Alger, Algérie : documents algériens
Série sociale

L'assistance médicale dans les Territoires du Sud
mise sur site le 22-3-2011
* Document n° 3 de la série : Sociale - Paru le 20 mars 1946 - Rubrique ASSISTANCE MEDICALE

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L'assistance médicale dans les Territoires du Sud

L'assistance médicale aux Musulmans des Territoires du Sud a connu depuis ces trente dernières années un développement intense. C'est durant cette période qu'a été réalisée la mise sur pied de ce service tel qu'elle apparaît actuellement.

Le développement de l'oeuvre médicale n'a même pas été entravé par les difficultés engendrées par la guerre. Bien mieux, d'importantes améliorations ont été menées à bien durant cette période ; c'est ainsi que sur les 111 postes de secours existants, 54 ont été construits depuis 1940.

Aussi, les réformes prévues concernant la construction de quelques infirmeries et postes sanitaires nouveaux, la modernisation d'un certain nombre d'établissements en fonctionnement, l'augmentation de l'effectif numérique du personnel infirmier, ne feront que consolider ce qui existe et " rceuvre de demain consistera avant tout à entretenir soigneusement ce qui a été fait jusque-là ".

ORGANISATON GENERALE.


L'assistance médicale aux populations civiles des Territoires du Sud est confiée à des médecins de l'armée mis à la disposition du Gouverneur Général de l'Algérie par le Service de Santé. Un médecin militaire, officier supérieur, est le directeur du Service de Santé des Territoires du Sud dont le siège est à Alger.

Jeunes officiers aptes physiquement à la vie rude du Sahara, les médecins affectés dans le Sud sont, pour la plupart, encore frais émoulus de l'Ecole d'application du Val de Grâce. La durée minima de leur séjour est fixée à deux ans, avec possibilité de prolongation jusqu'à concurrence de 4 ans. Afin de leur permettre de se familiariser avec certaines techniques de microscopie, indispensables pour le médecin isolé, et avec les affections oculaires particulières à ces pays, ils accomplissent à Alger, avant leur départ dans le Sud, deux stages d'application : l'un au laboratoire saharien de l'Institut Pasteur, l'aute au Service d'ophtalmologie de l'hôpital civil.

Sur place, ils sont secondés par un personnel infirmier composé de soeurs blanches, de sage-femmes, d'infirmières visiteuses, d'infirmiers-chefs européens, d'infirmières et d'infirmiers musulmans.

En raison du peu d'importance de l'élément européen, l'assistance médicale a été plus particulièrement adaptée aux besoins des populations locales. Elle est assurée par l'intermédiaire des administrations municipales : les communes inscrivant à leur budget les crédits nécessaires au fonctionnement du service et étant subventionnées dans une plus ou moins large mesure, suivant l'état de 7f,'7. ressources, par le budget des Territoires du Sud.

Les services de l'assistance médicale comportent notamment :
- la consultation et les soins gratuits,
- la lutte contre les épidémies,
- la lutte contre les affections oculaires et le trachôme,
- la lutte contre le paludisme, les maladies vénériennes et fléaux sociaux,
- la protection maternelle et infantile,
- la surveillance médicale des établissements scolaires.

Des inspections fréquentes établissent un contact étroit entre le Directeur du Service de Santé et ses médecins, tandis qu'un rapport médical mensuel, comprenant des données statistiques précises et des renseignements détaillés, permet de contrôler l'exécution régulière de l'assistance médicale dans chaque poste.

ETABLISSEMENTS DE L'ASSISTANCE MEDICALE.

Les établissements de l'assistance médicale répondent à deux types : l'infirmerie indigène et le poste de secours.

Les infirmeries indigènes sont situées aux chefs-lieux administratifs. Elles comportent à la fois des locaux pour la consultation et des services d'hospitalisation et comptent de 10 à 60 lits. Ces formations sont dotées de tout le matériel technique usuel ; elles possèdent un laboratoire de bactériologie, plusieurs ont une installation radiologique. (Voir Annexe I).

La plupart de ces infirmeries ont fait l'objet, au cours de ces dernières années, d'importants travaux d'agrandissement, d'aménagements et de modernisation. En 1942, des communautés de soeurs blanches infirmières ont été installées dans les infirmeries de Djelfa et d'El-Oued, en 1945 dans celle d'Adrar. Une nouvelle infirmerie a été édifiée à Kenadsa en 1944. Des travaux de construction de nouvelles formations sont en cours à Adrar, Beni-Abbès et Ouargla, en projet à Ghardaïa. Certaines infirmeries telles que celles de Laghouat, Djelfa, Colomb-Béchar, Géryville, Touggourt, El-Oued, sont de véritables hôpitaux régionaux.

Les postes sanitaires de secours sont des formations plus modestes. Elles ont été créées dans les centres secondaires d'une certaine importance et ne comportent que des locaux pour les consultations et les soins courants et, dans les postes les plus récemment construits, un logement pour l'infirmier. Dans chaque poste se trouve, en effet, un infirmier qui donne les soins élémentaires, notamment en ophtalmologie, et sert d'informateur sanitaire (épidémies).

Durant ces six dernières années, ces formations ont été multipliées et leur nombre actuel est de 111.

TOURNEES MEDICALES.

Les postes de secours sont visités périodiquement par les médecins qui sont habituellement accompagnés de la sage-femme ou des soeurs blanches. Sont également visitées, mais à intervalle variable, de nombreuses localités dans lesquelles il n'existe pas de poste sanitaire et où les malades sont examinés dans un local sommairement aménagé et approvisionné en quelques produits essentiels. Enfin, des tournées dans les tribus sont effectuées à l'occasion des rassemblements saisonniers des nomades.

Les déplacements se font, suivant le cas, en voiture automobile, par voie ferrée, à cheval, à chameau ou en combinant ces divers moyens.

Malgré l'insuffisance des moyens de transport, les tournées médicales ont représenté, au cours de ces trois dernières années, un total important.

LA CONSULTATION.

Le service de la consultation et des soins gratuits, en principe réservé aux seuls indigents, est en pratique ouvert à tous : 90 % de la population du Sud peut, du reste, être considérée " médicalement " comme indigente. Ce service est particulièrement apprécié des populations et les chiffres ci-dessous en montrent la progression formidable depuis vingt-huit ans. (Voir Annexe II).

Parmi les consultants, les hommes et surtout les enfants prédominent, mais les femmes y viennent partout de plus en plus nombreuses. Dans les centres de Touggourt, Laghouat et Géryville, le nombre des consultations annuelles dépasse 100.000.

Les admissions dans les infirmeries sont, elles aussi, en progression nette, bien que celle-ci soit moindre que celle des consultations.

LUTTE CONTRE LES EPIDEMIES.

La lutte contre les affections épidémiques est représentée au premier chef par le service des vaccinations et par l'équipement des communes dans le domaine de la désinfection et de l'épouillage. Chaque infirmerie, ainsi que les postes de secours les plus importants, comportent un centre de désinfection
et d'épouillage. Toutes les annexes sont dotées d'appareils à douches transportables qui permettent la réalisation extemporanée du poste d'épouillage mobile ( En outre, des quantités importantes de poudres insecticides (D.D.T.) viennent d'être mises à la disposition des communes.).

LUTTE CONTRE LES MALADIES DES YEUX.


Les affections oculaires, conjonctivites et trachôme, dominent largement la scène pathologique dans Dans certaines oasis, le pourcentage des sujets atteints de trachôme est de 100 ou voisin de 100. chaque médecin doit-il être un peu ophtalmologiste.

Le programme de lutte a tendu et tend à multiplier les petits centres de traitement qui jouent le riik des dispensaires antiophtalmologiques. Dans les postes de secours, dans l'intervalle des visites du /médecin, les traitements prescrits sont exécutés par l'infirmier. Ces traitements sont toujours très simMIES c dogme " des trois collyres) et si le trachôme, étroitement lié au " modus vivendi " de l'Indigène satamination familiale dans les premiers mois qui suivent la naissance) sévit toujours aussi intensé=lent. les conjonctivites surajoutées à cette affection, qu'elles compliquent de façon si sérieuse, sont efficacement combattues. Pour s'en convaincre, il n'est qu'à souligner la disparition progressive des cas a cécité chez les jeunes, si nombreux avant notre arrivée.

En outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, les médecins se familiarisent, au cours de leur stage ophtalmologie à Alger, avec la technique de deux ou trois interventions très simples de chirurgie (Annexe II).

LUTTE ANTIVENERIENNE.

Les maladies vénériennes et la syphilis sont très répandues : elles imposent à l'Administration en poursuivre énergiquement la prophylaxie et d'en éviter la propagation. Le programme suivi en la matière vise à l'amélioration des dispensaires, à l'utilisation judicieuse des moyens thérapeutiques plus efficaces et les plus modernes (dont les frais d'achat incombent intégralement au budget des Territoires du Sud).

LUTTE ANTIPALUDIQUE.


Le paludisme existe à l'état endémique dans la plupart des oasis du Sud algérien. La lutte, comme partout, consiste dans la destruction du moustique surtout pendant sa vie larvaire et des gîtes à moustiques (petites et grandes mesures antilarvaires) et dans le traitement préventif et curatif de l'affection par les médicaments antipaludiques. La fourniture de ces médicaments aux populations est faite par les infirmeries et les postes de secours : le budget des Territoires du Sud supporte la moitié de la dépense.
D'une manière générale, l'affection tend à diminuer de fréquence et de gravité. La diminution de la morbidité malarienne est la conséquence des mesures de prophylaxie rationnelle qui ont été appliquées depuis plusieurs années.

PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE.

L'assistance maternelle et infantile est réalisée par " L'OEuvre des mères et nourrissons " qui fait bénéficier toute femme présentant son enfant aux époques prescrites pour la consultation, pendant les douze mois qui suivent la naissance, d'allocations en natures (vivres, lait, vêtements, etc...)

Cette oeuvre est prospère dans le centres où le médecin est secondé par du personnel féminin (sage-femmes et soeurs blanches). Elle touche 120 centres ou villages. (Annexe II).

En matière d'accouchement, le rôle du médecin est assez restreint. Il convient cependant de ne pas exagérer la prétendue importance des matrones auprès des Indigènes : ceux-ci font appel à elles parce qu'ils ne peuvent, le plus souvent, agir différemment. Chaque fois qu'il est possible d'affecter une sage-femme dans un poste, l'action de la matrone indigène décline. Le cas du ksar de Kénadsa est caractéristique : en 1944 et 1945, 446 et 476 accouchements, soit à peu près la totalité des accouchements du village, ont été faits par la sage-femme française.

INSPECTION MEDICALE SCOLAIRE.

Elle porte actuellement sur un effectif de 6.400 élèves comptant à une soixantaine d'établissements différents.

Ainsi, l'action des médecins apparaît-elle des plus complexes. Elle l'est d'autant plus qu'au traitement proprement dit des malades et à la prévention des épidémies s'ajoute le rôle social.

L'amélioration de la condition des populations locales : tel est le but constamment poursuivi qui fait du médecin le premier collaborateur de l'autorité administrative.

L'OEuvre accomplie, dans le Sud, pour l'organisation et l'amélioration des différentes parties de l'assistance médicale est considérable. Elle peut soutenir sans peine la comparaison avec celle réalisée dans n'importe quelle colonie. Fondée sur la connaissance préalable de la pathologie des assistés, de leurs moeurs et de leur véritable niveau social, elle a su s'adapter aux besoins des populations et fait honneur à la mission civilisatrice que la France s'efforce de remplir.

ANNEXE I

REPARTITION DES INFIRMERIES ET DES POSTES DE SECOURS

Les infirmeries sont au nombre de 23 ainsi réparties:

Territoires d'Aïn-Sefra, Méchéria, Géryville, Aïn-Sefra, Beni-Ounif, Colomb-Béchar, Kenadsa, Beni Abbès, Timimoun, Adrar, Tindouf : 10
Territoire de Ghardaïa : Djelf a, Laghouat, Ghardaïa, El-Goléa . 4
Territoire de Touggourt : Biskra, Ouled Djellal, Touggourt, El-Oued 4
Territoires des Oasis : Ouargla, In Salah, Tamanrasset, Djanet, Ghat 5

Les postes sanitaires de secours au nombre de 111 sont répartis de la manière suivante :

Territoires d'Aïn-Sefra 47
Territoire de Touggourt 34
Territoire de Ghardaïa 13
Territoire des Oasis 17

En outre le territoire occupé du Fezzan Ghadamès administré par l'Algérie depuis le 1er septembre 1943 compte 4 infirmeries et 11 postes de secours.

ANNEXE II
BILAN DE L'OEUVRE SANITAIRE

1° Tournées médicales.
Total annuel au cours des 3 dernières années : 100 à 120.000 kms.

2° Consultations.

Progression depuis 1918
1918 128.643 consultations
1925 223.825
1930 416.690
1935 604.170
1940 1.227.324
1945 1.933.947

Ces derniers chiffres se passent de commentaires si l'on tient compte eu fait que la population globale du sud n'excède guère 900.000 âmes (chiffres approximatifs actuels).

3° Consultations et soins.
        Consultations et soins se répartissent approximativement comme suit :
                Maladies des yeux et trachôme 35 à 40 %. Plaies, traumatismes, affections chirurgicales diverses : 25 %. Affections des voies digestives et respiratoires : 15 %. Maladies vénériennes, syphilis et dermatoses : 10 %. Paludisme : 5 %. Divers (maladies contagieuses, etc...) 5 %.


4° Admission dans les infirmières.

47.115
1918
1.112 admissions
avec 16.521 journées d'hospitalisation,
1925
1.345
21.201
1930
1.599
31.340
1935
1.948
41.969
1940
2.277
80.379
1945
5.042


5° Vaccination.
Les vaccinations s'opèrent au rythme annuel de 80 à 100.000. En 1942, en raison de la situation épi démique générale en Afrique du Nord les chiffres records ci-après enregistrés dans le Sud.
        Vaccinations Antivarioliques         236.636
        Vaccinations contre le typhus        196.676

6° Interventions ophtalmologiques.
Le chiffre de ces interventions pratiquées au cours des 6 dernières années a été de : 7.096.

7° Lutte antivénérienne.
Le chiffre annuel des consultations et soins donnés au titre de la lutte antivénérienne au cours des six dernières années a été de 80 à 100.000.

8° Protection maternelle et infantile.
Le chiffre moyen permanent des inscriptions à l'oeuvre au cours de ces deux dernières années a été de 5.000. Le chiffre des consultations supérieur à 80.000.