Madame Canavaggia et
le Docteur Marchand
Grand Prix Littéraire de l'Algérie pour 1946
" NOUS LES ELUS ",
DE Mme CANAVAGGIA.
Dans le domaine de la prose, le Jury était sollicité par
le mérite indéniable de divers ouvrages d'imagination parmi
lesquels se distinguaient celui de Miloud (de M. Fenouillet), récit
des aventures d'un tirailleur algérien accédant peu à
peu au grade d'officier, où l'on remarquait l'évolution
d'une psychologie de soldat loyal à la France, vieilli sous le
harnais et observé sur le vif avec un souci parfait et minutieux
d'exactitude. Et aussi " Le jardin des hautes plaines " où
M Catala s'attachait à révéler le destin et les aspirations
d'un écolier d'un milieu rural de fellahs, étude des plus
consciencieuses et des plus révélatrices. Après une
longue discussion, le choix du Jury s'arrêta sur " Nous les
Elus ", livre de Mme Canavaggia.
Celle-ci, originaire de Castel-Sarrazin, n'était connue à
ce jour que comme l'un des peintres éminents de notre époque,
et ses délicats paysages de la vallée de la Loire étaient
recherchés des amateurs. Certes, elle avait été,
depuis son arrivée en Algérie, séduite par le pays
et l'habitant. Sa grande sensibilité ne se satisfait pas entièrement
par le pinceau ; elle eut recours à la plume pour compléter
ses notes et ses croquis. Elle composa plusieurs oeuvres qu'elle garda
en manuscrit par délicatesse et pour ne pas gêner son mari
qui occupait alors une situation en vue en Algérie. Toute littérature
active est en effet à peu près interdite à certains
personnages, dont le moindre écrit, même le plus innocent,
est considéré comme officieux par l'opinion publique, non
sans malignité, et prend dès lors la valeur d'un témoignage.
Cependant, elle était, en ce temps-là, en relation avec
la firme Grasset qui lui demandait, de temps à autre, de relire
et de contrôler, pour en corriger les défauts, certaines
traductions d'auteurs étrangers. De très bonne heure, alors
qu'elle étudiait la peinture à l'École des Beaux-Arts
de Nîmes, où elle obtenait le prix d'honneur, elle était
remarquée pour ses dons d'observation. Ces mêmes qualités
se retrouveront plus tard dans son travail littéraire et frapperont
le directeur de la firme Grasset lorsqu'il lira " Nous... les Elus
" qui obtint le suffrage du jury du Prix Algérien de Littérature.
Il arrivait souvent à l'auteur, au cours de ses promenades dans
les rues et les lieux publics d'Alger, d'avoir son attention retenue par
la beauté et le pittoresque d'un individu ou d'un site et d'en
faire, à main levée, un rapide croquis. Dans la composition
de son roman sur Alger, l'intérêt qu'elle portait au menu
peuple de la cité devait s'exercer avec autant d'autorité
scrupuleuse. Elle a assisté sans doute au drame des humbles dans
" Nous.. les Elus " et nous le raconte crûment, avec la
conscience qu'elle apportait d'ordinaire à dessiner ]l'ouvrier
au travail, à le saisir d'un trait rapide, cursif et dur, dans
son geste, dans le mouvement familier, dans l'attitude, qui fait de lui
l'homme de la cité, du labeur, le membre d'une famille, le héros
d'une passion. Ses descriptions, pareilles à ses croquis, sont
franches, parfois brutales et violentes. Son héros Manuel cherche
à se débrouiller pour sortir de sa déchéance
et de la misère et y emploie mutes ses forces. Aucun détail
dans cette histoire qui n'ait été vu avec sagacité
; le récit est dépouillé. S'il est coloré,
il n'a point ce caractère picaresque qui perce toujours plus ou
moins dans la littérature des écrivains proprement algériens.
Il n' y a point là de débraillé ; l'histoire est
racontée par un ouvrier qui use d'une langue qui est celle, directe
et précise, d'un ouvrier ; il appartient à un groupe où
les enfants pullulent ; nous sommes en plein prolétariat, dans
un quartier, dans un logis qui est un taudis, dans une famille chargée
de gosses, dominée par la question angoissante de l'alimentation
Le mari, lassé d'une femme trop féconde et d'un intérieur
désolé, encombré de marmaille, prend la fuite et
abandonne les siens. Les voisins et l'Assistance publique interviennent
; la mère gagnera sa petite vie à faire des ménages,
les enfants les plus grands s'occuperont de leurs frères et soeurs.
Les patrons de la mère sont indulgents et secourables, mais la
malheureuse, exténuée par ses grossesses successives, tombera
malade dune phlébite. Et alors commencera la grande détresse
; le fils aîné s'instaurera chef de la famille, l'une des
filles se vouera à la prostitution précoce. Une fillette
malade mourra ; un maître charitable poussera le fils au travail,
lui fera passer son certificat d'études. Et les confidences se
poursuivent ; celle de la fille qui a mal tourné sera arrêtée
par la police et emprisonnée. Et c'est le père qui abandonna
sa famille que nous retrouvons en concubinage avec
une poule. Et c'est le jeune homme qui entrera comme employé à
la poste. Et c'est la mort de la mère. Et puis la maîtresse
du père coupable aura des bontés sans doute excessives pour
le fils. Les petits enfants sont à l'Assistance publique. C'est
toujours le bonheur en déroute, le chemin dangereux. l'enlisement
dans la pauvreté. Et brusquement, pour en sortir, l'engagement
dans un régiment du Génie; à ce moment, l'action
se transporte dans le Limousin ; le fils devient caporal-chef. Ici s'interpose
soudain le miracle, à la mode de Dickens, oui va diriger vers de
nouvelles destinées le petit clan de pauvres diables. En effet,
Manuel, l'enfant, qui est en vérité un très bon type,
devient le familier d'une boutique de librairie, la Bibliothèque
des familles, cabinet de lecture très fréquenté par
le jeune soldat désireux de s'instruire Là est une vieille
demoiselle à peu près sans ressources qui a pour toute fortune
une vieille tapisserie, souvenir d'un ancien patron. Manuel est bon pour
la dame quasi abandonnée, qu'il soigne avec affection et sollicitude.
Elle lui lègue en mourant sa tapisserie ; celle-ci, pièce
rare du XVI' siècle, sera vendue ; le soldat se trouvera riche
de 400.000 francs. Tout s'arrange pour le mieux.
Voici la conclusion des mémoires supposés de Manuel, le
héros de Mme Canavaggia, à la veille de la grande guerre,
après son héritage inopiné. Le voici à la
caserne de Limoges, et là, il écrira la page suivante où
il enfermera toute la philosophie du livre :
" Qu'il fait froid, bon Dieu, qu'il fait froid ! A utour du poéle
on se réunit, on fume, on boit, on cause de la guerre qui ne commence
pas, qui ne commencera peut-être jamais, du temps qui travaille
pour nous, puis des femmes et des enfants, quand on en a.
" Moi, je ne laisse personne derrière moi, que mon petit frère
et ma petite soeur qui seront riches (il a fait un testament où
il leur léguait sa fortune) et pourtant, on me cite parmi les plus
fortement malchanceux. Tout le monde est d'accord pour dire que le moment,
pour moi, a été mal choisi entre tous, la vie particulièrement
vache, particulièrement fumier, etc .. Tout ça, à
cause de mon héritage.
" Eh ! mon Dieu, oui, la vie est vache, fumier et tout ce qu'on voudra,
mais, du moins, on ne peut pas dire qu'elle nous prenne en traître.
Oh ! elle avertit, au contraire. Elle m'a averti si souvent, que le bonheur
n'était pas mon affaire, que la dure c'était le régime
pour moi. Autrefois, étant enfant, je m'étais si bien habitué
(en réalité cette habitude fut chaque fois interrompue par
une péripétie où intervenait l'acte de bonté
ou de charité d'un individu pitoyable). Entre le facile et l'amer,
je ne faisais pas de différence. Depuis, naturellement, je m'étais
gâté, j'avais pris de mauvaises habitudes, mais toujours,
avec l'avertissement.
" La vie faisait la grande dame qui s'étonne : " Toi,
Manuel, toi par ici ? Mais tu te trompes ! Mais ça n'est pas ta
place, voyons Manuel... " Oh ! Non, la vie ne nous prend pas en traître,
nous, les élus dans notre genre, elle n'en finit pas de nous prévenir,
elle nous fatigue même les oreilles, on voudrait tant ne plus l'entendre...
" Pas moyen.
" Seulement, quand le jour arrive où se fait l'appel du grand
coup dur, tout de suite (et soi-même, on s'en étonne) on
trouve facile de dire : " Présent ".
C'est ainsi que ce roman, que l'on imagine féroce alors qu'on en
entame la lecture, se rattache à la lignée des scènes
de la vie réelle de la critique sociale et se range, au contraire,
dans la catégorie des tracts moraux ou de la morale en action qu'en
Angleterre on appelle la Littérature des Ecoles du Dimanche. Ce
conte figurerait dans ses catalogues sous le titre : Les Aventures de
Manuel ou les avantages et les bienfaits de la bonne conduite.
Mme Canavaggia que ne satisfait pas son activité littéraire
et qui publiera prochainement un nouveau roman sur l'Algérie, n'arrête
point de travailler de son métier de peintre.
Elle vient de faire, à la galerie Carmine (rue de Sèvre,
à Paris) une exposition très réussie. Elle brille
en particulier dans le portrait. Naguère elle organisa deux expositions
à Alger, où un de ses tableaux figure au Musée des
Beaux-Arts A Radio-Algérie,
elle donna, avant son départ pour Paris, une causerie sur la peinture
moderne. Elle témoigne de la dilection pour les maîtres Marquet
et Buzon.
D'autre part, elle cultive la musique et touche à la notoriété
comme virtuose où elle se distingue dans l'interprétation
de Chopin.
De tels privilèges n'étaient pas rares jadis dans les milieux
d'artistes. C'est ainsi eue maints personnages de la Renaissance italienne
brillaient à la fois dans plusieurs disciplines. Il n'empêche
que le don d'être à la fois bon peintre et bon écrivain
ne soit accordé que chichement aux intellectuels de notre temps
; chacun de nos contemporains notoires révèle en général,
des aptitudes qui, pour se développer et atteindre à l'épanouissement
et à la maîtrise, exigent de tels efforts, une telle expérience,
une telle contention de l'esprit et une formation technique telle qu'elles
absorbent tout son temps ; seules quelques personnalités, dont
il convient de louer l'énergie à se réaliser comme
artistes d'esprit lucide et amoureux du beau, sont
capables, aidés par une chance l'indifférence générale
Seules certaines personnalités à une époque mettre
à sa place, surmonter d'inextricables difficultés, arrivent
à à toute épreuve, les sérieux obstacles qu'accumulent
le snobisme des foules et les préjugés d'un jury.
LE DOCTEUR MARCHAND, UN POETE
ALGERIEN
La carrière du Docteur Marchand ne le prédisposait guère,
semble-t-il, aux méditations passionnées et aux enthousiasmes
du lyrisme. A peine sorti de l'adolescence, il se consacra en effet à
d'austères études de biologie et de médecine. Préparateur,
en 1914, au laboratoire de Tamaris-sur-Mer (Var) qui dépend de
l'Université de Lyon, il sera en juillet 1916 docteur ès-sciences
naturelles. Dès le début de la grande guerre il s'engagera
dans la Marine où il servira en qualité de médecin
auxiliaire. Après des campagnes en Serbie et en Italie, il passera
à Alger, en 1919, sa thèse de docteur en médecine
et sera nommé chef de travaux au laboratoire de physiologie. En
1923, il s'établissait enfin comme médecin traitant à
Alger. Et voici que le démon de la recherche scientifique s'empara
de lui. Il s'occupait, dès 1930, d'archéologie et d'anthropologie
préhistoriques, il fouilleraen Algérie de nombreuses grottes
ou stations de surface et publiera par la suite soixante-six notes ou
mémoires originaux accueillis avec la plus grande faveur par les
maîtres de la science. Ce sera en 1938 qu'il publiera son premier
ouvrage de vers : Le sablier d'argent où il a assemblé les
meilleurs poèmes de sa jeunesse, épaves de tels premiers
émois sentimentaux que n'importe quel jeune homme éparpille
autour de lui. Il appartenait alors à l'école classique,
avait de la prédilection pour le vers régulier et excellait
dans le poème descriptif ; de tels recueils ne constituent guère
que des mémentos et sont oubliés comme péchés
de jeunesse Le fond y a, pour l'intéressé, plus d'intérêt
que la forme. C'est toutefois à ce moment de l'existence qu'apparaît
l'homme de lettres. Entraîné à enfermer le plus de
lui dans sa poésie, M. Marchand allait persévérer
dans le métier de poète. Trois ans après, en 1941,
paraissait Le Pays Natal qui magnifiait la région lyonnaise et
surtout le Beaujolais où il avait accoutumé de passer ses
vacances. Il donnait ainsi un cadre à ses plus heureux souvenirs
de la maison familiale, à Pommiers (Rhône) et aux paysages
où ils s'intégraient. Il y a déjà plus de
vingt ans qu'il s'est fixé en Algérie ; il a subi l'emprise
de son nouveau pays d'adoption et de l'Islam. Il éprouve ici des
sensations inoubliables qu'il condense en de courtes pièces
mais bien frappées et hautes en couleurs dont la sincérité
éveille la sympathie du lecteur algérien. Il y trace d'émouvantes
impressions de sites : savourons à notre loisir cette description
de la mosquée dans le bois :
« Elle n'a ni gardien, ni prêtres, ni servants ;
« Sa porte de bois peint est toujours entrouverte
« Et de vieux oliviers, balancés à tous vents,
« La couvrent de leurs branches vertes.
« Par huit marches de marbre on accède au perron,
« Qu'un jasmin, pour le moins centenaire, enjolive,
« Et, la porte poussée, on sent la paix que font
« Les grandes voûtes en ogive.
« Des nattes sont à terre, et de riches tapis ;
Nul croyant n'y médite à cette heure en silence,
Mais au plafond, trahi par un lent cliquetis,
Un lustre en cristal se balance.
« Des vitraux colorés tombe un jour irréel ;
On cherche malgré soi quelque obscure présence,
Et la raison admet l'ordre surnaturel,
L'âme retrouve une croyance.
« Les hirondelles vont, viennent, tournoient; leur vol
« Passe, glisse vingt fois au-dessus de nos têtes,
« Et voici qu'à son tour, là-bas, un rossignol,
« Louange Allah et son prophète ».
C'est alors que parait Terre de Morérie (1942) (du
nom attribué par un autre poète, Albert Tustes, à
l'Afrique septentrionale). Les événements d'Alger, les bombardements
qu'il voit de près, le débarquement des Alliés sont
les thèmes du Manteau de Pourpre (1944) qui se termine cependant
par un acte en vers : Les deux baisers, destiné à recevoir
un accompagnement musical du compositeur José Weber prématurément
disparu
Certains critiques, dans cette période, assuraient que le grand
ennemi du poète Marchand était sa facilité. Ceci
signifiait surtout qu'il était devenu maître de l'outil poétique
par excellence, la langue. D'autres lui reprochaient de ne pas suivre
avec rigueur toutes les règles de la prosodie. Il tint compte de
ces observations et entreprit alors la composition d'un recueil de sonnets
réguliers : Le parfum des roses. La facture se resserrait ; le
vers mieux étoffé prenait de la plénitude, sans cesser
d'être alerte ; l'image s'enrichissait ; le poète dépouillait
la banalité comme la préciosité ; la phrase renforcée
se gonflait de muscles et se tendait. Le poète naissait à
l'originalité ; l'artiste comprenait de plus en plus la vanité
des ornements et redoutait l'adjectif qui cheville. En vérité
la plupart des pièces ainsi assemblées
en gerbes sont charmantes ; quelques-unes sont hors de pair, deux ou trois
sont dignes de l'anthologie grecque.
Voici une pièce de belle architecture. Elle a pour titre : Le
chapeau de tulle :
" Voici le banc rustique et le platane ombreux,
" Le grand parc aux vieux murs tout ruisselants de lierre,
" Voici notre tonnelle et voici la rivière
" Où de gais bateliers chantent d'un coeur heureux.
" Reviendra-t-elle encore ? Bien souvent la première
" Elle avait posé là, - fétiche d'amoureux -
" Près du chapeau de tulle aux rubans vaporeux,
" Le bouquet de pervenche ou la rose trémière.
" Mais le banc reste vide et les bosquets sans voix
" Dans mon coeur angoissé je sens que le soir tombe,
" Que ma bouche se crispe et que tremblent mes doigts.
" Au pigeonnier voisin roucoule une colombe,
" Et ces pleurs qu'on jura de ne verser jamais
" Ces pleurs viennent me dire à quel point je l'aimais.
L'attention du jury fut avant tout retenue par Le parfum des roses, le
dernier ouvrage du Docteur Marchand.
Il est hors de doute que le poète des roses honore nos lettres
algériennes. On sait aussi que la beauté, l'harmonie et
le parfum de la fleur sont un thème de prédilection des
poètes orientaux célèbres, que l'on retrouve dans
les Mille et une nuits mieux que traduites par le Docteur Mardrus.
Il est en Marchand des vers qu'emplit une fraîche et simple image
et qui s'incrustent dans l'esprit où ils forment leçon.
Il a par dessus tout l'art d'imposer la vie aux choses et il introduit
avec largesse le concret dans ses poèmes, dont il souligne ou accuse
l'émotion Il a de la chaleur ; certains poèmes sortis de
sa plume sont comme un appel de fanfare. C'est un lyrique dont le vers
a acquis une lucidité qui ne s'encombre d'aucune hésitation.
Né à Lyon, il n'a point jusqu'ici montré dans ses
oeuvres cette tendance mystique si fréquente chez les artistes
et les hommes d'action originaires de cette ville. Fervent, d'autre part,
du Guignol Lyonnais, il possède un théâtre de marionnettes
qu'il a costumées en tirailleurs, en galoufa, et autres personnages
chers à Cagayous
Un volume de Farces Algériennes en publiera le répertoire
(Langoustes en location - La hernie étranglée - La gare
de Mazafran, etc...) qui a déjà connu maints succès.
Ainsi le Lyonnais s'est associé à l'Algérien dans
le but de créer de la satire et brandit la trique qui est souvent
la suprême revanche du peuple.
Il a acquis chez nous et perfectionné le goût méditerranéen
de la farce qui s'est transmis des Atellanes de l'époque latine
à Karagueuz, de l'époque turque et enfin aux personnages
puissamment caractérisés de Musette, inventeur de feu Cagayous
et de ses disciples, hier encore les héros de Bab-el-Oued,
puis les pantins d'Edmond Brua qui, à ce jour, parodie Le Cid avec
ses voyous bônois. Dans cette voie, le Docteur Marchand a traduit
dans le patois coruscant de nos faubourgs des scènes de la vie
populaire et il y a égalé en ardeur les créateurs
de ces histoires picaresques. Le Docteur Marchand a naturalisé
Guignol dans la cité algérienne sous le trait de Cagayous,
l'immortel Panurge de notre cité barbaresque qui moque l'autorité
et la police, rosse le commissaire (car il n'a pas la bosse du respect),
vit aux dépens des heureux de ce monde, pille les jardins, rafle
les lessives sur les terrasses, vole les demi-dieux du marché noir
et surtout attache de plus en plus le Docteur Marchand à la littérature
algérienne.
Robert RANDAU.
de l'Académie des Sciences coloniales.
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