Les Services Sanitaires
aux frontières de l'Algérie
Créé le 15 novembre 1830 par
le Général Clauzel, le " bureau de la Santé
", origine des Services sanitaires maritimes, terrestres et aériens
actuels, est une des premières manifestations de l'Administration
civile algérienne.
On peut résumer en 3 périodes l'évolution de ces
services :
Iè Période : du 15 novembre 1830
au 12 février 1909.
Période purement " administrative ". On ignore les causes
des maladies " pestilentielles " : ce n'est qu'à partir
du début du X.Xe siècle que les Hygiénistes auront
à jouer un rôle vraiment efficace et supprimeront les "
quarantaines ", après les découvertes de Pasteur, et
les progrès de la science médicale qui en ont résulté.
Le premier grand " sanitaire " algérien, le Docteur Lucien
Raynaud, organise une Santé Maritime moderne à Alger. De
1907 à 1909, il s'efforce de centraliser les services sanitaires
soumis aux influences locales. Une première étape est réalisée
par l'arrêt,!.. gubernatorial du 19 février 1906 qui, sous
l'autorité du. Gouverneur Général, charge la Direction
de la Santé du département d'Alger, des fonctions de Chef
de Service sanitaire maritime de l'Algérie.
IIè Période : du 12 février
1909 au 27 avril 1946.
Le 12 février 1909, le Docteur Raynaud, chef du Service Sanitaire,
est chargé d'une mission générale d'Hygiène.
Il succombera à la tâche, sans avoir atteint le but qu'il
s'était fixé : unifier les Services Sanitaires et d'Hygiène,
en une solide Direction administrative et technique.
Cette " Direction de la Santé Publique " devait être
créée en 1932. D'autre part, la coordination des services
départementaux de la Santé Maritime da l'Algérie
est confirmée par un arrêté du 27 avril 1946
IIIè Période : la période
actuelle.
Les services sanitaires maritimes, terrestres et aériens constituent
un des services de la Direction de la Santé Publique. Leur rôle
technique est bien précisé : protection sanitaire aux frontières
(maritime, aérienne et terrestre), par opposition à la protection
" territoriale " assurée par d'autres Services (Directions
Départementales de la Santé).
L'unification des Services Sanitaires aux frontières est réalisée.
ACTIVITE DES SERVICES
SANITAIRES AUX FRONTIÈRES.
Les Services sanitaires aux frontières
de l'Algérie assurent :
I. - Le contrôle sanitaire des navires et aéronefs.
II. - Le contrôle sanitaire des passagers maritimes et aériens.
III. - L'organisation sanitaire du pèlerinage aux Lieux Saints
de l'Islam.
IV. - L'application de l'Arrangement International sur la prophylaxie
antivénérienne chez les marins du Commerce.
V. - Le contrôle sanitaire et hygiénique des ports.
VI. - Les mesures de protection contre les maladies pestilentielles :
a) Dératisation.
b) Laboratoire de la Peste.
c) Laboratoire d'essai des produits
raticides et insecticides
d) Formation technique du personnel.
I. - Contrôle sanitaire des navires et
des aéronefs.
Application des conventions internationales de 1926 et 1933 et des règlements
français des 8 octobre 1927 et 19 mars 1940 (Des mesures internationales
ont été prévues pour éviter la propagation
des maladies pestilentielles : peste, choléra, fièvre jaune,
typhus exanthématique et variole).
Les Services sanitaires aux frontières sont chargés de veiller
à l'observation des recommandations des Conventions Internationales
et à l'application des prescriptions des textes français
subséquents. Les mesures prises ont un double but : préserver
l'Algérie de " l'importation " des maladies pestilentielles
(et, par extension, des fléaux sociaux), et protéger les
autres pays (et en particulier la France) contre " l'exportation
de ces mêmes affections.
II.- Contrôle sanitaire des passagers.
Les mesures prises sont en rapport avec le danger épidémique.
Celui-ci consiste actuellement dans l'exportation d'affections existant
en Algérie et peu fréquentes ou même inconnues dans
les pays avec lesquels nous sommes en liaison maritime ou aérienne.
561 cas de variole, 824 de typhus et 2.594 de fièvre récurrente
ont été officiellement déclarés en 1946 en
Algérie : l'effort des Services sanitaires aux frontières
a porté sur le contrôle sanitaire des passagers dans le but
d'opposer une barrière à la transmission de ces affections
: les passagers ont été vaccinés contre la variole
et épouillés (lutte contre les maladies à poux :
typhus et fièvre récurrente).
66.309 passagers ont été vaccinés à l'embarquement,
87.144 ont présenté des certificats médicaux de vaccination.
129.042 passagers ont été épouilliés ou ont
reçu un poudrage insecticide protecteur.
Résultat : Quelques cas de typhus et une épidémie
de 32 cas de variole ont été signalés en France :
aucun cas n'était originaire d'Algérie.
III. - Organisation sanitaire aux frontières
du pèlerinages aux lieux saints de l'Islam.
Les Services sanitaires de l'Algérie reconnaissent le navire destiné
au transport des pèlerins et prennent la responsabilité
de son aménagement sanitaire. Ils organisent, de plus, une équipe
médico-sanitaire destinée à l'accompagnement du convoi
nord-africain
En 1947, un camion ambulance spécialement aménagé
permettra de donner des soins à nos pèlerins dans les meilleures
conditions et, en particulier, au cours du trajet La Mecque-Médine
et retour.
Au cours du pèlerinage 1946, aucun cas d'affection contagieuse
n'a été déclaré. Les décès survenus
ont été dus à un accident d'automobile ou ont été
observés chez des vieillards ou des cachectiques.
IV. - Prophylaxie antivénérienne
internationale.
Un arrangement international permet aux marins du commerce de toutes nationalités,
atteints d'affections vénériennes, de recevoir, dans chaque
port d'escale, un traitement adapté à leur vie errante.
Un dispensaire spécial existe à Alger. Des ententes avec
des dispensaires spécialisés permettent de donner les soins
voulus dans les autres ports du littoral algérien.
V. - Contrôle sanitaire et hygiénique
des ports.
En outre des mesures concernant la dératisation des ports qui seront
exposées ci-après, les Services sanitaires aux frontières
assurent, en liaison intime avec les Directions des Ports, le contrôle
sanitaire et hygiénique des quais, terre-pleins, hangars, et de
leurs usagers.
Quatre services de douches et de visites existent à Alger : 166.997
douches y ont été données en 1946. 3.823 visites
ont donné lieu à 6.166 épouillages. Au moindre soupçon
d'épidémie, ces services peuvent décupler leur rendement
et pratiquer les vaccinations ou immunisations nécessaires.
Une organisation analogue est en voie de réalisation à Oran,
et sera ultérieurement adaptée aux ports secondaires.
VI. - Protection contre les maladies pestilentielles.
Des mesures concernant les passagers ont été envisagées.
Certaines affections nécessitent l'application de mesures particulières
ne visant pas les personnes, telles que les dératisations et le
contrôle de l'état sanitaire des rats (peste), les démoustications
(fièvre jaune). Le contrôle de l'action des produits raticides
et insecticides est le complément indispensable de l'application
de ces mesures.
a) Dératisation. - Des services
modernes de dératisation fonctionnent à Alger et Oran. Celui
d'Oran est de création récente. Des services analogues sont
en voie d'organisation dans les autres villes portuaires du littoral,
et leur extension dans les villes de l'hinterland est prévu pour
l'avenir.
La dératisation comporte la destruction des rats sur les navires,
sur les ports et dans les villes portuaires. Cette destruction est onéreuse
et dangereuse en temps d'épidémie ou de menace d'épidémie,
en raison du risque de dissémination de puces pesteuses. Aussi
lui substitue-t-on, dans la mesure du possible, la capture des rats vivants,
que l'on examine dans les laboratoires spéciaux.
b) Laboratoire de la peste. - Il en
existe un à Alger et un à Oran (création récente).
Un troisième sera installé à Bône au cours'
de l'année 1947.
Les services de dératisation qui détruisent un certain nombre
de rats (gaz toxiques, appâts empoisonnés), en capturent
le maximum au moyen de nasses spéciales. Ces rats sont ensuite
détruits, mais sans que les puces éventuellement pesteuses
puissent quitter le cadavre comme elles le feraient dans la nature. Les
rats sont autopsiés et examinés bactériologiquement
(épizootie pesteuse). Les puces sont recueillies en vue de la recherche
des espèces pesti.gènes (24.963 puces ont été
examinées en 1946).
20.125 captures ont été pratiquées de la sorte en
1946. 11.460 rats ont été autopsiés et 3 reconnus
pesteux. 2 cas de peste humaine ont été signalés
sans épidémie.
c) Laboratoire d'essai des raticides
et insecticides. - La protection contre la peste ou contre les affections
à poux impliquait la nécessité d'un contrôle
de l'action des produits à utiliser. Ce laboratoire a été
créé à Alger, en 1946.
Il examine tous les produits proposés à l'Administration
de la Santé publique et utilisés par ses différents
services. Il vérifie l'activité des produits algériens
exportés. Dans ce dernier cas, l'Ofalac effectue des prélèvements
sur la Scille, produit raticide, que l'Algérie est pratiquement
le seul pays à exporter en grande' quantité. L'expédition
n'est autorisée que si l'action mortelle pour le rat est reconnue
conforme aux règles fixées par arrêté du Gouverneur
Général.
En ce qui concerne la lutte contre les affections à poux, le Laboratoire
d'essai procède à la recherche de l'action insecticide de
tous les produits (à base de DDT, pyrèthre, roténone,
etc.. ) qui lui sont présentés soit par les services publics,
soit par les importateurs. Toutes les recherches sont gratuites.
d) Ecole sanitaire. - Le problème
le plus délicat concernant le fonctionnement des Services sanitaires
maritimes, aériens et terrestres, est le recrutement du personnel.
Il n'existe pas, en effet, de possibilités recrutement dans le
privé, aucune branche de l'activité industrielle ou commerciale
ne s'intéressant aux questions de protection sanitaire. Les agents
embauchés à titre auxiliaire sont éduqués,
puis recrutés par voie de concours.
L'enseigneme'nt bénéficie aux médecins, candidats
au Diplôme supérieur d'Hygiène de la Faculté
d'Alger, ainsi qu'aux candidats au titre d'a djoints techniques de la
Santé publique.
Docteur MEUNIER,
Directeur des Services sanitaires de l'Algérie.
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