L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DE COMMERCE D'ALGER (L'E.S.C.A.)
UNE GRANDE ÉCOLE AU SERVICE DE L'ECONOMIE:
par Paul MESSERSCHMITT, Directeur Je l'Ecole supérieure de commerce d'Alger
Algeria et l'Afrique du nord illustrée, revue mensuelle, octobre 1951, n°23 . Édition de l'Office Algérien d'Action Économique et Touristique (OFALAC), 26 bd Carnot Alger

-L 'ECOLE supérieure de commerce d'Alger a fêté son cinquantenaire au cours de l'année scolaire 1950-1951. Cet établissement a donc acquis droit de cité, et les raisons qui ont commandé sa création sont plus valables encore aujourd'hui qu'au début du siècle.

sur site le 15-9-2005

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L'école supérieure de commerce d'Alger
L'école supérieure de commerce d'Alger

----------L 'ECOLE supérieure de commerce d'Alger a fêté son cinquantenaire au cours de l'année scolaire 1950-1951. Cet établissement a donc acquis droit de cité, et les raisons qui ont commandé sa création sont plus valables encore aujourd'hui qu'au début du siècle.
----------Ce ne sont pas seulement les chiffres du commerce extérieur, ni l'importance des échanges intérieurs de l'Algérie qui militent en faveur d'une organisation de l'enseignement commercial à tous les degrés. Pour apprécier la nécessité de ce dernier, c'est au nombre, à la structure et à l'importance des entreprises qu'il faut se référer.
----------Le commerce de détail est exercé dans notre pays par une multitude de boutiquiers auxquels suffit, dans neuf cas sur dix, un mince bagage technique, et qui ne font pas appel à de la main-d'oeuvre étrangère.
----------Le commerce de gros est aux mains de spécialistes qui n'emploient en général qu'un personnel réduit. Certaines maisons font un chiffre d'affaires très important sans organisation notable.

----------Mais dès qu'une entreprise, par son objet, ou sa forme, a une structure plus complexe, elle est obligée de recourir à une personnel nombreux et par conséquent à des agents qualifiés pour le diriger. Qu'il s'agisse d'une banque, d'une société de réassurances, d'une mine, d'une manufacture, et même d'une exploitation agricole, ayant adopté la forme sociétaire, les cadres doivent avoir une formation spéciale. ( On compte, en Algérie, plus de 500 établissements occupant au moins 50 salariés.)
----------Le soin de cette formation incombe aux grandes écoles techniques, agricoles, industrielles, commerciales. Il est difficile d'assigner une hiérarchie entre elles : également indispensables, leur diversité répond aux exigences d'une économie fondée sur la division du travail.
----------L'enseignement commercial est donc aussi utile que tout autre. Son importance augmente avec la difficulté croissante d'interprétation et d'application des lois fiscales et sociales, et le rôle de premier plan assigné à l'organisation scientifique du travail et à la comptabilité. Cette dernière matière ne se réduit plus à quelques règles de doit et avoir et à la confection du bilan. Elle est devenue une discipline scientifique, un instrument d'analyse financière dont le maniement exige des qualités de finesse et d'intuition qu'il faut un entraînement rationnel pour acquérir. On ne peut guère diriger une grande entreprise sans le secours des statistiques et de leur représentation graphique. Pour exploiter méthodiquement toutes les ressources de la comptabilité, il faut être juriste et mathématicien.
----------D'autre part, les industriels savent avec quelle précision il leur faut calculer leurs prix de revient - non point seulement le prix de revient global d'un produit déterminé, mais la formation de ce prix aux divers stades de fabrication. La comptabilité analytique d'exploitation, d'un mécanisme assez délicat, permet précisément de suivre, par le jeu d'imputations successives, l'accumulation des coûts depuis l'attaque de la matière première jusqu'à la livraison du produit final au service des ventes.
----------C'est en fonction des progrès réalisés aussi bien dans les pays anglo-saxons que chez nous dans le domaine de l'organisation, qu'une réforme profonde de l'enseignement commercial a été opérée par le décret du 3 décembre 1947 dont l'annexe définit les écoles supérieures de commerce : " établissements qui ont pour but de former les chefs des diverses entreprises commerciales ou financières et le cadre supérieur de ces entreprises ou des services administratifs et commerciaux d'entreprises industrielles ".
----------Toutes les Ecoles supérieures de commerce reconnues par l'Etat sont soumises au même règlement. Leur programme est identique pendant les deux premières années d'étude. Au cours de la troisième, chaque Ecole a la faculté d'organiser un enseignement régional, et dispose à cet effet de 7 heures par semaine sur 27.
---------Les matières communes sont essentiellement la comptabilité, les mathématiques financières, le droit (civil, commercial), l'économie politique, la géographie économique, deux langues vivantes dont l'anglais. L'Ecole d'Alger inscrit à son programme spécial l'économie algérienne, le droit maritime, le droit fiscal algérien, l'organisation politique et administrative de l'Algérie.
----------Les conditions d'admission sont uniformes. Pour l'instant, il suffit d'être titulaire des deux parties du baccalauréat pour obtenir son inscription dans une Ecole supérieure de commerce. Mais déjà l'Ecole supérieure de commerce de Paris organise un concours entre les bacheliers : c'est le régime général vers lequel tend le décret précité. II est bon toutefois que les dispositions transitoires durent tant que le grand public ne sera pas mieux informé de la nature et du niveau de notre enseignement.
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Le régime des études est sévère puisque la moyenne de 11/20 est exigée pour le passage d'une classe dans la classe supérieure, et celle de 12/20 pour l'obtention du diplôme, délivré par M. le Ministre de l'Education nationale. II convient de savoir que les examens de passage de 2' en 3" année et l'examen de sortie sont communs à toutes les Ecoles et organisés par la direction générale de l'Enseignement technique. C'est un jury national qui décide du pas-sage ou de l'octroi des diplômes, les compositions écrites étant corrigées à Paris sous son contrôle.
----------Le Ministère peut de la sorte exercer sur les Ecoles supérieures de commerce un contrôle efficace, et ce régime, malgré les inconvénients qu'il présente, inhérents à toute centralisation excessive, suscite du moins une très utile émulation entre les établissements reconnus par l'Etat. Il ne s'agit nullement d'établir un classement des Ecoles supérieures de commerce : tantôt l'une, tantôt l'autre se distingue. Il nous sera permis de dire simplement que l'Ecole supérieure de commerce d'Alger lutte vaillamment pour se maintenir dans un rang honorable.
----------Que l'on ne s'y trompe pas : les épreuves finales sont souvent difficiles, et le signataire de ces lignes a suggéré à ses collègues de France de publier et de diffuser un recueil des textes proposés aux candidats au diplôme d'études commerciales supérieures, qui sanctionne les études. L'idée a été retenue, et les chefs des établissements commerciaux, industriels, agricoles, pourront mieux apprécier la valeur d'un titre trop souvent méconnu.
----------Certes, les jeunes diplômés ne sauraient prétendre à la direction d'une entreprise dès leur sortie de l'Ecole - pas plus qu'un sous-lieutenant frais émoulu de Saint-Cyr au commandement d'un régiment. Il faut le rodage, l'expérience, et chercher et trouver sa voie. Le devoir des patrons est d'aider leurs jeunes collaborateurs dans cette découverte d'eux-mêmes. Il appartient aux gens d'expérience de compléter l'oeuvre entreprise par l'Ecole. De cette collaboration pourront surgir des chefs, dont notre économie a grand besoin, indépendamment des relèves inévitables.
----------En résumé, le rôle d'une Ecole supérieure de commerce est de donner aux élèves qui lui ont fait confiance une culture générale orientée les préparant à la conduite intelligente d'une affaire. C'est sur le terrain, dans la lutte quotidienne pour le succès, que les galons doivent se gagner ensuite.
----------Tels sont les traits communs aux seize écoles supérieures de commerce qui se partagent, en France et en Afrique du Nord, la mission définie par la loi, qu'elles accomplissent sous le contrôle direct et vigilant du Secrétariat d'Etat à l'Enseignement technique.
----------L'Ecole d'Alger est administrée par un Conseil présidé par le Président de la Région économique d'Algérie et comprenant des représentants du Gouvernement général de l'Algérie, du Rectorat de l'Académie d'Alger, du Gouverneur de la Banque de l'Algérie et de la Tunisie, le Maire de la Ville d'Alger, le Doyen de la Faculté de Droit, le Président de la Confédération Générale du Commerce et de l'Indus-trie et le Président de l'Association des Anciens élèves. Elle est subventionnée par le Gouvernement général, la Région économique, la Banque de l'Algérie, la Ville d'Alger.
----------Hormis les professeurs de comptabilité, qui sont des spécialistes éprouvés, tous les maîtres chargés de l'enseignement appartiennent à l'Université ou à la Haute Administration. Peut-on dire qu'ils forment une élite, et qu'ils sont tous très attachés au succès de leurs étudiants et de l'Ecole elle-même, qui est, en somme, une sorte de personne morale, avec des traits et un caractère bien à elle ?
----------Les photographies qui illustrent ces quelques pages (le site : je ne les ai pas toutes incluses) ont été prises pendant les vacances.
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C'est pourquoi, si elles donnent une juste idée de nos ressources matérielles, et de l'aspect de notre Maison de Famille, en principe réservée aux étudiants de l'intérieur, elles seraient plus vivantes si la bibliothèque, l'amphithéâtre, le réfectoire étaient animés par leurs hôtes des mois scolaires. Il est vrai qu'un film rendrait mieux la vie de ces lieux : cela viendra peut-être. C'est, hélas ! comme souvent, une question d'argent ; et nous ne sommes pas riches.
----------Enfin, il reste une chose à dire, la plus importante peut-être. Le succès d'une Ecole se mesure exactement sur le marché du travail. A cet égard, nous pouvons affirmer que l'Ecole supérieure de commerce d'Alger pourrait former deux fois plus de diplômés sans redouter pour eux des difficultés de placement. Le nombre d'offres d'emploi qui sont faites par notre intermédiaire aux jeunes gens formés par nous dépasse actuellement nos possibilités.
----------C'est un avis à donner aux familles et aux jeunes bacheliers encore hésitants sur le choix d'une carrière.

Paul MESSERSCHMITT.