Massacres dans Aïn-Abid et El-Halia
Après les massacresLa folie dans ConstantineA
El-Halia et à Aïn-Abid, la stupéfaction se mêle
à l'horreur. Ceux qui levaient brusquement le couteau sur les Européens
étaient des familiers, des villageois musulmans paisibles. Au point
qu'à Aïn-Abid le maire avait refusé toute protection
militaire, craignant que des uniformes ne vinssent troubler la paix des
rapports entre les deux communautés.
El-Halia est attaqué entre 11h30 et midi. C'est un petit village
proche de Philippeville. Là vivent 130 Européens et 2 000
musulmans. Les hommes travaillent à la mine de pyrite, les musulmans
sont payés au même taux que les Européens, ils jouissent
des mêmes avantages sociaux. Ils poussent la bonne intelligence
jusqu'à assurer leurs camarades qu'ils n'ont rien à craindre,
que si des rebelles attaquaient El-Halia, on se défendrait au coude
à coude.
A 11 h 30, le village est attaqué, à ses deux extrémités
par quatre bandes d'émeutiers, parfaitement encadrés, et
qui opèrent avec un synchronisme remarquable. Ce sont, en majorité,
des ouvriers ou d'anciens ouvriers de la mine et, la veille encore, certains
sympathisaient avec leurs camarades européens... Devant cette foule
hurlante, qui brandit des armes de fortune, selon le témoignage
de certains rescapés, les Français ont le sentiment qu'ils
ne pourront échapper au carnage. Ceux qui les attaquent connaissent
chaque maison, chaque famille, depuis des années et, sous chaque
toit, le nombre d'habitants. A cette heure-là, ils le savent, les
femmes sont chez elles à préparer le repas, les enfants
dans leur chambre, car, dehors, c'est la fournaise et les hommes vont
rentrer de leur travail. Les Européens qui traînent dans
le village sont massacrés au passage. Un premier camion rentrant
de la carrière tombe dans une embuscade et son chauffeur est égorgé.
Dans un second camion, qui apporte le courrier, trois ouvriers sont arrachés
à leur siège et subissent le même sort. Les Français
dont les maisons se trouvent aux deux extrémités du village,
surpris par les émeutiers, sont pratiquement tous exterminés.
Au centre d'ElHalia, une dizaine d'Européens se retranchent,
avec des armes, dans une seule maison et résistent à la
horde. En tout, six familles sur cinquante survivront au massacre. Dans
le village, quand la foule déferlera, excitée par les you
you hystériques des femmes et les cris des meneurs appelant à
la djihad, la guerre sainte, certains ouvriers musulmans qui ne participaient
pas au carnage regarderont d'abord sans mot dire et sans faire un geste.
Puis les cris, l'odeur du sang, de la poudre, les plaintes, les appels
des insurgés finiront par les pousser au crime à leur tour.
Alors, la tuerie se généralise. On fait sauter les portes
avec des pains de cheddite volés à la mine. Les rebelles
pénètrent dans chaque maison, cherchent leur gibier parmi
leurs anciens camarades de travail, dévalisent et saccagent, traînent
les Français au milieu de la rue et les massacrent dans une ambiance
d'épouvantable et sanglante kermesse. Des familles entières
sont exterminées. Outre les 30 morts, il y aura 13 laissés
pour morts et deux hommes, Armand Puscédu et Claude Serra, un adolescent
de dix-neuf ans, qu'on ne retrouvera jamais. Quand les premiers secours
arrivent, El-Halia est une immense flaque de sang.
Aïn-Abid, dans le département de Constantine, est attaqué
à la même heure. Un seul groupe d'émeutiers s'infiltre
par différents points du petit village, prenant d'assaut, simultanément,
la gendarmerie, la poste, les coopératives de blé, l'immeuble
des travaux publics et les maisons des Européens. Comme à
El-Halia, jusqu'à 16 heures, c'est la tuerie, le pillage, la dévastation.
Les centres sont isolés les uns des autres, les Français
livrés aux couteaux. Mais, à Aïn-Abid, les civils sont
mieux armés et ils se défendent avec un acharnement qui
finit par tenir les rebelles en respect jusqu'à l'arrivée
des renforts militaires, vers 16 heures. C'est à cette heure-là
qu'on découvrira le massacre de la famille Mello.
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