L'assistance médicale
dans les Territoires du Sud
L'assistance médicale aux Musulmans
des Territoires du Sud a connu depuis ces trente dernières années
un développement intense. C'est durant cette période qu'a
été réalisée la mise sur pied de ce service
tel qu'elle apparaît actuellement.
Le développement de l'oeuvre médicale n'a même pas
été entravé par les difficultés engendrées
par la guerre. Bien mieux, d'importantes améliorations ont été
menées à bien durant cette période ; c'est ainsi
que sur les 111 postes de secours existants, 54 ont été
construits depuis 1940.
Aussi, les réformes prévues concernant la construction de
quelques infirmeries et postes sanitaires nouveaux, la modernisation d'un
certain nombre d'établissements en fonctionnement, l'augmentation
de l'effectif numérique du personnel infirmier, ne feront que consolider
ce qui existe et " rceuvre de demain consistera avant tout à
entretenir soigneusement ce qui a été fait jusque-là
".
ORGANISATON GENERALE.
L'assistance médicale aux populations civiles des Territoires du
Sud est confiée à des médecins de l'armée
mis à la disposition du Gouverneur Général de l'Algérie
par le Service de Santé. Un médecin militaire, officier
supérieur, est le directeur du Service de Santé des Territoires
du Sud dont le siège est à Alger.
Jeunes officiers aptes physiquement à la vie rude du Sahara, les
médecins affectés dans le Sud sont, pour la plupart, encore
frais émoulus de l'Ecole d'application du Val de Grâce. La
durée minima de leur séjour est fixée à deux
ans, avec possibilité de prolongation jusqu'à concurrence
de 4 ans. Afin de leur permettre de se familiariser avec certaines techniques
de microscopie, indispensables pour le médecin isolé, et
avec les affections oculaires particulières à ces pays,
ils accomplissent à Alger, avant leur départ dans le Sud,
deux stages d'application : l'un au laboratoire saharien de l'Institut
Pasteur, l'aute au Service d'ophtalmologie de l'hôpital civil.
Sur place, ils sont secondés par un personnel infirmier composé
de soeurs blanches, de sage-femmes, d'infirmières visiteuses, d'infirmiers-chefs
européens, d'infirmières et d'infirmiers musulmans.
En raison du peu d'importance de l'élément européen,
l'assistance médicale a été plus particulièrement
adaptée aux besoins des populations locales. Elle est assurée
par l'intermédiaire des administrations municipales : les communes
inscrivant à leur budget les crédits nécessaires
au fonctionnement du service et étant subventionnées dans
une plus ou moins large mesure, suivant l'état de 7f,'7. ressources,
par le budget des Territoires du Sud.
Les services de l'assistance médicale comportent notamment :
- la consultation et les soins gratuits,
- la lutte contre les épidémies,
- la lutte contre les affections oculaires et le trachôme,
- la lutte contre le paludisme, les maladies vénériennes
et fléaux sociaux,
- la protection maternelle et infantile,
- la surveillance médicale des établissements scolaires.
Des inspections fréquentes établissent un contact étroit
entre le Directeur du Service de Santé et ses médecins,
tandis qu'un rapport médical mensuel, comprenant des données
statistiques précises et des renseignements détaillés,
permet de contrôler l'exécution régulière de
l'assistance médicale dans chaque poste.
ETABLISSEMENTS DE L'ASSISTANCE MEDICALE.
Les établissements de l'assistance médicale répondent
à deux types : l'infirmerie indigène et le poste de secours.
Les infirmeries indigènes sont situées aux chefs-lieux administratifs.
Elles comportent à la fois des locaux pour la consultation et des
services d'hospitalisation et comptent de 10 à 60 lits. Ces formations
sont dotées de tout le matériel technique usuel ; elles
possèdent un laboratoire de bactériologie, plusieurs ont
une installation radiologique. (Voir Annexe I).
La plupart de ces infirmeries ont fait l'objet, au cours de ces dernières
années, d'importants travaux d'agrandissement, d'aménagements
et de modernisation. En 1942, des communautés de soeurs blanches
infirmières ont été installées dans les infirmeries
de Djelfa et d'El-Oued, en 1945 dans celle d'Adrar. Une nouvelle infirmerie
a été édifiée à Kenadsa en 1944. Des
travaux de construction de nouvelles formations sont en cours à
Adrar, Beni-Abbès et Ouargla, en projet à Ghardaïa.
Certaines infirmeries telles que celles de Laghouat, Djelfa, Colomb-Béchar,
Géryville, Touggourt, El-Oued, sont de véritables hôpitaux
régionaux.
Les postes sanitaires de secours sont des formations plus modestes. Elles
ont été créées dans les centres secondaires
d'une certaine importance et ne comportent que des locaux pour les consultations
et les soins courants et, dans les postes les plus récemment construits,
un logement pour l'infirmier. Dans chaque poste se trouve, en effet, un
infirmier qui donne les soins élémentaires, notamment en
ophtalmologie, et sert d'informateur sanitaire (épidémies).
Durant ces six dernières années, ces formations ont été
multipliées et leur nombre actuel est de 111.
TOURNEES MEDICALES.
Les postes de secours sont visités périodiquement par les
médecins qui sont habituellement accompagnés de la sage-femme
ou des soeurs blanches. Sont également visitées, mais à
intervalle variable, de nombreuses localités dans lesquelles il
n'existe pas de poste sanitaire et où les malades sont examinés
dans un local sommairement aménagé et approvisionné
en quelques produits essentiels. Enfin, des tournées dans les tribus
sont effectuées à l'occasion des rassemblements saisonniers
des nomades.
Les déplacements se font, suivant le cas, en voiture automobile,
par voie ferrée, à cheval, à chameau ou en combinant
ces divers moyens.
Malgré l'insuffisance des moyens de transport, les tournées
médicales ont représenté, au cours de ces trois dernières
années, un total important.
LA CONSULTATION.
Le service de la consultation et des soins gratuits, en principe réservé
aux seuls indigents, est en pratique ouvert à tous : 90 % de la
population du Sud peut, du reste, être considérée
" médicalement " comme indigente. Ce service est particulièrement
apprécié des populations et les chiffres ci-dessous en montrent
la progression formidable depuis vingt-huit ans. (Voir Annexe II).
Parmi les consultants, les hommes et surtout les enfants prédominent,
mais les femmes y viennent partout de plus en plus nombreuses. Dans les
centres de Touggourt, Laghouat et Géryville, le nombre des consultations
annuelles dépasse 100.000.
Les admissions dans les infirmeries sont, elles aussi, en progression
nette, bien que celle-ci soit moindre que celle des consultations.
LUTTE CONTRE LES EPIDEMIES.
La lutte contre les affections épidémiques est représentée
au premier chef par le service des vaccinations et par l'équipement
des communes dans le domaine de la désinfection et de l'épouillage.
Chaque infirmerie, ainsi que les postes de secours les plus importants,
comportent un centre de désinfection et d'épouillage.
Toutes les annexes sont dotées d'appareils à douches transportables
qui permettent la réalisation extemporanée du poste d'épouillage
mobile ( En outre, des quantités
importantes de poudres insecticides (D.D.T.) viennent d'être mises
à la disposition des communes.).
LUTTE CONTRE LES MALADIES DES YEUX.
Les affections oculaires, conjonctivites et trachôme, dominent largement
la scène pathologique dans Dans certaines oasis, le pourcentage
des sujets atteints de trachôme est de 100 ou voisin de 100. chaque
médecin doit-il être un peu ophtalmologiste.
Le programme de lutte a tendu et tend à multiplier les petits centres
de traitement qui jouent le riik des dispensaires antiophtalmologiques.
Dans les postes de secours, dans l'intervalle des visites du /médecin,
les traitements prescrits sont exécutés par l'infirmier.
Ces traitements sont toujours très simMIES c dogme " des trois
collyres) et si le trachôme, étroitement lié au "
modus vivendi " de l'Indigène satamination familiale dans
les premiers mois qui suivent la naissance) sévit toujours aussi
intensé=lent. les conjonctivites surajoutées à cette
affection, qu'elles compliquent de façon si sérieuse, sont
efficacement combattues. Pour s'en convaincre, il n'est qu'à souligner
la disparition progressive des cas a cécité chez les jeunes,
si nombreux avant notre arrivée.
En outre, ainsi qu'il a été dit précédemment,
les médecins se familiarisent, au cours de leur stage ophtalmologie
à Alger, avec la technique de deux ou trois interventions très
simples de chirurgie (Annexe II).
LUTTE ANTIVENERIENNE.
Les maladies vénériennes et la syphilis sont très
répandues : elles imposent à l'Administration en poursuivre
énergiquement la prophylaxie et d'en éviter la propagation.
Le programme suivi en la matière vise à l'amélioration
des dispensaires, à l'utilisation judicieuse des moyens thérapeutiques
plus efficaces et les plus modernes (dont les frais d'achat incombent
intégralement au budget des Territoires du Sud).
LUTTE ANTIPALUDIQUE.
Le paludisme existe à l'état endémique dans la plupart
des oasis du Sud algérien. La lutte, comme partout, consiste dans
la destruction du moustique surtout pendant sa vie larvaire et des gîtes
à moustiques (petites et grandes mesures antilarvaires) et dans
le traitement préventif et curatif de l'affection par les médicaments
antipaludiques. La fourniture de ces médicaments aux populations
est faite par les infirmeries et les postes de secours : le budget des
Territoires du Sud supporte la moitié de la dépense.
D'une manière générale, l'affection tend à
diminuer de fréquence et de gravité. La diminution de la
morbidité malarienne est la conséquence des mesures de prophylaxie
rationnelle qui ont été appliquées depuis plusieurs
années.
PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE.
L'assistance maternelle et infantile est réalisée par "
L'OEuvre des mères et nourrissons " qui fait bénéficier
toute femme présentant son enfant aux époques prescrites
pour la consultation, pendant les douze mois qui suivent la naissance,
d'allocations en natures (vivres, lait, vêtements, etc...)
Cette oeuvre est prospère dans le centres où le médecin
est secondé par du personnel féminin (sage-femmes et soeurs
blanches). Elle touche 120 centres ou villages. (Annexe II).
En matière d'accouchement, le rôle du médecin est
assez restreint. Il convient cependant de ne pas exagérer la prétendue
importance des matrones auprès des Indigènes : ceux-ci font
appel à elles parce qu'ils ne peuvent, le plus souvent, agir différemment.
Chaque fois qu'il est possible d'affecter une sage-femme dans un poste,
l'action de la matrone indigène décline. Le cas du ksar
de Kénadsa est caractéristique : en 1944 et 1945, 446 et
476 accouchements, soit à peu près la totalité des
accouchements du village, ont été faits par la sage-femme
française.
INSPECTION MEDICALE SCOLAIRE.
Elle porte actuellement sur un effectif de 6.400 élèves
comptant à une soixantaine d'établissements différents.
Ainsi, l'action des médecins apparaît-elle des plus complexes.
Elle l'est d'autant plus qu'au traitement proprement dit des malades et
à la prévention des épidémies s'ajoute le
rôle social.
L'amélioration de la condition des populations locales : tel est
le but constamment poursuivi qui fait du médecin le premier collaborateur
de l'autorité administrative.
L'OEuvre accomplie, dans le Sud, pour l'organisation et l'amélioration
des différentes parties de l'assistance médicale est considérable.
Elle peut soutenir sans peine la comparaison avec celle réalisée
dans n'importe quelle colonie. Fondée sur la connaissance préalable
de la pathologie des assistés, de leurs moeurs et de leur véritable
niveau social, elle a su s'adapter aux besoins des populations et fait
honneur à la mission civilisatrice que la France s'efforce de remplir.
ANNEXE I
REPARTITION DES
INFIRMERIES ET DES POSTES DE SECOURS
Les infirmeries sont au nombre de 23 ainsi
réparties:
Territoires d'Aïn-Sefra, Méchéria,
Géryville, Aïn-Sefra, Beni-Ounif, Colomb-Béchar,
Kenadsa, Beni Abbès, Timimoun, Adrar, Tindouf : |
10 |
Territoire de Ghardaïa : Djelf a,
Laghouat, Ghardaïa, El-Goléa . |
4 |
Territoire de Touggourt : Biskra, Ouled
Djellal, Touggourt, El-Oued |
4 |
Territoires des Oasis : Ouargla, In Salah,
Tamanrasset, Djanet, Ghat |
5 |
Les postes sanitaires de secours au nombre
de 111 sont répartis de la manière suivante :
Territoires d'Aïn-Sefra |
47 |
Territoire de Touggourt |
34 |
Territoire de Ghardaïa |
13 |
Territoire des Oasis |
17 |
En outre le territoire occupé du Fezzan
Ghadamès administré par l'Algérie depuis le 1er septembre
1943 compte 4 infirmeries et 11 postes de secours.
ANNEXE II
BILAN DE L'OEUVRE SANITAIRE
1° Tournées médicales.
Total annuel au cours des 3 dernières années : 100 à
120.000 kms.
2° Consultations.
Progression depuis 1918
|
1918 |
128.643 consultations |
1925 |
223.825 |
1930 |
416.690 |
1935 |
604.170 |
1940 |
1.227.324 |
1945 |
1.933.947 |
Ces derniers chiffres se passent de commentaires
si l'on tient compte eu fait que la population globale du sud n'excède
guère 900.000 âmes (chiffres approximatifs actuels).
3° Consultations et soins.
Consultations et soins
se répartissent approximativement comme suit :
Maladies
des yeux et trachôme 35 à 40 %. Plaies, traumatismes, affections
chirurgicales diverses : 25 %. Affections des voies digestives et respiratoires
: 15 %. Maladies vénériennes, syphilis et dermatoses : 10
%. Paludisme : 5 %. Divers (maladies contagieuses, etc...) 5 %.
4° Admission dans les infirmières.
47.115
1918
|
1.112 admissions
|
avec 16.521 journées d'hospitalisation,
|
1925
|
1.345
|
21.201
|
1930
|
1.599
|
31.340
|
1935
|
1.948
|
41.969
|
1940
|
2.277
|
80.379
|
1945
|
5.042
|
|
5° Vaccination.
Les vaccinations s'opèrent au rythme annuel de 80 à 100.000.
En 1942, en raison de la situation épi démique générale
en Afrique du Nord les chiffres records ci-après enregistrés
dans le Sud.
Vaccinations Antivarioliques
236.636
Vaccinations contre le
typhus 196.676
6° Interventions ophtalmologiques.
Le chiffre de ces interventions pratiquées au cours des 6 dernières
années a été de : 7.096.
7° Lutte antivénérienne.
Le chiffre annuel des consultations et soins donnés au titre de
la lutte antivénérienne au cours des six dernières
années a été de 80 à 100.000.
8° Protection maternelle et infantile.
Le chiffre moyen permanent des inscriptions à l'oeuvre au cours
de ces deux dernières années a été de 5.000.
Le chiffre des consultations supérieur à 80.000.
|