Création
de centres municipaux
Commune mixte du Djurdjura
Le décret du 29 août 1945 a
érigé plusieurs villages en centres municipaux et notamment
celui de Aka, dans la commune mixte du Djurdjura (Voir
" Documents Algériens ", série politique n°s
1 et 3.)
Six arrêtés gubernatoriaux du 20 novembre pris en application
de ce décret ont fixé les conditions de fonctionnement de
ces nouvelles unités. Les élections des djemaâs ont
eu lieu le 9 novembre 1945.
Le décret du 5 novembre 1945 a créé 13 nouveaux centres
municipaux dans la commune mixte du Djurdjura et le fonctionnement de
ces différents centres a été réglementé
par arrêtés gubernatoriaux pris dans la deuxième quinzaine
de décembre.
Elections de djemaâs et vote du budget ont eu lieu pendant la période
comprise entre le 20 janvier et le 15 février 1946.
SITUATION GENERALE DE LA COMMUNE
Pays essentiellement montagneux et d'accès difficile, la commune
du Djurdjura, d'une manière générale, offre peu de
ressources à une population très dense groupée sur
des crêtes où seule l'arboriculture est praticable.
Tous les centres municipaux créés, ainsi d'ailleurs que
tous les villages de la commune, ne consomment, en majeure partie, que
des produits venant de l'extérieur : blé, orge, denrées
rationnées, etc..., la production locale se limitant aux olives,
aux figues et, pour certains, aux cerises et autres fruits.
L'ensemble de la région, fermé pendant des siècles
à toute influence extérieure, est actuellement caractérisé
par une atmosphère originale due à la cohabitation d'un
fond de population d'origine berbère et d'un noyau de familles
maraboutiques qui, d'après la tradition, seraient venues du Maroc
et se prétendent d'origine arabe. Ces Marabouts vivent à
l'écart dans un quartier qui leur est propre et d'où leurs
femmes ne sortent pas, alors que les femmes kabyles circulent assez librement
entre la fontaine et les champs.
La population autochtone, plus turbulente, est généralement
divisée en deux clans d'importance variable au milieu desquels
les Marabouts, qui sont toujours restés en dehors de ces luttes,
jouent le rôle d'arbitres.
Le pays étant pauvre, dans tous les villages érigés
en centres municipaux, la majeure partie des hommes valides se sont expatriés
depuis longtemps pour assurer la subsistance de leur famille ; ils exercent
dans les villes d'Algérie, de Tunisie, du Maroc et de France les
métiers les plus divers : commerçants, artisans, hôteliers,
manoeuvres, ouvriers spécialisés, etc... Ils reviennent
périodiquement (particulièrement aux fêtes de l'Aïd
Kébir et du Mouloud) dans leur village et restent fortement attachés
à ce coin de terre kabyle qui les a vus naître et qu'ils
ne manquent jamais d'agrandir par des achats, effectués à
des prix très élevés.
Eloignés, ils se tiennent au courant de tout ce qui intéresse
leur village. Il est donc à prévoir que ces absents joueront,
malgré leur éloignement, un rôle important dans l'administration
de leur centre, d'autant plus que par leur fortune et leur position sociale
ils ont acquis un certain ascendant sur leurs concitoyens.
VILLAGES ERIGES EN CENTRES MUNICIPAUX (5 novembre
1945).
Douars Ahi Youcef.
TAZEROUT. - Village de crête situé à proximité
de Michelet, sur la route de Tirourda. Les " Tazerouti " vont
généralement en France comme manoeuvres et dans le département
de Constantine comme teinturiers et colporteurs. Les ressources du village
sont maigres, quelques oliviers et quelques figuiers, et le commerce y
est peu développé.
Groupant 1.530 habitants dont une centaine de lettrés, ce centre
ne possède pas encore d'école publique. Une école
coranique dispense l'enseignement religieux à une cinquantaine
de petits Musulmans.
TIFERDOUT. - Totalisant 1.282 habitants, ce village coiffant une crête
est situé à proximité de Michelet, sur la route nationale
n" 15. La population mâle fait du commerce en Kabylie ou exerce
différents métiers dans le département de Constantine.
Une ligne électrique, construite en 1936, se termine à égale
distance de Tazerout et de Tiferdout et a été abandonnée
faute de clients suffisants. Aujourd'hui, les habitants des deux centres
demandent son rétablissement avec insistance.
AIT-SID-AHMED. - Ce centre, situé à proximité
de la route nationale n° 15, comprend 4 villages : Aït-Sid-Ahmed,
Aït-Khelif a, Tizi-Oumalou et Ichelibane, qui, dans le passé,
se sont disputés âprement les mechmels (Terres
communales.) de la montagne. Ces hameaux, situés à
flanc de coteau, sont habités par des familles maraboutiques (1.624
habitants) ; c'est d'ailleurs cette particularité qui explique
leur emplacement peu commun en Kabylie.
La mosquée de Sidi Ahmed Goumeziane, sise au village Aït Sidi
Ahmed, est l'objet de nombreuses visites et pélerinages à
l'occasion des jours de fête.
Le pays très giboyeux se prête particulièrement bien
à l'arboriculture.
TAOURIRT AMRANE. - C'est l'un des plus anciens villages de Grande
Kabylie. Situé sur l'une des plus hautes crêtes du pays,
le point de vue, du haut de sa mosquée, est saisissant, ce qui
en fait d'ailleurs depuis toujours une excellente tour de guet.
L'influence de la famille maraboutique des Ouanoughène est très
sensible et le tombeau de Chikh Arab, marabout très vénéré,
attire de nombreux pèlerins venant même de la commune mixte
de Fort-National.
Ses habitants, au nombre de 1.075, parmi lesquels 300 lettrés environ,
sont volontiers commerçants, dans le département de Constantine
et en Tunisie.
Douar Akhils.
AIT LAZIZ. - Situé sur une crête et dominant une rivière,
ce village groupant 1.085 habitants et relativement peu important, se
distingue par ses cultures maraîchères s'échelonnant
au bord de l'eau. Deux routes mi-carrossables mi-muletières le
relient à la route nationale. Une école française
qui a formé une grande partie ae la population, a supplanté
l'école coranique actuellement désaffectée.
Douar Yattafen.
AIT DAOUD. - Village de crête au Sud. de l'Acif el Hammam.
Ses habitants, assez nombreux (1.616) sont assez habiles de leurs mains
et excellents dans les travaux de précision ; aussi font-ils de
bons ouvriers spécialisés, un certain nombre exercé
le métier d'armurier. 300 lettrés environ ont été
éduqués par une école publique et une école
coranique et font que ce centre est particulièrement destiné
à apprécier la décision dont il a été
l'objet.
De nombreux commerçants, qui reviennent périodiquement améliorer
ou agrandir le petit lopin de terre, planté d'oliviers et c3e figuiers
qu'ils ont reçu en héritage de leurs parents, sont installés
à l'extérieur de la commune. Ces petites propriétés
couvrent une surface de 493 hectares sur les 541 hectares formant la superficie
totale du centre.
Douar Bouakkache.
ZAHNOUN. - Village de crête très peuplé (2.491
habitants) malgré la superficie restreinte du centre (160 hectares).
Ses habitants, de ce fait, sont généralement commerçants
sur les Hauts-Plateaux, en Petite Kabylie et dans le territoire de Touggourt.
A noter cependant, dans le village, un nombre important d'artisans cardeurs.
L'enseignement est dispensé à une centaine d'enfants par
une école publique à deux classes et par une école
coranique.
Une route carrossable allant jusqu'au village le relie à la route
nationale.
TIROUAL. - Village important, perché sur unecrête
élevée d'où l'on a une vue remarquable sur le Djurdjura.
Les 2.275 habitants, dont une centaine sont lettrés, font du commerce
sur les plateaux. Certains, cependant, sont cultivateurs dans la région
et possèdent au total 285 hectares couverts d'oliviers et de quelques
figuiers.
Un chemin rural jusqu'à l'Arba-des-Ouacif s, puis 3 km. environ
de chemin muletier, le relient à la route nationale.
Une centaine d'enfants fréquentent une école publique à
une classe et cinq écoles coraniques locales.
Douar Beni Menguellet.
TAOURIRT. - Village de crête, l'un des plus importants des
Beni-Menguellet, situé à proximité du village de
La Providence et de l'hôpital Sainte-Eugénie dirigé
par les pères et les soeurs blanches. Ce voisinage accélère
l'évolution politique et sociale de ses habitants, au nombre de
1.155, dont une proportion notable est lettrée en français.
A l'origine, ce village comprenait trois hameaux situés dans un
rayon de 3 km. : Aït-Sidi-Saïd, El Korn-Oufella, El-Korn-Ouadda.
Sur la demande des intéressés, seul El-Korn-Oufella fait
partie du nouveau centre, les autres relevant d'une obédience maraboutique
différente, restent rattachés au douar.
Les " Taourirti " se livrent peu au commerce ils s'expatrient
comme manoeuvres, instituteurs, avocats, agents de police.
Famille maraboutique locale : Si El Hadi, dont un ancêtre fut, en
1871, l'un des principaux agents du chef insurrectionnel Mokrani, dans
les Beni Menguellet.
Douar Ibourdarène.
AIT ALI OUAGHZOUN. - Petit village de crête de 1.063 habitants,
situé sur la route qui relie Tassaft au col de Tizi-N'Kouilal.
La petite propriété où se pratique la culture , de
l'olivier et du figuier, couvre une superficie de 345 hectares, c'est-à-dire
presque la totalité de celle du centre (360 hectares).
Ses habitants expatriés sont, pour la plupart, commerçants
dans toute l'Algérie et en France. Une cinquantaine d'enfants fréquentent
l'école publique à une classe et l'école coranique
du village.
Douar Ogdal.
AIT BOUMAHDI. - Ensemble de hameaux très peuplés
(2.812 habitants) situés au pied de l'AzerouThablthat (Main du
Juif). La région, très pittoresque, se distingue du reste
du pays assez pauvre, par ses cultures maraîchères et ses
vergers d'orangers et de citronniers. La principale fontaine d'AR-Boamandi,
au bord d'un petit oued ourlé de lauriers roses, est un endroit
charmant.
La richesse relative du centre ne permet cependant pas de vivre à
la totalité de la population, et si quelques sédentaires
sont cultivateurs et commerçants, une majorité des habitants
mâles s'en va travailler dans les ports français ou sur les
hauts plateaux algériens.
Une école publique française et deux écoles coraniques
assidûment fréquentées, forment la jeunesse nombreuse
du village.
Une route muletière, de 5 km. environ, partant du centre, rejoint
la route nationale de grande communication.
AIT-TOUDERT. - Village très peuplé (3.192 habitants)
s'étendant au pied du Kourieb. Ce centre est loin de posséder
les ressources agricoles de son voisin, et les " Touderti "
s'expatrient, dans toute l'Algérie, particulièrement dans
les ports et sur les Hauts Plateaux, comme manuvres ou commerçants,
afin d'assurer l'existence de leur famille.
Beaucoup d'entre eux travaillent en France.
L'absence totale d'école publique ou coranique est particulièrement
sensible ; l'ensemble de la population sédentaire reste fruste
et l'habitat très sommaire se réduit uniquement à
des constructions de branchages et de terre glaise.
Un chemin muletier relie le centre à Souk-el-Arba.
Douar Ouacif.
TASSAFT. - Petit village de crête (944 habitants), assez
riche, dont la superficie cultivable (281 hectares) permet à la
population de vivre. Ses habitants, très évolués,
exercent le métier de commerçants, de maquignons et d'agriculteurs.
Une école publique à deux classes est assidûment fréquentée
par les enfants du village qui est le siège d'une zaouïa Ammaria
(association religieuse)
assez prospère.
***
Etant donné l'esprit particulier qui
règne dans la commune mixte du Djurdjura, où les populations
sont soumises aux influences traditionnalistes des familles maraboutiques
d'une part, ouvertes au progrès extérieur et aux idées
démocratiques par le séjour d'un nombre important d'autochtones
dans les villes d'autre part, la création de centres municipaux
ne peut être qu'une institution excellente s'il est exact qu'une
assemblée, même locale, ne peut gouverneur sans opposition
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