

FAUT-IL CHOISIR AU SAHARA ENTRE LEAU
ET LES MOUSTIQUES ?
EL-GOLÉA possédait un lac artificiel de près de
300 m. de diamètre
Son assèchement a supprimé le canotage les baignades,
la chasse aux canards et les parties
de pêche... à la tanche
Avant la « poussée
» arabe, tes tribus zénètes de la Berbérie
méridionale entretenaient des relations avec les oasis par tes
couloirs daccès naturels. Ce sont ces Berbères qui,
en peuplant le Sahara, fondèrent El-Goléa (Taourirt),
EI-Ménéa des Arabes.
Quelques notes historiques
Au début de lhistoire de lIslam, les kharedjites
tombèrent sous les coups des orthodoxes, ils furent contraints
démigrer et constituèrent de petits empires, au
Tafilalet, à Agadir, à Tlemcen et celui plus important
dAbderrahman ben Rostem, à Tiaret. Mais des dissensions
intestines causèrent la ruine de la secte et au début
du dixième siècle loccupation abadite sécroula.
Les Rostémides émigrèrent à Ouargla et au
MZab.
Dautres remous se produisirent a la suite des invasions arabes.
Les occupants fuyaient devant des adversaires victorieux jusquaux
lointaines oasis de l'extrême-Sud. Les Zénètes,
qui sinstallèrent les premiers dans celle dEl-Goléa,
y plantèrent des palmiers et entreprirent la construction du
ksar dont ils firent peu à peu une citadelle imprenable.
Duveyrier fut le premier Français qui pénétra dans
El-Goléa, en 1859.
Très mal accueilli, menacé de mort, malgré une
énergique résistance, il fut contraint de senfuir
sous peine dêtre égorgé. « Je suis resté,
écrivit-il, deux nuits et un jour dans la ville, prisonnier,
il est vrai ; ils ont vu quils ne pouvaient m'effrayer... Mon
impression est que cette route est désormais ouverte. »
La prévision de ce courageux explorateur ne tarda pas à
se réaliser.
Une inscription gravée à lentrée du ksar
rappelle le passage, en 1873, dune expédition militaire
de sept cents hommes, commandée par le général
de Gallifet. Cétait pour prévenir les possibilités
de développement de linsurrection de Bou-Choucha dans le
Sud constantinois, que cette colonne poussa une pointe avancée
sur El-Goléa. Partie dOuargla le 11 janvier 1873, elle
franchit en sept jours la distance de 280 kilomètres qui la séparait
de notre oasis. Elle en repartit le 1er février, après
que les Chamba eurent demandé laman et payé un arriéré
dimpôt.
Cette marche militaire eut pour résultat de maintenir la tranquillité
pendant quelques années dans le
Sud algérien central.
La crainte de la contagion de la révolte de Bou-Amama nous amena
à y envoyer, en fin de lannée 1881, une colonne
légère commandée par le lieutenant-colonel Belin.
du 1er Tirailleurs algériens.
En 1887, le commandant Déporter, commandant supérieur
du cercle de Ghardaïa, fit construire un petit bordj, qui existe
encore dans la cour du service des Affaires sahariennes. Il le fit occuper
par quelques spahis, sous les ordres du maréchal des logis Debect,
qui y vécut à la mode Indigène. Le lieutenant Cauvet,
adjoint à lannexe de Ghardaïa. vint y faire un séjour
pour étudier les possibilités de creuser des puits artésiens.
Cest en janvier 1891 que loccupation dEl-Goléa
par une garnison permanente fut décidée. Un détachement
de 150 tirailleurs, dont faisait partie le lieutenant Reibeil, était
mis à la disposition du capitaine Lamy, qui devint le premier
chef de poste dEl-Goléa.
Avec 50 tirailleurs montés à méhari, il réalisa,
pour la pacification profonde et durable de ce poste, ce que des bataillons
nauraient pas fait. Il y a quelques années, de vieux chamba
se souvenaient encore de cet officier quils désignaient
sous le nom dEl Hadj Lamin. Il sétait acquis une
réputation maraboutique tant il en imposait par son austérité,
sa droiture, sa charité et son pouvoir de sentretenir dans
la langue arabe, quil connaissait à la perfection.
Il y eut, entre temps, quelques victimes isolées. Le lieutenant
Collot fut attaqué et tué par des Chamba à une
quarantaine de kilomètres au sud dEl-Goléa. Les
frères Paumier, Minoret et Bouchard, qui se rendaient de Metlili
à Inifel, furent assassinés par leurs guides Touaregs
un peu avant leur arrivée à ce puits.
Le jour de Pâques 1892, Mgr Toulotte, des Pères Blancs,
évêque apostolique du Sahara, vint jeter les bases de linstallation
à demeure de trois Pères Blancs à El-Goléa,
point de départ de luvre féconde que ces missionnaires
ont accomplie depuis.
Le lac de Bel-Aïd
Ce fut au cours de lété de 1891 qu'un détachement
de 30 hommes du deuxième Bataillon dAfrique, sous la direction
d'un adjudant habitué à commander cette troupe spéciale,
fora le puits artésien de Bel-Aïd. Leau avait été
trouvée à 33 mètres. La profondeur fut poussée
à 55 mètres ; le débit atteignit 800 litres en
fin de travaux. Il remplit rapidement une cuvette et forma un lac artificiel
de près de 300 mètres de diamètre. Des tanches
y furent acclimatées un peu plus tard.
Ce lac constituait un attrait pour le tourisme et pour les habitants,
mais il fut incriminé dentretenir
des foyers de moustiques qui engendraient le paludisme. Pour parer à
ce danger, il fut peuplé de gambouses qui épurèrent
ses eaux des larves dangereuses.
Dans une remarquable étude épidémiologique sur
le paludisme à El- Goléa, rédigée en 1937,
le médecin-capitaine Gillet écrivait : « Nous avons
déjà dit que jamais nos prédécesseurs ou
nous mêmes, du moins depuis que les gambouses y ont été
introduites, navons trouvé de larve dans les eaux du lac
de Bel- Aïd ». Il désignait, par contre, comme particulièrement
propices au développement de ces larves, les puits inutilisés,
les eaux stagnantes de petites mares, qui constituaient autant de gîtes
déclosion.
Loin de nous de mettre en doute la valeur des arguments et les bonnes
intentions du corps médical qui, frappant directement un danger
public à sa cause originelle, a obtenu de faire assécher
ce lac magnifique. Regrettons que nos officiers administrateurs de 1942
à 1951 naient pas réussi à le conserver en
proposant un aménagement rationnel qui aurait fait disparaître
les résurgences, les petites mares du pourtour, seules dangereuses,
parce que les gambouses ny effectuaient pas leur bon office.
On aurait peut-être pu, sur les 7 à 800 mètres de
son périmètre et sur une profondeur en glacis de 1 m.
50, faire aménager à la pierre sèche un affranchissement
circulaire des berges et transformer ainsi ce lac en bassin à
bords nets avec quelques rampes daccès en plans inclinés.
Ces travaux nauraient pas coûté plus cher que tous
ceux effectués pour lassèchement. Les coulées
de ciment dans le tubage du puits nont pas fait disparaître
les sources artésiennes qui se sont fait jour à côté
(renards) et entretiennent une mare putride, vraiment dangereuse à
présent.
Les curiosités touristiques nabondent pas tellement dans
le Sahara pour quon en sacrifie une de cet ordre sans avoir épuisé
préalablement tous les moyens de la conserver.
Finies les parties de canotage, les baignades en pleine eau, les affûts
aux canards de passage et les parties de pêche à la ligne
où il nétait pas rare de voir de fervents amateurs
aligner en quelques heures un tableau dune trentaine de tanches