Alger, Algérie : documents algériens
Série économique
Le câble téléphonique nord-africain artère vitale de l'Afrique du Nord *
mise sur site le 20-10-2010
* Document n° 32 de la série : Économique - Paru le 20 septembre 1947 - Rubrique P.T.T.

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Le câble téléphonique nord-africain artère vitale de l'Afrique du Nord

On appelle " Câble téléphonique nord-africain ", la liaison souterraine télégraphique et téléphonique qui doit joindre Tunis à Rabat et Casablanca en passant par Constantine, Alger, Oran, Fès, etc...

Cette artère, longue de 2.300 kilomètres, desservira les principaux centres d'Afrique du Nord et constituera, dès sa mise en service, un progrès considérable pour le trafic télégraphique et téléphonique entre le Maroc, l'Algérie et la Tunisie

A ce moment, l'Afrique du Nord sera véritablement dotée d'un équipement moderne pour les télécommunications interrégionales. Il ne restera plus qu'à la relier, par un semblable dispositif, à la Métropole (câble téléphonique sous-marin), et peut-être à certaines autres contrées d'Afrique ou d'Europe, afin d'assurer le raccordement au réseau mondial en cours d'étude.

HISTORIQUE RAPIDE DU RÉSEAU TÉLÉPHONIQUE ALGÉRIEN.

Comme dans tous les pays du monde, les premières lignes télégraphiques ou téléphoniques ont, en Afrique du Nord, été réalisées par des fils de cuivre posés sur des poteaux le long des voies ferrées et des routes.

Cette méthode, évidemment rapide et en apparence peu coûteuse, présente lé grave inconvénient de limiter très rapidement le nombre des circuits possibles.

En effet, la capacité des lignes aériennes sur poteaux est relativement réduite, même avec des appuis doubles ; et, d'autre part, une ligne aérienne chargée devient très difficile à entretenir, car sa solidité en souffre. Sa surface offre une proie facile aux vents qui, en certains cas, arrivent à jeter bas de grandes longueurs, interrompant alors, surtout pendant les périodes hivernales, une grande partie des communications téléphoniques

Les vieux Algériens se souviennent encore de la précarité des communications, ainsi que des longs délais d'attente, entre Oran, Alger et Constantine.
Cette situation n'avait, toutefois, pas échappé aux techniciens lorsque le trafic téléphonique commença à se développer en Algérie et, après quelques hésitations motivées par l'ampleur de la dépense à engager, on se décida, en 1932, à poser un câble souterrain sur le parcours Oran-Orléansville-AlgerSétif-Constantine-Philippeville. L'oeuvre fut terminée en 1937 et coûta, à l'époque, la somme considérable de 250 millions.

C'est ce câble, déjà âgé d'une dizaine d'années, qui sert à l'écoulement du trafic, bien qu'il ait atteint depuis longtemps déjà la saturation.

Plus tard, on s'avisa que, pour augmenter et améliorer les liaisons téléphoniques au Maroc et en Tunisie, ainsi qu'entre les trois territoires d'Afrique du Nord, il valait mieux, suivant en cela l'exemple de l'Algérie, poser du câble souterrain plutôt qu'accroître la capacité des lignes aériennes existantes, dont certaines, notamment aux environs de la frontière algéro-tunisienne, suivent des parcours montagneux où leur bonne tenue demande des soins constants.

LE CABLE TELEPHONIQUE NORD-AFRICAIN.

C'est ainsi que naquit l'idée du câble téléphonique nord-africain complétant jusqu'à Tunis et Casablanca le tronçon de 900 kilomètres déjà posé en Algérie.

Mais l'ampleur des crédits à engager, la nécessité de les imputer sur des budgets différents, soulevaient encore d'importants problèmes ; aussi, la plupart des Ministères étant intéressés à cette réalisation, un financement commun fut déjà envisagé.


Les opérations militaires de 1939-40 qui montrèrent la nécessité de liaisons sûres et rapides sur toute l'étendue de l'Afrique du Nord, remirent au premier plan des préoccupations la réalisation envisagée et, fin 1941, les crédits furent accordés, et la mise en chantier du câble décidée.

Une ébauché en était à peine réalisée lorsque de nouvelles opérations militaires se déclenchèrent en Afrique du Nord.

L'idée ne fut pas abandonnée pour cela.

Bien au contraire, l'importance primordiale des liaisons nord-africaines fut alors mise en pleine lumière, bien que nos Alliés, grâce au matériel de transmissions moderne et perfectionné qu'ils apportaient avec eux, eussent fait rendre le maximum aux maigres réseaux aériens qui reliaient Oran à Rabat et Constantine à Tunis et Bizerte.

Cependant, les travaux de réalisation du câble continuaient au ralenti, étant donné, d'une part, l'impossibilité de faire venir du matériel de la Métropole et, d'autre part, le fait que les deux seules usines de matériel dé télécommunications installées en Afrique du Nord (câblerie L.T.T. et tréfilerie L.A.T.R.A.F.) réservaient la quasi-totalité de leur production aux besoins de la guerre.

Les hostilités terminées, le Gouvernement français, malgré ses pressants besoins pour la reconstruction du réseau téléphonique de la Métropole, n'abandonna pas non plus le projet de réalisation du câble nord-africain et, par une loi de finances d'août 1946, l'inscrivit au programme d'équipement en le dotant d'un crédit de 1.800 millions.

Les conditions de réalisation de ce câble, dont les travaux comportent la pose de près de 1.500 kilomètres d'artère souterraine, ainsi que la construction et l'équipement de vingt-trois stations amplificatrices réparties sur toute sa longueur, sont les suivantes:

Les travaux sont dirigés par un Comité directeur siégeant à Alger et comprenant un Président (le Chef du Service Central des P.T.T. de l'Algérie), deux membres choisis parmi les techniciens des P.T.T. de la Métropole, qui assure la partie matérielle des travaux de direction.

L'entreprise étant interministérielle, les crédits sont inscrits à un compte spécial géré par le Trésorier général de l'Algérie et alimenté, pour les deux tiers, par des crédits métropolitains, pour le tiers restant par les territoires d'Afrique du Nord à concurrence des réalisations effectuées pour leur compte (Algérie : 44 % - Maroc : 39 % - Tunisie : 17 %).

L'ordonnateur secondaire est le Ministre de l'Intérieur qui, en fait, délègue ses pouvoirs au Gouverneur général de l'Algérie.

REALISATIONS.


Les travaux, repris après la fin des hostilités, sont actuellement en plein développement et la pose du câblé est effectuée par une entreprise privée (Société L.T.T.).

A partir du mois d'août 1947, l'ouverture d'un second chantier permettra de poser 50 kilomètres par mois, ce qui constitue un chiffre fort honorable et permet d'envisager la fin des travaux de pose vers le début de 1949.

Actuellement, près de 500 kilomètres sont posés sur les 1.500 prévus, et on envisage que la liaison Constantine-Tunis avec antennes sur Bône et Bizerte sera entièrement terminée en fin 1947.

Malheureusement, le câble ne pourra être mis en service dés la fin de sa pose, car, par suite des difficultés de construction qui ont régné et règnent encore jusqu'à présent, les stations d'amplification placées le long du parcours ne pourront être prêtes qu'avec un certain retard
En outre, la fourniture du matériel très spécialisé qui doit équiper ces stations et qui est envoyé par la Métropole, n'a pas joui de la priorité de fabrication qu'avait le câble lui-même du fait de sa fabrication en Afrique du Nord et les besoins de la reconstruction métropolitaine sont passés avant ceux de l'Afrique du Nord.

Quoi qu'il en soit, on espère mettre en service les nouvelles liaisons Algérie-Tunisie dans le courant de 1948, et les liaisons Algérie-Maroc dans le courant de 1949.

Il ne restera plus alors qu'à doubler l'artère souterraine Constantine-Alger-Oran dont la capacité varie, selon les sections, entre 26 et 62 quartes. Il comprend, de bout en bout, deux circuits destinés aux besoins de la radiodiffusion. (On appelle quarte un groupe de quatre fils spécialement aménagés ; suivant la nature des circuits, deux quartes permettent d'écouler de six à sept communications simultanées).

Grâce à l'emploi de matériel du dernier type réalisé dans la Métropole (matériel type 1944), on pourra faire passer jusqu'à trois communications sur certains circuits, ce qui porte à une centaine le nombre des conversations à grande distance simultanées pouvant être établies sur les sections Oran-Maroc et Constantine-Tunisie (ce nombre n'était que de 56 sur le câble Oran-Alger-Constantine, malgré l'effort de modernisation réalisé par la récente mise en place de matériel moderne permettant de faire passer à travers ce câble deux communications sur certains circuits).

Aux circuits à grande distance ci-dessus, viennent s'ajouter les circuits à petite distance destinés besoins locaux et dont le nombre atteint, à chaque extrémité du câble (Rabat-Oran, ConstantineT-inis), un chiffre voisin de la centaine, portant ainsi le total des communications simultanées possibles par le câble à 200 au départ de chaque grand centre.

Comme dans tout câble moderne, à ces possibilités téléphoniques viennent s'ajouter de très importantes possibilités télégraphiques

Les stations d'amplification, destinées à compenser l'affaiblissement de la conversation pendant :n parcours sur les circuits du câble, sont espacées de 70 kilomètres en moyenne.

Outre les installations techniques (amplificateurs, modulateurs et démodulateurs, accumulateurs, redresseurs, etc., etc...), chacune de ces stations comporte, selon son emplacement, un ou deux logements destinés au personnel d'exploitation.

Le câble suit, d'une façon générale, les routes ; la plupart de celles-ci se prêtant mal, sauf sur certains parcours, à l'emploi d'engins modernes (excavatrices, etc. ..), c'est à la pioche et à la pelle que doivent être ouverts la presque totalité des 1.500 km. de tranchées, en utilisant ainsi une nombreuse main-d'oeuvre non spécialisée.

VUES D'AVENIR.

Ainsi donc, grâce à l'initiative prise en 1932 par le Gouvernement général de l'Algérie, à la persévérance des techniciens et, il faut malheureusement le dire aussi, en conséquence des opérations militaires qui se sont déroulées sur le sol de l'Afrique du Nord, une grande oeuvre est en cours qui dotera ces pays d'un réseau de télécommunications moderne lui permettant enfin de vivre téléphoniquement et télégraphiquement sur un pied d'égalité avec la Métropole et les autres grandes nations.

Il ne restera plus qu'à raccorder cette artère au réseau mondial.

Les projets d'établissement d'un câble téléphonique sous-marin Métropole-Algérie sont à l'étude; ils posent d'importants et nouveaux problèmes que les techniciens français s'emploient actuellement à résoudre, aucun précédent à ce travail n'existant encore de par le monde, puisque le câble téléphonique transatlantique est, lui également, toujours à l'état de projet.

C'est l'Algérie qui, la première, verra arriver sur son territoire cette belle réalisation française : l'aboutissement du câble transméditerranéen étant prévu à Bône ou Philippeville.

ANNEXE

Décret n° 47-1470 du 9 août 1947 relatif à la construction du câble téléphonique souterrain de l'Afrique du Nord.

Article premier. - Les dépenses autorisées par l'article 19 de la loi n" 46.854 du 27 avril 1946 pour l'exécution des travaux du câble téléphonique nord-africain sont réparties ainsi qu'il suit :
            Etat 1 200 millions de fr
            Algérie 264
            Tunisie 102 -
            Maroc 234 -
            Total . 1.800 -

Dans la limite des sommes ainsi fixées pour chaque collectivité, des crédits de payement seront ouverts chaque année dans les budgets intéressés, sur proposition du Comité directeur visé à l'article 2 ci-dessous, afin de couvrir les dépenses à acquitter au titre de l'exercice considéré

Au fur et à mesure de l'exécution des travaux, ces crédits seront mis à la disposition du Gouverneur général de l'Algérie pour être versés au crédit du compte spécial ouvert dans les écritures du Trésor en exécution des actes dits " loi n° 4.040 du 19 septembre 1941 ". Les versements des budgets intéressés auront lieu par avance pour des périodes n'excédant pas quatre mois.

Au débit du dit compte, seront portées les dépenses relatives à l'exécution des travaux.

Le compte spécial susvisé sera immédiatement crédité des versements nécessaires pour couvrir les dépenses constatées, conformément aux dispositions antérieures.

Le Gouverneur général de l'Algérie reçoit délégation permanente du Ministre de l'Intérieur à l'effet de signer en son nom tous actes, décisions et ordres de paiement relatifs à l'exécution des travaux dans les conditions réglementaires par le contrôleur des dépenses engagées de l'Algérie.