L'Ancien Collège
(le Lycée)
------L'ancien Collège
d'Alger, institué par un décret du 27 avril 1835, eut pour
local le bâtiment modeste d'une école d'Enseignement Mutuel
situé rue des Trois-Couleurs et rue Jénina. Son Principal
fut M. Barthélemy. Celui-ci eut pour collaborateurs, dans le nouvel
établissement universitaire, MM. Pothier, Desclaux et Galtier.
Ce dernier avait, antérieurement, dirigé une école
libre, créée en 1833 dans la rue Socgemah et transférée
en 1834 dans la rue du Sagittaire. Cette école dont la clientèle
devint celle du Collège, comptait une vingtaine d'élèves,
enfants de fonctionnaires, de soldats et de colons. Elle eut un programme
d'enseignement secondaire.
------Au début,
les études du dit collège n'allaient pas au delà
de la troisième
(1.- En janvier 1835, le Conseil municipal avait voté
les fonds nécessaires à la création d'un cours supérieur
de mathématiques et de français.). Ce ne fut
que plus tard, et successivement, que celles-ci s'augmentèrent
des classes d'Humanités, de Rhétorique et de Philosophie.
------En même
temps, d'autres établissements dispensèrent ici, l'instruction
aux enfants des deux sexes de la classe populaire. Quant aux jeunes filles
de la bourgeoisie, diverses institutions privées leur furent offertes.
Des institutions mixtes, payantes, furent aussi créées.
------Le Collège
qui, à son ouverture, se composait de 36 élèves,
en compta 165 en 1847. Mais la maison de la rue des Trois-Couleurs devenait
insuffisante. On dut songer à un autre immeuble.
------L'Administration
choisit alors une ancienne caserne de Janissaires. Cette caserne, dont
l'emplacement est en partie occupé aujourd'hui par la maison Larade,
avait été construite en 1551 sous le pacha Abou Mohammed
Hassan, qui défendit Alger contre Charles-Quint.
------La façade
donnant sur la rue Bab-Azoun avait 29 mètres de longueur. A droite,
c'était, comme il a été dit, la Rahba ou marché
aux grains, puis l'impasse El Azel, oùse trouvait un fondouk et
une batterie. À gauche, s'ouvrait la rue du Laurier.
------Le bâtiment,
du côté de la mer, était borné par une falaise
s'élevant à pic au-dessus du rivage. Au sud, s'allongeait
un petit fossé, celui des anciennes fortifications, par lequel
la maison était séparée de la place Bresson.
------L'entrée,
rue Bab-Azoun, donnait accès à un vestibule au delà
duquel s'étendait la Grande Cour. Dans celle-ci avait lieu, chaque
année, la distribution des prix. La pompe déployée
en cette circonstance s'ennoblissait peut-on dire, de présences
illustres. Là, en effet, parurent entourés de brillants
officiers, des Maréchaux-Gouverneurs portant les noms glorieux
de Pélissier et de Mac-Mabon.
------Ce ne
fut qu'en 1838, le 7 août, que cet établissement - alors
collège - eut sa première distribution de prix solennelle.
Un inspecteur de l'Enseignement, M. Lepescheux, qualifié complaisamment
ici, "Inspecteur d'Académie", présida cette cérémonie.
------Outre
les distributions de prix que nous venons de rappeler, l'ancienne caserne
des janissaires vit d'autres événements sensationnels. ------Nous
citerons le bal magnifique qui fut donné en 1845, dans ce gracieux
cadre mauresque, en l'honneur du Maréchal Bugeaud, bal que reproduisit
l'Illustration de cette année.
------Nous
mentionnerons encore l'Exposition industrielle agricole et commerciale
qui fut organisée là, en septembre 1848, et dont la même
Illustration donna aussi une reproduction.
------Nous
rappellerons d'autre part que certains locaux de l'ancienne caserne des
Janissaires furent l'objet, quelque temps, d'utilisations non scolaires.
À ce propos s'indique la chambre de Yahia-Agha, qui fut d'abord
oratoire public du culte réformé, puis Bibliothèque
Royale en 1842, enfin en 1848, chapelle chrétienne du lycée.
Cette chapelle vit à diverses dates, de belles cérémonies.
------Bientôt,
malgré ses proportions respectables, le champ de ce lycée
fut à son tour jugé insuffisant. En décembre 1857,
on l'augmenta de la caserne Massinissa où logeaient des artilleurs,
et dont l'emplacement est aujourd'hui occupé par la rue Littré
et par la partie Nord du square Bresson.
------Mais
ce n'était là qu'un expédient. Il fallut, quelque
temps plus tard, se décider à construire un nouveau Lycée.
Celui-ci, commencé en 1862, fut livré à l'Université
en septembre 1868. On l'édifia près du Jardin Marengo dont
il absorba une partie.
------Un détail
: au cours des fouilles effectuées pour l'assise des fondations
du nouvel édifice, un spacieux colombarium, possédant, intacte,
sa vaisselle funéraire, fut mis au jour. Ce souvenir d'Icosium
fut conservé dans les substructions.
------Que
devint l'ancien Lycée? Il fut démoli en 1873. Ses jolies
colonnades de marbre allèrent, en 1874, à l'ancien Palais
d'Été, où elles servirent à la décoration
de la porte d'entrée de la salle à manger et à la
construction du gracieux kiosque dont s'orna jusqu'en 1916, le jardin.
Ses précieuses faïences furent employées dans le même
palais, où elles parèrent agréablement quelques-uns
des salons.
------Rappelons
que la plaque portant en caractères dorés l'inscription
: "Lycée d'Alger" a été conservée
par les Anciens Élèves de cet établissement qui l'ont
scellée en leur salle de réunions. Cette salle, où
des concerts sont aussi donnés, a été pourvue d'une
scène de style pompéien.
------Cette
association, de laquelle nous faisons nous-même partie fut constituée
en 1859. Elle eut son premier banquet le 8 décembre de cette année.
------Rappelons
encore ce détail. Ce fut en novembre 1848 que le tambour remplaça,
au Lycée nouvellement créé, la cloche de jadis, ce
pourquoi, l'Akhbar du 19 de ce mois et de la dite année, se plut
à plaisanter doucement l'Administration.
------Le nouveau
Lycée, édifié au delà de la rue Bab-el-Oued,
se composa de trois grands corps de bâtiment reliés entre
eux et comprenant trois longues cours auxquelles s'ajoutèrent en
contrebas, deux cours plus petites.
------L'établissement
couvrit une surface de 1 hectare 42 ares, dont une partie fut prise sur
les bosquets du jardin Marengo. La construction revint à 2.902.800
francs.
------En 1886,
la population de cette maison, qui était de près d'un millier
d'élèves, nécessita la création d'une succursale
qui fut installée à Ben-Aknoun, dans une ancienne propriété
des jésuites, antérieurement quartier de Cavalerie.
------En 1898,
une deuxième succursale dut être créée à
Mustapha.
------Le nombre
total des élèves du Lycée d'Alger fut, en 1913, de
1.567. Il était en 1932, de 2.573. Il fut en 1936, de 2.650.
------Nombre
d'anciens élèves se firent un nom dans la Société.
------Parmi
les distingués professeurs que compta ce lycée dans le passé,
il convient de citer le savant Émile Masqueray; Paul Monceaux,
nommé au Collège de France; Georges Duruy, qui professa
à Polytechnique; l'historien Maurice Wahl; l'archéologue
Waill, qui exhuma maints trésors de Césarée; l'académicien,
Louis Bertrand, dont la renommée au début s'établit
avec le Cina et le Sang des Races. Il y a à mentionner aussi MM.
Boissières, devenu recteur d'Alger, qui écrivit entre autres
choses : l'Algérie Romaine;
Tailliart, passé recteur à Montpellier, auteur de diverses
oeuvres telles que: De la Charrue à la
Pourpre; l'Algérie dans la
littérature française (Couronnée).
------Dans
cette catégorie, au titre de lauréats, d'autres seraient
encore à mentionner. Citons : Démontés, passé
à la Sorbonne. Martinon qui y occupa une chaire libre en 1912.
De Pachetère, tué à l'ennemi. Lespès
(Capitaine à la Grande Guerre où il fut décoré
de la Légion d'Honneur.), Franc.
------Un souvenir
revient d'autre part, à feu Charles de Galland (devenu proviseur
honoraire), dont la plume et la parole furent d'un si grand charme.
------En dehors
de cette liste, se signale avec l'élève Carde, gouverneur
général de l'Algérie, de 1930 à 1935, le professeur
de philosophie du Bouzet, qui, après avoir été préfet
d'Oran, gouverna également la Colonie, de 1870 à 1871.
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Établissements
Divers
(Filles et Garçons)
------Pour les jeunes
filles, un établissement d'ordre secondaire, "La Ligue
de l'Enseignement", fut fondé en 1872, établissement
érigé en Lycée, le 31 décembre 1910, puis
accru en 1917 d'une annexe aménagée â Mustapha-Supérieur,
au Splendid-Hôtel. D'autres bâtiments, de conception différente,
s'élèvent là, en ce moment.
------Ajoutons
que l'Enseignement primaire s'augmenta, en 1863, d'une École
Normale qui fut à la montée de Mustapha (actuel jardin
des Antiquités) et que l'on transféra dans la suite â
Bouzaréah.
------En 1874,
un décret institua une École Normale
de filles, qui fut à Miliana.
------C'est
à M. Genty de Bussy, intendant civil de la Régence en 1832,
qu'Alger doit la création des premières écoles publiques.
------M. Duthrône,
chargé de mission par le Gouvernement, visita celles-ci en octobre
1831.
Le 31 août 1837, un état relatif â la situation de
l'Enseignement fut publié par l'"Akhbar", qui fit connaître
que le nombre des élèves des écoles était
de 1.104, se décomposant ainsi : 862 Européens, 130 Maures,
27 Juifs, 85 Juives. Le même journal annonçait, le 3 décembre
de la même année qu'une école
juive pour jeunes filles venait d'être ouverte, rue des Trois-Couleurs,
avec une clientèle de vingt élèves. L'école
juive de garçons datait de 1832. Celle pour
garçons musulmans s'ouvrit en 1836;
pour les filles, en 1850.
----Ces différentes
écoles furent, de la part des Gouverneurs Généraux,
l'objet d'une grande sollicitude. Le "Moniteur" du 9 avril 1839
rapporte que chacune d'elles reçut la visite du Maréchal
Valée, qui se rendit également au Collège.
------En juin
1846, le comte de Salvandy, ministre de l'Instruction Publique, les visita
â son tour, faisant, au cours de sa tournée, Officier d'Académie,
l'instituteur libre Laurent, auquel il fit en outre octroyer une subvention
de 300 francs à prendre sur son département, en faveur du
cours de chant gratuit qu'il avait organisé ("Akhbar"
du 6 juillet 1846). En 1855, l'Enseignement était dispensé
à 1.411 enfants; il l'était en 1914 à 17.000. L'Enseignement
fut aussi donné en des écoles religieuses
: par les Frères de la Doctrine Chrétienne (quartier de
la Cathédrale, de N.D. des Victoires, de Saint-Augustin), par les
Surs du même ordre (rues Roland-de-Bussy, 1846; Bab-el-Oued,
1852), par le pensionnat des Surs Trinitaires, boulevard du Centaure,
1870. Il y eut aussi une école protestante
et deux institutions juives pour garçons
Enseignement arabe-français
------Dés
le lendemain de la Conquête, on avait songé à organiser,
à Alger, l'enseignement de la langue du pays. C'est ainsi que,
le 6 décembre 1832, M. Joanny Pharaon, secrétaire interprète
du Général en Chef, ouvrit le premier cours d'Arabe. ------Une
école publique arabe-française fut, dans la suite, rue Porte-Neuve,
que dirigea M. Depeille. Les distributions de prix étaient faites
en grand apparat à ses élèves, non dans l'école,
mais à la Grande Mosquée.
------En 1853,
un collège arabe fut créé dans un bâtiment
devenu en 1880, Hôtel du XIXè Corps. Ce collège, à
la tête duquel fut placé M. Perron, venu du Caire, dépendit
de l'autorité militaire. Le sous-directeur fut M. Depeille. Le
savant
orientaliste Cherbonneau fut le dernier directeur de cet établissement
dont les élèves, en 1871, furent réunis à
ceux du Lycée. Rappelons qu'en mai 1839 un Collège arabe
avait été institué à Paris. En 1859, s'ouvrit
la Médersa, qui fut place Duquesne, et en 1 904, rue Marengo. À
sa fondation, en 1850, cette école avait été à
Médéa, d'où elle
fut transférée à Blida, en 1855 (Horluc).
Enseignement professionnel
------En cette catégorie,
il est une école qu'on ne saurait passer sous silence, en raison
de la valeur de la personne qui la dirigea et des merveilleux résultats
qu'elle donna. Nous voulons parler de l'École
professionnelle de broderie indigène que créa, rue
du Diable, en 1845, Madame Luce, femme d'un chef de musique de régiment
de Ligne, lequel fut l'auteur du célèbre quadrille arabe
: Dani Dan .
------Dans
cette école, les jeunes mauresques, tout en pratiquant l'art charmant
dont dame Luce eut l'heureuse idée de faire se continuer ici la
tradition, apprenaient à lire, à écrire en français.
Les premières notions du calcul leur étaient aussi enseignées.
Cette institution reçut, le 6 janvier 1847, l'investiture ministérielle
et autorisation royale d'ajouter à son titre, cette mention : Sous
le patronage de la Reine des Français.
------L'École
Luce qui en 1848, comptait 180 élèves, vit bientôt
ce nombre s'élever à 300.
Des subventions lui furent accordées par le Bureau de Bienfaisance
musulman et par la Municipalité.
------Mais
1870 arriva et dès lors, tous secours lui furent supprimés.
------L'École
aurait certainement disparu sans le dévouement et la ténacité
de Madame
Aben (décédée en 1915), petite-fille de la fondatrice,
qui, avec ses seules ressources, soutint uvre abandonnée
de tous. Ce conservatoire de broderie dont les productions artistiques
ont fait l'admiration des connaisseurs pendant plus d'un demi-siècle,
et que subventionna enfin le Gouvernement Général, dut malheureusement
à cause de la charge trop grande qu'il constituait
encore à sa directrice, fermer ses portes, il y a quelques années.
Avec cette école, on peut le dire, un flambeau d'art s'est éteint
en ce pays musulman. D'autres écoles heureusement s'ouvrirent,
où se poursuivit la belle tradition. Il en fut également
pour la fabrication des tapis où s'affirma le nom de Mme Delfau.
------En 1930, s'ouvrit l'Artisanat organisé
par la Colonie.
Les Autorités
Académiques
------Jusqu'en 1848, il
n'y eut pas de recteur à Alger. Un délégué
du Ministère de l'Instruction Publique était chargé
de la direction de l'Enseignement. Le poste fut créé le
11 juillet 1834. En fut titulaire, comme il a été déjà
dit, M. Lepescheux, bachelier, qui avait été précepteur
des enfants du duc de Rovigo.
------Les recteurs d'Alger ont été
: MM. Delacroix, nommé en 1848; de Salves, en 1872; Belin, en 1879;
Boissière, en 1884; Jeanmaire, en 1885; Ardaillon, en 1909; Tailliart,
en 1926. C'est, depuis 1932, M. Hardy.
------En 1920 fut désigné au
titre de vice-recteur, M. Tailliart; en 1926, M. Horluc; en 1936, M. Brunet.
Après M. Lepescheux, 1835, demeuré au titre de délégué
du Ministère pour la direction de l'Enseignement en Algérie,
s'énoncent comme inspecteurs d'Académie : MM. Peyrot, 1849;
Duval, 1854; Jouve, 1854; Boissier, 1856; Vignaly, 1870; Courcière,
1871; Bretignière; Boissière, 1875; Roger, 1877; Gramboulan,
1879; Pontavice, 1880; Frin, 1882; Lemas, 1883; Lamy, 1884; Martel, 1885;
Bianconi, 1885; Aillaud. 1888; Szimamski, 1894; Lamounette, 1900; Brunet,
1909; Tailliart, 1912; Mazure, 1917; Jacquart, 1919; Audran, 1926; Brunet,
1935; Roubles, 1936.
------Pour l'inspection des Médersas
: M.Houdas (1909), à qui succéda M. G.Colin. (Fonction supprimée
ensuite).
------Comme Inspecteurs généraux
de l'Enseignement indigène : MM. W. Marçais, Horluc, Jacquart,
Dumas.
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