Création de centres municipaux
en Kabylie (1)
Les deux décrets du 29 août 1945 relatifs
aux Centres municipaux, marquent un grand progrès dans l'oeuvre
d'éducation sociale et d'initiation des França,is musulmans
d'Algérie au libre exercice des droits de franchises politiques,
en ce pays où s'affirme, comme en tout point du globe où
flotte son drapeau, la vocation civilisatrice de la France.
1863 - CREATION DES DOUARS.
Lorsque le Sénatus-Consulte de 1863 consacra légalement
l'existence des douars et prescrivit la délimitation de leurs territoires
respectifs, les Pouvoirs publics furent logiquement amenés à
leur donner une personnalité juridique. Ils réglementèrent
le fonctionnement des djemaâs chargées de les représenter
et dont l'Administration se réservait de nommer les membres.
1919 - DJEMAAS DELIBERATIVES.
Le Corps de réformes de 1919, en conférant des droits politiques
étendus à de nombreuses catégories de Français
musulmans et en augmentant l'importance de leur représentation
au sein des Assemblées élues, leur accordait les premières
franchises communales en édictant que leurs djemaâs, dorénavant
désignées par les électeurs du douar, cesseraient
d'être purement consultatives et que, saisies obligatoirement des
questions relatives aux intérêts particuliers de la Section
et à la gestion de ses biens, elles jouiraient de pouvoirs délibératifs
importants.
L'intérêt que présentait la nouvelle institution pour
l'initiation des représentants locaux de la population musulmane
à la conduite des affaires publiques était manifeste et,
en présence des résultats obtenus, il apparut, après
quelques années, qu'une expérience plus poussée devait
être tentée dans la voie ouverte par le législateur
de 1919.
1937 - ERECTION DE DOUARS EN CENTRES MUNICIPAUX.
Un important décret, pris le 25 août 1937, autorisa le Gouverneur
Général à promouvoir par arrêtés soumis
à l'approbation ministérielle, quelques douars (4 en 1937),
en centres municipaux.
De simple section communale, le douar érigé en Centre municipal
devient une entité administrative autonome. Sa djemaâ, sous
l'appellation nouvelle de " djemaâ communale ", est investie
de la quasi-totalité des attributions exercées, en vertu
de la loi du 5 avril 1884, par les Conseils municipaux et son Président
d'attributions qui l'apparentent à un Maire et en vertu desquelles
il assure l'administration du Centre, la publication et l'exécution
des lois et règlements, nomme aux emplois, procède aux adjudications,
exerce les fonctions d'Officiers de l'Etat-Civil, etc...
Le Centre municipal ainsi constitué n'est cependant pas distrait
de la Commune mixte dont il continue à faire partie intégrante
et dont l'Administrateur garde les pouvoirs de police municipale, sauf
pour certaines matières comme, par exemple, la police de la circulation
publique, le nettoiement,. l'éclairage, la démolition ou
la réparation des édifices menaçant ruine, le mode
de transport des personnes décédées, le contrôle
du ravitaillement, le soin de prévenir par des précautions
appropriées. et de faire cesser les événements calamiteux
tels qu'incendies, inondations, épidémies ou épizooties,
par la distribution des secours nécessaires ou en provoquant l'intervention
de l'Administration supérieure..
En vertu du décret de 1937, quatre Centres municipaux furent créés
à titre d'essai : les centres d'ElBoldj, dans la Commune mixte
de Cacherou, d'Aïoun-el-Adjaïz, Commune mixte de Chateaudun-du-Rhumel,
d'Amalou, Commune mixte de Fort-National, de Seriet, Commune mixte de
Tablat.
Quoique la nouvelle institution eut été accueillie avec
ferveur par les populations intéressées, reconnaître
que ces premiers essais ne donnèrent pas des résultats satisfaisants.
1945 - ERECTION DE VILLAGES EN CENTRES MUNICIPAUX ET DECENTRALISATION
ADMINISTRATIVE.
M. Tixier, Ministre de l'Intérieur, et M. Chataigneau, Gouverneur
Général de l'Algérie, ont que l'expérience
devait être reprise sur des bases nouvelles et notamment, pour tenir
compte des ses de difficultés antérieurement constatées,
en simplifiant la législation et en accentuant l'ceuvr décentralisation
administrative décidée par le Gouvernement provisoire de
la République.
Le nouveau décret, préparé dans cet esprit pour déterminer
les conditions de fonctionnement Centres municipaux, transfère
à l'Administrateur de la Commune mixte la plupart des pouvoirs
rieurement attribués au Préfet : approbation, annulation
des délibérations de la Djemaâ commu acceptation des
dons et legs sous réserve de l'intervention d'un décret
en cas de réclamation de. milles, approbation du budget, des marchés,
des ventes de biens, autorisation d'ester en justice, prunter, etc...
Les articles de ce décret organique laissent au Préfet le
pouvoir de suspendre le Président d Djemaâ et ses adjoints,
au Gouverneur Général le droit de prononcer leur révocation.
Le Préfet g également ses pouvoirs concernant la vente des
biens comportant vote des taxes particulières.
MISE EN APPLICATION.
Le second décret prescrit l'érection en Centres municipaux,
avant le 1" janvier 1945, de six ges : Abbache (Commune mixte d'Azeffoun),
Taha (Commune mixte du Djurdjura), Ighil Imoula (( mune mixte de Dra-el-Mizan),
Taddert (Commune mixte de Fort-National), Souma (Commune n du Haut-Sébaou),
Makouda (Commune mixte de la 14/Izrana), et le troisième décret
décide que soix nouveaux Centres devront être crées
avant le 1e janvier 1946.
Le choix de villages et non de douars pour l'érection de Centres
municipaux en Kabylie, ne qu'être approuvé par tous ceux
qui connaissent la structure du pays kabyle. Là, en effet, le ta
ou village est la véritable cellule sociale élémentaire
où se concentre la vie publique, et mainte positions du droit coutumier
kabyle attestent l'existence dans le taddert d'institutions communales
tanées.
L'ensemble des populations musulmanes se verra ainsi progressivement appelé
à participer tement, d'une manière effective et non théorique,
à la gestion des intérêts communaux et par quenu à
jouir des libertés communales.
Amorcée méthodiquement, pour éviter des échecs
qui retarderaient, en fin de compte,. des populations arabe et kabyle,
cette réforme est d'un intérêt considérable.
Elle assure l'ac Musulmans et la démocratie totale.
o
DECRET SUR LA CREATION PES CENTRES
MUNICIPAUX.
Article ler. - Le Centre municipal est institué par décret
du Ministre de l'Intérieur sur tion du Gouverneur Général
de l'Algérie.
Il est statué sur sa suppression et sur son rattachement à
d'autres unités administre décret du Ministre de l'Intérieur,
sur proposition du Gouverneur Général de l'Algérie,
le ou le généraux intéressés ayant été
appelés à donner leur avis.
Article II. - Sont désormais exercés par l'Administrateur
des Services civils de la Comr, les pouvoirs attribués au Préfet
par les articles 12, 15, 16, 27, 35, 36, 40, 42, 43, 44, 52, 53, 54. 60,
62 du décret susvisé du 2 5août 1937.
Article III. - Il sera institué 60 nouveaux Centres municipaux
en Algérie avant le 1er janvier 1946
Article IV. - Des arrêtés du Gouverneur Général
de l'Algérie fixeront les conditions du présent décret.-
Article V. - Le Ministre de l'Intérieur est chargé
de l'exécution du présent décret qui sera publié
au Journal Officiel de l'Algérie.
Fait à Paris, le 29 août 1945.
Jules JEANNENEY.
Par le Gouvernement provisoire
Le Ministre de l'Intérieur
de la République française,
A. TIXIER.
DECRET PORTANT ERECTION DE 6
CENTRES MUNICIPAUX.
Article 1er. - Par application de l'article 3 du décret du 29 août
1945, sont érigés en centres municipaux, ou 1ernovembre
1945, les villages de :
Abbache (commune mixte d'Azeffoun) ;
Taha (commune mixte du Djurdjura) ;
Ighil Imoula (commune mixte de Dra-el-Mizan) ;
Taddert (commune mixte de Fort-National) ;
Souama (commune mixte du Haut-Sébaou) ;
Makouda (commune mixte de La Mizrana).
Art. 2. - Des arrêtés du Gouverneur Général
de l'Algérie fixeront les conditions d'application.
Art. 3. - Le Ministre de l'Intérieur est chargé de l'exécution
du présent décret qui sera publié au Journal Officiel
de la République française et inséré au Journal
Officiel de l'Algérie.
Fait à Paris, le 29 août 1945.
Jules JEANNENEY.
Par le Gouvernement provisoire de la République
française,
Le Ministre de l'Intérieur,
A. TIXIER.
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