Le câble
téléphonique nord-africain artère vitale de l'Afrique
du Nord
On appelle " Câble téléphonique
nord-africain ", la liaison souterraine télégraphique
et téléphonique qui doit joindre Tunis à Rabat et
Casablanca en passant par Constantine, Alger, Oran, Fès, etc...
Cette artère, longue de 2.300 kilomètres, desservira les
principaux centres d'Afrique du Nord et constituera, dès sa mise
en service, un progrès considérable pour le trafic télégraphique
et téléphonique entre le Maroc, l'Algérie et la Tunisie
A ce moment, l'Afrique du Nord sera véritablement dotée
d'un équipement moderne pour les télécommunications
interrégionales. Il ne restera plus qu'à la relier, par
un semblable dispositif, à la Métropole (câble téléphonique
sous-marin), et peut-être à certaines autres contrées
d'Afrique ou d'Europe, afin d'assurer le raccordement au réseau
mondial en cours d'étude.
HISTORIQUE RAPIDE DU RÉSEAU TÉLÉPHONIQUE
ALGÉRIEN.
Comme dans tous les pays du monde, les premières lignes télégraphiques
ou téléphoniques ont, en Afrique du Nord, été
réalisées par des fils de cuivre posés sur des poteaux
le long des voies ferrées et des routes.
Cette méthode, évidemment rapide et en apparence peu coûteuse,
présente lé grave inconvénient de limiter très
rapidement le nombre des circuits possibles.
En effet, la capacité des lignes aériennes sur poteaux est
relativement réduite, même avec des appuis doubles ; et,
d'autre part, une ligne aérienne chargée devient très
difficile à entretenir, car sa solidité en souffre. Sa surface
offre une proie facile aux vents qui, en certains cas, arrivent à
jeter bas de grandes longueurs, interrompant alors, surtout pendant les
périodes hivernales, une grande partie des communications téléphoniques
Les vieux Algériens se souviennent encore de la précarité
des communications, ainsi que des longs délais d'attente, entre
Oran, Alger et Constantine.
Cette situation n'avait, toutefois, pas échappé aux techniciens
lorsque le trafic téléphonique commença à
se développer en Algérie et, après quelques hésitations
motivées par l'ampleur de la dépense à engager, on
se décida, en 1932, à poser un câble souterrain sur
le parcours Oran-Orléansville-AlgerSétif-Constantine-Philippeville.
L'oeuvre fut terminée en 1937 et coûta, à l'époque,
la somme considérable de 250 millions.
C'est ce câble, déjà âgé d'une dizaine
d'années, qui sert à l'écoulement du trafic, bien
qu'il ait atteint depuis longtemps déjà la saturation.
Plus tard, on s'avisa que, pour augmenter et améliorer les liaisons
téléphoniques au Maroc et en Tunisie, ainsi qu'entre les
trois territoires d'Afrique du Nord, il valait mieux, suivant en cela
l'exemple de l'Algérie, poser du câble souterrain plutôt
qu'accroître la capacité des lignes aériennes existantes,
dont certaines, notamment aux environs de la frontière algéro-tunisienne,
suivent des parcours montagneux où leur bonne tenue demande des
soins constants.
LE CABLE TELEPHONIQUE NORD-AFRICAIN.
C'est ainsi que naquit l'idée du câble téléphonique
nord-africain complétant jusqu'à Tunis et Casablanca le
tronçon de 900 kilomètres déjà posé
en Algérie.
Mais l'ampleur des crédits à engager, la nécessité
de les imputer sur des budgets différents, soulevaient encore d'importants
problèmes ; aussi, la plupart des Ministères étant
intéressés à cette réalisation, un financement
commun fut déjà envisagé.
Les opérations militaires de 1939-40 qui montrèrent la nécessité
de liaisons sûres et rapides sur toute l'étendue de l'Afrique
du Nord, remirent au premier plan des préoccupations la réalisation
envisagée et, fin 1941, les crédits furent accordés,
et la mise en chantier du câble décidée.
Une ébauché en était à peine réalisée
lorsque de nouvelles opérations militaires se déclenchèrent
en Afrique du Nord.
L'idée ne fut pas abandonnée pour cela.
Bien au contraire, l'importance primordiale des liaisons nord-africaines
fut alors mise en pleine lumière, bien que nos Alliés, grâce
au matériel de transmissions moderne et perfectionné qu'ils
apportaient avec eux, eussent fait rendre le maximum aux maigres réseaux
aériens qui reliaient Oran à Rabat et Constantine à
Tunis et Bizerte.
Cependant, les travaux de réalisation du câble continuaient
au ralenti, étant donné, d'une part, l'impossibilité
de faire venir du matériel de la Métropole et, d'autre part,
le fait que les deux seules usines de matériel dé télécommunications
installées en Afrique du Nord (câblerie L.T.T. et tréfilerie
L.A.T.R.A.F.) réservaient la quasi-totalité de leur production
aux besoins de la guerre.
Les hostilités terminées, le Gouvernement français,
malgré ses pressants besoins pour la reconstruction du réseau
téléphonique de la Métropole, n'abandonna pas non
plus le projet de réalisation du câble nord-africain et,
par une loi de finances d'août 1946, l'inscrivit au programme d'équipement
en le dotant d'un crédit de 1.800 millions.
Les conditions de réalisation de ce câble, dont les travaux
comportent la pose de près de 1.500 kilomètres d'artère
souterraine, ainsi que la construction et l'équipement de vingt-trois
stations amplificatrices réparties sur toute sa longueur, sont
les suivantes:
Les travaux sont dirigés par un Comité directeur siégeant
à Alger et comprenant un Président (le Chef du Service Central
des P.T.T. de l'Algérie), deux membres choisis parmi les techniciens
des P.T.T. de la Métropole, qui assure la partie matérielle
des travaux de direction.
L'entreprise étant interministérielle, les crédits
sont inscrits à un compte spécial géré par
le Trésorier général de l'Algérie et alimenté,
pour les deux tiers, par des crédits métropolitains, pour
le tiers restant par les territoires d'Afrique du Nord à concurrence
des réalisations effectuées pour leur compte (Algérie
: 44 % - Maroc : 39 % - Tunisie : 17 %).
L'ordonnateur secondaire est le Ministre de l'Intérieur qui, en
fait, délègue ses pouvoirs au Gouverneur général
de l'Algérie.
REALISATIONS.
Les travaux, repris après la fin des hostilités, sont actuellement
en plein développement et la pose du câblé est effectuée
par une entreprise privée (Société L.T.T.).
A partir du mois d'août 1947, l'ouverture d'un second chantier permettra
de poser 50 kilomètres par mois, ce qui constitue un chiffre fort
honorable et permet d'envisager la fin des travaux de pose vers le début
de 1949.
Actuellement, près de 500 kilomètres sont posés sur
les 1.500 prévus, et on envisage que la liaison Constantine-Tunis
avec antennes sur Bône et Bizerte sera entièrement terminée
en fin 1947.
Malheureusement, le câble ne pourra être mis en service dés
la fin de sa pose, car, par suite des difficultés de construction
qui ont régné et règnent encore jusqu'à présent,
les stations d'amplification placées le long du parcours ne pourront
être prêtes qu'avec un certain retard
En outre, la fourniture du matériel très spécialisé
qui doit équiper ces stations et qui est envoyé par la Métropole,
n'a pas joui de la priorité de fabrication qu'avait le câble
lui-même du fait de sa fabrication en Afrique du Nord et les besoins
de la reconstruction métropolitaine sont passés avant ceux
de l'Afrique du Nord.
Quoi qu'il en soit, on espère mettre en service les nouvelles liaisons
Algérie-Tunisie dans le courant de 1948, et les liaisons Algérie-Maroc
dans le courant de 1949.
Il ne restera plus alors qu'à doubler l'artère souterraine
Constantine-Alger-Oran dont la capacité varie, selon les sections,
entre 26 et 62 quartes. Il comprend, de bout en bout, deux circuits destinés
aux besoins de la radiodiffusion. (On appelle quarte un groupe de quatre
fils spécialement aménagés ; suivant la nature des
circuits, deux quartes permettent d'écouler de six à sept
communications simultanées).
Grâce à l'emploi de matériel du dernier type réalisé
dans la Métropole (matériel type 1944), on pourra faire
passer jusqu'à trois communications sur certains circuits, ce qui
porte à une centaine le nombre des conversations à grande
distance simultanées pouvant être établies sur les
sections Oran-Maroc et Constantine-Tunisie (ce nombre n'était que
de 56 sur le câble Oran-Alger-Constantine, malgré l'effort
de modernisation réalisé par la récente mise en place
de matériel moderne permettant de faire passer à travers
ce câble deux communications sur certains circuits).
Aux circuits à grande distance ci-dessus, viennent s'ajouter les
circuits à petite distance destinés besoins locaux et dont
le nombre atteint, à chaque extrémité du câble
(Rabat-Oran, ConstantineT-inis), un chiffre voisin de la centaine, portant
ainsi le total des communications simultanées possibles par le
câble à 200 au départ de chaque grand centre.
Comme dans tout câble moderne, à ces possibilités
téléphoniques viennent s'ajouter de très importantes
possibilités télégraphiques
Les stations d'amplification, destinées à compenser l'affaiblissement
de la conversation pendant :n parcours sur les circuits du câble,
sont espacées de 70 kilomètres en moyenne.
Outre les installations techniques (amplificateurs, modulateurs et démodulateurs,
accumulateurs, redresseurs, etc., etc...), chacune de ces stations comporte,
selon son emplacement, un ou deux logements destinés au personnel
d'exploitation.
Le câble suit, d'une façon générale, les routes
; la plupart de celles-ci se prêtant mal, sauf sur certains parcours,
à l'emploi d'engins modernes (excavatrices, etc. ..), c'est à
la pioche et à la pelle que doivent être ouverts la presque
totalité des 1.500 km. de tranchées, en utilisant ainsi
une nombreuse main-d'oeuvre non spécialisée.
VUES D'AVENIR.
Ainsi donc, grâce à l'initiative prise en 1932 par le Gouvernement
général de l'Algérie, à la persévérance
des techniciens et, il faut malheureusement le dire aussi, en conséquence
des opérations militaires qui se sont déroulées sur
le sol de l'Afrique du Nord, une grande oeuvre est en cours qui dotera
ces pays d'un réseau de télécommunications moderne
lui permettant enfin de vivre téléphoniquement et télégraphiquement
sur un pied d'égalité avec la Métropole et les autres
grandes nations.
Il ne restera plus qu'à raccorder cette artère au réseau
mondial.
Les projets d'établissement d'un câble téléphonique
sous-marin Métropole-Algérie sont à l'étude;
ils posent d'importants et nouveaux problèmes que les techniciens
français s'emploient actuellement à résoudre, aucun
précédent à ce travail n'existant encore de par le
monde, puisque le câble téléphonique transatlantique
est, lui également, toujours à l'état de projet.
C'est l'Algérie qui, la première, verra arriver sur son
territoire cette belle réalisation française : l'aboutissement
du câble transméditerranéen étant prévu
à Bône ou Philippeville.
ANNEXE
Décret n° 47-1470 du 9 août 1947 relatif
à la construction du câble téléphonique souterrain
de l'Afrique du Nord.
Article premier. - Les dépenses autorisées par l'article
19 de la loi n" 46.854 du 27 avril 1946 pour l'exécution des
travaux du câble téléphonique nord-africain sont réparties
ainsi qu'il suit :
Etat
1 200 millions de fr
Algérie
264
Tunisie
102 -
Maroc
234 -
Total
. 1.800 -
Dans la limite des sommes ainsi fixées pour chaque collectivité,
des crédits de payement seront ouverts chaque année dans
les budgets intéressés, sur proposition du Comité
directeur visé à l'article 2 ci-dessous, afin de couvrir
les dépenses à acquitter au titre de l'exercice considéré
Au fur et à mesure de l'exécution des travaux, ces crédits
seront mis à la disposition du Gouverneur général
de l'Algérie pour être versés au crédit du
compte spécial ouvert dans les écritures du Trésor
en exécution des actes dits " loi n° 4.040 du 19 septembre
1941 ". Les versements des budgets intéressés auront
lieu par avance pour des périodes n'excédant pas quatre
mois.
Au débit du dit compte, seront portées les dépenses
relatives à l'exécution des travaux.
Le compte spécial susvisé sera immédiatement crédité
des versements nécessaires pour couvrir les dépenses constatées,
conformément aux dispositions antérieures.
Le Gouverneur général de l'Algérie reçoit
délégation permanente du Ministre de l'Intérieur
à l'effet de signer en son nom tous actes, décisions et
ordres de paiement relatifs à l'exécution des travaux dans
les conditions réglementaires par le contrôleur des dépenses
engagées de l'Algérie.
|