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sur site le 11-1-2004
-Le commerce algérien
Opuscule, (212 x 128), de 36 pages, 12 photos,3 tableaux édité par L'OFALAC.
année : estimée à 1956-1957
E.Desfosses-Néogravure-Paris

Document transmis par Jean Soler
n.b : tous ces textes ont été passés à l'OCR, je ne les pas vérifiés minutieusement. Veuillez pardonner les erreurs éventuelles, vous pouvez même me les signaler.Merci

«Que la balance commerciale soit en déficit croissant sans que l'économie algérienne en souffre, cela prouve de façon concrète que l'Algérie livrée à ses seules ressources ne pourrait ni s'équiper ni se développer puisque l'équilibre n'est rétabli que grâce au concours toujours accru de la métropole.»

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le commerce extérieur


-------Le voyageur qui, venant de la métropole, arrive pour la première fois en Algérie, ne laisse pas d'être surpris lorsqu'il découvre l'existence d'un contrôle douanier exercé à l'entrée et à la sortie de tout objet en provenance ou à destination de la métropole. À s'en tenir à l'apparence, c'est là une situation paradoxale qui contredit la définition constitutionnelle de l'Algérie.
-------Il importe de dissiper d'abord cette équivoque par une brève analyse du cadre juridique et administratif dans lequel s'effectuent les échanges commerciaux entre l'Algérie et la métropole.

L'Union douanière

-------L'Algérie constitue avec la métropole ce qu'il est convenu d'appeler une union douanière.
-------Notons déjà que le terme " union " paraît impropre dans la mesure où, entendu au sens d' " association ", il suppose l'existence d'au moins deux éléments associés. Ce qui peut donner à penser que l'union douanière concerne deux unités territoriales distinctes, mais assemblées. Tout au contraire, la métropole et l'Algérie forment - avec d'autres territoires d'ailleurs - une seule et même unité territoriale au regard de la législation douanière.
-------C'est du reste ce qui ressort explicitement du Code général des douanes qui déclare en son article 1er :
-------" Le territoire douanier comprend le territoire de la France continentale, de la Corse, des îles françaises voisines du littoral, ceux du département français d'outre-mer, et de l'Algérie, ainsi que leurs eaux territoriales. "
-------La première conséquence directe de ce principe est énoncée à l'article 2 du même code " Dans toutes les parties du territoire douanier, on doit se conformer aux mêmes lois et règlements douaniers. "
-------La métropole et l'Algérie font partie du même territoire douanier et sont soumises à la même législation et la même réglementation douanière, c'est-à-dire que le même tarif douanier frappe les produits étrangers à l'entrée en métropole et en Algérie, à l'exception d'une nomenclature spéciale d'articles, dont le nombre est actuellement limité à 9 et qui peuvent faire l'objet d'une taxation distincte, appropriée à l'Algérie.
-------Autre conséquence, l'absence de toute barrière douanière entre les deux rives de la Méditerranée : il n'existe aucun droit de douane dans les échanges entre la métropole et l'Algérie.

Dualité des régimes fiscaux

--------Il en va autrement sur le plan purement fiscal : l'Algérie, on le sait, possède son propre budget, distinct de celui de la métropole et alimenté par une fiscalité interne comportant notamment des impôts de consommation comme en métropole, mais perçus au seul profit du budget algérien.
--------Ainsi, un produit d'origine métropolitaine importé en Algérie se trouve libéré des taxes qui frapperaient sa consommation en métropole, mais, par contre, tombe à son arrivée sous le coup de la législation fiscale interne, au même titre que toute autre marchandise de même nature produite en Algérie. Aussi, bien que l'Algérie et la métropole ne soient pas séparées par des barrières douanières, mais seulement par des régimes fiscaux différents, l'administration des douanes, en raison de son implantation territoriale et de son organisation matérielle, a paru toute désignée pour assurer l'application de cette législation : c'est à ce titre seulement et pour des raisons de pure commodité, qu'elle intervient dons le circuit commercial entre la métropole et l'Algérie, en marge de son activité normale ; en confiant cette tâche aux douanes, on a voulu simplement éviter de doubler inutilement les services de contrôle à l'entrée des départements algériens.
--------Cette situation n'est pas sans précédent et l'on peut citer, entre autres, le cas de la zone franche du pays de Gex où, depuis 1832, les douaniers français sont chargés de la perception des droits intérieurs français sur le territoire de la zone.
--------Telle est donc l'origine d'une équivoque qui peut laisser croire à l'existence de barrières douanières entre la métropole et l'Algérie.
--------Il est enfin à peine nécessaire de rappeler que les droits de douane qui sont perçus à l'occasion des échanges commerciaux entre l'Algérie et l'étranger sont rigoureusement identiques aux droits perçus sur le territoire de la métropole, à quelques exceptions de détail près : l'Algérie bénéficie en effet de dérogations lui permettant d'avoir un tarif moins élevé que la métropole pour certains produits (café, tabac, allumettes, friperie, pétrole, etc.) ; de plus, la zone saharienne est exonérée de droits de douane, pour diverses marchandises (céréales, sucre, tissus, médicaments, pétrole lampant, etc).
--------Quant aux règles qui président aux importations algériennes - régime des changes, licences d'importations, etc.- rien qui paraisse mériter d'être signalé, puisqu'ici encore, il y a unité de législation entre la métropole et l'Algérie et qu'à ce titre, tous les accords commerciaux conclus par la Fronce avec d'autres pays étrangers, s'appliquent de piano à l'Algérie.
--------Ainsi voit-on que, contrairement à certaines apparences, la métropole et l'Algérie sont en union douanière quasi totale.

Les principaux aspects du commerce extérieur algérien

--------L'évolution du commerce extérieur de l'Algérie a suivi, depuis 1949, une progression sensiblement constante, qui nous est révélée par la comparaison des indices du volume du commerce annuel, calculés sur la base de 100 de 1949, abstraction faite des fluctuations de prix (graphiques ci-dessous).
graphique importations-exportations
--------Le volume global des mouvements commerciaux atteignait 358 milliards en 1954, 405 milliards en 1955 et 423 milliards de francs en 1956. La progression révélée par les indices est donc importante puisqu'elle concerne des volumes réels d'échanges importants.

Déséquilibre de la balance commerciale.

-------Le commerce extérieur de l'Algérie doit être étudié sous deux aspects : échanges avec la zone franc et échanges avec l'étranger (voir graphiques ci-dessous).
graphique déséquilibre balance

-------Il faut souligner d'abord que la comparaison de ces valeurs réelles ne met pas assez en lumière la progression effective des échanges, du fait que les prix de certains grands produits d'exportation n'ont pas toujours bénéficié d'une hausse comparable à celle que subissaient les prix des produits importés et qu'ils ont parfois même baissé de façon sensible.
-------La balance commerciale de l'Algérie, qui a été constamment excédentaire de 1937 à 1942, est régulièrement déficitaire depuis 1946. Ce déficit qui atteignait 63,8 milliards en 1953 et 78,2 milliards en 1954, s'élevait à 83 milliards en 1955, et à 123 milliards
138,8 en 1956.
-------Ce déséquilibre qui va sans cesse en s'accroissant, semble devoir subsister pendant plusieurs années encore.

Les causes du déficit

-------En premier lieu, le déficit qui pourrait apparaître comme l'indice d'une conjoncture inquiétante, n'est en grande partie que la conséquence logique d'un effort massif d'équipement. En effet, la même situation se retrouve chaque fois qu'un pays insuffisamment développé réalise un effort d'expansion.
-------L'Algérie étant tenue de se procurer à l'extérieur le matériel et les biens nécessaires à son équipement, la courbe de ses importations doit inévitablement, au moins dons un premier temps, présenter une pente plus rapidement ascendante que celle de ses exportations qui sont tributaires d'une augmentation de la production et par conséquent, du développement de l'équipement en moyens de production.
-------Ce déséquilibre est encore accentué par le fait que les investissements - et notamment les importations de matériel - ne concernent pas exclusivement l'équipement économique, mais aussi l'équipement social qui, au moins d'un point de vue purement comptable, est improductif et qui fait l'objet d'un tiers des investissements contre un peu moins de deux tiers à l'équipement économique.
-------Second facteur de déséquilibre, l'essor démographique, qui influe doublement sur la balance commerciale, la population s'accroissant numériquement d'année en année dans les proportions que l'on soit, en même temps que son niveau de vie s'améliore de façon continue et sensible.
-------De là, une augmentation constante des besoins intérieurs en produits de consommation, essentiellement en produits alimentaires pour faire face à l'accroissement démographique, et plus généralement, en produits durables ou non durables, du fait de l'élévation du niveau de vie.
-------Ainsi, tandis que les importations augmentent, pour faire face à la demande intérieure (produits laitiers, sucre, thé, café, blé) un débouché de plus en plus important se trouve fourni sur place aux productions algériennes habituellement excédentaires et qui font ou faisaient l'objet d'un fort courant d'exportation (blé, dattes, figues, etc.) par un marché intérieur de consommation en développement constant : les volumes exportés s'en trouvent réduits d'autant ; d'où nécessité de rechercher des productions de remplacement.
-------Enfin, dernière observation : la quasi-totalité du déficit de la balance commerciale de l'Algérie apparaît en général dans son commerce sur la zone franc alors qu'inversement, sa balance commerciale avec l'étranger est le plus souvent bénéficiaire. Déficitaire en 1951, 1952, 1953, la balance avec l'étranger a occupé un solde excédentaire en 1954, 1955, pour, en 1956, marquer un déficit important.
-------Il en résulte que le problème des devises ne se pose pas avec gravité à l'Algérie, au contraire des autres pays fortement importateurs.

Pays clients et fournisseurs de l'Algérie

-------Comme en 1938, l'Algérie commerce pour 75 ou 80 % avec la métropole. Mais tandis qu'en 1938 elle lui vendait plus qu'elle ne lui achetait, la situation est aujourd'hui inversée et ses achats en métropole augmentent sans cesse : en 1954, 23,8 milliards de plus qu'en 1953 et en 1955, 26,9 milliards de plus qu'en 1954.
-------L'Algérie exporte en métropole la majeure partie de ses vins, primeurs et agrumes, des semoules et des tabacs et aussi des objets manufacturés (surtout papiers et cartons, fils et câbles électriques) ; elle y achète des produits laitiers, pharmaceutiques, chimiques, des céréales, du sucre, des bois, des tissus, des machines, des automobiles.
-------Les achats aux pays de l'Union française continuent à augmenter. L'Algérie y trouve du café, du thé, des huiles végétales, des bananes, tandis que ses ventes (vins, tabacs) diminuent.
-------Les échanges avec les pays étrangers, en 1954, révèlent un excédent de 900 millions de francs et de 3 229 milliards en 1955. La Grande-Bretagne est, parmi les pays étrangers, le meilleur client de l'Algérie pour l'alfa et le minerai de fer. Viennent ensuite, l'Allemagne, l'Italie (où l'Algérie exporte fruits et légumes, orges, minerais de fer et phosphates), les Pays-Bas et enfin les États-Unis (minerai de fer, liège, huile).
-------Viennent en tête de ses fournisseurs étrangers les États-Unis (houille, machines et tracteurs) suivis de la Grande-Bretagne.
-------Enfin, si l'Algérie trouve en la métropole son premier client et son premier fournisseur, elle en est aussi le premier client (avec 11,8 % des exportations métropolitaines) et le troisième fournisseur (avec 7,8 % des importations totales), après les U.S.A. (9,7 %) et l'Allemagne occidentale (9,1 %) .

Évolution du commerce extérieur de l'Algérie

-------L'analyse de l'évolution des différents groupements d'utilisation entre les années 1953 et 1,955 révèle que les importations d'énergie, de matières premières pour l'industrie, l'agriculture, et de produits de consommation (qui interviennent pour les 2/3 dans l'accroissement du déficit) ont augmenté, alors que les importations de moyens d'équipement semblent avoir atteint un palier et commencent même à diminuer (voir graphique p. 14 et 15).
graphique évolution commerce
-------Biens d'équipement et objets de confort ou produits alimentaires de choix, partie importante des importations algériennes, sont des marchandises de prix élevés. Par contre, les exportations de l'Algérie portent de façon constante sur des groupes de ressources agricoles où les variations de détail ne changent guère la structure de l'ensemble. En outre, l'évolution des prix a joué au préjudice de l'Algérie : à poids égal, la valeur des marchandises exportées a augmenté moins vite que celle des marchandises importées.

Les mesures en faveur de l'exportation

-------Quoique moins sensible que l'accroissement des importations, la baisse des exportations exige que l'Algérie, plus encore que la métropole, fosse un effort considérable pour surmonter les difficultés croissantes que rencontre l'écoulement de sa production, de façon à améliorer les courants d'échange.
-------L'existence en Algérie et en métropole de situations parallèles a eu pour conséquence l'institution de mesures de remboursement des charges supportées par les entreprises exportatrices algériennes, mesures inspirées de celles qui ont été prises en faveur des exportateurs métropolitains. Les résultats des trois premières années d'application font ressortir une amélioration très nette de la situation des produits soutenus, alors que les marchandises non bénéficiaires de l'aide à l'exportation sont en régression sensible.
-------Cette évolution favorable porte notamment sur les poissons salés, les huiles d'olive, les conserves de poissons, de légumes et de fruits, les superphosphates, l'essence de géranium, les tapis, le matériel de vinification, les légumes frais, le minerai de zinc, les cuirs et peaux, les papiers et cartons.
-------Enfin, la libération des échanges qui a été le fait saillant de l'année 1954 et qui s'est poursuivie jusqu'en 1956, est naturellement appliquée de plein droit à l'Algérie. On sait, en effet, que la France, fidèle à ses engagements internationaux, a repris et accéléré depuis 1953 sa politique de libération des échanges par des mesures successives dont les plus importantes ont été ' prises au cours de l'année 1955. Le taux de libération a en effet atteint 73 % en janvier 1955, 75 % en avril.
-------Ces mesures n'ont pas conduit, jusqu'à présent, à une augmentation sensible des importations de produits étrangers, et cela en grande partie du fait de l'institution de la taxe de Compensation. Elles ne semblent pas non plus avoir gêné jusqu'ici l'écoulement des produits algériens dons la métropole. Quoi qu'il en soit, une certaine vigilance s'impose et en particulier la préparation de chaque nouvelle tranche de libération exige une attention constante de la part de l'administration.
-------Il est évident que la politique d'industrialisation, dont les fins directes sont autres, doit avoir des incidences importantes sur la balance commerciale qu'elle peut amener progressivement à l'équilibre en accroissant les exportations et en assurant au pays une plus grande stabilité économique. Ainsi, les produits industriels jouent un rôle de plus en plus important à l'exportation ; les objets manufacturés en Algérie sont apparus sur tous les marchés du monde. On observe parallèlement une baisse accusée des achats de divers produits fournis maintenant par l'industrie locale. Aussi les caractères de la balance commerciale algérienne ne sont-ils absolument pas ceux d'une colonie.
Enfin, l'exploitation du pétrole saharien pourrait faire disparaître la port la plus lourde des achats de l'Algérie à l'étranger.

La balance commerciale dans la conjoncture exceptionnelle que traverse l'Algérie depuis 1954

-------Les chiffres statistiques sur lesquels est fondée cette étude s'entendent jusqu'à l'année 1956 incluse. Il apparaît, en effet, que l'activité économique de l'Algérie n'a été en aucune façon influencée par l'apparition en 1954 de l'action séditieuse et qu'elle a poursuivi de façon constante son évolution favorable.
-------C'est en 1956 seulement que les troubles ont commencé à influencer de façon diverse certains secteurs de l'activité économique du pays. Si la structure d'ensemble ne semble pas affectée de façon notable par le climat d'insécurité, l'apparition de besoins exceptionnels peut avoir sa part dans le déséquilibre de la balance commerciale. Tandis que les exportations se sont trouvées sensiblement stabilisées au niveau de 1955, les importations se sont au contraire considérablement accrues et ne sont plus couvertes qu'à concurrence de 55 % environ par les exportations. Ainsi, la balance commerciale accuse en 1956 un déficit de 123 milliards de francs.
-------Il serait encore prématuré de vouloir tenter une analyse approfondiede cette situation nouvelle. On peut cependant affirmer que ce phénomène est avant tout conséquence d'un accroissement des besoins intérieurs en produits de consommation, accroissement encore plus sensible peut-être qu'au cours des années précédentes, et souligné par la stabilisation des exportations.
-------Les caractéristiques de l'économie algérienne d'après guerre se reflètent donc dons son commerce extérieur : effort considérable d'équipement, amélioration du niveau de vie. Ces deux faits suffisent à expliquer le déficit commercial.
-------Sans doute, l'avenir dira si l'Algérie ne doit pas trouver dans son sous-sol la meilleure chance de parvenir à inverser le sens du déséquilibre de son commerce extérieur.
-------Mais pour le moment et pour un temps difficile à déterminer, la balance commerciale de l'Algérie demeurera caractérisée par un déficit qui (aussi paradoxal que cela puisse paraître) traduit sa volonté de progrès.
-------Toutefois, si elle veut que le " doping " provisoirement nécessaire à sa modernisation n'exerce que des effets salutaires, l'Algérie devra en régler soigneusement l'usage et travailler à le réduire progressivement au rythme de l'expansion du pays.
-------Enfin, l'Algérie a le plus grand intérêt à poursuivre une politique d'échanges orientée vers le commerce avec la métropole, principalement en lui réservant son marché d'importation. Mais cette discipline qu'elle doit s'imposer - et qu'elle s'impose exige en retour que le placement de la production algérienne sur le marché métropolitain soit protégé comme production nationale.

 

Le commerce intérieur

Les centres commerciaux

-------Le commerce intérieur est surtout actif dans les grandes villes les plus peuplées, Alger, Oran, Bône viennent en tête, d'autant qu'elles sont le lieu d'un important trafic maritime. Dans l'intérieur, Constantine et Tlemcen sont des places actives. De nouveaux centres comme Colomb-Béchar et d'autres agglomérations du Sud ont vu leur commerce se développer en fonction de l'extension des exploitations existantes.
-------Les marchés hebdomadaires des petites villes et villages de l'intérieur sont plus pittoresques qu'importants. Cependant, dans certaines régions d'élevage ou certains centres agricoles, les transactions prenant parfois une ampleur non négligeable (Souk-Ahras, Kroubs, Maison-Carrée, Boufàrik, Tiaretl

L'action des chambres de commerce

-------La vie commerciale est suivie par huit chambres de commerce
-------- Alger, Oran, Bône, Constantine, Bougie, Mostaganem, Mascara, Philippeville - dont le nombre pourrait être accru prochainement en fonction de la réorganisation territoriale de l'Algérie. Ces assemblées consulaires sont habilitées à donner leur avis aux Pouvoirs publics sur toutes les questions économiques : règlements relatifs aux usages commerciaux et aux créations commerciales nouvelles. Elles ont la gestion des concessions d'outillages portuaires publics.
-------Leur action est coordonnée depuis 1935 par la " Région économique d'Algérie " dont la compétence s'étend à l'ensemble des problèmes concernant la production, la circulation et la consommation de toutes les denrées et matières commercialisables. L'action des Chambres de Commerce sur le plan de leur circonscription, et celle de la Région Économique sur le plan général, sont le plus souvent communes et s'exercent en étroite collaboration.
-------Les Chambres de Commerce ont fondé un enseignement spécial destiné aux futurs chefs d'entreprises, commerçants et employés de commerce. La Chambre d'Alger a créé, en outre, une " École supérieure de Commerce " (actuellement gérée par la Région Économique) et le " Centre Algérien de la Gestion des Entreprises ". D'autre part, la Région Économique d'Algérie s'est attachée, dans le domaine de la recherche scientifique, à l'étude de la mise en voleur des produits algériens. Créée en 1951, la " Station Expérimentale de Recherches et d'Essais Frigorifiques Louis Morard " examine notamment les problèmes de l'utilisation du " Froid " dans l'entreposage, des transports et de la conservation de toutes les denrées périssables que l'Algérie, pays chaud, produit en quantités importantes.
-------Cet effort pour développer l'enseignement spécialisé est particulièrement important, puisqu'il doit procurer à l'Algérie les techniciens qui lui sont nécessaires..

UN IMPÉRATIF: faire entrer dans le circuit... la fraction de la population d'Algérie qui est encore enfermée dans les structures économiques traditionnelles.

Importance de l'activité commerciale

-------Les circuits d'échanges intérieurs manifestent, comme les autres domaines que l'organisation économique de l'Algérie est celle d'un pays en pleine évolution.
-------Deux types d'activités s'y côtoient, en effet, dont l'importance et les méthodes de travail diffèrent profondément : d'une part, un circuit commercial évolué qui participe à l'ensemble économique moderne, particulièrement actif, comportant une infinité d'échanges et réunissant aussi bien des Musulmans que des Européens; d'autre part, un petit commerce de caractère artisanal qui fait vivre une importante population d'origine autochtone et demeure rudimentaire et réduit. Le nombre des commerçants en activité ne pouvant être établi que de façon très approximative, il n'est guère possible d'évaluer précisément l'importance numérique respective de ces deux groupes économiques, d'autant que le premier s'accroît de façon constante aux dépens du second.
-------La création d'un équipement commercial moderne (routes, voies ferrées, équipement portuaire, réseau bancaire) a en effet profondément bouleversé la structure du commerce intérieur de l'Algérie. Aux grands courants commerciaux de l'époque turque, Nord-Sud ou Sud-Nord, les transversales Est-Ouest ou Ouest-Est ne jouant qu'un rôle secondaire, la création d'un système routier important et surtout la construction de la voie ferrée principale, orientée, comme les axes routiers essentiels, selon l'axe Est-Ouest, a substitué dans les relations intérieures la direction longitudinale Est-Ouest Ainsi, l'introduction des moyens de transport modernes a transformé profondément les courants commerciaux, en même temps qu'elle les intensifiait considérablement. Toutefois, l'axe Nord-Sud semble devoir retrouver une nouvelle importance avec la multiplication des lignes aériennes intérieures, et aussi avec l'essor économique du Sahara.
-------Quoique l'importance du trafic intérieur soit difficile à apprécier, on peut noter qu'en 1954, on comptait 309 964 immatriculations aux 17 greffes de l'ensemble du territoire algérien.
-------En 1938, on enregistrait 1 904 créations de fonds de commerce et 737 faillites ou liquidations judiciaires. Tandis qu'en 1946, on avait respectivement 42814 et 37, chiffres exceptionnels dus à la brusque reprise des activités économiques au lendemain de la guerre ; entre 1947 et 1952 on assistait à une normalisation progressive du commerce intérieur (22000 nouveaux commerces en 1949, 15 532 en 1950, 12 967 en 1951 et 8 550 en 1952) puis à une stabilisation au niveau moyen annuel de 3 400 créations pour 1953 et 1954. Par contre, l'année 1955 a été marquée par une reprise assez sensible avec 4 008 créations nouvelles et 96 liquidations ou faillites seulement, contre 125 l'année précédente.
-------Par ailleurs, le montant total des disponibilités monétaires en Algérie peut fournir une indication valable : il atteignait au 31 décembre 1952, 191 milliards, au 31 décembre 1954, 272 milliards et au 31 décembre 1955, 326,5 milliards.
-------Ainsi l'activité commerciale de l'Algérie suit une nette progression, parallèle au mouvement d'expansion économique du pays.
-------Toutefois, le niveau de l'activité commerciale, comme celui du développement économique en général, reste bas et il n'est, pour s'en convaincre, que de se reporter aux chiffres correspondants de la métropole, où le montant des disponibilités monétaires atteignait en 1952 - pour ne prendre que cet exemple - 4 157 milliards, soit près de 22 fois plus pour une population 5 fois plus nombreuse seulement. Encore faut-il considérer que la vitesse de la circulation de la monnaie est plus grande en France qu'en Algérie, où l'usage des chèques et de la lettre de change est beaucoup moins répandu que dons les pays plus évolués.

Situation présente

-------Les éléments statistiques fournis pour l'année 1955 permettent également de constater que l'activité commerciale de l'Algérie n'a pas été affectée par la conjoncture politique, quoique plusieurs zones d'insécurité aient connu un certain marasme. Il convient, au reste, de souligner qu'un programme d'action comportant des dispositions bienveillantes à l'égard des débiteurs de bonne foi, des prorogations d'échéances ou des concours financiers nouveaux ont été appliqués en faveur des commerçants victimes des événements.
-------Au demeurant, la tendance à la stabilité des prix qui s'était manifestée de 1952 à 1954 s'est maintenue pendant l'année 1955 avec les mouvements saisonniers habituels, et o permis une forte progression des chiffres d'affaires commerciaux.
-------Cependant, un examen approfondi permet de constater deux tendances qui pourraient aller en s'accentuant
-------- L'une, paralysante, a exercé son influence sur les domaines et dans les régions atteintes par la rébellion, à savoir essentiellement les transports routiers, le tourisme, les biens d'équipement agricole et les investissements privés.
-------- L'autre, stimulante, résultant de la présence des forces de l'ordre, s'est exercée principalement dans les secteurs des produits alimentaires et de la restauration et, plus faiblement, de l'hôtellerie et des spectacles.
Si l'activité et l'évolution du commerce intérieur demeurent difficiles à estimer, parce que les indices chiffrés sont rares et que les seuls renseignements précis concernent le nombre de créations, mutations et radiations du registre de commerce, on peut toutefois constater une certaine stabilisation de la propriété commerciale, conséquence d'une port, pour quelques secteurs, de la présence d'effectifs militaires consommateurs et d'autre part, des mesures prises pour protéger le commerçant mobilisé.

Le tourisme

-------Le tourisme en Algérie mérite une mention toute spéciale ; il a, en effet, connu un développement remarquable au cours des, dernières années à la suite des efforts persévérants qui visaient à en faire l'un des facteurs de l'expansion économique du pays.
Au lendemain de la guerre, le tourisme algérien déjà fort réduit dans le passé, était pratiquement inexistant et ne disposait pas d'une organisation capable de relancer un mouvement touristique.
-------Or, la variété des sites, le climat, les richesses folkloriques, les vestiges historiques, tout concourt à faire de l'Algérie un grand centre touristique pour peu qu'elle soit pourvue de l'équipement indispensable et que soit menée à l'extérieur une propagande destinée à da faire mieux connaître.
-------Cette politique fut entreprise par les Pouvoirs publics dès les années 1948-1950 avec prudence d'abord de façon à maintenir un équilibre entre tous les secteurs qui interviennent dans l'activité touristique. Une organisation touristique, en effet, ne s'improvise pas et pour atteindre le niveau élevé auquel elle est parvenue, par exemple, en métropole, elle doit posséder une structure élaborée jour après jour, au prix de longs et patients efforts. Un programme fut donc établi qui comportait des objectifs modestes, mais intéressait tous les secteurs à la fois.
-------Des crédits spéciaux, régulièrement croissants, furent affectés chaque année et à la remise en état des hôtels existants et à l'extension de l'équipement hôtelier ; les parcs automobiles furent reconstitués, les transports routiers et ferroviaires rénovés, la navigation aérienne développée.
-------Parallèlement à cet effort de rééquipement, l'action de propagande s'intensifiait attirant des touristes de plus en plus nombreux. Dans les grandes villes se tinrent des congrès de plus en plus rapprochés, des navires en croisière firent escale dans les grands ports ; des circuits réguliers furent organisés par des entreprises privées avec l'aide des Pouvoirs publics ; enfin, ce fut l'apparition de villages de toile qui, se multipliant rapidement, accueillirent sur les côtes algériennes, durant les mois d'été, de nombreux touristes métropolitains.
Si, en 1954, le mouvement touristique était encore loin d'atteindre l'ampleur du tourisme métropolitain, des résultats sensibles avaient pu être obtenus.
-------L'intérêt grandissant pour l'Algérie qu'on était parvenu à susciter avait fait augmenter le nombre de touristes étrangers. Les chiffres d'entrée pour l'ensemble de l'Algérie sont difficiles à dégager, mais on peut indiquer que pour les seuls port et aéroport d'Alger, il s'élevait à 12 608 en 1954 ; cinq grands circuits touristiques étaient assurés pendant toute l'année, qui parcouraient le Nord comme le Sud de l'Algérie ; en 1954, il n'existait qu'un centre de vacances et deux villages de toile ; en 1955, le tourisme populaire d'été disposait des centres de vacances ou des villages de toile suivants : Herbillon, Les Afbis, Tichy, Cap-Aokas, Cap-Matifou, Zéralda, Francis-Garnier, Cherchell et les Andalouses.
-------Ainsi, voit-on que le mouvement touristique connaissait en Algérie un essor considérable et nul doute qu'il aurait encore progressé si l'insécurité survenue depuis n'avait pas détérioré progressivement les résultats acquis. Certes, de nombreuses régions sont restées ou auraient pu rester ouvertes au tourisme, mais les mouvements de touristes, essentiellement fluctuants, ne pouvaient pas manquer de se détourner très vite de l'Algérie.
-------Ainsi l'action séditieuse a détruit pour longtemps l'effet de plusieurs années d'efforts qui avaient abouti à créer de toutes pièces un " tourisme algérien ",
-------Reste que le tourisme ne peut constituer qu'une ressource d'appoint, plus ou moins compensée par le départ des Algériens en métropole ou à l'étranger pendant la saison chaude.

L'artisanat

-------Il existe en Algérie un artisanat original de traditions très anciennes et d'une valeur artistique incontestable. Tapis, tissages, broderies, cuivres ciselés, bijoux, poteries en sont les produits les plus connus et les plus estimés.
-------Cependant, exposé à la concurrence des productions industrielles, affecté par l'évolution de la société musulmane, cet artisanat se trouvait menacé et donnait des signes d'une décadence qui risquait de priver de leurs ressources la plupart des petits artisans. Pour y remédier a été créé un service de l'artisanat qui se propose de guider l'artisan, de le ramener vers les sources traditionnelles de son inspiration, de l'aider enfin à placer sa production.
-------Des résultats tangibles ont pu être ainsi, obtenus : l'artisan a compris qu'en suivant les conseils et les directives qui lui sont donnés, qu'en modifiant ses méthodes de travail et ses techniques archaïques il parvient à améliorer ses productions et, par suite, à en assurer plus facilement l'écoulement.
-------L'aide qui lui est apportée se manifeste d'abord par la fourniture de matières premières de choix, laines en particulier, qui lui sont livrées, filées au calibre voulu et teintes selon une gamme de nuances étudiées au laboratoire. Elle se manifeste encore par le création de centres de perfectionnement artisanal dans les localités où l'artisanat est particulièrement développé. Ces centres où l'artisan trouve conseils et assistance, sont répartis sur tout le territoire : Aflou, Tlemcen, Mascara, Timimoun, Cherchell, Laghouat, Tébessa, Philippeville, Khenchela, El-Oued, Sétif, Biskra, Grande-Kabylie, Bône.
-------D'autre port, l'artisan à domicile dont les moyens financiers sont insuffisants peut recevoir des avances de matières premières et des prêts de matériel et d'équipement. Une importante masse de prêts, plus de 90 millions, est répartie par l'intermédiaire de la société de prévoyance artisanale d'Alger et par les sociétés agricoles de prévoyance, notamment par celles qui sont dotées d'une section artisanale.
-------Qu'il s'agisse de tissages, de broderies, de dentelles, de vanneries, de poteries, de bijoux, de dinanderies, de sellerie, l'aide à l'artisan se complète par une organisation commerciale avec contrôle de la fabrication, exposition des produits finis et estampillage en vue d'une commercialisation rationnelle et rémunératrice.
-------Au cours de l'année 1956, ont été soumis à la formalité de l'estampillage 52 874 tapis représentant une superficie totale de 1 18 320 mètres carrés et 412 349 kilogrammes.
-------Ainsi, l'activité des services artisanaux prend les formes les plus variées. Il est utile de mentionner les efforts qui sont déployés pour permettre l'écoulement des produits de bonne qualité et en conséquence procurer à l'artisan, et surtout à l'artisane, un salaire
d'appoint appréciable. Le chiffre des ventes réalisées par la société de prévoyance artisanale d'Alger, chargée de la commercialisation de la production artisanale pour l'ensemble de l'Algérie, a doublé de 1955 à 1956, preuve que l'action engagée en Algérie en faveur des artisans est vraiment efficace.
-------L'aide à l'artisanat, dont l'inspiration et les buts peuvent être rapprochés de ceux qui animent les services du paysannat, fait apparaître certains aspects typiques de l'oeuvre de la France en Algérie. En prodiguant les conseils techniques aux artisans des régions rurales, en leur accordent un soutien financier, en les dotant d'un matériel moderne, on o voulu leur assurer, dans le cadre même des activités économiques locales, une ressource d'appoint qui est loin d'être négligeable. Trait d'union entre un système d'économie de type archaïque, où le groupe vivent en autarcie, demande aux artisans locaux les produits fabriqués dont il a besoin, et le système des activités économiques modernes, puisque l'artisan utilise des techniques complexes et perfectionnées (procédés de teinture par exemple), l'artisanat contribue à faire entrer dans le circuit économique moderne une partie toujours plus importante de la population et apporte un accroissement sensible des revenus dans certaines régions, généralement les plus pauvres du
pays

Conclusion

-------Les échanges avec la métropole représentent 79 % du commerce d'importation et 76 % du commerce d'exportation, soit 78 % du commerce extérieur de l'Algérie dans son ensemble. Ainsi, les deux partenaires, métropole et Algérie, trouvent-ils à cette situation tous les avantages du débouché mutuel, chacun étant pour l'autre à la fois un débouché relativement assuré et une source d'approvisionnement relativement certaine, et chacun devant une partie importante de son activité aux commandes de l'autre partenaire.
-------D'autre part, la symbiose économique de la métropole et de l'Algérie permet à la première de réaliser une économie de devises considérables, à la seconde d'ignorer le problème des devises fortes qui se poserait à elle de façon extrêmement aiguë, en raison du déficit de sa balance commerciale, si elle devait s'approvisionner en produits industriels et alimentaires auprès des autres pays. On voit donc l'importance, la profondeur et l'intérêt mutuel de la solidaritéorganique qui unit la métropole et l'Algérie.
-------La balance commerciale de l'Algérie est caractérisée essentiellement par un déficit croissant. Ce déséquilibre, conséquence de l'effort d'industrialisation entrepris en Algérie depuis plusieurs années, naît, paradoxalement, de la recherche d'un nouvel équilibre économique. En effet, l'économie algérienne, exclusivement agricole jusqu'à une dote récente, s'ouvre progressivement à la vocation industrielle, puisque la part du secteur industriel dans (e revenu global intérieur brut de l'Algérie qui est actuellement de 32 environ pourra s'établir prochainement aux environs de 40 %.
-------D'autre part, l'élévation du niveau de vie que révèlent l'augmentation de certains postes à l'importation (biens de consommation) et la diminution des mêmes postes à l'exportation, contribue à accroître le déséquilibre.
-------Comment est compensé ce déficit? Par un apport extérieur de capitaux et de revenus publics et privés
-------1 ) Des revenus privés, à savoir les envois de fonds effectués par les travailleurs algériens en Métropole.
-------2) Des revenus publics versés sous forme de traitements, salaires et pensions.
-------3) Des capitaux privés qui s'investissent en Algérie.
-------4) Des capitaux publics, tels les investissements de l'administration métropolitaine, les emprunts du Trésor Algérien, etc.
-------Parmi ces apports extérieurs les transferts de salaires et les investissements de l'administration métropolitaine sont quantitativement les plus importants.
De plus, l'ensemble de ces apports joue un rôle essentiel en élevant, dans l'immédiat ou à long terme, le pouvoir d'achat de la population.