" Combien j'ai douce souvenance...
"
TÉMOIGNAGES
Par MM.
L. BURET, M. PEYTRAL, M. SOUALAH, A. BALLOUL, A. MAMMERI. P. GODIN, M.
DENNOUN, A. CHOTTIN, D. MOULIAS, P. BERNARD, Ch. AB DER HALDEN, J. GUILLEMIN,
A. BIAGGI, BERDOU, F. REDON, P. RICARD, M. ROBERT, P. FABRE, C. DISDET,
G. HARDY, M. MAGNOU, A. BASSET, L. BRUNOT, J. ROUSSET, G. VALAT, H. TRUET,
C. DI LUCCIO, A. LESTRADE-CARBONNEL.
PRÉSENTATION
Une trentaine de témoignages composent
cette seconde partie. Donc, offerts au lecteur
" Voici des fruits, des fleurs, des feuilles
et des branches... ", cueillette de choix, gerbe précieuse,
magnifique bouquet, qu'il n'eût tenu qu'à nous de grossir
davantage, sans apporter, je crois, d'épis plus lourds à
la gerbe, sans ajouter plus de parfum au bouquet.
Que leurs auteurs se soient rendus à notre appel, ou qu'ils nous
aient proposé spontanément leur collaboration, ces pages
du Passé vont presque toutes de la fondation de l'École
à 1919, 1919 qui, pour l'Établissement comme pour le Monde,
commence une ère nouvelle. Et très probablement les plus
jeunes équipes de maîtres, de sectionnaires et d'élèves
se sont- elles, par discrétion et modestie, réservées
pour le moment où, organisant le Centenaire de Bouzaréa,
mon successeur sollicitera la " copie " de ces cadets devenus
à leur tour des anciens. En attendant ce Centenaire
que verront, inch'Allah ! la plupart, sinon tous les jeunes des promotions
d'hier et d'aujourd'hui, en formulant le voeu qu'il soit triomphal, attestant
plus fortement encore qu'en 1938, et selon le mot de M. le Recteur Pierre
Martino, " la réussite éclatante d'un beau destin ",
voici pour ce premier cinquantenaire, une première Collection de
Témoignages.
C'est de l'École de Mustapha que relève B. Fatah, normalien
de 1866, dont la droite et féconde carrière est rappelée
à travers les filiales évocations de Léon Buret.
Mustapha revit encore sous la plume, toujours jeune, de l'un de ses doyens,
M. Peytral, " le père des abeilles " ; M. Peytral dont
la longue mémoire réussit - qui l'eût dit d'une École
normale, et d'outre-mer ! - à rattacher, à travers le gallican
chanoine Fabre, notre institution naissante aux mânes de Lamennais.
C'est ensuite la Bouzaréa des tout premiers temps avec le Cours
Normal dont le docteur ès-lettres Soualah, l'agrégé
Balloul, le peintre Mammeri furent élèves ;
Puis l'École Normale qu'ont successivement connue Pierre Godin,
M. Dennoun, Alexis Chottin, L. Buret, Daniel Moulias ;
- l'École
des " Chaïbs " ; Paul Bernard, Charles ab der Halden, Jean
Guillemin ;
- la Section
Spéciale, avec ses directeurs comme MM. Berdou et François
Redon ; ses élèves comme MM. Ricard, Maurice Robert et Paul
Fabre ;
- la Quatrième
année dont Camille Disdet s'est fait le minutieux recenseur ;
- l'École
" impériale " symbolisée par cet apôtre,
Jean Quilici, dont la haute figure apparaît si vivante grâce
au portrait du Recteur Georges Hardy qui " l'aima comme un frère
" ;
- l'École
annexe dont le fin M. Magnou, qui la dirigea de longues années
et n'a pu se détacher de sa Bouzaréa, rappelle les beaux
états de services ;
- l'École
avec ses études spécifiquement bouzaréennes : le
berbère, avec le professeur André Basset ; l'arabe, avec
Georges Valet ; la Science de la terre algérienne, avec H. Truet
;
- enfin l'Ecole
du bled, avec l'Administrateur principal LestradeCarbonnel, petit-fils,
arrière-petit-fils d'instituteurs, neveu d'Eugène Scheer.
Ni l'humour, ni le sourire ne sont - on s'y attendait bien un peu - exempts
de ces pages : des anciens, tels M. Dennoun, ou M. Balloul (ce qui n'empêcha
pas ce dernier de devenir agrégé) semblent avoir été
d'intrépides dormeurs. Leurs cadets seraient-ils, hum ! plus courageux
devant l'insistante sonnerie matinale déclenchée par notre
impassible Sanchez ?... M. Soualah et M. Pierre Godin, se rencontrent
dans leur remembrance du moliéresque épisode du " mamamouchi
"... Il y a aussi, sous la signature du second, certaine histoire
d'un prix de sylviculture, prix curieusement obtenu, histoire bien agréablement
contée.
Daniel Moulias revoit le lampiste qui répondait au nom féminin
de Suzanne... Et François Redon, les joyeuses Sections d'autrefois
et les barrages de troupes, en mainte rue d'Alger, du temps de Drumont
et de Max Régis... Passe, capitaine sur le pont, regard incisif,
bon pied bon oeil, le vigilant Prieur de la Petite Chartreuse, en proie
à un grave débat de conscience : " Faut-il, ne faut-il
pas trocarter ? " Et C. Di Luccio de décrire les pittoresques
montées et descentes des habitants d'une École que le sort
jucha à près de quatre cents mètres au-dessus du
niveau de la mer...
*
**
Cet humour se donne libre carrière lorsque le conteur
évoque le personnage le plus extraordinaire, le plus original,
le plus populaire, le plus marquant de tous les maîtres qu'aient
rencontrés et aimés des générations de Bouzaréens.
Inutile de l'appeler par son patronyme, puisqu'aussi bien vous avez tous
reconnu celui que le charmant Paul Fabre continue d'appeler "
notre bon Chikh ". M. Girard, " curieux homme ",
dirait le poète Paul Fort ; M. Girard qui, toujours vivant, se
trouve presque, par grâce de tempérament, comme par son quasi
demi-siècle d'enseignement, une institution de l'École,
avec son histoire bien à lui, sinon sa légende...
**
Mais, dans ces témoignages, il n'est pas que des
sourires, de joyeuses, de spirituelles histoires. A chaque instant, en
effet, l'émotion préside à ces effusions du souvenir.
Verlaine, je vous requiers encore :
...«Et
puis voici mon coeur...»
Tant d'émouvants rappels, en effet, " des voix chères
qui se sont tues... "
M. Paul Bernard évoque la virile image du Recteur
Jeanmaire, et F. Redon, son indéfectible collaboration avec Paul
Bernard.
Ch. ab der Halden reste inconsolable de tous ses garçons morts
à la guerre. D. Moulias s'attendrit au souvenir de ceux qui tombèrent
à ses côtés. J. Guillemin raconte comment, d'une École
blessée, il s'employa à refaire une École sans larmes.
A. Biaggi songe à son bon maître, " l'Athénien
" Delassus. Et l'on comprend maintenant pourquoi parfois, dédaignant
l'autobus d'aujourd'hui, M. Di Luccio s'en va tout seul, ses cours finis,
pour essayer de retrouver aux alentours de la
Traverse, l'âme de sa vieille École au temps où
il était élève.
Enfin, à vous lire comme à vous entendre, ce jour où
nous nous rencontrâmes à la Mure d'Isère, je sais,
mon cher Paul Fabre, quel intime pèlerinage vous rêvez, avant
l'arrêt définitif en vos Alpes maternelles, de faire quelque
jour à cette Bouzaréa qui vous tient toujours, et tant au
coeur...
*
**
Une École où l'on a été gai
et jeune. Une École à laquelle, sectionnaire, élève
ou maître, on est fier d'avoir appartenu : " Avoir été
Sectionnaire, écrit le député Maurice Robert, c'est
un titre de gloire. En ce qui me concerne, c'est un de ceux auxquels je
tiens le plus... ". Une École où, en outre, l'on a
travaillé. Tous ces souvenirs en témoignent. Une Maison
qui a fait non seulement des gens d'école, mais encore des hommes
d'action. Qui même, pour son honneur, compte un authentique grand
homme, " un homme supérieur, qui nous dépasse tous
"..., Biarnay dont Louis Brunot et J. Rousset ont ici retracé
l'histoire. Pourquoi, à dater de ce Cinquantenaire, la salle de
cours de la Section Spéciale ne s'appellerait-elle pas
Salle Samuel Biarnay ?
*
**
...Que, pour toutes ces pages enjouées, nostalgiques
et ferventes, tous ces Témoins soient remerciés, car nous
leur devrons le meilleur de ce livre placé sous le triple signe
du souvenir, de la reconnaissance et de l'amitié.
A.D.
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