le commerce extérieur
-------Le voyageur qui, venant de la métropole,
arrive pour la première fois en Algérie, ne laisse pas d'être
surpris lorsqu'il découvre l'existence d'un contrôle douanier
exercé à l'entrée et à la sortie de tout objet
en provenance ou à destination de la métropole. À
s'en tenir à l'apparence, c'est là une situation paradoxale
qui contredit la définition constitutionnelle de l'Algérie.
-------Il importe de dissiper d'abord cette
équivoque par une brève analyse du cadre juridique et administratif
dans lequel s'effectuent les échanges commerciaux entre l'Algérie
et la métropole.
L'Union douanière
-------L'Algérie
constitue avec la métropole ce qu'il est convenu d'appeler une
union douanière.
-------Notons déjà que le terme
" union " paraît impropre dans la mesure où, entendu
au sens d' " association ", il suppose l'existence d'au moins
deux éléments associés. Ce qui peut donner à
penser que l'union douanière concerne deux unités territoriales
distinctes, mais assemblées. Tout au contraire, la métropole
et l'Algérie forment - avec d'autres territoires d'ailleurs - une
seule et même unité territoriale au regard de la législation
douanière.
-------C'est du reste ce qui ressort explicitement
du Code général des douanes qui déclare en son article
1er :
-------" Le
territoire douanier comprend le territoire de la France continentale,
de la Corse, des îles françaises voisines du littoral, ceux
du département français d'outre-mer, et de l'Algérie,
ainsi que leurs eaux territoriales. "
-------La première conséquence
directe de ce principe est énoncée à l'article 2
du même code " Dans toutes les parties
du territoire douanier, on doit se conformer aux mêmes lois et règlements
douaniers. "
-------La métropole et l'Algérie
font partie du même territoire douanier et sont soumises à
la même législation et la même réglementation
douanière, c'est-à-dire que le même tarif douanier
frappe les produits étrangers à l'entrée en métropole
et en Algérie, à l'exception d'une nomenclature spéciale
d'articles, dont le nombre est actuellement limité à 9 et
qui peuvent faire l'objet d'une taxation distincte, appropriée
à l'Algérie.
-------Autre conséquence, l'absence
de toute barrière douanière entre les deux rives de la Méditerranée
: il n'existe aucun droit de douane dans les échanges entre la
métropole et l'Algérie.
Dualité des régimes fiscaux
--------Il en va
autrement sur le plan purement fiscal : l'Algérie, on le sait,
possède son propre budget, distinct de celui de la métropole
et alimenté par une fiscalité interne comportant notamment
des impôts de consommation comme en métropole, mais perçus
au seul profit du budget algérien.
--------Ainsi,
un produit d'origine métropolitaine importé en Algérie
se trouve libéré des taxes qui frapperaient sa consommation
en métropole, mais, par contre, tombe à son arrivée
sous le coup de la législation fiscale interne, au même titre
que toute autre marchandise de même nature produite en Algérie.
Aussi, bien que l'Algérie et la métropole ne soient pas
séparées par des barrières douanières, mais
seulement par des régimes fiscaux différents, l'administration
des douanes, en raison de son implantation territoriale et de son organisation
matérielle, a paru toute désignée pour
assurer l'application de cette législation : c'est à
ce titre seulement et pour des raisons de pure commodité, qu'elle
intervient dons le circuit commercial entre la métropole et l'Algérie,
en marge de son activité normale ; en confiant cette tâche
aux douanes, on a voulu simplement éviter de doubler inutilement
les services de contrôle à l'entrée des départements
algériens.
--------Cette
situation n'est pas sans précédent et l'on peut citer, entre
autres, le cas de la zone franche du pays de Gex où, depuis 1832,
les douaniers français sont chargés de la perception des
droits intérieurs français sur le territoire de la zone.
--------Telle
est donc l'origine d'une équivoque qui peut laisser croire à
l'existence de barrières douanières entre la métropole
et l'Algérie.
--------Il
est enfin à peine nécessaire de rappeler que les droits
de douane qui sont perçus à l'occasion des échanges
commerciaux entre l'Algérie et l'étranger sont rigoureusement
identiques aux droits perçus sur le territoire de la métropole,
à quelques exceptions de détail près : l'Algérie
bénéficie en effet de dérogations lui permettant
d'avoir un tarif moins élevé que la métropole pour
certains produits (café, tabac, allumettes, friperie, pétrole,
etc.) ; de plus, la zone saharienne est exonérée de droits
de douane, pour diverses marchandises (céréales, sucre,
tissus, médicaments, pétrole lampant, etc).
--------Quant
aux règles qui président aux importations algériennes
- régime des changes, licences d'importations, etc.- rien qui paraisse
mériter d'être signalé, puisqu'ici encore, il y a
unité de législation entre la métropole et l'Algérie
et qu'à ce titre, tous les accords commerciaux conclus par la Fronce
avec d'autres pays étrangers, s'appliquent de piano à l'Algérie.
--------Ainsi
voit-on que, contrairement à certaines apparences, la métropole
et l'Algérie sont en union douanière quasi totale.
Les principaux aspects du commerce extérieur
algérien
--------L'évolution
du commerce extérieur de l'Algérie a suivi, depuis 1949,
une progression sensiblement constante, qui nous est révélée
par la comparaison des indices du volume du commerce annuel, calculés
sur la base de 100 de 1949, abstraction faite des fluctuations de prix
(graphiques ci-dessous).
--------Le
volume global des mouvements commerciaux atteignait 358 milliards en 1954,
405 milliards en 1955 et 423 milliards de francs en 1956. La progression
révélée par les indices est donc importante puisqu'elle
concerne des volumes réels d'échanges importants.
Déséquilibre de la balance commerciale.
-------Le
commerce extérieur de l'Algérie doit être étudié
sous deux aspects : échanges avec la zone franc et échanges
avec l'étranger (voir graphiques ci-dessous).
-------Il
faut souligner d'abord que la comparaison de ces valeurs réelles
ne met pas assez en lumière la progression effective des échanges,
du fait que les prix de certains grands produits d'exportation n'ont pas
toujours bénéficié d'une hausse comparable à
celle que subissaient les prix des produits importés et qu'ils
ont parfois même baissé de façon sensible.
-------La
balance commerciale de l'Algérie, qui a été constamment
excédentaire de 1937 à 1942, est régulièrement
déficitaire depuis 1946. Ce déficit qui atteignait 63,8
milliards en 1953 et 78,2 milliards en 1954, s'élevait à
83 milliards en 1955, et à 123 milliards
138,8 en 1956.
-------Ce
déséquilibre qui va sans cesse en s'accroissant, semble
devoir subsister pendant plusieurs années encore.
Les causes du déficit
-------En
premier lieu, le déficit qui pourrait apparaître
comme l'indice d'une conjoncture inquiétante, n'est en grande partie
que la conséquence logique d'un effort massif d'équipement.
En effet, la même situation se retrouve chaque fois qu'un pays insuffisamment
développé réalise un effort d'expansion.
-------L'Algérie
étant tenue de se procurer à l'extérieur le matériel
et les biens nécessaires à son équipement, la courbe
de ses importations doit inévitablement, au moins dons un premier
temps, présenter une pente plus rapidement ascendante que celle
de ses exportations qui sont tributaires d'une augmentation de la production
et par conséquent, du développement de l'équipement
en moyens de production.
-------Ce
déséquilibre est encore accentué par le fait que
les investissements - et notamment les importations de matériel
- ne concernent pas exclusivement l'équipement économique,
mais aussi l'équipement social qui,
au moins d'un point de vue purement comptable, est improductif et qui
fait l'objet d'un tiers des investissements contre un peu moins de deux
tiers à l'équipement économique.
-------Second
facteur de déséquilibre,
l'essor démographique, qui influe doublement sur la balance
commerciale, la population s'accroissant numériquement d'année
en année dans les proportions que l'on soit, en même temps
que son niveau de vie s'améliore de façon continue et sensible.
-------De
là, une augmentation constante des besoins
intérieurs en produits de consommation, essentiellement
en produits alimentaires pour faire face à l'accroissement démographique,
et plus généralement, en produits durables ou non durables,
du fait de l'élévation du niveau de vie.
-------Ainsi,
tandis que les importations augmentent, pour faire face à la demande
intérieure (produits laitiers, sucre, thé, café,
blé) un débouché de plus en plus important se trouve
fourni sur place aux productions algériennes habituellement excédentaires
et qui font ou faisaient l'objet d'un fort courant d'exportation (blé,
dattes, figues, etc.) par un marché intérieur de consommation
en développement constant : les volumes exportés s'en trouvent
réduits d'autant ; d'où nécessité de rechercher
des productions de remplacement.
-------Enfin,
dernière observation : la quasi-totalité
du déficit de la balance commerciale de l'Algérie apparaît
en général dans son commerce sur la zone franc alors qu'inversement,
sa balance commerciale avec l'étranger est le plus souvent bénéficiaire.
Déficitaire en 1951, 1952, 1953, la balance avec l'étranger
a occupé un solde excédentaire en 1954, 1955, pour, en 1956,
marquer un déficit important.
-------Il
en résulte que le problème des devises ne se pose pas avec
gravité à l'Algérie, au contraire des autres pays
fortement importateurs.
Pays clients et fournisseurs de l'Algérie
-------Comme
en 1938, l'Algérie commerce pour 75 ou 80 % avec la métropole.
Mais tandis qu'en 1938 elle lui vendait plus qu'elle ne lui achetait,
la situation est aujourd'hui inversée et ses achats en métropole
augmentent sans cesse : en 1954, 23,8 milliards de plus qu'en 1953 et
en 1955, 26,9 milliards de plus qu'en 1954.
-------L'Algérie
exporte en métropole la majeure partie de ses vins, primeurs et
agrumes, des semoules et des tabacs et aussi des objets manufacturés
(surtout papiers et cartons, fils et câbles électriques)
; elle y achète des produits laitiers, pharmaceutiques, chimiques,
des céréales, du sucre, des bois, des tissus, des machines,
des automobiles.
-------Les
achats aux pays de l'Union française continuent à augmenter.
L'Algérie y trouve du café, du thé, des huiles végétales,
des bananes, tandis que ses ventes (vins, tabacs) diminuent.
-------Les
échanges avec les pays étrangers, en 1954, révèlent
un excédent de 900 millions de francs et de 3 229 milliards en
1955. La Grande-Bretagne est, parmi les pays étrangers, le meilleur
client de l'Algérie pour l'alfa et le minerai de fer. Viennent
ensuite, l'Allemagne, l'Italie (où l'Algérie exporte fruits
et légumes, orges, minerais de fer et phosphates), les Pays-Bas
et enfin les États-Unis (minerai de fer, liège, huile).
-------Viennent
en tête de ses fournisseurs étrangers les États-Unis
(houille, machines et tracteurs) suivis de la Grande-Bretagne.
-------Enfin,
si l'Algérie trouve en la métropole son premier client et
son premier fournisseur, elle en est aussi le premier client (avec 11,8
% des exportations métropolitaines) et le troisième fournisseur
(avec 7,8 % des importations totales), après les U.S.A. (9,7 %)
et l'Allemagne occidentale (9,1 %) .
Évolution du commerce extérieur
de l'Algérie
-------L'analyse
de l'évolution des différents groupements d'utilisation
entre les années 1953 et 1,955 révèle que les importations
d'énergie, de matières premières pour l'industrie,
l'agriculture, et de produits de consommation (qui interviennent pour
les 2/3 dans l'accroissement du déficit) ont augmenté, alors
que les importations de moyens d'équipement semblent avoir atteint
un palier et commencent même à diminuer (voir graphique p.
14 et 15).
-------Biens
d'équipement et objets de confort ou produits alimentaires de choix,
partie importante des importations algériennes, sont des marchandises
de prix élevés. Par contre, les exportations de l'Algérie
portent de façon constante sur des groupes de ressources agricoles
où les variations de détail ne changent guère la
structure de l'ensemble. En outre, l'évolution des prix a joué
au préjudice de l'Algérie : à poids égal,
la valeur des marchandises exportées a augmenté moins vite
que celle des marchandises importées.
Les mesures en faveur de l'exportation
-------Quoique
moins sensible que l'accroissement des importations, la baisse des exportations
exige que l'Algérie, plus encore que la métropole, fosse
un effort considérable pour surmonter les difficultés croissantes
que rencontre l'écoulement de sa production, de façon à
améliorer les courants d'échange.
-------L'existence
en Algérie et en métropole de situations parallèles
a eu pour conséquence l'institution de mesures de remboursement
des charges supportées par les entreprises exportatrices algériennes,
mesures inspirées de celles qui ont été prises en
faveur des exportateurs métropolitains. Les résultats des
trois premières années d'application font ressortir une
amélioration très nette de la situation des produits soutenus,
alors que les marchandises non bénéficiaires de l'aide à
l'exportation sont en régression sensible.
-------Cette
évolution favorable porte notamment sur les poissons salés,
les huiles d'olive, les conserves de poissons, de légumes et de
fruits, les superphosphates, l'essence de géranium, les tapis,
le matériel de vinification, les légumes frais, le minerai
de zinc, les cuirs et peaux, les papiers et cartons.
-------Enfin,
la libération des échanges qui a été le fait
saillant de l'année 1954 et qui s'est poursuivie jusqu'en 1956,
est naturellement appliquée de plein droit à l'Algérie.
On sait, en effet, que la France, fidèle à ses engagements
internationaux, a repris et accéléré depuis 1953
sa politique de libération des échanges par des mesures
successives dont les plus importantes ont été ' prises au
cours de l'année 1955. Le taux de libération a en effet
atteint 73 % en janvier 1955, 75 % en avril.
-------Ces
mesures n'ont pas conduit, jusqu'à présent, à une
augmentation sensible des importations de produits étrangers, et
cela en grande partie du fait de l'institution de la taxe de Compensation.
Elles ne semblent pas non plus avoir gêné jusqu'ici l'écoulement
des produits algériens dons la métropole. Quoi qu'il en
soit, une certaine vigilance s'impose et en particulier la préparation
de chaque nouvelle tranche de libération exige une attention constante
de la part de l'administration.
-------Il
est évident que la politique d'industrialisation, dont les fins
directes sont autres, doit avoir des incidences importantes sur la balance
commerciale qu'elle peut amener progressivement à l'équilibre
en accroissant les exportations et en assurant au pays une plus grande
stabilité économique. Ainsi, les produits industriels jouent
un rôle de plus en plus important à l'exportation ; les objets
manufacturés en Algérie sont apparus sur tous les marchés
du monde. On observe parallèlement une baisse accusée des
achats de divers produits fournis maintenant par l'industrie locale. Aussi
les caractères de la balance commerciale algérienne ne sont-ils
absolument pas ceux d'une colonie.
Enfin, l'exploitation du pétrole saharien pourrait faire disparaître
la port la plus lourde des achats de l'Algérie à l'étranger.
La balance commerciale dans la conjoncture exceptionnelle
que traverse l'Algérie depuis 1954
-------Les chiffres
statistiques sur lesquels est fondée cette étude s'entendent
jusqu'à l'année 1956 incluse. Il apparaît, en effet,
que l'activité économique de l'Algérie n'a été
en aucune façon influencée par l'apparition en 1954 de l'action
séditieuse et qu'elle a poursuivi de façon constante son
évolution favorable.
-------C'est
en 1956 seulement que les troubles ont commencé à influencer
de façon diverse certains secteurs de l'activité économique
du pays. Si la structure d'ensemble ne semble pas affectée de façon
notable par le climat d'insécurité, l'apparition de besoins
exceptionnels peut avoir sa part dans le déséquilibre de
la balance commerciale. Tandis que les exportations se sont trouvées
sensiblement stabilisées au niveau de 1955, les importations se
sont au contraire considérablement accrues et ne sont plus couvertes
qu'à concurrence de 55 % environ par les exportations. Ainsi, la
balance commerciale accuse en 1956 un déficit de 123 milliards
de francs.
-------Il
serait encore prématuré de vouloir tenter une analyse approfondiede
cette situation nouvelle. On peut cependant affirmer que ce phénomène
est avant tout conséquence d'un accroissement des besoins intérieurs
en produits de consommation, accroissement encore plus sensible peut-être
qu'au cours des années précédentes, et souligné
par la stabilisation des exportations.
-------Les
caractéristiques de l'économie algérienne d'après
guerre se reflètent donc dons son commerce extérieur : effort
considérable d'équipement, amélioration du niveau
de vie. Ces deux faits suffisent à expliquer le déficit
commercial.
-------Sans
doute, l'avenir dira si l'Algérie ne doit pas trouver dans son
sous-sol la meilleure chance de parvenir à inverser le sens du
déséquilibre de son commerce extérieur.
-------Mais
pour le moment et pour un temps difficile à déterminer,
la balance commerciale de l'Algérie demeurera caractérisée
par un déficit qui (aussi paradoxal que cela puisse paraître)
traduit sa volonté de progrès.
-------Toutefois,
si elle veut que le " doping " provisoirement nécessaire
à sa modernisation n'exerce que des effets salutaires, l'Algérie
devra en régler soigneusement l'usage et travailler à le
réduire progressivement au rythme de l'expansion du pays.
-------Enfin,
l'Algérie a le plus grand intérêt à poursuivre
une politique d'échanges orientée vers le commerce avec
la métropole, principalement en lui réservant son marché
d'importation. Mais cette discipline qu'elle doit s'imposer - et qu'elle
s'impose exige en retour que le placement de la production algérienne
sur le marché métropolitain soit protégé comme
production nationale.
|
|
Le commerce intérieur
Les centres commerciaux
-------Le
commerce intérieur est surtout actif dans les grandes villes les
plus peuplées, Alger, Oran, Bône viennent en tête,
d'autant qu'elles sont le lieu d'un important trafic maritime. Dans l'intérieur,
Constantine et Tlemcen sont des places actives. De nouveaux centres comme
Colomb-Béchar et d'autres agglomérations du Sud ont vu leur
commerce se développer en fonction de l'extension des exploitations
existantes.
-------Les
marchés hebdomadaires des petites villes et villages de l'intérieur
sont plus pittoresques qu'importants. Cependant, dans certaines régions
d'élevage ou certains centres agricoles, les transactions prenant
parfois une ampleur non négligeable (Souk-Ahras, Kroubs, Maison-Carrée,
Boufàrik, Tiaretl
L'action des chambres de commerce
-------La
vie commerciale est suivie par huit chambres de
commerce
-------- Alger,
Oran, Bône, Constantine, Bougie, Mostaganem, Mascara, Philippeville
- dont le nombre pourrait être accru prochainement en fonction de
la réorganisation territoriale de l'Algérie. Ces assemblées
consulaires sont habilitées à donner leur avis aux Pouvoirs
publics sur toutes les questions économiques : règlements
relatifs aux usages commerciaux et aux créations commerciales nouvelles.
Elles ont la gestion des concessions d'outillages portuaires publics.
-------Leur
action est coordonnée depuis 1935 par la " Région économique
d'Algérie " dont la compétence s'étend à
l'ensemble des problèmes concernant la production, la circulation
et la consommation de toutes les denrées et matières commercialisables.
L'action des Chambres de Commerce sur le plan de leur circonscription,
et celle de la Région Économique sur le plan général,
sont le plus souvent communes et s'exercent en étroite collaboration.
-------Les
Chambres de Commerce ont fondé un enseignement spécial destiné
aux futurs chefs d'entreprises, commerçants et employés
de commerce. La Chambre d'Alger a créé, en outre, une "
École supérieure de Commerce "
(actuellement gérée par la Région Économique)
et le " Centre Algérien de la Gestion
des Entreprises ". D'autre part, la Région Économique
d'Algérie s'est attachée, dans le domaine de la recherche
scientifique, à l'étude de la mise en voleur des produits
algériens. Créée en 1951, la "
Station Expérimentale de Recherches et d'Essais Frigorifiques Louis
Morard " examine notamment les problèmes de l'utilisation
du " Froid " dans l'entreposage, des transports et de la conservation
de toutes les denrées périssables que l'Algérie,
pays chaud, produit en quantités importantes.
-------Cet
effort pour développer l'enseignement spécialisé
est particulièrement important, puisqu'il doit procurer à
l'Algérie les techniciens qui lui sont nécessaires..
UN IMPÉRATIF: faire entrer dans le circuit...
la fraction de la population d'Algérie qui est encore enfermée
dans les structures économiques traditionnelles. |
Importance de l'activité commerciale
-------Les circuits
d'échanges intérieurs manifestent, comme les autres domaines
que l'organisation économique de l'Algérie est celle d'un
pays en pleine évolution.
-------Deux
types d'activités s'y côtoient, en effet, dont l'importance
et les méthodes de travail diffèrent profondément
: d'une part, un circuit commercial évolué qui participe
à l'ensemble économique moderne, particulièrement
actif, comportant une infinité d'échanges et réunissant
aussi bien des Musulmans que des Européens; d'autre part, un petit
commerce de caractère artisanal qui fait vivre une importante population
d'origine autochtone et demeure rudimentaire et réduit. Le nombre
des commerçants en activité ne pouvant être établi
que de façon très approximative, il n'est guère possible
d'évaluer précisément l'importance numérique
respective de ces deux groupes économiques, d'autant que le premier
s'accroît de façon constante aux dépens du second.
-------La
création d'un équipement commercial moderne (routes, voies
ferrées, équipement portuaire, réseau bancaire) a
en effet profondément bouleversé la structure du commerce
intérieur de l'Algérie. Aux grands courants commerciaux
de l'époque turque, Nord-Sud ou Sud-Nord, les transversales Est-Ouest
ou Ouest-Est ne jouant qu'un rôle secondaire, la création
d'un système routier important et surtout la construction de la
voie ferrée principale, orientée, comme les axes routiers
essentiels, selon l'axe Est-Ouest, a substitué dans les relations
intérieures la direction longitudinale Est-Ouest Ainsi, l'introduction
des moyens de transport modernes a transformé profondément
les courants commerciaux, en même temps qu'elle les intensifiait
considérablement. Toutefois, l'axe Nord-Sud semble devoir retrouver
une nouvelle importance avec la multiplication des lignes aériennes
intérieures, et aussi avec l'essor économique du Sahara.
-------Quoique
l'importance du trafic intérieur soit difficile à apprécier,
on peut noter qu'en 1954, on comptait 309 964 immatriculations aux 17
greffes de l'ensemble du territoire algérien.
-------En
1938, on enregistrait 1 904 créations de fonds de commerce et 737
faillites ou liquidations judiciaires. Tandis qu'en 1946, on avait respectivement
42814 et 37, chiffres exceptionnels dus à la brusque reprise des
activités économiques au lendemain de la guerre ; entre
1947 et 1952 on assistait à une normalisation progressive du commerce
intérieur (22000 nouveaux commerces en 1949, 15 532 en 1950, 12
967 en 1951 et 8 550 en 1952) puis à une stabilisation au niveau
moyen annuel de 3 400 créations pour 1953 et 1954. Par contre,
l'année 1955 a été marquée par une reprise
assez sensible avec 4 008 créations nouvelles et 96 liquidations
ou faillites seulement, contre 125 l'année précédente.
-------Par
ailleurs, le montant total des disponibilités monétaires
en Algérie peut fournir une indication valable : il atteignait
au 31 décembre 1952, 191 milliards, au 31 décembre 1954,
272 milliards et au 31 décembre 1955, 326,5 milliards.
-------Ainsi
l'activité commerciale de l'Algérie suit une nette progression,
parallèle au mouvement d'expansion économique du pays.
-------Toutefois,
le niveau de l'activité commerciale, comme celui du développement
économique en général, reste bas et il n'est, pour
s'en convaincre, que de se reporter aux chiffres correspondants de la
métropole, où le montant des disponibilités monétaires
atteignait en 1952 - pour ne prendre que cet exemple - 4 157 milliards,
soit près de 22 fois plus pour une population 5 fois plus nombreuse
seulement. Encore faut-il considérer que la vitesse de la circulation
de la monnaie est plus grande en France qu'en Algérie, où
l'usage des chèques et de la lettre de change est beaucoup moins
répandu que dons les pays plus évolués.
Situation présente
-------Les
éléments statistiques fournis pour l'année 1955 permettent
également de constater que l'activité commerciale de l'Algérie
n'a pas été affectée par la conjoncture politique,
quoique plusieurs zones d'insécurité aient connu un certain
marasme. Il convient, au reste, de souligner qu'un programme d'action
comportant des dispositions bienveillantes à l'égard des
débiteurs de bonne foi, des prorogations d'échéances
ou des concours financiers nouveaux ont été appliqués
en faveur des commerçants victimes des événements.
-------Au
demeurant, la tendance à la stabilité des prix qui s'était
manifestée de 1952 à 1954 s'est maintenue pendant l'année
1955 avec les mouvements saisonniers habituels, et o permis une forte
progression des chiffres d'affaires commerciaux.
-------Cependant,
un examen approfondi permet de constater deux tendances qui pourraient
aller en s'accentuant
-------- L'une,
paralysante, a exercé son influence sur les domaines et
dans les régions atteintes par la rébellion, à savoir
essentiellement les transports routiers, le tourisme, les biens d'équipement
agricole et les investissements privés.
-------- L'autre,
stimulante, résultant de la présence des forces de l'ordre,
s'est exercée principalement dans les secteurs des produits alimentaires
et de la restauration et, plus faiblement, de l'hôtellerie et des
spectacles.
Si l'activité et l'évolution du commerce intérieur
demeurent difficiles à estimer, parce que les indices chiffrés
sont rares et que les seuls renseignements précis concernent le
nombre de créations, mutations et radiations du registre de commerce,
on peut toutefois constater une certaine stabilisation de la propriété
commerciale, conséquence d'une port, pour quelques secteurs, de
la présence d'effectifs militaires consommateurs et d'autre part,
des mesures prises pour protéger le commerçant mobilisé.
Le tourisme
-------Le
tourisme en Algérie mérite une mention toute spéciale
; il a, en effet, connu un développement remarquable au cours des,
dernières années à la suite des efforts persévérants
qui visaient à en faire l'un des facteurs de l'expansion économique
du pays.
Au lendemain de la guerre, le tourisme algérien déjà
fort réduit dans le passé, était pratiquement inexistant
et ne disposait pas d'une organisation capable de relancer un mouvement
touristique.
-------Or,
la variété des sites, le climat, les richesses folkloriques,
les vestiges historiques, tout concourt à faire de l'Algérie
un grand centre touristique pour peu qu'elle soit pourvue de l'équipement
indispensable et que soit menée à l'extérieur une
propagande destinée à da faire mieux connaître.
-------Cette
politique fut entreprise par les Pouvoirs publics dès les années
1948-1950 avec prudence d'abord de façon à maintenir un
équilibre entre tous les secteurs qui interviennent dans l'activité
touristique. Une organisation touristique, en effet, ne s'improvise pas
et pour atteindre le niveau élevé auquel elle est parvenue,
par exemple, en métropole, elle doit posséder une structure
élaborée jour après jour, au prix de longs et patients
efforts. Un programme fut donc établi qui comportait des objectifs
modestes, mais intéressait tous les secteurs à la fois.
-------Des
crédits spéciaux, régulièrement croissants,
furent affectés chaque année et à la remise en état
des hôtels existants et à l'extension de l'équipement
hôtelier ; les parcs automobiles furent reconstitués, les
transports routiers et ferroviaires rénovés, la navigation
aérienne développée.
-------Parallèlement
à cet effort de rééquipement, l'action de propagande
s'intensifiait attirant des touristes de plus en plus nombreux. Dans les
grandes villes se tinrent des congrès de plus en plus rapprochés,
des navires en croisière firent escale dans les grands ports ;
des circuits réguliers furent organisés par des entreprises
privées avec l'aide des Pouvoirs publics ; enfin, ce fut l'apparition
de villages de toile qui, se multipliant rapidement, accueillirent sur
les côtes algériennes, durant les mois d'été,
de nombreux touristes métropolitains.
Si, en 1954, le mouvement touristique était encore loin d'atteindre
l'ampleur du tourisme métropolitain, des résultats sensibles
avaient pu être obtenus.
-------L'intérêt
grandissant pour l'Algérie qu'on était parvenu à
susciter avait fait augmenter le nombre de touristes étrangers.
Les chiffres d'entrée pour l'ensemble de l'Algérie sont
difficiles à dégager, mais on peut indiquer que pour les
seuls port et aéroport d'Alger, il s'élevait à 12
608 en 1954 ; cinq grands circuits touristiques étaient assurés
pendant toute l'année, qui parcouraient le Nord comme le Sud de
l'Algérie ; en 1954, il n'existait qu'un centre de vacances et
deux villages de toile ; en 1955, le tourisme populaire d'été
disposait des centres de vacances ou des villages de toile suivants :
Herbillon, Les Afbis, Tichy, Cap-Aokas, Cap-Matifou,
Zéralda, Francis-Garnier, Cherchell et les Andalouses.
-------Ainsi,
voit-on que le mouvement touristique connaissait en Algérie un
essor considérable et nul doute qu'il aurait encore progressé
si l'insécurité survenue depuis n'avait pas détérioré
progressivement les résultats acquis. Certes, de nombreuses régions
sont restées ou auraient pu rester ouvertes au tourisme, mais les
mouvements de touristes, essentiellement fluctuants, ne pouvaient pas
manquer de se détourner très vite de l'Algérie.
-------Ainsi
l'action séditieuse a détruit pour longtemps l'effet de
plusieurs années d'efforts qui avaient abouti à créer
de toutes pièces un " tourisme algérien ",
-------Reste
que le tourisme ne peut constituer qu'une ressource d'appoint, plus ou
moins compensée par le départ des Algériens en métropole
ou à l'étranger pendant la saison chaude.
L'artisanat
-------Il
existe en Algérie un artisanat original de traditions très
anciennes et d'une valeur artistique incontestable. Tapis, tissages, broderies,
cuivres ciselés, bijoux, poteries en sont les produits les plus
connus et les plus estimés.
-------Cependant,
exposé à la concurrence des productions industrielles, affecté
par l'évolution de la société musulmane, cet artisanat
se trouvait menacé et donnait des signes d'une décadence
qui risquait de priver de leurs ressources la plupart des petits artisans.
Pour y remédier a été créé un service
de l'artisanat qui se propose de guider l'artisan, de le ramener vers
les sources traditionnelles de son inspiration, de l'aider enfin à
placer sa production.
-------Des
résultats tangibles ont pu être ainsi, obtenus : l'artisan
a compris qu'en suivant les conseils et les directives qui lui sont donnés,
qu'en modifiant ses méthodes de travail et ses techniques archaïques
il parvient à améliorer ses productions et, par suite, à
en assurer plus facilement l'écoulement.
-------L'aide
qui lui est apportée se manifeste d'abord par la fourniture de
matières premières de choix, laines en particulier, qui
lui sont livrées, filées au calibre voulu et teintes selon
une gamme de nuances étudiées au laboratoire. Elle se manifeste
encore par le création de centres de perfectionnement artisanal
dans les localités où l'artisanat est particulièrement
développé. Ces centres où l'artisan trouve conseils
et assistance, sont répartis sur tout le territoire : Aflou, Tlemcen,
Mascara, Timimoun, Cherchell, Laghouat, Tébessa, Philippeville,
Khenchela, El-Oued, Sétif, Biskra, Grande-Kabylie, Bône.
-------D'autre
port, l'artisan à domicile dont les moyens financiers sont insuffisants
peut recevoir des avances de matières premières et des prêts
de matériel et d'équipement. Une importante masse de prêts,
plus de 90 millions, est répartie par l'intermédiaire de
la société de prévoyance artisanale d'Alger et par
les sociétés agricoles de prévoyance, notamment par
celles qui sont dotées d'une section artisanale.
-------Qu'il
s'agisse de tissages, de broderies, de dentelles, de vanneries, de poteries,
de bijoux, de dinanderies, de sellerie, l'aide à l'artisan se complète
par une organisation commerciale avec contrôle de la fabrication,
exposition des produits finis et estampillage en vue d'une commercialisation
rationnelle et rémunératrice.
-------Au
cours de l'année 1956, ont été soumis à la
formalité de l'estampillage 52 874 tapis représentant une
superficie totale de 1 18 320 mètres carrés et 412 349 kilogrammes.
-------Ainsi,
l'activité des services artisanaux prend les formes les plus variées.
Il est utile de mentionner les efforts qui sont déployés
pour permettre l'écoulement des produits de bonne qualité
et en conséquence procurer à l'artisan, et surtout à
l'artisane, un salaire
d'appoint appréciable. Le chiffre des ventes réalisées
par la société de prévoyance artisanale d'Alger,
chargée de la commercialisation de la production artisanale pour
l'ensemble de l'Algérie, a doublé de 1955 à 1956,
preuve que l'action engagée en Algérie en faveur des artisans
est vraiment efficace.
-------L'aide
à l'artisanat, dont l'inspiration et les buts peuvent être
rapprochés de ceux qui animent les services du paysannat, fait
apparaître certains aspects typiques de l'oeuvre de la France en
Algérie. En prodiguant les conseils techniques aux artisans des
régions rurales, en leur accordent un soutien financier, en les
dotant d'un matériel moderne, on o voulu leur assurer, dans le
cadre même des activités économiques locales, une
ressource d'appoint qui est loin d'être négligeable. Trait
d'union entre un système d'économie de type archaïque,
où le groupe vivent en autarcie, demande aux artisans locaux les
produits fabriqués dont il a besoin, et le système des activités
économiques modernes, puisque l'artisan utilise des techniques
complexes et perfectionnées (procédés de teinture
par exemple), l'artisanat contribue à faire entrer dans le circuit
économique moderne une partie toujours plus importante de la population
et apporte un accroissement sensible des revenus dans certaines régions,
généralement les plus pauvres du
pays
Conclusion
-------Les échanges
avec la métropole représentent 79
% du commerce d'importation et 76 % du commerce d'exportation,
soit 78 % du commerce extérieur de l'Algérie dans son ensemble.
Ainsi, les deux partenaires, métropole et Algérie, trouvent-ils
à cette situation tous les avantages du débouché
mutuel, chacun étant pour l'autre à la fois un débouché
relativement assuré et une source d'approvisionnement relativement
certaine, et chacun devant une partie importante de son activité
aux commandes de l'autre partenaire.
-------D'autre
part, la symbiose économique de la métropole et de l'Algérie
permet à la première de réaliser une
économie de devises considérables, à la seconde
d'ignorer le problème des devises fortes qui se poserait à
elle de façon extrêmement aiguë, en raison du déficit
de sa balance commerciale, si elle devait s'approvisionner en produits
industriels et alimentaires auprès des autres pays. On voit donc
l'importance, la profondeur et l'intérêt mutuel de la solidaritéorganique
qui unit la métropole et l'Algérie.
-------La
balance commerciale de l'Algérie est caractérisée
essentiellement par un déficit croissant. Ce déséquilibre,
conséquence de l'effort d'industrialisation entrepris en Algérie
depuis plusieurs années, naît, paradoxalement, de la recherche
d'un nouvel équilibre économique. En effet, l'économie
algérienne, exclusivement agricole jusqu'à une dote récente,
s'ouvre progressivement à la vocation industrielle, puisque la
part du secteur industriel dans (e revenu global intérieur brut
de l'Algérie qui est actuellement de 32 environ pourra s'établir
prochainement aux environs de 40 %.
-------D'autre
part, l'élévation du niveau de vie que révèlent
l'augmentation de certains postes à l'importation (biens de consommation)
et la diminution des mêmes postes à l'exportation, contribue
à accroître le déséquilibre.
-------Comment
est compensé ce déficit? Par un apport extérieur
de capitaux et de revenus publics et privés
-------1 )
Des revenus privés, à savoir
les envois de fonds effectués par les travailleurs algériens
en Métropole.
-------2)
Des revenus publics versés sous forme de traitements, salaires
et pensions.
-------3)
Des capitaux privés qui s'investissent
en Algérie.
-------4)
Des capitaux publics, tels les investissements
de l'administration métropolitaine, les emprunts du Trésor
Algérien, etc.
-------Parmi
ces apports extérieurs les transferts de salaires et les investissements
de l'administration métropolitaine sont quantitativement les plus
importants.
De plus, l'ensemble de ces apports joue un rôle essentiel en élevant,
dans l'immédiat ou à long terme, le pouvoir d'achat de la
population.
|