sur site le 6-3-2003
-Alger, la Bouzaréah
LES ECOLES NORMALES D'INSTITUTEURS D'ALGER
n°2: de Mustapha à Bouzaréa : "...Maboulville..."

:en moins de trente ans, notre Ecole, "unique en son genre", était ainsi devenue la plus importante des Ecoles Normales françaises.
extrait de la revue du gamt, n°67, 1999/3

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------Depuis plus de vingt ans, l'Ecole Normale d'Alger fonctionnait à Mustapha. Tant bien que mal d'ailleurs, mal plutôt, car pour ses cinquante-quatre élèves de 1887, les locaux étaient insuffisants au point que l'Administration avait dû, pour les élèves indigènes, recourir à la location d'une partie de l'immeuble dont M. Ben Sédira, professeur à l'Ecole, était propriétaire. D'autre part, dès 1877, il avait fallu, à la suite de mouvements sérieux du terrain, envisager l'évacuation des bâtiments de Mustapha. Aussi, à maintes reprises et instamment à partir de 1880, le Conseil d'Administration demandait-il, soit le déplacement, soit la reconstruction de l'Ecole sur une partie du domaine qui offrait des assises plus solides.
------Brusquement, à la suite d'une menace d'épidémie de typhoïde et de glissements inquiétants du sol au début de l'année 1888, "l'Etablissement fut transféré en toute hâte et non sans un certain affolement, dans les bâtiments inachevés et inutilisés de l'asile d'aliénés de Bouzaréa... Cette première installation eut lieu dans des conditions extravagantes dont les anciens de la Maison gardent encore le souvenir". Le transfert avait été envisagé dans la séance du Conseil d'Administration du 28 novembre 1887, la maison Vernet s'engageant à effectuer le déménagement en vingt voyages. Il ne s'agissait d'ailleurs, pensait-on, que d'une installation toute provisoire dans cet asile qui n'avait, entre parenthèses, jamais été affecté au service des aliénés, mais que l'humour des nouveaux occupants baptisa incontinent du nom très expressif de "Maboulville".
------Installation toute provisoire certes, que le personnel de l'Ecole n'acceptait pas sans récriminations. Il le fit bien voir lors de la séance du Conseil des Professeurs du 31 mars 1890. Dès le début, dit le procès-verbal, "à l'unanimité, le maintien de l'Ecole Normale à Bouzaréa était condamné". Invités à expliquer individuellement leur vote, tous les professeurs sont d'accord pour déclarer malsaine, voire dangereuse, la nouvelle installation. L'assise des bâtiments est peu solide ; car ceux-ci "reposent sur des couches inclinées de schiste, et des glissements pourraient se produire qui entraîneraient l'Ecole dans le ravin oriental". L'orientation et la situation, également, sont mauvaises ; "les deux principales façades sont exposées au vent d'ouest et au vent d'est qui sont les plus fréquents et les plus puissants parmi ceux qui règnent sur la côte algérienne. Par les tempêtes, l'eau, la grêle et la neige pénètrent dans les dortoirs et dans les salles d'études, à travers les interstices des portes et fenêtres. En été, les salles et les galeries reçoivent le soleil jusqu'au dernier rayon. Aussi, dortoirs et études sont-ils très froids en hiver et très chauds en été". Bouzaréa, d'autre part, est très humide, d'où les crises de rhumatismes violents constatés chez les élèves et les maîtres. Puis les défrichements pour plantation de vignes ont déclenché des fièvres paludéennes. L'Ecole est, en outre, trop loin d'Alger ; aussi les élèves se fatiguent-ils... Enfin, les approvisionnements pour le service économique sont aussi incertains quant à leur livraison qu'onéreux pour leur transport.
Plus graves que ces inconvénients d'ordre matériel, d'autres ayant trait à la marche des études, militent en faveur du transfert de l'Ecole en un lieu plus rapproché d'Alger ; C'est d'abord l'éloignement de la capitale, centre intellectuel; les élèves sont ainsi frustrés du bénéfice des cours, conférences, bibliothèques et musées. En outre, le personnel qui, du reste, a trouvé très difficilement à se loger, ou qui passe une grande partie de son temps en va-et-vient, "vit dans l'isolement"... Pour toutes ces raisons, le Conseil des Professeurs émettait le voeu que l'Ecole fût reconstruite sur la propriété qu'elle occupait à Mustapha-Supérieur avant le 1" janvier 1888.
------Toutefois, le Conseil d'Administration qui se tint le 8 mai suivant fut loin de rallier pareille unanimité. En effet, lors de cette séance, capitale pour les destinées de la première Ecole Normale d'Algérie, trois membres du Conseil : MM. ALLIAUD, Inspecteur d'Académie, GAGE, Conseiller du Gouvernement, et PLUQUE, adjoint au Maire d'Alger, obtiennent bien, en fin de compte le vote suivant : "Qu'il n'y avait pas lieu d'installer l'Ecole dans les bâtiments de l'asile d'aliénés". Mais ce ne fut pas sans avoir vu se dresser contre leurs raisons, plus haut évoquées par le Conseil des Professeurs, les arguments de trois autres membres de l'Assemblée: le Maire de Bouzaréa, M. FOLCO, qui soutenait, y habitant lui-même, la salubrité de l'air de sa commune ; le Conseiller général ALPHANDÉRY qui se préoccupait, en loyal élu du département, du surcroît de dépenses à résulter du retour et de la reconstruction de l'Ecole à Mustapha, et sans doute - il ne le dit pas, mais on le devine - s'inquiétait du parti très douteux à tirer de bâtiments dont toute utilisation s'avérait des plus difficiles ; enfin, le Sénateur MAUGUIN, Conseiller général de Blida, déclarait accepter fort bien pour sa ville l'Ecole Normale dans le cas où le Département et l'Etat ne pourraient s'entendre sur le lieu, Mustapha ou Bouzaréa, d'une installation qui n'eût plus à être remise en question. Trois contre trois, le vote du Président l'emporta ; et au soir de ce 8 mai 1890, les occupants mal résignés de Maboulville purent songer avec satisfaction qu'ils réintégreraient quelque jour les "pittoresques coteaux de Mustapha".
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Cependant... rien ne dure, on le sait, autant que le provisoire : la destinée de notre Ecole allait en administrer la preuve, car, dans les délibérations des sessions qui vont suivre, les voeux du Conseil semblent, de guerre lasse, se faire de moins en moins pressants ; l'exode devient problématique, apparaît même rejeté aux calendes grecques. Et, sept ans plus tard, le rapporteur de juillet 1897 pourra, sans provoquer de protestations de la part de ses collègues, faire cette déclaration : "l'Ecole s'est développée dans le bâtiment où le Département l'a tout d'abord installée ; elle s'est faite à lui, et toucher à l'un serait porter atteinte à l'autre".
------Aussi bien, durant ces sept années, de très importantes transformations de "l'asile" s'étaient-elles opérées, pour le plus grand bien de l'Etablissement. D'abord, l'Ecole avait été dotée de nouvelles installations : ateliers, laboratoires, dortoirs, bibliothèques, sans compter l'agrandissement des cuisines et la création de jardins. D'autre part, et surtout, la nécessité aidant, en raison de l'organisation méthodique de l'Enseignement des Indigènes et la création, en 1891, de la Section Spéciale, l'Ecole Normale de Bouzaréa était, selon l'expression de son directeur, devenue la clé de voûte de l'édifice scolaire en Algérie. A la rentrée d'octobre 1891, en effet, l'effectif avait brusquement augmenté de soixante unités, du fait de l'adjonction, aux Normaliens, des instituteurs de la Section Spéciale et d'une 3è année de Cours Normal Indigène. Un an plus tard, cet effectif atteignait deux cent neuf élèves. Il devait arriver au chiffre de deux cent quarante-huit l'année suivante, le plus haut que Bouzaréa ait jamais connu : en moins de trente ans, notre Ecole, "unique en son genre", était ainsi devenue la plus importante des Ecoles Normales françaises.

-----Le premier directeur fut M. LEDUC, lequel inaugura l'Ecole en 1865 à Mustapha-Supérieur, M. DELACROIX étant recteur de l'Académie d'Alger.
-----M. LEDUC ayant pris sa retraite à Toulouse en juin 1872, fut suppléé par M. SEVIN, maître adjoint, puis remplacé par M GOY. M. CADORET qui avait, pendant dix-neuf ans, dirigé l'Ecole Normale de Lons-le-Saulnier remplaça M. GOY en 1881. Nommé quatre ans plus tard, directeur de l'Ecole Normale de Beauvais, il revint en 1894 s'établir à Alger comme avocat. Venu de l'Ecole Normale de Constantine, qu'il avait dirigée pendant vingt-huit ans, M. GROS administra l'Ecole Normale d'Alger de 1885 au 7 mars 1888, date à laquelle il fut nommé directeur à Tarbes. Après lui, M. ESTIENNE, exinspecteur primaire à Caen, occupa pendant huit ans la direction de l'Ecole, qu'il laissa en octobre 1896 à M. Paul BERNARD, ancien inspecteur primaire à Sétif. Nommé en 1909 inspecteur primaire à Paris, puis, plus tard, directeur de l'Ecole Normale de la Seine, M. Paul BERNARD fut remplacé le 1" janvier 1910 par M. Charles ab der HALDEN. Après sa démobilisation, celui-ci fut nommé inspecteur d'académie à Constantine le le, janvier 1919. Après lui, M. GUILLEMIN, inspecteur primaire à Alger, qui avait suppléé M. ab der HALDEN pendant la guerre, continua de diriger l'Ecole jusqu'au 1"janvier 1928, date à laquelle il fut remplacé par M. DUMAS, ex-inspecteur primaire de l'Enseignement des Indigènes à Alger. M. DUMAS, aujourd'hui inspecteur général de l'Enseignement des Indigènes, fut nommé inspecteur d'académie à Constantine le 12 janvier 1935 et remplacé à Bouzaréa par M. DUPUY, ancien directeur de l'Ecole Normale de Tunis, puis de celle de la Marne.

-----Directeurs successifs de la section spéciale
-----MM. JOUVE (15/09/1893), BAUDELAIRE (01/10/1894), RENARD (30/06/1897), BERDOU (30/09/1896), REDON (15/05/1903), DUMAS (09/1906), LLOPIS (01/10/1910), POUPY (23/07/1921), LACROIX (09/1925), GIORGETTI (+ 27/08/1935), SCHLAFMUNTER (nommé en 02/1936).
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Economes des Ecoles normales d'ALGER-BOUZAREA (depuis 1881)
MM. BOURGET, GAUTHIER, ANTONIOTTI, MOUTET, BARJAUD, AUDOLI, RAFFY, BASTOUIL (17/09/1891), BRUNOT (18/09/1907),, PELISSIER (26/11/1919), MAGNIE (3/09/1920), BOORSCH (21/09/1922), BAUR (6/09/1923), DELPRETTI (7/11/1929).
-----Professeurs des Ecoles normales d'ALGER-BOUZAREA (depuis la fondation de l'Ecole de Mustapha)
MM. BOUSQUET, MONTANE, SEVIN, FONTAN, BRESNIER, NIEL, MARQUIS, FOST, Chanoine FABRE, Imam Ben et CHAAD, Ben SEDIRA, Docteur BRUCH,. GODARD, Roy, DARRU, BEDOUR, REME, DELASSUS, ARMAND, FOURQUET, MORAT, GUILLOTEL, GIRARD, POINT, VICo, FERRIE, REY, PRUNETTI, HARANGER, BRUN, MONTAL, CHALMEY, Docteur SALIEGE, BARBIER, PIERRE, BAUDRY, AURIAC, GARNIER, QUILICI, FLEUREAU, GROSS, PEINDARIES, ELDIN, ARNAULT, BRABANT, SI AMAR (Boulifa), TERRASSON, SIADOUX, POISSON, LECQ, REUSS, BATUT, SCHILTZ, TAPIE, COLLOTTE, RENARD, SOUALAH, Docteur MOREAU, LALLEMANT, LEONI, BARSOT, MISARD, DOÙGNAC, LARRAZET, FAUCHERE, LEPEINTRE, LADAUGE, Docteur LAPIN, ROUSSET, DAUNOIS, VALLAT, ROBERT, SEROR, MONVILLE, BERLANDE, VIRE, PELEGRIN, JAUSSAUD, PESTRE, AUBINE, EELAID, Di LUCCIO, Le BORDAYS, BIAGGI François, BOUVIER, COULON, ANGLADE, ROLLAND, LACROIX, LECARRE, MICHEL, TRUET, HERPIN, CROUZET, SCHLAFMUNTER, BATISSE, BERTHIN, CARRICABURU, GIORGETTI, PUGET, DISDET, LEMAIRE, LECOUTRE, DEGIOANNI, ARGILAS, BONNET, DARBES, BURET, PETIT-COLIN, Mme SIMONEAU, SIMONEAU, ROUSSEAU, CO1SY, CARAYON, GESTAS, Rizzo, BESSERVE, Docteur DANA, HEBRARD, CLERC, BIAGGI Michel, LAITIER, Mme RAFFALLI.
-----Directeurs de l'Ecole annexe
-----MM. Pozzo Di BORGO, CASTERAN, MOUTET-FORTIS, GARNIER, PROTIN, MOY, QUILICI, SUBERBIELLE, MAGNOU, GINESTET.
-----Instituteurs de l'Ecole annexe
MM. PERRENOT, SLIMAN (Taleb), BEN MALEK (taleb), CHATELAIN, BRANKI, POuPY, ESTARELLA, BONNET, CHAMBRIER, ROLLÉT, NEUVILLE, AMABRIC, SEBBAN, LLEDO, CHAS, ARNAULT, REMY, GAILLAT (économat), CHALLON, DESPOMBS, MENGUAL (économat), GOBERT (économat), VILLARD (économat), GOMEZ (économat), BARRACHINA, MAZIER.(*)
(*) Jusqu'au 31.06.1937 date des informations.

Sources : Extraits du livre de M Aimé DUPUY, Directeur des Ecoles Normales d'Alger-Bouzaréa en 1935.,
Docteur de l'Université de Strasbourg, Lauréat de l'Académie française
Documents transmis par sa petite fille Sylvette DUPUYAdh. N° 1708
Avec le concours de Mme Micheline TAILLEFER Adh. N° 1242