Alger, Algérie : documents algériens
Série sociale
Les Services Sanitaires aux frontières de l'Algérie *
mise sur site le 9-12-2011
* Document n° 14 de la série : Sociale - Paru le 10 juin 1947 - Rubrique SANTÉ PUBLIQUE

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Les Services Sanitaires aux frontières de l'Algérie

Créé le 15 novembre 1830 par le Général Clauzel, le " bureau de la Santé ", origine des Services sanitaires maritimes, terrestres et aériens actuels, est une des premières manifestations de l'Administration civile algérienne.

On peut résumer en 3 périodes l'évolution de ces services :

Iè Période : du 15 novembre 1830 au 12 février 1909.

Période purement " administrative ". On ignore les causes des maladies " pestilentielles " : ce n'est qu'à partir du début du X.Xe siècle que les Hygiénistes auront à jouer un rôle vraiment efficace et supprimeront les " quarantaines ", après les découvertes de Pasteur, et les progrès de la science médicale qui en ont résulté.

Le premier grand " sanitaire " algérien, le Docteur Lucien Raynaud, organise une Santé Maritime moderne à Alger. De 1907 à 1909, il s'efforce de centraliser les services sanitaires soumis aux influences locales. Une première étape est réalisée par l'arrêt,!.. gubernatorial du 19 février 1906 qui, sous l'autorité du. Gouverneur Général, charge la Direction de la Santé du département d'Alger, des fonctions de Chef de Service sanitaire maritime de l'Algérie.

IIè Période : du 12 février 1909 au 27 avril 1946.

Le 12 février 1909, le Docteur Raynaud, chef du Service Sanitaire, est chargé d'une mission générale d'Hygiène. Il succombera à la tâche, sans avoir atteint le but qu'il s'était fixé : unifier les Services Sanitaires et d'Hygiène, en une solide Direction administrative et technique.

Cette " Direction de la Santé Publique " devait être créée en 1932. D'autre part, la coordination des services départementaux de la Santé Maritime da l'Algérie est confirmée par un arrêté du 27 avril 1946

IIIè Période : la période actuelle.

Les services sanitaires maritimes, terrestres et aériens constituent un des services de la Direction de la Santé Publique. Leur rôle technique est bien précisé : protection sanitaire aux frontières (maritime, aérienne et terrestre), par opposition à la protection " territoriale " assurée par d'autres Services (Directions Départementales de la Santé).

L'unification des Services Sanitaires aux frontières est réalisée.

ACTIVITE DES SERVICES SANITAIRES AUX FRONTIÈRES.

Les Services sanitaires aux frontières de l'Algérie assurent :
I. - Le contrôle sanitaire des navires et aéronefs.
II. - Le contrôle sanitaire des passagers maritimes et aériens.
III. - L'organisation sanitaire du pèlerinage aux Lieux Saints de l'Islam.
IV. - L'application de l'Arrangement International sur la prophylaxie antivénérienne chez les marins du Commerce.
V. - Le contrôle sanitaire et hygiénique des ports.
VI. - Les mesures de protection contre les maladies pestilentielles :
      a) Dératisation.
      b) Laboratoire de la Peste.
      c) Laboratoire d'essai des produits raticides et insecticides
      d) Formation technique du personnel.

I. - Contrôle sanitaire des navires et des aéronefs.

Application des conventions internationales de 1926 et 1933 et des règlements français des 8 octobre 1927 et 19 mars 1940 (Des mesures internationales ont été prévues pour éviter la propagation des maladies pestilentielles : peste, choléra, fièvre jaune, typhus exanthématique et variole).
Les Services sanitaires aux frontières sont chargés de veiller à l'observation des recommandations des Conventions Internationales et à l'application des prescriptions des textes français subséquents. Les mesures prises ont un double but : préserver l'Algérie de " l'importation " des maladies pestilentielles (et, par extension, des fléaux sociaux), et protéger les autres pays (et en particulier la France) contre " l'exportation de ces mêmes affections.

II.- Contrôle sanitaire des passagers.

Les mesures prises sont en rapport avec le danger épidémique. Celui-ci consiste actuellement dans l'exportation d'affections existant en Algérie et peu fréquentes ou même inconnues dans les pays avec lesquels nous sommes en liaison maritime ou aérienne.

561 cas de variole, 824 de typhus et 2.594 de fièvre récurrente ont été officiellement déclarés en 1946 en Algérie : l'effort des Services sanitaires aux frontières a porté sur le contrôle sanitaire des passagers dans le but d'opposer une barrière à la transmission de ces affections : les passagers ont été vaccinés contre la variole et épouillés (lutte contre les maladies à poux : typhus et fièvre récurrente).

66.309 passagers ont été vaccinés à l'embarquement, 87.144 ont présenté des certificats médicaux de vaccination.

129.042 passagers ont été épouilliés ou ont reçu un poudrage insecticide protecteur.

Résultat : Quelques cas de typhus et une épidémie de 32 cas de variole ont été signalés en France : aucun cas n'était originaire d'Algérie.

III. - Organisation sanitaire aux frontières du pèlerinages aux lieux saints de l'Islam.

Les Services sanitaires de l'Algérie reconnaissent le navire destiné au transport des pèlerins et prennent la responsabilité de son aménagement sanitaire. Ils organisent, de plus, une équipe médico-sanitaire destinée à l'accompagnement du convoi nord-africain

En 1947, un camion ambulance spécialement aménagé permettra de donner des soins à nos pèlerins dans les meilleures conditions et, en particulier, au cours du trajet La Mecque-Médine et retour.

Au cours du pèlerinage 1946, aucun cas d'affection contagieuse n'a été déclaré. Les décès survenus ont été dus à un accident d'automobile ou ont été observés chez des vieillards ou des cachectiques.

IV. - Prophylaxie antivénérienne internationale.

Un arrangement international permet aux marins du commerce de toutes nationalités, atteints d'affections vénériennes, de recevoir, dans chaque port d'escale, un traitement adapté à leur vie errante. Un dispensaire spécial existe à Alger. Des ententes avec des dispensaires spécialisés permettent de donner les soins voulus dans les autres ports du littoral algérien.

V. - Contrôle sanitaire et hygiénique des ports.

En outre des mesures concernant la dératisation des ports qui seront exposées ci-après, les Services sanitaires aux frontières assurent, en liaison intime avec les Directions des Ports, le contrôle sanitaire et hygiénique des quais, terre-pleins, hangars, et de leurs usagers.

Quatre services de douches et de visites existent à Alger : 166.997 douches y ont été données en 1946. 3.823 visites ont donné lieu à 6.166 épouillages. Au moindre soupçon d'épidémie, ces services peuvent décupler leur rendement et pratiquer les vaccinations ou immunisations nécessaires.

Une organisation analogue est en voie de réalisation à Oran, et sera ultérieurement adaptée aux ports secondaires.

VI. - Protection contre les maladies pestilentielles.

Des mesures concernant les passagers ont été envisagées. Certaines affections nécessitent l'application de mesures particulières ne visant pas les personnes, telles que les dératisations et le contrôle de l'état sanitaire des rats (peste), les démoustications (fièvre jaune). Le contrôle de l'action des produits raticides et insecticides est le complément indispensable de l'application de ces mesures.

      a) Dératisation. - Des services modernes de dératisation fonctionnent à Alger et Oran. Celui d'Oran est de création récente. Des services analogues sont en voie d'organisation dans les autres villes portuaires du littoral, et leur extension dans les villes de l'hinterland est prévu pour l'avenir.
La dératisation comporte la destruction des rats sur les navires, sur les ports et dans les villes portuaires. Cette destruction est onéreuse et dangereuse en temps d'épidémie ou de menace d'épidémie, en raison du risque de dissémination de puces pesteuses. Aussi lui substitue-t-on, dans la mesure du possible, la capture des rats vivants, que l'on examine dans les laboratoires spéciaux.

      b) Laboratoire de la peste. - Il en existe un à Alger et un à Oran (création récente). Un troisième sera installé à Bône au cours' de l'année 1947.
Les services de dératisation qui détruisent un certain nombre de rats (gaz toxiques, appâts empoisonnés), en capturent le maximum au moyen de nasses spéciales. Ces rats sont ensuite détruits, mais sans que les puces éventuellement pesteuses puissent quitter le cadavre comme elles le feraient dans la nature. Les rats sont autopsiés et examinés bactériologiquement (épizootie pesteuse). Les puces sont recueillies en vue de la recherche des espèces pesti.gènes (24.963 puces ont été examinées en 1946).

20.125 captures ont été pratiquées de la sorte en 1946. 11.460 rats ont été autopsiés et 3 reconnus pesteux. 2 cas de peste humaine ont été signalés sans épidémie.

      c) Laboratoire d'essai des raticides et insecticides. - La protection contre la peste ou contre les affections à poux impliquait la nécessité d'un contrôle de l'action des produits à utiliser. Ce laboratoire a été créé à Alger, en 1946.

Il examine tous les produits proposés à l'Administration de la Santé publique et utilisés par ses différents services. Il vérifie l'activité des produits algériens exportés. Dans ce dernier cas, l'Ofalac effectue des prélèvements sur la Scille, produit raticide, que l'Algérie est pratiquement le seul pays à exporter en grande' quantité. L'expédition n'est autorisée que si l'action mortelle pour le rat est reconnue conforme aux règles fixées par arrêté du Gouverneur Général.

En ce qui concerne la lutte contre les affections à poux, le Laboratoire d'essai procède à la recherche de l'action insecticide de tous les produits (à base de DDT, pyrèthre, roténone, etc.. ) qui lui sont présentés soit par les services publics, soit par les importateurs. Toutes les recherches sont gratuites.

      d) Ecole sanitaire. - Le problème le plus délicat concernant le fonctionnement des Services sanitaires maritimes, aériens et terrestres, est le recrutement du personnel. Il n'existe pas, en effet, de possibilités recrutement dans le privé, aucune branche de l'activité industrielle ou commerciale ne s'intéressant aux questions de protection sanitaire. Les agents embauchés à titre auxiliaire sont éduqués, puis recrutés par voie de concours.

L'enseigneme'nt bénéficie aux médecins, candidats au Diplôme supérieur d'Hygiène de la Faculté d'Alger, ainsi qu'aux candidats au titre d'a djoints techniques de la Santé publique.

Docteur MEUNIER,
Directeur des Services sanitaires de l'Algérie.