École normale, la Bouzarea(h)
Aimé Dupuy - directeur des Écoles Normales d'Alger-Bouzaréa
BOUZARÉA
Histoire illustrée des Écoles Normales D'Instituteurs d'Alger-Bouzaréa
Préface de Pierre Martino, recteur de l'Académie d'Alger
TÉMOIGNAGES - Présentation

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" Combien j'ai douce souvenance... "
TÉMOIGNAGES
Par MM.
L. BURET, M. PEYTRAL, M. SOUALAH, A. BALLOUL, A. MAMMERI. P. GODIN, M. DENNOUN, A. CHOTTIN, D. MOULIAS, P. BERNARD, Ch. AB DER HALDEN, J. GUILLEMIN, A. BIAGGI, BERDOU, F. REDON, P. RICARD, M. ROBERT, P. FABRE, C. DISDET, G. HARDY, M. MAGNOU, A. BASSET, L. BRUNOT, J. ROUSSET, G. VALAT, H. TRUET, C. DI LUCCIO, A. LESTRADE-CARBONNEL.

PRÉSENTATION

Une trentaine de témoignages composent cette seconde partie. Donc, offerts au lecteur

" Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches... ", cueillette de choix, gerbe précieuse, magnifique bouquet, qu'il n'eût tenu qu'à nous de grossir davantage, sans apporter, je crois, d'épis plus lourds à la gerbe, sans ajouter plus de parfum au bouquet.

Que leurs auteurs se soient rendus à notre appel, ou qu'ils nous aient proposé spontanément leur collaboration, ces pages du Passé vont presque toutes de la fondation de l'École à 1919, 1919 qui, pour l'Établissement comme pour le Monde, commence une ère nouvelle. Et très probablement les plus jeunes équipes de maîtres, de sectionnaires et d'élèves se sont- elles, par discrétion et modestie, réservées pour le moment où, organisant le Centenaire de Bouzaréa, mon successeur sollicitera la " copie " de ces cadets devenus à leur tour des anciens. En attendant ce Centenaire que verront, inch'Allah ! la plupart, sinon tous les jeunes des promotions d'hier et d'aujourd'hui, en formulant le voeu qu'il soit triomphal, attestant plus fortement encore qu'en 1938, et selon le mot de M. le Recteur Pierre Martino, " la réussite éclatante d'un beau destin ", voici pour ce premier cinquantenaire, une première Collection de Témoignages.

C'est de l'École de Mustapha que relève B. Fatah, normalien de 1866, dont la droite et féconde carrière est rappelée à travers les filiales évocations de Léon Buret. Mustapha revit encore sous la plume, toujours jeune, de l'un de ses doyens, M. Peytral, " le père des abeilles " ; M. Peytral dont la longue mémoire réussit - qui l'eût dit d'une École normale, et d'outre-mer ! - à rattacher, à travers le gallican chanoine Fabre, notre institution naissante aux mânes de Lamennais.

C'est ensuite la Bouzaréa des tout premiers temps avec le Cours Normal dont le docteur ès-lettres Soualah, l'agrégé Balloul, le peintre Mammeri furent élèves ;
Puis l'École Normale qu'ont successivement connue Pierre Godin, M. Dennoun, Alexis Chottin, L. Buret, Daniel Moulias ;
          - l'École des " Chaïbs " ; Paul Bernard, Charles ab der Halden, Jean Guillemin ;
          - la Section Spéciale, avec ses directeurs comme MM. Berdou et François Redon ; ses élèves comme MM. Ricard, Maurice Robert et Paul Fabre ;
          - la Quatrième année dont Camille Disdet s'est fait le minutieux recenseur ;
          - l'École " impériale " symbolisée par cet apôtre, Jean Quilici, dont la haute figure apparaît si vivante grâce au portrait du Recteur Georges Hardy qui " l'aima comme un frère " ;
          - l'École annexe dont le fin M. Magnou, qui la dirigea de longues années et n'a pu se détacher de sa Bouzaréa, rappelle les beaux états de services ;
          - l'École avec ses études spécifiquement bouzaréennes : le berbère, avec le professeur André Basset ; l'arabe, avec Georges Valet ; la Science de la terre algérienne, avec H. Truet ;
          - enfin l'Ecole du bled, avec l'Administrateur principal LestradeCarbonnel, petit-fils, arrière-petit-fils d'instituteurs, neveu d'Eugène Scheer.

Ni l'humour, ni le sourire ne sont - on s'y attendait bien un peu - exempts de ces pages : des anciens, tels M. Dennoun, ou M. Balloul (ce qui n'empêcha pas ce dernier de devenir agrégé) semblent avoir été d'intrépides dormeurs. Leurs cadets seraient-ils, hum ! plus courageux devant l'insistante sonnerie matinale déclenchée par notre impassible Sanchez ?... M. Soualah et M. Pierre Godin, se rencontrent dans leur remembrance du moliéresque épisode du " mamamouchi "... Il y a aussi, sous la signature du second, certaine histoire d'un prix de sylviculture, prix curieusement obtenu, histoire bien agréablement contée.

Daniel Moulias revoit le lampiste qui répondait au nom féminin de Suzanne... Et François Redon, les joyeuses Sections d'autrefois et les barrages de troupes, en mainte rue d'Alger, du temps de Drumont et de Max Régis... Passe, capitaine sur le pont, regard incisif, bon pied bon oeil, le vigilant Prieur de la Petite Chartreuse, en proie à un grave débat de conscience : " Faut-il, ne faut-il pas trocarter ? " Et C. Di Luccio de décrire les pittoresques montées et descentes des habitants d'une École que le sort jucha à près de quatre cents mètres au-dessus du niveau de la mer...

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Cet humour se donne libre carrière lorsque le conteur évoque le personnage le plus extraordinaire, le plus original, le plus populaire, le plus marquant de tous les maîtres qu'aient rencontrés et aimés des générations de Bouzaréens. Inutile de l'appeler par son patronyme, puisqu'aussi bien vous avez tous reconnu celui que le charmant Paul Fabre continue d'appeler " notre bon Chikh ". M. Girard, " curieux homme ", dirait le poète Paul Fort ; M. Girard qui, toujours vivant, se trouve presque, par grâce de tempérament, comme par son quasi demi-siècle d'enseignement, une institution de l'École, avec son histoire bien à lui, sinon sa légende...

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Mais, dans ces témoignages, il n'est pas que des sourires, de joyeuses, de spirituelles histoires. A chaque instant, en effet, l'émotion préside à ces effusions du souvenir. Verlaine, je vous requiers encore :

 ...«Et puis voici mon coeur...»
Tant d'émouvants rappels, en effet, " des voix chères qui se sont tues... "

M. Paul Bernard évoque la virile image du Recteur Jeanmaire, et F. Redon, son indéfectible collaboration avec Paul Bernard.

Ch. ab der Halden reste inconsolable de tous ses garçons morts à la guerre. D. Moulias s'attendrit au souvenir de ceux qui tombèrent à ses côtés. J. Guillemin raconte comment, d'une École blessée, il s'employa à refaire une École sans larmes. A. Biaggi songe à son bon maître, " l'Athénien " Delassus. Et l'on comprend maintenant pourquoi parfois, dédaignant l'autobus d'aujourd'hui, M. Di Luccio s'en va tout seul, ses cours finis, pour essayer de retrouver aux alentours de la Traverse, l'âme de sa vieille École au temps où il était élève.

Enfin, à vous lire comme à vous entendre, ce jour où nous nous rencontrâmes à la Mure d'Isère, je sais, mon cher Paul Fabre, quel intime pèlerinage vous rêvez, avant l'arrêt définitif en vos Alpes maternelles, de faire quelque jour à cette Bouzaréa qui vous tient toujours, et tant au coeur...

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Une École où l'on a été gai et jeune. Une École à laquelle, sectionnaire, élève ou maître, on est fier d'avoir appartenu : " Avoir été Sectionnaire, écrit le député Maurice Robert, c'est un titre de gloire. En ce qui me concerne, c'est un de ceux auxquels je tiens le plus... ". Une École où, en outre, l'on a travaillé. Tous ces souvenirs en témoignent. Une Maison qui a fait non seulement des gens d'école, mais encore des hommes d'action. Qui même, pour son honneur, compte un authentique grand homme, " un homme supérieur, qui nous dépasse tous "..., Biarnay dont Louis Brunot et J. Rousset ont ici retracé l'histoire. Pourquoi, à dater de ce Cinquantenaire, la salle de cours de la Section Spéciale ne s'appellerait-elle pas Salle Samuel Biarnay ?

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...Que, pour toutes ces pages enjouées, nostalgiques et ferventes, tous ces Témoins soient remerciés, car nous leur devrons le meilleur de ce livre placé sous le triple signe du souvenir, de la reconnaissance et de l'amitié.

A.D.