Crise à Alger dans les cuirs et
peaux
Semelles crêpe, sacs nylon... et la concurrence marocaine tuent
la tannerie algérienne
Rien ne va plus à Alger dans les
cuirs ef peaux. Le succès des semelles-crêpe, le goût
des sacs nylon... et la concurrence marocaine sont en train de tuer la
tannerie algérienne.
Depuis 1948. les choses vont de mal en pis. Les entreprises ferment leurs
portes un peu partout. La tannerie Altairac d'Alger, la Mégisserie
moderne de Bône. la Mégisserie de Tlemcen, la tannerie de
Misserghin ont cessé leur exploitation.
Triste bilan en vérité ! La crise du cuir n'est pas une
"exclusivité " algérienne. Elle sévit un
peu partout dans le monde. Elle a été provoquée par
l'apparition de succédanés, qui ont tout de suite (ou presque)
connu la faveur du public.
75 % des chaussures ont aujourd'hui des semelles en crêpe. Les sacs
en nylon ou en plastic sont d'un usage plus que courant. Seule la maroquinerie
de luxe fait encore appel aux cuirs.
Le marché, par ailleurs, a été faussé et les
prix terriblement grevés par le boom du cuir en 1951. Le cuir de
buf valait au kilo : en juin 1950, 85 francs, en avril 1951, 247
fr.. aujourd'hui 90 à 100 francs. Le mouvement est identique pour
le cuir de mouton : en juin 1950, 225 francs, en avril 1951, 745 francs,
aujourd'hui 250 à 300 francs.
Cette hausse vertigineuse du cuir en 1951 s'explique par la crise internationale
qui donnait à cette matière un intérêt "
stratégique " et incitait au stockage. Comme le traitement
des peaux demande souvent plusieurs mois, il a fallu vendre à un
prix élevé. Ce qui n'était évidemment pas
fait pour arranger les choses...
L'industrie locale est aussi gênée par l'exportation. D'importants
contingents de peaux sont, en effet, exportés vers la métropole,
la Grèce ou le Moyen-Orient à des taux très avantageux.
La concurrence métropolitaine et marocaine s'exerce de façon
très efficace... et très dangereuse pour l'industrie algérienne.
Le Maroc surtout est menaçant : fiscalité modérée,
main-d'uvre bon marché, interdiction de l'exportation des
cuirs favorisent grandement la tannerie marocaine.
Les tanneurs algériens, eux, demandent la fixation d'un prix plafond
pour le contingent de peaux, qui pourrait être réservé
à l'industrie locale. Ils voudraient aussi voir réduit le
chiffre des exportations. Limitation de prix et limitation des exportations
seraient de providentiels ballons d'oxygène pour cette tannerie
expirante.
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