
POUR RENDRE HOMMAGE AU CORPS ENSEIGNANT
DE L'ALGÉRIE
Le gouverneur général Léonard a partagé le
repas dadieux des normaliens de Bouzaréa
S'adressant aux futurs instituteurs il
a déclaré:
Si de tous ces enfants la loi a fait des petits Français,
ce n est que par vous quils se sentiront des Français LÉcole
Normale de Bouzaréa. La plus ancienne, la plus importante école
délèves-maîtres de lAfrique du Nord. Na-t-elle
pas été fondée en 1865 ? Mais sa consécration
date de son transfert du Musée des antiquités aux collines
de Bouzaréa.
« Linstitution, a dit très justement M. Renaud,
son directeur, qui a fait le plus pour le rayonnement français
en Afrique. »
Ses anciens ont essaimé en Algérie, bien sûr, mais
aussi au Maroc, en Tunisie, en Afrique noire.
Ici sont sortis les pionniers de lenseignement primaire. Les anciens
ont fait uvre dapostolat caractérisée, comme
la également rappelé M. Renaud, par lhommage
rendu par le centre municipal de Taourirt-Mimoun, village kabyle, envers
le premier maître français qui y ait exercé : M. Verdi.
« Ils avalent une fière trempe, ces maîtres. Ils
accomplissaient un acte de foi en lavenir de ce pays. Ils ont élevé
à lhumanité des hommes qui, sans eux, croupiraient
encore dans leur misère intellectuelle. Ils ont éduqué,
instruit des enfants, conseillé des familles. Partout, a ajouté
le directeur de Bouzaréa, leur trace est vivace...»
Ecole Normale de Bouzaréa. Un foyer de formation de la pensée
française. Une école dhommes aussi. Tous ceux qui
y sont passés ont été marqués. « Ils
ont lesprit de Bouzaréa. » Un esprit fait de solidarité,
de foi et damour du métier.
Ici commence une longue amitié, au sein dune grande famille.
»
Les élèves-maîtres sy forgent surtout une âme
commune. Un hommage au corps enseignant
Pour la première fols depuis quil assume les lourdes et délicates
fonctions de gouverneur général de lAlgérie,
M. Roger Léonard a pris contact avec lécole Normale
de Bouzaréa.
Visite ayant revêtu une grande importance du fait que trente-neuf
normaliens et cent vingt sectionnaires arrivés au terme de leurs
études donnaient leur repas dadieux à leurs professeurs,
à la « vénérable école ».
Repas auquel ils avaient convié le gouverneur et différentes
personnalités.
« Cest un jour unique pour Bouzaréa, devait dire M.
Renaud, en recevant le gouverneur, un grand honneur que vous nous faites.
Nous en apprécions le privilège. »
« Votre geste, ajoutait par ailleurs le recteur Gau, dépasse
le cadre de lécole Normale et sera ressenti par tout lenseignement
primaire. »
« Par l'esprit et par le cur
»
« Nous ne voulons pas douter des jeunes. Ne croyez pas que tout
a été fait, que tout a été dit. La tâche
qui soffre à vous, a dit M, Burkhardt, vice-président
du conseil général, mais surtout ancien élève
de lÉcole, en sadressant aux promotionnaires, nest
pas des plus riantes, mais elle est terriblement prenante. Vous ne trahirez
pas luvre de vos devanciers. Quand on a reçu lempreinte
de Bouzaréa, cest pour la vie. »
« Ici, devait ajouter le président Laquière, vous
aurez davantage à faire quun maître dans la métropole.
Cest un apostolat que vous commencez. Vous êtes les dépositaires
de la pensée française. »
Et M. Lemoine, représentant le président Farès, après
avoir affirmé le vif intérêt que lAssemblée
algérienne porte à la scolarisation, a souhaité que
les jeunes maîtres sentent, la beauté de leur métier.
Certitude dailleurs que le majorde la 4e année avait exprimée,
au nom de ses camarades, en affirmant « leur volonté
dêtre des maîtres zélés pour apporter
le rayonnement de la pensée française à tous, dans
les bleds les plus reculés ».
« ...Demeurer fidèles à l'esprit de Bouzaréa...
»
« Depuis longtemps javais le désir de visiter votre
école, de prendre contact avec ses élèves, comme
avec ses maîtres, de rendre hommage à luvre qui
sy poursuit, a notamment déclaré le gouverneur.
A la vérité, votre école ne métait pas
tout à fait inconnue.
Au cours des visites que jai faites dans les régions les
plus diverses de l'Algérie, cest un peu de lâme
de Bouzaréa qui sétait révélée
à moi dans toutes ces écoles où « on fait de
la France ».
Mais ce ne pouvait que mêtre un motif de plus de monter sur
votre colline où tant, de générations de maîtres
se sont formées et qui, sous limpulsion dun corps de
direction, de professeurs attachés à leur apostolat, à
qui je tiens à rendre un public hommage, demeure dépositaire
dune tradition déjà longue que le cur autant
que l'esprit, a contribué à créer : tradition hautement,
française parce que largement, humaine, ouverte à tous,
soucieuse de tous. »
S'adressant plus spécialement aux élèves-maîtres,
le gouverneur général, en termes élevés, a
défini les fonctions délicates et prépondérantes
de léducateur. Une fâche exaltante...
« Apporter aux petits les clés de leur royaume, a-t-il
poursuivi, leur révéler les ressources de leur esprit, leur
apprendre à se servir des signes par quoi la connaissance se transmet
et se conserve, leur donner le goût de comprendre, et par là
daimer et dagir, et tout cela par 1e don des seules richesses
de sa pensée et de son cur, est-il, en vérité,
uns mission plus exaltante, daussi authentique noblesse ? »
M. Léonard a mis ensuite en valeur la responsabilité que
cette uvre impliquait « car lenseignement nest
pas une fin en soi, il doit être une initiation à la vie
». Mission qui revêt encore ici un surcroît de noblesse
car elle répond à des besoins plus grands et plus difficiles
à satisfaire.
« En Algérie, les enfants qui vous sont confiés, a-t-il
ajouté, appartiennent à des groupes ethniques qui ont, au
cours des âges, connu des destins différents ; ils sont les
héritiers inconscients de traditions et de mystiques diverses.
Pour beaucoup l'école doit les prendre alors quils ne connaissent
aucun rudiment de la langue dans laquelle et par laquelle Ils seront instruits,
rien ne les a préparés à lenseignement quils
vont y recevoir et laction du maître ne trouve aucun prolongement
dans le milieu familial.
Et de tous ces enfants, si démunis et si divers, il vous appartiendra
de faire des hommes, des hommes qui, sans rien renier des sagesses anciennes
quils portent en eux et qui demeurent le nécessaire support
moral de leur existence, seront, mieux que leurs pères, armés
pour la vie, mieux adaptés à la civilisation moderne, plus
aptes à exploiter leurs chances et leurs dons dans le cadre de
la vie française. Si de tous ces enfants la loi a fait des petits
Français, ce nest que par vous quils se sentiront Français,
ce nest que par vous qu'ils sentiront que leur destinée ne
peut nulle part mieux sépanouir que dans le cadre de la communauté
nationale. Par vous ils éprouveront que, riche déjà
de tant de diversités, la France ne fait quobéir aux
lois de son génie en leur tendant ses bras. Cest sous vos
traits que leur apparaîtra la patrie qui leur est offerte. »
« ...Créer de l'humain... »
Dans sa conclusion, M. Roger Léonard a invité son jeune
et attentif auditoire « à se donner tout entier au beau métier
qui lattend, à ces jeunes curs, à ces jeunes
intelligences que vous devez former. Prolongez votre action en dehors
de lécole ; au delà des enfants, allez vers les familles,
forts de la confiance que spontanément elles vous portent, vous
pouvez leur faire tant de bien,.
Créer de lhumain, créer dans la joie, en ces mots
qui, selon dAnnunzio, contiennent à eux seuls le rayonnement
dune aurore, peuvent, doivent se rassembler les principes de la
grande uvre où vous vous engagez. Je ne pense pas quil
en puisse être de plus noble, de plus exaltante pour de jeunes hommes.
» Les personnalités
Autour de M. Renaud, on notait également : MM. Delpretti, intendant
général ; Simon, inspecteur-professeur ; Puget, professeur
; Postel, directeur de la section adaptation ; Mazier, directeur de l'école
annexe.
S'étalent joints au gouverneur général. outre les
personnalités déjà citées : MM. Trémeaud.
préfet dAlger ; Essartier, maire de Bouzaréa ; Evesque.
Prigent, vice-recteurs ; Marenco, inspecteur d'académie ; Laurens,
secrétaire général du Syndicat des instituteurs ;
Pestre. président de l'Amicale des anciens élèves
de lÉcole normale.
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