L'ALGERIE ne se contente pas de travailler sans relâche à
son épanouissement économique, elle sait, au milieu
de tous les problèmes d'ordre matériel qui se posent
en ce pays et appellent des solutions urgentes, réserver à
l'esprit la place qui lui revient et sans laquelle toute oeuvre de
civilisation serait incomplète.
La façade
principale de la nouvelle Ecole nationale des beaux-arts d'Alger.
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Cette activité culturelle se manifeste sous maintes formes
:
Patiemment poursuivies par des savants passionnés, les recherches
archéologiques exhument chaque jour de nouveaux vestiges d'un
passé riche de gloire et d'art ; les musées, dont certains
peuvent rivaliser avec les meilleurs établissements similaires
de la France et de l'Etranger, s'attachent à développer
leurs collections ; de multiples expositions révèlent
chaque année à un public de plus en plus averti des
artistes de talent qui, pour beaucoup, ont non seulement trouvé
leur inspiration en Algérie mais encore y ont été
formés.
Enfin, en dehors de la
Villa Abd-el-Tif qui accueille des artistes déjà
reconnus en leur donnant les moyens d'oeuvrer sans souci des contingences
matérielles, il est une institution qui joue un rôle
de premier plan dans l'essor artistique de l'Algérie : c'est
l'Ecole nationale des beaux-arts d'Alger.
Cour d'honneur
et façade nord
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Cette école, devenue nationale par décret du 8 novembre
1881,
succédait aux cours de beaux-arts qu'avait fondés,
quelques années auparavant, la municipalité d'Alger,
et comptait, dès 1887, deux cent quarante-six élèves.
Au cours des ans, elle a formé des artistes de talent dont
beaucoup ont accompli des carrières brillantes.
Vue sur
Alger, depuis une galerie de la nouvelle Ecole nationale des
beaux-arts.
Une aile du bâtiment, vue à travers la grille de
clôture.
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Durant l'année scolaire 1952-1953, 308 élèves
(132 filles et 176 garçons) ont suivi ses leçons (données
par 11 professeurs titulaires et 6 chargés de cours) et plusieurs
d'entre eux ont été admis à l'Ecole des beaux-arts
de Paris 14 dans la section " d'architecture ", 20 dans
la sec-tion " sculpture " et 91 dans la section " peinture
") .
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A gauche, de haut en bas
: le cours d'anatomie et de perspective (M. Fredouille***),
le cours de dessin d'ornement (M. Chevallier), le cours de dessin
ronde-bosse (Mme du Pac).
Ci-dessus, de haut en bas : l'atelier de peinture (M. Fernez),
l'atelier de modelage et l'atelier de ronde-bosse et architecture
(M. Greck).
Reportage
photographique
d'André GARCIA
*** M.Fredouille,
prof aussi au
lycée Ben-Aknoun
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Ces quelques chiffres témoignent du dynamisme de l'Ecole dont
l'enseignement se développe constamment. A côté
des ateliers de peinture et de sculpture, en plein essor depuis 1947,
il existe, depuis 1948, une section de gravure et, de plus en plus,
se manifeste l'intérêt que l'établissement porte
aux arts décoratifs.
Enfin, la section d'architecture a pris une importance accrue depuis
qu'elle constitue une " Ecole régionale d'architecture
" dont l'enseignement, analogue à celui de Paris, forme
des élèves qui ont d'ores et déjà obtenu
d'excellents résultats, les projets de certains d'entre eux
ayant été particulièrement appréciés
par les jurys parisiens auxquels on les avait soumis.
Mais, au moment où son développement s'affirmait, l'Ecole
ne disposait malheureusement que de locaux exigus et délabrés,
dont la vétusté et la notoire insuffisance imposaient
le remplacement.
Les événements s'y opposèrent longtemps mais
l'on y pensait toujours. En 1946, était acquis au
Télemly le terrain de la villa Séverin Houge,
d'une surface de 10.572 m2. Des différents projets mis alors
à l'étude pour la construction de l'Ecole des beaux-arts
et d'un musée des Antiquités destiné à
se substituer à l'actuel
musée Gsell, ce fut celui de MM. Claro et Darbeda
qui fut retenu. L'édification du musée n'est pas encore
commencée ; par contre, l'Ecole des beaux-arts, dont les travaux
débutèrent fin 1950, est ouverte depuis la rentrée
d'octobre et reçoit ses élèves dans de vastes
salles claires s'ouvrant sur le grandiose panorama de la ville, du
port et de la baie d'Alger.
Le site dans lequel elle s'implante est fort heureusement placé
à flanc de coteau : partout, de la cour d'honneur à
la terrasse solarium, on découvre, en une vue quasi aérienne,
au-dessus des massifs et des frondaisons du parc de Galland, les maisons
d'Alger s'échelonnant sur le port et sur la mer ; partout de
larges baies vitrées laissent pénétrer la lumière
à flots.
De sobre facture, la façade de l'Ecole intègre harmonieusement
ses lignes nettes dans le décor de verdure qui l'entoure.
Les bâtiments, essentiellement répartis en deux ailes
longitudinales et une aile transversale, forment un U vertical.
Un grand escalier conduit à a cour d'honneur en terrasse :
encadrée de l'avancée des deux ailes, elle est de belles
proportions et précède une élégante galerie
s'ouvrant de l'autre côté sur deux petites cours (impluvium
latin), que limite la colonnade classique d'un cryptoportique. L'ensemble
n'est pas sans rappeler l'atrium de quelque riche maison de l'Antiquité.
L'aile transversale ne renferme qu'une salle de moulages et une salle
d'exposition, les ateliers et salles de travail étant tous
distribués dans deux ailes longitudinales.
Dans l'aile nord, on trouve au rez-de-chaussée, un atelier
de sculpture très haut de plafond et comportant une soupente
où prennent place les modèles vivants ; un atelier de
céramique et ses fours ; au premier au second et au troisième
étages, deux vastes ateliers de dessin " ronde bosse ",
un atelier de décoration et un atelier de gravure sur métal.
C'est également dans ce corps de bâtiment que sont installés
le bureau du directeur et les services administratifs qui donnent
sur la façade ouest dans une courette agrémentée
de deux parterres de fleurs.
L'aile sud fait pendant à l'aile nord. Elle abrite, au rez-de-chaussée,
un vaste atelier à soupente affecté au cours de dessin
d'architecture, mais qui, un jour, sera peut-être destiné
à recevoir un cours d'art monumental ; un atelier de gravure
sur bois et un autre de reliure. Les ateliers d'architecture se partagent
le premier et le second étages où sont également
amé-nagées, au premier, deux salles de cours théoriques
(mathématiques, physique, chimie, anatomie, perspective, histoire
de l'art), au second, cinq loges dans lesquelles les candidats peuvent
être isolés au moment des examens et concours. Enfin,
au troisième, l'atelier de peinture (modèle vivant)
a été logé dans une salle très haute,
plus large (1 3 m.) que les autres (9 m.).
Chaque aile dispose d'un ascenseur et, à chaque étage,
de deux blocs sanitaires. Les sous-sols comportent de grands débarras
et remises.
Dans sa sécheresse et sa brièveté, cette énumération
permet peut-être de se faire une idée de la judicieuse
répartition des locaux que l'on a mis à la disposition
des professeurs et des élèves ; mais elle n'évoque
sans doute qu'imparfaitement l'agrément que les uns et les
autres éprouvent sûrement à y travailler.
Dans tous ces ateliers, peuplés de blocs de glaise déjà
entamés par l'ébauchoir, de chevalets couverts d'esquisses,
de paysages, de portraits, de tables à dessins jonchées
d'épures, d'études et de maquettes, la lumière
règne en maîtresse cependant que par-tout, à travers
les fenêtres et les colonnes des portiques, s'inscrit la beauté
d'un décor aux larges horizons.
Un tel lieu paraît propice à la méditation et
au travail désintéressé. Souhaitons qu'il inspire
les jeunes gens qui demain viendront y acquérir les rudiments
de l'un de ces beaux-arts pour lesquels ils se sentent vocation.
R. O