--------Tu
veux être marin, car :
--------Tu
satisfais ton goût des voyages, ta grande envie de parcourir
le monde, ta soif d'évasion et d'horizon net ;
--------Tu
satisfais ton goût de l'étude et ta petite évasion
de la technique ;
--------Tu
satisfais ton goût des voyages, ta grande ??? au grand air,
sous le soleil ardent, dans le calme que procure l'immensité
de la mer
--------Tu
échappes au rythme obsédant de la vie des gens de terre
; sur mer le travail est viril. C'est un véritable métier
d'homme et ton caractère y gagnera en énergie
--------Tu
veux être marin, parce que tu as un idéal qui est de
gagner ta vie, en faisant le métier que tu aimes. |
----- C'EST là l'acte de foi dont
prennent connaissance à leur entrée à l'Ecole d'apprentissage
maritime d'Alger les jeunes gens qui, venant seulement de quitter l'école,
ont choisi le dur mais exaltant métier de marin.
----- Cette école se situe rue d'Angkor,
près de la pêcherie, sur la terrasse d'un ancien hangar
de la Chambre de commerce ; une ruelle la sépare de l'Ecole nationale
de navigation maritime que nous avons présentée dans le
précédent numéro d"< Algeria ".
----- Comme sa voisine, sa principale façade
s'élève sur le quai d'Arcachon, devant le port et la mer
qui constituent une invitation permanente vers le large.
----- Nous lui avons rendu récemment
visite. Conduit par son directeur, M. Bouquillon, nous nous sommes intéressé
à la vie et aux activités de cette école où
vingt-deux jeunes gens (onze d'origine européenne et onze musulmans)
reçoivent l'enseignement qui les rendra aptes à prendre
place parmi les équipages de la marine marchande.
----- Ces vingt-deux élèves,
ou plutôt apprentis marins (sur une centaine de candidats qui
se sont présentés) ont subi avec succès l'examen
d'entrée, en octobre 1958. Contrairement à ce qu'on pourrait
penser, peu d'entre eux appartiennent à des milieux maritimes,
mais tous subissent l'attirance de la mer.
UNIS COMME À
BORD
----- NANTIS
d'une instruction élémentaire, ils peuvent compléter
celle-ci, tout en s'initiant aux multiples connaissances qu'exige leur
futur métier. Soumis à une discipline relativement sévère
pour des garçons de quatorze, quinze ou seize ans, mais qui n'a
rien de commun avec celle, quelque peu draconnienne, que les mousses
devaient autrefois supporter, ils reçoivent, durant neuf mois,
un enseignement qui les soumet à un travail intensif et régulier.
----- Pour eux, les semaines vont du lundi
matin au samedi soir. Externes, ils n'ont pas de devoirs à faire
à la maison, mais sont rarement livrés à eux-mémos.
Les heures de repos sont celles qu'ils passent chez eux. Certains habitent
loin d'Alger (L'Arba ou Coléa, par exemple), mais ne sont jamais
absents ou en retard pour autant, ce qui témoigne de leur attache-ment
à l'école.
----- De 8 heures à 17 heures, avec
deux heures de liberté pour déjeuner, ils suivent les
cours que leur donnent le directeur de l'école et ses quatre
collaborateurs, comme lui anciens navigants : MM. Ripol, Lecoultrc,
Pilato et Ferrari.
Travaux pratiques
|
----- Leur enseignement se divise en quatre
parties:
----- Enseignement général
: français, calcul, histoire et géographie maritime.
----- Enseignement professionnel : navigation,
étude d'un navire, réglementation et hygiène maritimes,
machines, signaux.
Enseignement pratique matelotage, exercices d'embarcation, travail du
bois et du fer, sorties en mer sur le cargo " Laurent-Schiaffino
" mis à la disposition de l'école trois fois l'an,
pour une durée de quinze jours chaque fois.
le " Notre-Dame d'Afrique"
le cargo de Laurent-Schiaffino mis à la disposition de
l'école trois fois l'an
|
----- Culture physique : course, boxe,
saut, barre fixe, haltères, et, bien entendu, natation, car il
ne doit pas y avoir de marin qui ne sache nager.
----- Directeur et instructeurs
s'emploient à inculquer à leurs élèves un
esprit maritime ; c'est-à-dire qu'ils les habituent à des
exercices de volonté, à des efforts physiques et à
la pratique de la solidarité et de l'entr'aide qui caractérisent
la vie des gens de mer.
---- " Unis comme à bord ",
la devise de leurs aînés est aussi celle de ces jeunes et
futurs marins, tandis que l'image d'un chien symbolise leur fidélité
à la mer et à l'école.
----- Chaque promotion de
l'école étant divisée en " bordées ",
il s'établit une émulation entre celles-ci, qui les dispense
d'un classement individuel, mensuel ou trimestriel. La meilleure bordée
entraîne tout naturellement la plus faible et l'aide à s'élever
à son niveau.
----- Ce n'est d'ailleurs pas
seulement là le point commun que revêt la formation des apprentis
marins avec celle des scouts ou des paras. Ainsi, lorsqu'un différend
survient entre deux élèves, il doit immédiatement se
régler par un match de boxe en trois rounds, à l'issue duquel
chacun des antagonistes se tend amicalement la main. D'autre part, lorsqu'un
élève a commis une faute, il doit la reconnaitre devant tous
ses camarades.
----- Une méthode
qui dans tout enseignement donne d'excellents résultats, et qui
consiste à mettre un élève à tour de rôle
à la place du professeur pour la répétition d'une
leçon, est couramment pratiquée.
----- Pour mieux resserrer
les liens de cette communauté, les instructeurs se mêlent
volontiers aux jeux des élèves et font preuve d'une psychologie
prête à écarter tout heurt, tout dissentiment et incompréhension.
LES INSTALLATIONS
----- C'EST
en 1954 que l'Ecole d'apprentissage maritime d'Alger fut installée,
grâce au patronage de M. Laurent Schiaffino et de l'Inscription
maritime, dans les locaux construits pour elle sur l'ancien hangar de
la Chambre de commerce.
----- Jusque là, elle occupait un
local vétuste de la caserne Pélissier, où M. Gendre,
qui n'est pas un marin, s'ingéniait à préparer ses
élèves à la rude carrière. II ne s'agissait
donc pas, à dire vrai, d'une école mais d'un cours d'enseignement
maritime. Se trouvant enfin dans ses murs, son titre d'école se
trouve justifié.
----- Comme chez sa voisine l'Ecole nationale
de navigation maritime, un grand mât de pavillon se dresse sur sa
terrasse, face à la mer. Chaque matin, les élèves
assistent au lever des couleurs.
----- L'absence d'internat a réduit
le nombre des pièces au minimum. Il n'existe qu'une seule salle
de cours, où les élèves reçoivent leur instruction
théorique. Au tableau noir figurait, le jour de notre visite, le
schéma d'un moteur à explosion.
----- Les autres installations
se répartissent ainsi : une salle de maquettes et d'outillage,
un atelier pour le bois et pour le fer, et la salle de matelotage avec
un panneau dans lequel sont disposés les soixante sortes de noeuds
pratiqués dans la marine.
Étude d'un moteur à explosions
|
----- Tout est rangé
et nettoyé par les élèves eux-mêmes, qui assurent
leur propre police et interviennent lorsqu'un outil n'est pas à
sa place ou lorsque la toilette de l'école a été
mal faite. Ils entretiennent un " journal de bord " et rédigent
chaque jour leur bulletin météorologique.
----- Chaque élève-apprenti,
considérant qu'il appartient à un navire à quai,
ne se trouvera donc pas trop " dépaysé " à
bord d'un na-vire en mer, lorsqu'il sera détenteur du " Certificat
d'aptitude maritime ", à l'expiration de ses neuf mois de
scolarité.
----- " Novices " à bord
de navires de la marine marchande, ils reçoivent, à l'âge
de dix-sept ou dix-huit ans, un salaire qui est des plus appréciables
(près d'une centaine de mille francs par mois). On conçoit
que les candidats à l'entrée de l'école se fassent
de plus en plus nombreux.
----- En général, ces jeunes
marins sont embarqués sur des navires qui effectuent la navigation
" au long cours ". C'est ainsi que certains élèves
de la promotion précédente sont allés au Japon, en
Australie, en Amérique, à Madagascar.
----- Les lettres qu'ils adressent de temps
à autre, à leurs anciens directeurs et instructeurs, expriment
éloquemment leur reconnaissance et leur satisfaction d'avoir choisi
le métier de marin.
----- Malheureusement, nous confie M. Bouquillon,
avec une certaine pointe d'amertume, à la fin de notre visite,
si tous nos élèves trouvent un emploi, tous ne demeurent
pas animés par cet esprit qui faisait autrefois les véritables
marins, parce qu'ils deviennent le plus souvent des spécialistes...
Jean FIRMANT.
|