----------L
'ECOLE supérieure de commerce d'Alger a fêté son cinquantenaire
au cours de l'année scolaire 1950-1951. Cet établissement
a donc acquis droit de cité, et les raisons qui ont commandé
sa création sont plus valables encore aujourd'hui qu'au début
du siècle.
----------Ce
ne sont pas seulement les chiffres du commerce extérieur, ni l'importance
des échanges intérieurs de l'Algérie qui militent
en faveur d'une organisation de l'enseignement commercial à tous
les degrés. Pour apprécier la nécessité de
ce dernier, c'est au nombre, à la structure et à l'importance
des entreprises qu'il faut se référer.
----------Le
commerce de détail est exercé dans notre pays par une multitude
de boutiquiers auxquels suffit, dans neuf cas sur dix, un mince bagage
technique, et qui ne font pas appel à de la main-d'oeuvre étrangère.
----------Le
commerce de gros est aux mains de spécialistes qui n'emploient
en général qu'un personnel réduit. Certaines maisons
font un chiffre d'affaires très important sans organisation notable.
----------Mais
dès qu'une entreprise, par son objet, ou sa forme, a une structure
plus complexe, elle est obligée de recourir à une personnel
nombreux et par conséquent à des agents qualifiés
pour le diriger. Qu'il s'agisse d'une banque, d'une société
de réassurances, d'une mine, d'une manufacture, et même d'une
exploitation agricole, ayant adopté la forme sociétaire,
les cadres doivent avoir une formation spéciale. ( On compte, en
Algérie, plus de 500 établissements occupant au moins 50
salariés.)
----------Le
soin de cette formation incombe aux grandes écoles techniques,
agricoles, industrielles, commerciales. Il est difficile d'assigner une
hiérarchie entre elles : également indispensables, leur
diversité répond aux exigences d'une économie fondée
sur la division du travail.
----------L'enseignement
commercial est donc aussi utile que tout autre. Son importance augmente
avec la difficulté croissante d'interprétation et d'application
des lois fiscales et sociales, et le rôle de premier plan assigné
à l'organisation scientifique du travail et à la comptabilité.
Cette dernière matière ne se réduit plus à
quelques règles de doit et avoir et à la confection du bilan.
Elle est devenue une discipline scientifique, un instrument d'analyse
financière dont le maniement exige des qualités de finesse
et d'intuition qu'il faut un entraînement rationnel pour acquérir.
On ne peut guère diriger une grande entreprise sans le secours
des statistiques et de leur représentation graphique. Pour exploiter
méthodiquement toutes les ressources de la comptabilité,
il faut être juriste et mathématicien.
----------D'autre
part, les industriels savent avec quelle précision il leur faut
calculer leurs prix de revient - non point seulement le prix de revient
global d'un produit déterminé, mais la formation de ce prix
aux divers stades de fabrication. La comptabilité analytique d'exploitation,
d'un mécanisme assez délicat, permet précisément
de suivre, par le jeu d'imputations successives, l'accumulation des coûts
depuis l'attaque de la matière première jusqu'à la
livraison du produit final au service des ventes.
----------C'est
en fonction des progrès réalisés aussi bien dans
les pays anglo-saxons que chez nous dans le domaine de l'organisation,
qu'une réforme profonde de l'enseignement commercial a été
opérée par le décret du 3 décembre 1947 dont
l'annexe définit les écoles supérieures de commerce
: " établissements qui ont pour but
de former les chefs des diverses entreprises commerciales ou financières
et le cadre supérieur de ces entreprises ou des services administratifs
et commerciaux d'entreprises industrielles ".
----------Toutes
les Ecoles supérieures de commerce reconnues par l'Etat sont soumises
au même règlement. Leur programme est identique pendant les
deux premières années d'étude. Au cours de la troisième,
chaque Ecole a la faculté d'organiser un enseignement régional,
et dispose à cet effet de 7 heures par semaine sur 27.
---------Les
matières communes sont essentiellement la comptabilité,
les mathématiques financières, le droit (civil, commercial),
l'économie politique, la géographie économique, deux
langues vivantes dont l'anglais. L'Ecole d'Alger inscrit à son
programme spécial l'économie algérienne, le droit
maritime, le droit fiscal algérien, l'organisation politique et
administrative de l'Algérie.
----------Les
conditions d'admission sont uniformes. Pour l'instant, il suffit d'être
titulaire des deux parties du baccalauréat pour obtenir son inscription
dans une Ecole supérieure de commerce. Mais déjà
l'Ecole supérieure de commerce de Paris organise un concours entre
les bacheliers : c'est le régime général vers lequel
tend le décret précité. II est bon toutefois que
les dispositions transitoires durent tant que le grand public ne sera
pas mieux informé de la nature et du niveau de notre enseignement.
----------Le régime des études est
sévère puisque la moyenne de 11/20 est exigée pour
le passage d'une classe dans la classe supérieure, et celle de
12/20 pour l'obtention du diplôme, délivré par M.
le Ministre de l'Education nationale. II convient de savoir que les examens
de passage de 2' en 3" année et l'examen de sortie sont communs
à toutes les Ecoles et organisés par la direction générale
de l'Enseignement technique. C'est un jury national qui décide
du pas-sage ou de l'octroi des diplômes, les compositions écrites
étant corrigées à Paris sous son contrôle.
----------Le
Ministère peut de la sorte exercer sur les Ecoles supérieures
de commerce un contrôle efficace, et ce régime, malgré
les inconvénients qu'il présente, inhérents à
toute centralisation excessive, suscite du moins une très utile
émulation entre les établissements reconnus par l'Etat.
Il ne s'agit nullement d'établir un classement des Ecoles supérieures
de commerce : tantôt l'une, tantôt l'autre se distingue. Il
nous sera permis de dire simplement que l'Ecole supérieure de commerce
d'Alger lutte vaillamment pour se maintenir dans un rang honorable.
----------Que
l'on ne s'y trompe pas : les épreuves finales sont souvent difficiles,
et le signataire de ces lignes a suggéré à ses collègues
de France de publier et de diffuser un recueil des textes proposés
aux candidats au diplôme d'études commerciales supérieures,
qui sanctionne les études. L'idée a été retenue,
et les chefs des établissements commerciaux, industriels, agricoles,
pourront mieux apprécier la valeur d'un titre trop souvent méconnu.
----------Certes,
les jeunes diplômés ne sauraient prétendre à
la direction d'une entreprise dès leur sortie de l'Ecole - pas
plus qu'un sous-lieutenant frais émoulu de Saint-Cyr au commandement
d'un régiment. Il faut le rodage, l'expérience, et chercher
et trouver sa voie. Le devoir des patrons est d'aider leurs jeunes collaborateurs
dans cette découverte d'eux-mêmes. Il appartient aux gens
d'expérience de compléter l'oeuvre entreprise par l'Ecole.
De cette collaboration pourront surgir des chefs, dont notre économie
a grand besoin, indépendamment des relèves inévitables.
----------En
résumé, le rôle d'une Ecole supérieure de commerce
est de donner aux élèves qui lui ont fait confiance une
culture générale orientée les préparant à
la conduite intelligente d'une affaire. C'est sur le terrain, dans la
lutte quotidienne pour le succès, que les galons doivent se gagner
ensuite.
----------Tels
sont les traits communs aux seize écoles supérieures de
commerce qui se partagent, en France et en Afrique du Nord, la mission
définie par la loi, qu'elles accomplissent sous le contrôle
direct et vigilant du Secrétariat d'Etat à l'Enseignement
technique.
----------L'Ecole
d'Alger est administrée par un Conseil présidé par
le Président de la Région économique d'Algérie
et comprenant des représentants du Gouvernement général
de l'Algérie, du Rectorat de l'Académie d'Alger, du Gouverneur
de la Banque de l'Algérie et de la Tunisie, le Maire de la Ville
d'Alger, le Doyen de la Faculté de Droit, le Président de
la Confédération Générale du Commerce et de
l'Indus-trie et le Président de l'Association des Anciens élèves.
Elle est subventionnée par le Gouvernement général,
la Région économique, la Banque de l'Algérie, la
Ville d'Alger.
----------Hormis
les professeurs de comptabilité, qui sont des spécialistes
éprouvés, tous les maîtres chargés de l'enseignement
appartiennent à l'Université ou à la Haute Administration.
Peut-on dire qu'ils forment une élite, et qu'ils sont tous très
attachés au succès de leurs étudiants et de l'Ecole
elle-même, qui est, en somme, une sorte de personne morale, avec
des traits et un caractère bien à elle ?
----------Les
photographies qui illustrent ces quelques pages (le
site : je ne les ai pas toutes incluses) ont été
prises pendant les vacances.
----------C'est pourquoi, si elles donnent une juste
idée de nos ressources matérielles, et de l'aspect de notre
Maison de Famille, en principe réservée aux étudiants
de l'intérieur, elles seraient plus vivantes si la bibliothèque,
l'amphithéâtre, le réfectoire étaient animés
par leurs hôtes des mois scolaires. Il est vrai qu'un film rendrait
mieux la vie de ces lieux : cela viendra peut-être. C'est, hélas
! comme souvent, une question d'argent ; et nous ne sommes pas riches.
----------Enfin,
il reste une chose à dire, la plus importante peut-être.
Le succès d'une Ecole se mesure exactement sur le marché
du travail. A cet égard, nous pouvons affirmer que l'Ecole supérieure
de commerce d'Alger pourrait former deux fois plus de diplômés
sans redouter pour eux des difficultés de placement. Le nombre
d'offres d'emploi qui sont faites par notre intermédiaire aux jeunes
gens formés par nous dépasse actuellement nos possibilités.
----------C'est
un avis à donner aux familles et aux jeunes bacheliers encore hésitants
sur le choix d'une carrière.
Paul MESSERSCHMITT.
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