui allaient recevoir pour la première fois un matériel complet de réanimation et tous les éléments d'un bloc de déchocage et de transfusion qui venait s'ajouter au bloc opératoire et au bloc de triage.
      3°/ La fabrication de toutes les variétés de sang : sang total frais ou conservé, sang concentré, plasma (procédé Pugliese); sérum formolé (procédé Stora), plaquettes sanguines, sérums-tests...
      4°/La séparation de certaines parties du plasma ou du sérum.: albumine, globulines;
      5°/La connaissance des indications de plus en plus étendues de ces différentes variétés de sang.

Rien d'analogue n'avait été tenté antérieurement et la pratique civile allait grandement en bénéficier. Alger fut à la tête de ce mouvement.

Au cours de cette guerre.-
Le Centre de Transfusion d'Alger put préparer ou envoyer plus de 100.000 bouteilles de transfusion dans toutes les directions et par tous les moyens : en Tunisie, en Italie, en Corse, dans le maquis français, en France, à Madagascar, en Indochine; par avion, par parachute, par bateau, par automobile, au moyen de 200 à 300 caisses frigorifiques qui circulaient dans tous les sens et permettaient de transporter le sang dans des temps records. Le Centre de Transfusion put également préparer et envoyer plus d'un million cinq cent mille doses de sérum-test sur tous les théâtres de la guerre.

transfusion sanguine
Un graphique


C'est au Centre d'Alger que furent instruites et entraînées plus de 50 équipes de réanimateurs-transfuseurs qui jouèrent un rôle héroïque sur tous les champs de bataille. C'est au Centre d'Alger, que furent formées les équipes qui fonctionnent actuellement en Indochine. C'est aussi au Centre que furent instruits les grands chefs de Bases, qui allaient diriger les grands relais, les Organismes de Réanimation-Transfusion (ou O.R.T. comme nous les avons appelés), où était envoyé le sang et d'où repartait le sang dans les formations les plus avancées et jusqu'aux postes de secours des bataillons. Nos élèves, le docteur Ricard, le docteur' Masboeuf, le docteur Fanjeaux dirigèrent les bases européennes, nos élèves
Clastrier et Linhard dirigent actuellement les Centres de Transfusion d'Indochine.

Dans un livre que nous avons édité, grâce au concours du service de santé des troupes coloniales, et intitulé " Notes sur la Réanimation-Transfusion ", nous avons publié les leçons faites aux transfuseurs et qui résumaient toutes les notions nouvelles depuis le traitement du choc ou de l'hémorragie, jusqu'à la pénicilline et les sulfamides et jusqu'aux notions récemment acquises sur les groupes sanguin et en particulier sur le facteur Rh qui tient une si grande place dans les accidents de la transfusion, chez les accouchées ou dans la mortalité de certains nouveau-nés. Les figures de ce livre sont souvent reproduites dans des articles maintenant classiques.

Le Centre d'Alger peut fabriquer toutes les variétés de sang et avoir des stocks qui variaient souvent entre 10.000 et 20.000 bouteilles. Dès cette période de guerre le Centre d'Alger prépara des sérums de convalescents, des globulines de convalescents qui allaient jouer dans la paix un rôle considérable. Plus de 1.000 ampoules de globulines de convalescents furent préparées en 1945.

II. Pendant la paix. -

Le gouvernement Général de l'Algérie prit la succession du Service de Santé de l'Armée pour assurer la continuité de œuvre de la transfusion sanguine et en répandre les bienfaits dans les populations civiles algériennes.

Alors que les soldats pendant la guerre offraient régulièrement leur sang, ce furent pendant la paix des civils qui d'une part payèrent régulièrement l'impôt du sang, d'autre part pratiquèrent avec bonheur le système de la banque du sang. Ceci veut dire que, depuis 1942, pas un seul jour, les Algérois n'ont cessé de donner leur sang régulièrement, généreusement, sans rétribution, dans un immense élan de fraternité sociale.
30.000 d'entre eux ont offert leur sang pour que 12.000 bouteilles de plasma humain fussent envoyées en Indochine.

10.000 Kabyles au cours d'une seule tournée de récolte (car nous avions des équipes mobiles qui recueillaient le sang dans les villes et dans les villages) donnèrent leur sang pour que puissent vivre des blessés français. Bel exemple de solidarité et de patriotisme, qu'on ne saurait trop souligner.

Ce mouvement des Volontaites du Sang n'a été possible tique parce que nous avons développé intensément le côté spécial de la transfusion.
Avec le secours de la Croix-Rouge, avec des médecins bénévoles, nous examinons attentivement les donneurs, nous pratiquons des examens hématologiques, sérologiques, radiologiques; nous surveillons leur santé et même celle des leurs, et notre assistante sociale essaie de se préoccuper des situations familiales intéressantes, intervenant en leur faveur lorsque cela est possible.
La fabrication des produits a été sans cesse perfectionnée et nous avons créé un laboratoire de physico-chimie, un laboratoire de dialyse, un laboratoire d'électrophorèse pour contrôler nos produits, à côté des laboratoires de bactériologie et de sérologie dont la nécessité est plus courante.

Mais c'est surtout la thérapeutique des maladies infectieuses qui a grandement bénéficié de cet essor de la Transfusion Sanguine en Algérie. Nous avons pu en effet recueillir des sérums de convalescents de toutes les maladies infectieuses : typhus, typhoïde, fièvre récurrente, variole, oreillons, scarlatine, rougeole, varicelle, zona
et, de ces sérums de convalescents, nous avons pu extraire des globulines concentrées (procédé Zermati par le C O2) qui nous ont rendu, ainsi qu'à nos confrères, les plus grands services. Pour ne citer que quelques chiffres récents, nous avons pu fabriquer du Ier janvier au 3o septembre 1945 3.393 ampoules de globulines qui représentent 33.930 cm3 de solution concentrée de globulines venant de 1.691 donneurs volontaires. Déjà, dans les formes graves des maladies infectieuses, ainsi que dans la prophylaxie de certaines de ces maladies (rougeole, coqueluche) la globuline nous a rendu les plus grands services. Ainsi, avec les plasmas et les sérums humains, avec les globulines, nous avons eu des armes nouvelles qui se sont ajoutées aux vaccins, aux sérums, à la pénicilline, aux sulfamides, aux autres médications chimiques spécifiques.

III. Enfin pour donner au Centre de , Transfusion Sanguine toute son ampleur, il faut avoir une usine congélation et de dessication qui permette de conserver indéfiniment de stocker les différentes variétés sang recueillies : plasma, sérui globulines, sérum-test, etc...

C'est la générosité privée qui a pris l'initiative d'offrir au Centre de Transfusion d'Alger une magnifique usine à La Trappe, usine qui permet d'avoir du sang sec qui ne perd plus ses qualités originelles quelle que soit la date du prélèvement. Ainsi pourra être dirigé vers les oasis, vers nos colonies africaines, le sang recueilli : plasma normal, sérum de convalescent, globulines ou sérum-test. C'est cette dernière création qui termine le cycle d'une oeuvre qui s'est donné pour but de doter l'Afrique du Nord des ressources immenses de cette thérapeutique héroïque qu'est la Transfusion Sanguine.

Ed. BENHAMOU,
Professeur de Clinique à l'Université d'Alger