Le Sanatorium
de Rivet
Note du déjanté
: sur ce site, voir le village
de Rivet
L'inauguration du Sanatorium de Rivet, par M.le Ministre
Plénipotentiaire Yves Chataigneau, Gouverneur Général
de l'Algérie, a mis au premier plan de l'actualité les efforts
que poursuit l'Algérie pour donner une impulsion décisive
à la lutte contre la tuberculose. Dans cette lutte, le Sanatorium,
on le sait, a un rôle capital, car il représente un centre
de repos et de traitement où le tuberculeux pulmonaire, dépisté
par le dispensaire dès le début de ses lésions, a
le plus de chances de guérir, et de guérir vite.
Or, l'Algérie qui possède déjà de nombreux
dispensaires, n'avait pas de sanatorium, et celui de Rivet est le premier
établissement de cet ordre édifié en Algérie,
et même en Afrique du Nord.
Son inauguration fut donc un événement et la cérémonie
officielle qui réunissait, autour du Gouverneur Général,
les plus notables personnalités, a matérialisé de
façon émouvante l'idéal généreux poursuivi
dans ce pays par la France.
ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE.
A la suite de la guerre de 1914-1918, l'Algérie a connu, comme
presque tous les pays touchés par le conflit, une extension vraiment
inquiétante de la tuberculose qui jusqu'alors était peu
répandue parmi les populations pastorales et rurales. L'afflux
des ouvriers dans les villes, l'exode des travailleurs vers la France,
les grands mouvements de population d'origine militaire, les progrès
de l'alcoolisme, telles étaient les conditions principales qui
favorisaient le développement du fléau. Indépendamment
des mesures adéquates d'hygiène, de police sanitaire, de
progrès social, il était nécessaire d'opposer au
développement de la tuberculose un armement anti-tuberculeux inspiré
du plan français, mais adapté aux conditions de climat et
de milieu où il fallait combattre le mal. L'Algérie s'est
donc outillée en créant d'abord dans les grandes villes
des dispensaires, organismes essentiels de dépistage et de prophylaxie,
et des centres hospitaliers importants pour l'isolement et le traitement
des malades.
ÉLABORATION DU PROJET DE SANATORIUM.
La création de sanatoriums restait en suspens, faute de crédits
et aussi, il faut le dire, pour une question de doctrine : on contestait
qu'il fut possible de traiter en Afrique du Nord la tuberculose pulmonaire,
à cause du climat et particulièrement de la longue durée
des chaleurs et de l'action néfaste du sirocco.
Fort heureusement, ces préventions tombaient assez vite, dans les
milieux médicaux, devant les résultats obtenus à
Alger par les phtisiologues algériens, les Docteurs Lemaire, Thiodet,
Lévi-Valensi, Loubeyre ; à Constantine, par le Docteur Masselot
à Oran, Miliana, Médéa, par tous les médecins
pratiquant la collapsothérapie. En même temps, le Docteur
Burnand de Leysin, soulignait les excellents résultats obtenus
par lui au sanatorium d'Helouan, près du Caire.
D'ailleurs, avec les progrès de la phtisiothérapie, le traitement
de la tuberculose pulmonaire, débarrassé de la mystique
du climat, était tenu de devenir plus réaliste et d'aller
à des solutions économiquement réalisables.
C'est donc dans des milieux médicaux que prit naissance, en Afrique
du Nord, un corps de doctrines assez cohérent pour guider l'action
officielle ; l'Association Algérienne contre la Tuberculose groupait
à ce moment, autour des Professeurs Soulié, Ardin-Delteil,
Chassevant, Aubry, des Docteurs Lemaire et Argenson, des philanthropes,
des représentants de l'Association des Mutilés.
C'est là que naquit l'idée de sanatorium et qu'elle prit
corps avec la fondation d'une Association des Sanatoriums d'Algérie
dont le premier animateur fut le Docteur Bachon, président de l'Association
des Mutilés ; l'objectif envisagé fut la création
d'un sanatorium à proximité de la grosse agglomération
algéroise. Le comité technique opta pour un établissement
situé près d'Alger, dans les contreforts de l'Atlas - où
il puisse bénéficier pendant la saison chaude des brises
rafraîchissantes - mais assez élevé et assez éloigné
de la côte pour échapper à l'influence immédiate
de la mer. Le site choisi, qui a eu l'agrément du Docteur Rist
et du Professeur Léon Bernard, délégué par
le Comité national de lutte contre la tuberculose, est situé
à 32 km d'Alger, au-dessus du petit village de Rivet, à
450 mètres d'altitude, dans le petit massif du Djebel Zerouala
qui borde la Mitidja directement au Sud d'Alger.
CONSTRUCTION DU SANATORIUM.
Mais il fallait réaliser. Les premiers donateurs avaient réuni
cinq cent mille francs ; le Syndicat professionnel des Journalistes algériens,
par un don magnifique de deux millions, appelait sur le Sanatorium l'attention
du public ; l'Association, qui avait su démontrer sa vitalité,
sut intéresser à ses buts l'Office national des mutilés
et anciens combattants et le Gouvernement Général de l'Algérie.
Grâce à tous ces concours, il fut possible de mener à
bien la construction et l'outillage du Sanatorium de Rivet.
Il était presque prêt à ouvrir lorsqu'éclata
la guerre en septembre 1939. L'équipement se poursuivit cependant,
au milieu des difficultés de toutes sortes. Mais, en novembre 1942,
le débarquement des alliés en Afrique du Nord, en réalisant
la coupure complète avec la Métropole vint arrêter
définitivement toute possibilité de compléter l'équipement
et l'outillage de l'établissement.
RÔLE DU SANATORIUM PENDANT LA GUERRE.
D'ailleurs, il avait un autre rôle à jouer : l'Armée
anglaise en avait fait, avec le concours des dirigeants de l'oeuvre, un
hôpital général qui reçut pendant les campagnes
de Tunisie et d'Italie jusqu'à 600 blessés et malades par
jour (26.000 au total) ; il joua ensuite le rôle d'hôpital
de convalescents. Évidemment, on ne pouvait pas souhaiter un plus
beau baptême ni une plus belle contribution à la victoire
alliée et le conseil d'administration, fier du rôle joué
par le Sanatorium, a facilité de tout son pouvoir l'utilisation
de l'établissement en assurant avec son propre personnel le fonctionnement
du chauffage central et la bonne marche des appareils mécaniques.
Après le départ du Service de Santé de l'Armée
anglaise, le Sanatorium, réquisitionné par l'Armée
française, fut orienté, grâce au Médecin général
Gautier, vers sa destination finale, par son affectation au traitement
des tuberculeux militaires. Il a été possible, dès
ce moment, de préparer l'équipement et l'outillage de l'établissement
au rôle qu'il devait remplir.
En le remettant, le 1" novembre 1945, à l'Association des
Sanatoriums d'Algérie, après trois années d'occupation
militaire, le Service de Santé laissait en place un matériel
important (literie, matériel général et médical,
radiologie, etc..) qui devait grandement faciliter les débuts de
la gestion civile, et démontrer la justesse des vues du Médecin
général Gautier, Directeur du Service de Santé du
19" Corps d'armée.
ETAT ACTUEL.
L'ère des difficultés n'était pas close, en effet,
avec la guerre ; les dégâts inévitables causés
par trois années d'occupation militaire demandaient des réparations
importantes et souvent délicates, avec une main-d'uvre introuvable
et souvent hors de prix, des transports difficiles. La nécessité
de compléter l'outillage et l'équipement faisait prévoir
des dépenses considérables infiniment supérieures
aux ressources jusque-là mises en uvre.
Quelques exemples : le Sanatorium de Rivet entièrement construit
et pourvu de presque tout son gros matériel avait coûté
environ 11 millions ; un million était prévu pour parachever
l'équipement et l'outillage ; 500.000 francs devaient suffire aux
six premiers mois de fonctionnement.
Or, on peut prévoir qu'il faudra 11 millions environ pour compléter
l'outillage et faire les réparations.
C'est au milieu de tous ces obstacles et malgré eux, que l'Association
des Sanatoriums a poursuivi l'ouverture du Sanatorium de Rivet dont le
besoin se fait impérieusement sentir après cette nouvelle
et terrible guerre.
Aidée par la Direction de la Santé Publique du Gouvernement
Général, qui n'a ménagée en la circonstance
ni ses conseils ni son appui, l'Association a obtenu de toutes parts du
matériel, des effets, du linge, de l'outillage. Elle a ouvert d'abord
une aile et pourra recevoir .110 malades ; dans cinq mois le Sanatorium
de Rivet aura son plein de malades, soit 180 à 200.
L'établissement que les autorités présentes ont pu
parcourir avec le Gouverneur Général Yves Chataigneau, est
magnifiquement situé sur une colline riante d'où l'on découvre
en une immense vue panoramique, la plaine de la Mitidja, Alger et la mer,
la chaîne de l'Atlas. Il comprend un bâtiment central
formant bloc médical et administratif flanqué de deux longues
ailes à plusieurs étages où sont les galeries de
malades. Construit par M. Bienvenu, qui s'est inspiré des directives
médicales les plus récentes, il fait le plus grand honneur
au talent et à l'ingéniosité de son architecte à
qui le professeur Aubry a tenu à rendre un juste et vibrant hommage.
Les considérations de climat ont inspiré au Comité
médical l'adjonction à la galerie de cure classique orientée
au Sud, d'une galerie orientée au Nord qui est utilisée
en été par les malades et où ils se trouvaient d'ailleurs
le jour de la visite. Comme l'a fort bien dit M. Yves Chataigneau, la
visite tes galeries donnait l'impression d'une cure poursuivie dans la
confiance et dans la joie. Le réfectoire, salle de réunion
donnent cette même impression de cure heureuse.
Mlle le docteur Farkas qui dirige l'établissement, a su avec une
grande bonté enseigner aux malades la discipline sanatoriale dont
on connaît la nécessité et les heureux effets. Sous
sa direction les soins sont donnés par une communauté de
religieuses qui entourent les malades de toutes les attentions.
L'Algérie peut être fière de cette réalisation
; en le soulignant le Gouverneur Général n'a pas ménagé
aux animateurs ses encouragements en laissant entendre que le Sanatorium
de Rivet doit être suivi d'autres créations du même
ordre qui permettront de donner à la lutte antituberculeuse en
ce pays une nouvelle et décisive impulsion.
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