| Les Bureaux Arabes 
         Le gouvernement des populations musulmanes 
        de l'Algérie a été longtemps exercé par des 
        organismes militaires français qui tenaient à la fois du 
        service de renseignements, du contrôle et de l'administration proprement 
        dite. L'institution des Bureaux arabes a soulevé autrefois des 
        polémiques passionnées, et l'historien ne dispose guère, 
        pour la connaître, que de réquisitoires et de plaidoiries, 
        au lieu des recherches scientifiquement menées que nous attendons 
        encore. Cependant, nous avons, à l'heure actuelle., assez de recul 
        pour pouvoir apprécier sans passion l'oeuvre accomplie par une 
        organisation qui ne fut pas conçue par des théoriciens, 
        mais imposée par les nécessités de l'occupation et 
        de la pénétration françaises et gérée 
        par des hommes rompus à la pratique des affaires locales.
 L'ORIGINE DES BUREAUX ARABES
 
 Les premières années, mitre armée d'Alger avait son 
        service de renseignements, mais souffrait de ne pouvoir communiquer avec 
        les indigènes que par l'intermédiaire de drogmans ignorants 
        et corrompus. L'agent consulaire Delaporte se hâta de former quelques 
        interprètes militaires, et bientôt certains officiers comme 
        Lamoricière, Pélissier, Vergé, arrivèrent 
        à se passer de ces auxiliaires, ayant eu soin d'acquérir 
        eux-mêmes une connaissance sérieuse dé la langue arabe. 
        En 1833, pour sortir de l'ère de l'ignorance et des surprises, 
        le général Avizard, commandant par intérim l'Armée 
        d'Afrique, crut bon de créer un service chargé à 
        la fois de renseigner et d'agir, qu'il appela Bureau particulier des affaires 
        arabes et qu'il confia à l'habile et intrépide Lamoricière. 
        Par malheur, ce dernier, envoyé à Bougie puis absorbé 
        par l'organisation d'un bataillon de zouaves, était obligé 
        de se faire remplacer, et l'activité du service s'en ressentit.
 
 Drouet d'Erlon préféra supprimer le bureau et tenter un 
        essai de gouvernement direct. Il nomma le lieutenant-colonel Marey-Monge 
        Agha des Arabes. Le nouveau chef, qui connaissait la langue et les murs 
        du pays, eut le malheur d'exercer ses fonctions à une époque 
        où la population, très agitée, montrait qu'elle n'entendait 
        pas se plier à une direction exclusivement française. Néanmoins, 
        sous le maréchal Valée, on continua de marcher dans la même 
        voie : Pélissier fut nommé, en 1837, directeur des Affaires 
        arabes et envoya un lieutenant administrer chacune des tribus de la banlieue 
        d'Alger. C'était un embryon de service des affaires indigènes. 
        L'expérience dura deux ans, les résultats furent médiocres.
 
 Quand Bugeaud entreprit d'occuper tout le territoire algérien, 
        il fallut se décider à adopter une méthode de gouvernement 
        applicable à la population musulmane. Le Gouverneur commença 
        par rétablir la direction des Affaires arabes, un moment supprimée, 
        et lui donna autorité sur les chefs indigènes, le soin de 
        régler les relations entre les tribus et de recueillir des renseignements 
        politiques et militaires.
 
 Ce système de gouvernement indirect reçut sa consécration 
        par l'arrêté ministériel du 1" février 
        1844, organisant les Bureaux arabes dont Bugeaud, par plusieurs circulaires, 
        précisa le ressort, les attributions et la politique générale.
 
 On ne pouvait, à cette époque, séparer les questions 
        administratives des questions militaires. C'est pourquoi le Gouverneur 
        institua dans chaque division une direction des Affaires arabes, un Bureau 
        arabe de première classe dans chaque subdivision et un de deuxième 
        classe en tout point important occupé par l'armée. Le colonel 
        Daumas, qui assurait à Alger la direction générale 
        de cette organisation, rédigea un code des mesures administratives 
        et judiciaires applicables aux tribus. C'est en 1845 qu'on établit 
        la distinction entre la zone du Tell, qu'on appelait territoire civil, 
        et la zone proprement arabe ou territoire militaire. Cette dernière 
        fut divisée en khalifats, aghaliks, caïdats ét cheikats, 
        et administrée par des chefs indigènes sous le contrôle 
        des Bureaux arabes.
 
 LE SYSTEME D'ADMINISTRATION INDIRECTE
 
 A l'époque de Bugeaud, un bureau arabe comprenait un officier, 
        chef de service, assisté d'un ou deux officiers-adjoints, un cadi 
        chargé de rendre la justice, et pourvu parfois d'assesseurs, un 
        secrétaire français (d'ordinaire sous-officier), un khodja 
        (secrétaire indigène) chargé de rédiger la 
        correspondance en arabe, un interprète, un chaouch et quelques 
        ouvriers recrutés dans le pays.
 
 Le Bureau ne s'encombrait pas de paperasserie. C'était un organe 
        d'action. Action politique d'abord. Il surveillait la conduite des chefs, 
        proposait au besoin la destitution de ceux dont les abus de pouvoir pouvaient 
        provoquer des troubles. Il désignait au général commandant 
        la division, l'homme qui lui semblait le plus digne d'exercer la fonction 
        de chef. Il réglait les différents entre tribus.
 
 Action 
        judiciaire. L'officier était un juge pour toutes affaires 
        civiles. Le cadi exerçait ses fonctions sous sa surveillance et 
        se bornait souvent à conseiller, en qualité d'expert en 
        matière de droit coranique, le chef du bureau jugeant suivant nos 
        habitudes d'équité. Les questions criminelles étaient 
        du ressort des tribunaux militaires, mais l'officier du Bureau arabe prenait 
        les renseignements et réunissait le dossier de chaque affaire. 
        En cas de procès entre un Arabe et un Européen il servait 
        d'avocat consultant pour le Musulman qui n'était pas encore initié 
        à nos lois et nos usages.
 
 Le bureau avait aussi des attributions financières. C'était 
        lui qui fixait la redevance de chaque tribu (dîme du bétail 
        ou dîme des récoltes), perçue par les chefs indigènes, 
        et expédiait aux fonctionnaires français des Finances les 
        sommes versées. Il était le directeur de l'instruction et 
        des cultes et, à ce titre, il inspectait les écoles coraniques 
        et surveillait les personnages religieux.
 
 Enfin, il avait des attributions' militaires. C'était le chef du 
        bureau qui commandait les goums, les entraînait, les inspectait 
        en temps de paix, s'occupait de leur ravitaillement et les conduisait 
        au combat quand le commandement français avait besoin de leurs 
        services.
 
 Le régime de rattachement, institué en Algérie sous 
        la seconde République, ne changea à peu près rien 
        à cette organisation. Le territoire civil fut divisé en 
        trois départements, en arrondissements et en communes, mais les 
        bureaux arabes restèrent chargés du contrôle des Musulmans 
        et continuèrent de dépendre des généraux commandant 
        les divisions. Sous Randon, les bureaux arabes se multiplièrent. 
        De 1854 à 1868, on vit même fonctionner des Bureaux arabes 
        départementaux, chargés de l'administration des indigènes 
        dans le territoire civil et confiés en général à 
        d'anciens officiers. Quand Napoléon III créa le Ministère 
        de l'Algérie, essayant ainsi une politique d'assimilation, il admit 
        qu'il était impossible de se passer de l'administration militaire, 
        en dehors de la zone colonisée. Au contraire, la politique dite 
        du " Royaume arabe ", suivie de 1860 à 1870, renforça 
        l'autorité de ces organes. Le 21 mars 1867, le maréchal 
        de Mac-Mahon leur donna une charte : Echelon supérieur, un Bureau 
        politique, placé sous l'autorité du général 
        sous-gouverneur. Au-dessous, les directions provinciales. Enfin, les cercles, 
        dirigés par des officiers supérieurs et pourvus d'annexes 
        confiées à des capitaines ou à des lieutenants. Le 
        personnel comprit désormais :
 - 1° un officier titulaire, chef de bureau ;
 - 2° des officiers " stagiaires " ;
 - 3° des interprètes militaires ;
 - 4° des archivistes ;
 - 5° un personnel d'exécution (khodjas, secrétaires, 
        chaouchs, askers) ;
 - 6° un détachement de spahis ;
 - 7° un médecin.
 
 Point n'était besoin d'un règlement compliqué. Ce 
        qui importait, c'était le fonctionnement de cette organisation, 
        essentiellement empirique, dont l'action, bonne ou mauvaise, était 
        fonction de la valeur des officiers qui faisaient fonctionner les petits 
        rouages de cette délicate machine.
 
 LE RÔLE CIVILISATEUR DES BUREAUX ARABES
 
 Nous pouvons nous faire une idée du fonctionnement des bureaux 
        arabes sous le Second Empire, d'après les descriptions du temps. 
        Les principales sont celles du général du Barail, du capitaine 
        Hugonnet et du capitaine Richard ; ce dernier, écrivain de talent 
        et remarquable psychologue, a laissé de petits récits vivants 
        et spirituels qu'il est bon de relire, même de nos jours.
 
 Le Bureau arabe était généralement une maison modeste, 
        où il suffisait de ménager une pièce assez grande 
        pour recevoir les visiteurs ou les plaideurs, et une chambre de sûreté, 
        munie de grilles aux fenêtres et dé forts verrous, où 
        l'on enfermait les délinquants et les criminels. Souvent l'officier 
        siégeait en plein air. Les populations, habituées au brutal 
        régime des Turcs, prirent longtemps pour faiblesse les raffinements 
        de l'administration et de la justice européenne.
 
 Pour se débrouiller au milieu dés intrigues locales et veiller 
        à l'exécution de leurs ordres, les officiers devaient savoir 
        la langue du pays et étudier avec soin le passé et la situation 
        politique et sociale des tribus qu'ils devaient contrôler. Certaines 
        enquêtes effectuées par eux furent de solides études 
        historiques et géographiques
 
 Il ne suffisait pas en effet d'obtenir, par l'intermédiaire des 
        caïds, le versement des impôts et une tranquillité apparente 
        ; il fallait prévenir les révoltes, le désordre, 
        et hâter l'évolution des populations musulmanes.
 
 Pour effectuer une tâche si délicate, il convenait de choisir 
        un personnel d'élite. Si l'on prenait à la lettre les écrits 
        de polémistes comme Bézy, tous nos officiers et sous-officiers 
        auraient été des voleurs et des crétins. Cependant, 
        en 1871, lorsque le général Wolf traduisit en justice les 
        journalistes qui avaient diffamé son personnel, il ne fut pas possible 
        d'alléguer aucun fait précis à l'appui de leur thèse. 
        Les officiers qui entraient dans ce service menaient une vie rude, dangereuse 
        et ne pouvaient espérer pouvoir bénéficier de l'avancement 
        rapide qui suit les actions d'éclat. Ils étaient pris dans 
        les corps de troupe, et le bureau n'était pas une carrière 
        pour eux - tout au plus, comme disait le général du Barail, 
        " un accident de leur carrière ". Leur responsabilité 
        était grande, car, en cas de troubles, on avait vite fait de les 
        accuser d'incompétence, de faiblesse ou de tyrannie. Cependant, 
        ils s'intéressaient vite à leurs fonctions et leurs administrés 
        leur inspiraient bientôt de l'estime. Certains prenaient tellement 
        à coeur leur rôle de défenseurs des arabes, que toute 
        mesure prise par le Gouvernement en faveur de la colonisation leur paraissait 
        inexécutable. C'est pourquoi ils furent accusés d'avoir 
        retardé la mise en valeur de l'Algérie.
 
 Qu'en pense l'historien ? Quand il ouvre (page 68) le livre de Richard 
        : Du gouvernement du peuple arabe, il est étonné 
        de lire une phrase de ce genre : " Il est incontestable que si le 
        colon veut cultiver ici comme il le fait en Europe, son exploitation ne 
        le mènera pas loin. Si, pour se mettre à l'oeuvre, il lui 
        faut acheter une charrue de 2.000 frs, passer deux fois la terre avant 
        d'y jeter la semence et payer un laboureur 10 frs par jour, il n'est pas 
        besoin d'être expert en calcul pour démontrer qu'il se ruinera 
        et qu'il ne produira rien, mais qu'au lieu d'agir de cette folle manière, 
        il veuille bien se contenter de la modeste charrue indigène qui, 
        à la rigueur, montée avec des ânes, ne lui coûtera, 
        prête à fonctionner, que 75 frs, qu'au lieu de payer 10 frs 
        par jour celui qui doit la conduire il daigne prendre le khammès 
        arabe qui ne lui réclamera son salaire qu'à la fin de la 
        récolte et le laisse cultiver à sa guise, sa situation et 
        ses résultats changeront du tout au tout ". Étrangefaçon 
        de concevoir le progrès agricole. Et songeons que l'auteur était 
        un fouriériste et que Saint-Arnaud le signalait comme l'un des 
        meilleurs officiers des services indigènes. Il est donc certain 
        que les officiers avaient un peu trop tendante à se laisser influencer 
        par les usages locaux et qu'ils auraient pu faire plus d'efforts pour 
        améliorer la condition des terres.
 
 Ces petits défauts, qui tiennent à l'amour des administrateurs 
        pour un peuple brave dont ils avaient la responsabilité, ne doivent 
        pas nous faire oublier les services rendus par nos officiers. Ils ont 
        protégé la propriété indigène en s'opposant 
        avec une douce obstination à des opérations excessives de 
        cantonnement qui, privant les tribus de leurs moyens d'existence, les 
        auraient plongées dans une misère irrémédiable 
        et dans le désespoir. Ils ont donné aux Arabes le sens de 
        la discipline sans lequel on ne peut concevoir un relèvement économique. 
        Ils les ont habitués au contact avec les Européens et, se 
        faisant aimer de ces guerriers qui n'avaient pas la notion de l'État, 
        de la Patrie, et ne connaissaient que le chef, ils ont atténué 
        leur fanatisme et les ont amené à nous comprendre et à 
        imiter ce qu'il y a de bon dans le caractère français. " 
        Les bureaux arabes, disait Richard, ce sont les jambes de nos idées 
        ".
 
 On dira que ces idées communiquées étaient une bien 
        faible part de notre civilisation, mais pouvait-on brûler les étapes 
        ? Ils ont inculqué à leurs administrés le sens de 
        la justice, de cette justice française sur qui l'argent et le pouvoir 
        n'avaient ras de prise. Par leur sens du devoir, leur fermeté, 
        qui n'atténuait pas leur esprit de tolérance, leur bravoure 
        au combat, leur désintéressement et surtout leur équité, 
        nos officiers ont conquis très vite la confiance et l'estime des 
        Musulmans. De très loin, on venait à eux pour faire régler 
        des affaires litigieuses, et le juge militaire du bureau arabe habitua 
        ses administrés à régler leurs affaires autrement 
        que par la puissance des douros ou des armes. Ainsi, sans perdre les qualités 
        fondamentales de leur race, les populations algériennes ont adouci 
        leurs moeurs et acquis un sens de la chose publique sans lequel le progrès 
        économique, intellectuel et moral est impossible.
 
 LA SUPPRESSION PROGRESSIVE DES BUREAUX ARABES
 
 Les bureaux arabes ont été vivement attaqués par 
        les colons européens qui voyaient en eux les soutiens d'un régime 
        d'arbitraire. Duval et Warnier les accusèrent de tenir entre leurs 
        mains le commandement de l'armée, au lieu de recevoir de celui-ci 
        l'impulsion nécessaire. Ils constituaient, disaient- ils, un Etat 
        indépendant, avec son budget, son personnel, son journal, ses cavaliers 
        réguliers et irréguliers, et disposaient de la fortune et 
        de la liberté de leurs administrés, sans subir le moindre 
        contrôle. Les abus de certains officiers furent l'occasion de violentes 
        campagnes de presse. En réalité, ce que de petits colons 
        ruinés ou certains spéculateurs reprochaient à cette 
        administration, c'était de protéger avec un soin jaloux 
        la terre des tribus. Il vint même un moment où les généraux 
        accusèrent les bureaux arabes d'entraver le recrutement de l'armée 
        régulière. Il est vrai que les officiers des services locaux 
        avaient tendance à garder pour eux les beaux et bons cavaliers 
        pour les besoins du bureau ou pour la formation des goums. Les jeunes 
        gens des tribus préféraient le burnous bleu du maghzen au 
        burnous rouge du régiment de spahis, à cause de la discipline 
        moins sévère et d'une foule de petits 
        profits attachés à la fonction. Il se forma donc contre 
        les bureaux arabes une coalition qui les fit peu à peu reculer. 
        L'avènement du régime civil, victoire du " parti colon 
        ", sous la troisième République, comportait leur condamnation.
 
 Il n'était pas possible de les supprimer d'un trait de plume. Le 
        territoire militaire fut annexé par le territoire civil en plusieurs 
        étapes : décrets du 24 décembre 1870, du 10 février 
        1879, du 1er octobre 1880, arrêtés de 1881, 1884, 1885 qui, 
        progressivement, enlevaient au contrôle des divisions militaires 
        les régions du Tell et des Hauts-Plateaux. Les administrateurs 
        des communes mixtes héritaient des attributions essentielles des 
        officiers, sans qu'il fut question, d'ailleurs, de mettre fin au système 
        d'administration indirecte.
 
 Pendant qu'elle perdait du terrain dans le Nord, l'administration militaire 
        en gagnait dans les territoires sahariens, qu'il fut nécessaire 
        d'occuper pour assurer la sécurité des routes conduisant 
        au Soudan. Le personnel des Bureaux arabes d'Algérie fut utilisé 
        pour donner au désert une administration rudimentaire.
 
 En 1902, on créa les Territoires 
        du Sud, qui furent pourvus d'un budget distinct, bien que le 
        Gouverneur général de l'Algérie restât leur 
        représentant, le chef suprême de l'administration, l'ordonnateur 
        des dépenses et le trésorier général. Le " 
        Service des Affaires indigènes " comprit une direction à 
        Alger, des officiers employés dans les territoires du Nord (les 
        derniers quittèrent leurs fonctions en 1922) et dés officiers 
        des territoires du Sud. Ces derniers continuèrent d'être 
        régis par la circulaire de Mac-Mahon.
 
 La direction des Territoires du Sud, organisée en 1909, fut dotée 
        de trois services techniques (Travaux publics, Service agricole et Service 
        de Santé) et reçut des attributions très étendues. 
        Les quatre territoires militaires qui relevaient d'elle (Aïn-Sefra, 
        Ghardaïa, Touggourt et les Oasis) furent administrés à 
        peu de frais, et les Bureaux arabes surent y établir la sécurité 
        et la paix. Cette réussite atteste la souplesse et la vitalité 
        d'une institution qui convient pour établir l'ordre dans un territoire 
        nouvellement occupé et où la France, sans avoir l'intention 
        d'installer des colons, a le devoir de faire pénétrer son 
        influence.
 
 Pour développer la vie économique de ces régions 
        sahariennes, on doit les soumettre à une autorité préfectorale. 
        Cette mesure n'a rien d'un désaveu. Le passage de l'administration 
        des Bureaux arabes à l'administration civile avait été 
        prévu même par les fondateurs du régime militaire. 
        En 1850, le capitaine Richard demandait qu'on permît au peuple arabe 
        de remonter par degrés l'escalier qui conduit à un avenir 
        heureux. L'officier prendrait d'abord la place du caïd, puis serait 
        instituée la commune démocratique, où l'officier 
        se transformerait en agent municipal. L'administration militaire, telle 
        qu'il la concevait, était destinée à préparer 
        l'avènement du régime civil La constitution aristocratique 
        devant faire placé un jour à la démocratie. Le mérite 
        des bureaux arabes était de hâter cette évolution 
        en tirant de la société musulmane elle-même les principes 
        de civilisation qu'il convenait de cultiver. " Chaque situation d'un 
        peuple, écrivait-il, demande un gouvernement particulier, comme 
        chaque maladie d'un corps demande un traitement spécial ".
 
 Ainsi, se défiant, à juste titre, des idées préconçues 
        et des systèmes, la souple et tolérante administration des 
        Bureaux arabes a permis de franchir assez rapidement une étape 
        importante dans l'histoire des populations musulmanes de l'Afrique du 
        Nord.
 Marcel EMERIT.
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