Alger, Algérie : documents algériens
Série sociale

Les réalisations sociales à Kenadsa et Colomb-Béchar*
mise sur site le 27-4-2011
* Document n° 8 de la série : Sociale - Paru le 30 août 1946 - Rubrique HABITAT

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Les réalisations sociales à Kenadsa et Colomb-Béchar

" Il fut un temps, dans la province d'Oran, par exemple, où une colonne qui s'était hasardée jusqu'au Chott croyait être arrivée aux limites du possible et avoir atteint une ligne au delà de laquelle l'air n'était plus respirable que pour les nègres et les antilopes ".
" Mais il est une puissance qui tient peu de compte des calculs des timides et que ne peuvent arrêter les barrières qu'ils imposent : cette invincible et éternelle loi du progrès qui régit le monde doit avoir, ici comme partout, son inévitable effet.
"

Lieutenant-Colonel de Colomb.
Revue Algérienne et Coloniale (Août 1860).

Pionnier authentique et véritable prophète des destinées du Sud Oranais, le lieutenant-colonel de Colomb, qui consacra de longues années de sa vie à l'étude des voies naturelles de pénétration vers le Soudan, situa très justement l'oasis de Béchar, à laquelle son nom est resté associé, sur le parcours de ce qui est devenu de nos jours une quasi-réalité : le Méditerranée-Niger.

" En résumé, disait-il à la fin de son étude, notre route n'est pas par les immenses et arides déserts qui entourent R'hadamès et R'hat, elle est par les vallées peuplées de l'oued Béchar, de la Messaoura et de Touat. Tous nos regards doivent être tendus, tous nos moyens d'action dirigés vers Tombouctou et vers la route la plus courte pour y arriver ".

Ce que le Colonel de Colomb n'avait pas prévu, ne pouvait pas prévoir, étant donné les connaissances de l'époque sur la géologie du Sahara, c'est que l'essor de Béchar serait dû à la fois à sa situation géographique et à la constitution du sous-sol de ses environs immédiats.

L'ESSOR ÉCONOMIQUE ET LES RÉALISATIONS SOCIALES.

Le développement de l'exploitation du bassin houiller de Kenadsa-Béchar-Djedid, la réalisation progressive des projets du Méditerranée-Niger étaient conditionnées par un recrutement suffisant de main- œuvre. Dans cette région au climat pénible où les écarts annuels de température atteignent 50°C, où le problème de l'eau se pose d'une manière impérieuse, la création de conditions de vie qui attirent et retiennent les travailleurs présentait des difficultés qui peuvent paraître insurmontables à un profane survolant les sommets dénudés du Nord de Béchar pour la première fois.

Et cependant, trois agglomérations existent, vivantes, reliées par des voies ferrées et des pistes : Colomb-Béchar, soulignée par l'oued et verdie de palmiers, Béchar-Djedid et Kenadsa, cités ouvrières modernes, blanches et bistres, plaquées au sol et auréolées des plages noires des différents sièges de la mine. Si les anciens quartiers de Colomb-Béchar et le Ksar de Kenadsa, la ville sainte célèbre par sa Zaouïa, restent dans le cadre du pittoresque local, les cités ouvrières, confortables et coquettes, et les bâtiments modernes de l'oasis, témoignages d'un effort courageux, rationnel et méthodique, affirment une fois de plus le génie civilisateur de la France.

LA POPULATION.


Groupant environ 10.000 habitants, Musulmans, autochtones et Européens, Colomb-Béchar est, si l'on peut dire, la capitale administrative de l'ensemble Kenadsa-Béchar-Djedid. Nombre de réalisations sociales : hôpital, groupes scolaires, Dar-el-Askri, ont été conçus en tenant compte de la population globale de l'oasis et des centres miniers.

La population totale de Kenadsa, Béchar-Djedid, est de 13.000 habitants environ, y compris les petites agglomérations de Musulmans des environs. Sur ce total, 5.100 ouvriers sont employés à la mine, dont 700 Européens composant les cadres d'exploitation et la majeure partie du personnel de jour.

L'HABITAT.


Le cachet différent des trois agglomérations reflète fidèlement leur histoire.

Oasis dont la population européenne, militaire d'abord puis civile, s'est accrue progressivement et lentement depuis 1890, la cité européenne de Colomb-Béchar construite au fur et à mesure des nécessités se mêle parfois à la cité indigène et présente de petites rues aux maisons basses et sans style groupées autour des bâtiments de l'annexe et des territoires, puis s'égaye résolument à l'Ouest en percées Larges bordées de villas confortables et modernes.

Kenadsa, dont la mise en exploitation remonte à la guerre 1914-1918, mais dont le développement réel date de 1940, conserve, intact et retiré, son vieux Ksar célèbre par sa vie religieuse et ses marabouts, tassé, resserré autour d'une vaste place tandis que vers les sièges de la mine, cités européenne et indigène, largement conçues, s'étirent le long de rues droites et blanches.

Cité européenne, couleur de sable, où l' " ancienne " et unique rue de Kenadsa de 1920 est déjà une antiquité, et dont les constructions récentes suffisent à loger tout le personnel de la mine. Villas individuelles, blocs de 4 villas, logements collectifs pour célibataires, toutes ces constructions coquettes, avenantes, sont entourées du petit bout de terre qui sera un jardin et où au prix de quels soins, de quelles ruses pour détourner le minimum d'eau qui leur est indispensable, poussent des tamaris de quelques centimètres ou parfois un jeune caroubier agressif.

Meublés sommairement, mais d'une manière suffisante, ces appartements qui possèdent tous une salle de bains avec installation de douches, permettent aux familles et aux célibataires de se loger dans des conditions d'hygiène parfaites et de confort satisfaisant.

Les bâtiments essentiels : direction de la mine, restaurants, salle des fêtes, économat, écoles, sont groupés vers le centre de la cité européenne.

La cité indigène, ou nouveau Ksar de Kenadsa, s'étale toute blanche autour d'une large place où un petit souk en réduction offre en été la fraîcheur relative de son couvert de natte et un immense café maure spacieux et accueillant permet de longues stations aux heures de repos. Chaque groupe de constructions est conçu spécialement pour ses différents habitants : les uns sont cloisonnés et chaque famille dispose de 2 pièces et d'une cour entourée de murs élevés, les autres aménagés en vastes dortoirs sont destinés aux célibataires. Un groupe, enfin, retiré, et d'un style différent, forme un véritable petit village kabyle où les transplantés retrouvent les conditions de vie de leur pays natal.

Cité ouvrière moderne, conçue en tenant compte des moeurs et des besoins des populations musulmanes, réalisé entièrement depuis 1940, le nouveau Ksar de Kenadsa réalise le type même des constructions qui doivent, dans un avenir plus ou moins lointain, s'élever dans toute l'Algérie industrialisée.

Étendue au pied d'une colline couverte de villas modernes et confortables, Béchar-Djedid conçue en 1941, réalisée entièrement en 1942, n'est pas une réplique fidèle de Kenadsa. Si l'ensemble des cités européennes et indigènes donne la même impression de modernisme et de confort, des détails précis : aménagement de terrasses spécialement destinées aux nuits chaudes où les intérieurs surchauffés sont inhabitables par exemple, montrent que l'expérience de Kenadsa a permis ici d'éviter les erreurs et d'atteindre un résultat encore plus satisfaisant.

LE SERVICE SANITAIRE.

Le cadre général de l'organisation des services d'Assistance à Colomb-Béchar et à Kenadsa est celui des Territoires du Sud. Mais l'essor industriel de la région, cause directe de l'accroissement de la population, a rendu indispensable le développement du Service de Santé.
   2 hôpitaux, l'un à Colomb-Béchar, l'autre à Kenadza ;
   2 infirmeries indigènes ;
   3 postes de secours ;
tel est le bilan actuel des réalisations effectuées.

L'ancien hôpital de Colomb-Béchar, agrandi successivement au cours des dernières années, modernisé, vient de mettre en service, il y a trois mois à peine, ses derniers bâtiments dont une maternité de 15 lits.

Avec son pavillon d'officiers, véritable villa mauresque, confortable et fraîche, sa pharmacie moderne, ouverte à tous les habitants, son laboratoire, sa salle d'opérations et ses 250 lits, cet hôpital, sur lequel sont dirigés les malades graves de la région, peut soutenir avantageusement la comparaison avec beaucoup de ceux du Nord.

Bâtiment moderne et sobre, actuellement en voie d'achèvement, l'hôpital de Kenadsa, aménagé provisoirement pour recevoir 30 malades, pourra normalement porter son effectif à 80 dans quelques mois.

Doté d'une salle d'opérations, véritable modèle du genre, de deux chambres climatisées, ce petit hôpital, qui doit prochainement recevoir un appareil de radiographie, pourra ainsi subvenir à tous les besoins de Kenadsa et dispenser les malades graves d'un transport dangereux sur une piste de e tôle ondulée " jusqu'à Colomb-Béchar.

Hôpitaux, infirmeries indigènes et postes de secours, périodiquement visités, permettent la régularité des services de consultations gratuites, de vaccinations et l'organisation de la lutte contre les épidémies et les affectations oculaires, en particulier la conjonctivite granuleuse ou trachôme, si fréquente dans la région.

C'est avec un dévouement inlassable que les médecins militaires chargés de l'assistance aux populations prodiguent soins, consultations et visites, et le seul médecin de Kenadsa assure le fonctionnement d'un hôpital, d'une infirmerie indigène, de deux postes de secours éloignés d'une vingtaine de kilomètres donnant, la plupart du temps, plus de 100 consultations dans la journée.

L'ENSEIGNEMENT.

C'est dans des bâtiments clairs et fort bien aménagés que le groupe scolaire de Colomb-Béchar prospère et se ramifie.
   1906: 1 classe mixte ;
   1911: 2 classes (filles et garçons) ; 1933: 6 classes ;
   1946: 18 classes, dont 12 pour les enfants musulmans 500 enfants scolarisés.

Étant donné les conditions matérielles actuelles et le manque de locaux, la plupart des nouvelles classes créées fonctionnent à mi-temps.

Un cours complémentaire fonctionne et le programme d'extension du groupe qui comprend l'aménagement de quatre nouvelles classes prévoit également la création d'un cours d'enseignement professionnel où les élèves se spécialiseront dans le travail du cuir et du bois.

7 classes fonctionnent actuellement à Kenadsa, dont 4 au village européens, 2 au vieux Ksar, ouvertes en janvier 1946 pour 80 enfants musulmans, et 1 au nouveau Ksar. Souvent créés dans des locaux de fortune, mais toujours dans des conditions d'hygiène excellentes, ces classes du vieux Ksar seront remplacées dès que les conditions matérielles le permettront, par une école moderne conçue dans le style des constructions des cités ouvrières.

L'ORGANISATION DU RAVITAILLEMENT A KENADSA ET BECHAR DJEDID.

A une époque où la question du ravitaillement se pose d'une façon angoissante dans pas mal de villes de France et d'Algérie, il est reposant et rassurant de visiter l'économat de Kenadsa.

Tous les employés de la mine y trouvent rassemblés : denrées contingentées ou non, vins, alcools, légumes frais venant de Colomb-Béchar ou de Taghit, viandes, poissons et glace. Une boulangerie moderne y fabrique 5.000 rations de pain par jour, la plupart des familles indigènes touchant directement leur ration de farine.


Des annexes de l'économat fonctionnent au nouveau Ksar et à Béchar-Djedid, facilitant ainsi les conditions de vie d'une population soumise, par ailleurs, à des rigueurs de climat et aux inconvénients bien connus du " bled ".

Un restaurant installé au centre de la cité européenne permet aux célibataires de prendre leurs repas dans les meilleures conditions et se charge également de la cuisine de l'hôpital. Cette centralisation présente le double avantage de réduire le personnel et les frais.

LE PROBLÈME DE L'EAU.


Favorisée à ce point de vue par la présence de l'Oued, Colomb-Béchar se suffit largement et peut entretenir une culture maraîchère assez abondante. Les quelques puits locaux de Kenadsa et BécharDjedid sont nettement insuffisants aux besoins des populations et de la mine, et une conduite d'eau venant de Colomb-Béchar fournit le gros appoint.

Problème d'épuration posé par la qualité de ces eaux salines, problème d'économie, car la quantitéest souvent restreinte, et les besoins considérables, dans ces pays à évaporation intense où il est admis qu'un homme travaillant normalement doit absorber de 6 à 8 litres d'eau par jour.

Problèmes posés et résolus, puisque l'ensemble Béchar-Kenadsa, qui possède par ailleurs un lavoir pour le traitement du charbon et de nombreuses installations de douches, s'enorgueillit à juste titre de 5 piscines.

Piscine de Colomb-Béchar enfouie dans le jardin public de la palmeraie, piscine de Béchar-Djedid construite sur un mamelon d'où l'on domine les cités fraîchement édifiées, piscines de Kenadsa enfin dont la plus ancienne en bordure de la palmeraie du vieux ksar, s'enfonce, bordée de pisés couleur de sable, à l'ombre d'un caroubier imposant.

***

C'est avec stupéfaction que le voyageur aérien et profane découvre ce véritable centre industriel moderne après avoir survolé les arêtes croulantes et désolées, les pics nus et les plateaux arides du Nord de Béchar, et c'est avec confiance dans les destinées de la France qu'il réalise rceuvre accomplie ici.

Tous ces hommes, ceux qui assument avec perspicacité les lourdes responsabilités de l'administration de la région, ceux qui, avec un dévouement inlassable, prodiguent soins et assistance aux populations, ceux qui dirigent avec compréhension les exploitations industrielles, ceux enfin qui travaillent dans des conditions toujours pénibles avec sérénité et courage, méritent que l'on connaisse leurs efforts et que l'on apprécie leur réussite, symbole de l'essor de l'Algérie et du génie civilisateur de la France.