El-Biar - Alger
En 1957, El Biar créait à Toulouse
une des plus grandes surprises de la Coupe
paru dans AEA, n°15, juillet 1986
sur site le 5-08-2005

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-----------Le 2 février 1957, onze joueurs et une demi-douzaine de supporters prirent l'avion d'Alger pour Toulouse avec le même état d'esprit qu'une colonie de vacances partant pour un voyage agréable : c'était le S.C.U.E.B., car à Alger les clubs étaient identifiés par leurs initiales et le " Skuèb " n'était pas encore " El Biar ". Pour l'histoire précisons que ces initiales veulent dire Sporting Club Union El Biar.
-----------Cette vingtaine de voyageurs était heureuse " d'aller en France ", de quitter pour quelques jours cette triste atmosphère d'Alger où les attentats se multipliaient et où, pour la première fois, les stades avaient été visés. Sur celui du S.C.U.E.B. il y avait eu, justement, des bombes piégées, des fusillades comme au Stade municipal. Des footballeurs étaient morts, des dirigeants et aussi des supporters.
-----------Tout cela on l'oublia dès que l'avion dé-colla et le gardien de buts, Benoit, donna le signal de la bonne humeur cependant que le joueur-entraîneur Buffard était le seul à penser au match qui devait être joué le lendemain avec Reims. Le seul à réfléchir, car Buffard vivait déjà ce qu'il pensait être son apothéose personnelle : il allait voir de près ses idoles, les Rémois.
-----------Buffard avait fait les beaux jours du Red-Star Algérois, puis l'âge venant, il s'était consacré aux jeunes d'El Biar, sans posséder de diplôme, sans d'autre bagage que l'expérience d'une quinzaine d'années de footballeur. Pour lui, il n'y avait qu'un football et qu'une équipe : Reims. Il avait été le premier adhérent à la section de supporters d' " Allez Reims " et c'est l'insigne rémois qu'il arborait à la boutonnière.
-----------Il avait obtenu avec son équipe de beaux résultats en éliminant à Alger, Montpellier puis Aix (après deux matches) et en se qualifiant ainsi pour les seizièmes de finale.
A Toulouse le soir même, Buffard eut vraiment sa grande soirée : interview à la Radio toulousaine où Batteux avait déclaré que ses joueurs ne ridiculiseraient pas les Algérois en longues heures de bavardage avec l'entraîneur rémois.
Le lendemain, sur le Stadium quasi désert, les joueurs des hauts d'Alger s'alignèrent, la peur au ventre, chacun pensant : " Nous allons prendre un carton ".
-----------Or, après quatre minutes de jeu, El Biar bénéficia d'un coup franc ; Buffard le tira à travers une défense qui faisait un mur dérisoire et Reims encaissa son premier but.
-----------Quatorze minutes après c'était Almadovar qui recevait une longue transversale de Baéza, se précipait en même temps que Cicci et la balle fusait hors de portée de Jacquet. El-Biar menait par 2-0.
-----------Là, nous nous aperçûmes que cette avance n'était pas pour rassurer Buffard et ses hommes : " On les a surpris, mais maintenant ils vont se reprendre. "
-----------Il fallut que nous donnions de la voix pour les revigorer, leur faire garder tout espoir et même leur mentir en rapportant des appréciations qui leur étaient flatteuses et qui n'avaient jamais été exprimées dans la tribune de presse.
-----------La seconde mi-temps, nous l'avons passée derrière le but de Benoit, ce qui nous valut maintes réflexions du fougueux Leblond, estimant que nous étions trop bavard.
-----------Nous nous souviendrons toujours de ces 45 minutes où El-Biar écrivit sa légende. Tout d'abord les Algérois jouèrent comme en début de match : petites passes, déviations, ouvertures sur Buffard et Vidal, Taberner et Baéza au centre de l'attaque importunant souvent Jonquet, Siatka et Penverne.
--Mais au fur et à mesure des opérations, Reims devenait plus pressant : Hidalgo, Glovacki, Bliard, Leblond, Vincent, en raids successifs, eurent souvent le but au bout du pied, mais chaque fois Chakor, le puissant Florit ou Lapasset intervenaient à l'ultime seconde et quand ils étaient doublés il y avait Benoit, un gardien qui faisait " la partie de sa vie ". Tout lui réussissait, dans n'importe quelle position et celui qui fut surnommé " Le tigre volant " semblait ne pouvoir être battu. Quinze minutes avant la fin, Buffard crut au miracle et fit venir en défense Vidal. Pendant ce quart d'heure Reims domina outrageusement mais il y avait toujours Benoit à terre, en l'air, dégageant du poing, du pied. Leblond jurait à haute voix, Jonquet s'en prenait à l'arbitre, Bliard hurlait sa déconvenue... et il s'en fallut de peu que, sur une longue balle, Taberner n'aille ajouter un troisième but.
-----------Dans les tribunes, les quelques supporters pieds noirs " avaient maintenant avec eux le millier de Toulousains, criant aussi des encouragements à ces Algérois qui continuaient à se battre.
-----------Exténués, saoulés de leurs efforts, ne sa-chant plus jouer au ballon, mais s'acharnant à le renvoyer de leur zone de défense, les El-Biarrois réussirent tout de même à préserver leur avance.
-----------Dans le vestiaire ce fut une " fantasia " : on buvait au goulot les bouteilles offertes par Reims, on s'embrassait, on pleurait, on riait. Deux heures après, à l'hôtel, ce fut la pluie de télégrammes, les coups de téléphone, les interviews.
-----------Le retour à Alger prit des allures de triomphe : la population algéroise faillit, à l'aérodrome, faire capoter l'avion, chacun voulant voir de plus près les héros de Toulouse. Le maire Jacques Chevallier s'était dérangé avec tous les édiles.
-----------Pendant une semaine Alger oublia tout pour vivre l'épopée d'El Biar.
-----------Même le terrorisme marqua une trêve et ce fut là aussi et surtout une des victoires du football.
Eliminé par Lille, au tour suivant, El Biar reprit son rang de modeste équipe de banlieue, Buffard son poste de correcteur dans un quotidien. Reims obtint sa revanche, à Alger même, en gagnant par 6-0. Taberner s'en alla au Havre, Buffard la saison suivante à Port Saint-Louis puis l'équipe s'émietta au vent de l'Histoire.
-----------Mais aujourd'ui dans l'aventure de la Coupe, l'exploit d'El-Biar figure toujours comme une des pages les plus extraordinaires. N'est-ce pas devenu classique, pour les plus grands chantres de notre football d'écrire en parlant d'une surprise possible en Coupe de France : " Rappelons-nous la victoire d'El-Biar sur Reims ! "

Extrait de " L'histoire illustrée des sports et de l'éducation physique en Algérie de 1946 à 1962 ", par Louis SIGALA, Inspecteur général honoraire, ancien Directeur régional de l'Education Physique et des Sports en Algérie. (Collection Africa Nostra).


le 16-4-2007 :«Monsieur,
travaillant actuellement sur un ouvrage d'histoire de la Coupe de France de football, j'ai accédé au texte de votre site racontant le match célèbre entre El Biar et Reims en 1957. Je vous signale que la référence de ce texte est abusive. En effet, il s'agit très exactement d'un plagiat d'un texte que le journaliste algérois de L'Equipe, Tony Arbona a écrit en 1967 pour un ouvrage édité par Amphora et intitulé "Cinquantenaire de la Coupe de France de football". Je sais que sur Internet, tout le monde copie tout le monde, mais ce serait la moindre des choses de signaler le véritable auteur de ce texte, qui fut un des rares journalistes - et spectateurs, car ils n'étaient pas nombreux - à avoir assisté à ce match. Merci pour lui
Didier Braun