L'Action scientifique
et sociale du Service de Santé militaire en Algérie
Il ne reste rien des uvres de Rhazes
ou d'Avicenne quand les officiers de Santé débarquent avec
l'armée française sur les plages de Sidi-Ferruch, le 14
juin 1830.
Oublieuse de sa civilisation passée, la majorité de la population
a repris, dans ses coutumes, un caractère primitif.
La tâche s'avère, dès le début, écrasante
et diverse :
-------- Tâche militaire d'abord : les quelques 300 chirurgiens
qui accompagnent les colonnes pendant la période guerrière
de la conquête (1830-1844) doivent réaliser des prodiges
d'initiative et de dévouement ;
-------- Tâche scientifique ensuite : elle est entreprise
dès le premier jour, en même temps que la précédente
: observations chirurgicales, observations médicales, épidémiologiques,
études climatologiques et hydrologiques, immédiatement mises
à profit pour la santé et le bien-être du soldat et
des populations autochtones ;
-------- Tâche sociale enfin, profondément humaine
et qui fait de nos médecins - comme dans toutes les opérations
coloniales - le meilleur auxiliaire du commandement, pour obtenir la soumission,
gagner l'estime des populations et, plus tard, leur amitié.
ACTION SCIENTIFIQUE
HISTORIQUE.
A peine arrivés sur le sol d'Afrique, les médecins et les
pharmaciens du corps de débarquement accumulent de nombreuses observations
dont, la plupart furent publiées, dès 1831, dans le "
Recueil des mémoires de médecine, de Chirurgie et de Pharmacie
militaires ".
Tesniers, chirurgien major au 20' Régiment de ligne, étudie
le climat, le terrain et la flore du littoral Bayre, confirmant les observations
de Baudens, signale la différence de réaction des Européens
et des Indigènes à l'égard des blessures et ces infections
; Mauricheau Beaupré étudie les eaux de Blida, le terrain
et la flore de l'Atlas, jusqu'à Médéa, Baudens enfin,
dès les premiers jours, fait des observations précises sur
les vents régnants, leur action sur l'atmosphère, l'humidité
des nuits, et ,n tire des déductions immédiates utiles à
l'hygiène de la troupe. On peut citer encore les communications
de Scoutteten sur le " choléra morbus " en 1835 à
Alger, de Broussais et de nombreux autres, sur les abcès du foie
de Bertheraud (essai médical sur la région de Blida), de
Tripier, pharmacien major qui analyse les eaux minérales d'Hammam-MesImutine,
de Neter sur la typhoïde, et de Fortier, pharmacien major qui analyse
un échantillon de sel gemme de Djelfa ( D'après
l'article du Médecin Lieutenant Colonel Talabere dans l'oeuvre
du service de Santé Militaire en Algérie 1830-1930 Chapitre
1"). Cette énumération est, certes, bien
incomplète ; elle ne concerne, d'autre part, que les premières
années de l'occupation. Mais deux hommes de premier plan dominent
la pléiade des travailleurs et des chercheurs de cette époque,
deux nommes dent le nom ne s'effacera pas : Baudens et Maillot.
L'uvre
de Baudens
Baudens, homme de guerre, suit les colonnes, donne des soins sur les lieux
mêmes du combat, prend une arme pour défendre ses blessés.
Ce magnifique soldat se double d'un savant
Dans les premières batailles, " Baudens voit défiler
toute la série des besoins devant lesquels peut se trouver en présence
un chirurgien d'ambulance : blessures des parties molles, des membres,
des articulations, du bassin, du thorax, de l'abdomen, etc... Avec son
oeil d'anatomiste doublé d'un clinicien déjà averti,
il observe, note, étudie et recueille les premiers éléments
d'une documentation qui ne cessera de s'enrichir jusqu'au jour de son
retour t n France, et l'on peut dire jusqu'à la fin de sa vie,
fauchée prématurément.- Déjà se fixent
et se précisent les règles générales de sa
conduite et de son action chirurgicale. " (Talabère).
Et l'une de ses uvres, " Clinique des plaies d'armes à
feu ", parait à Paris en 1836. C'est à l'hôpital
Caratine, puis à l'hôpital du Dey, organisé, sur sa
demande, en hôpital d'instruction, que Baudens édifie ce
travail, basé sur son expérience des ambulances. La discussion
de sa doctrine n'a pas sa place ici ; mais il apparaît, pour les
plaies des vis ères, comme " un précurseur des tendances
actuelles (Delorme) et ses appareils à fracture, minutieusement
décrits, où l'extension, la contre-extension et la coaptation
permanente sont des modèles de science et d'ingéniosité.
A côté du chirurgien, on trouve dans la personnalité
de Baudens un remarquable hygiéniste ; il lutte, comme les autres
médecins, contra les épidémies meurtrières,
il intervient contre la mauvaise nourriture des soldats et l'abus désastreux
que ceux-ci font de l'alcool ; c'est lui qui, plus tard, au sujet des
épidémies qui survinrent en Crimée, indiquait au
Commandement, comme un des meilleurs moyens préventif, d'exiger
des jeunes Saint-Cyriens l'étude de l'hygiène en douze leçons.
Rentré en France en 1837, Baudens professe à Lille et au
Val-de-Grâce, et meurt à 53 ans.
Un de ses camarades de combat, Sédillot, qui a participé
dans une ambulance voisine à la prise de Constantine, honore également
le médecin militaire de l'armée d'Afrique. Devenu professeur
au Val-de- Grâce, il y donne un enseignement remarquable qui lui
vaut d'être admis à l'Académie des Sciences et à
l'Académie de Médecine.
*
**
L'oeuvre
de Maillot.
C'est en 1836 également que parait une autre uvre capitale,
conçue à l'armée d'Afrique : " Le traitement
des fièvres intermittentes de Maillot ".
Cet ouvrage fait suite et complète la communication de Maillot
à l'Académie de Médecine en 1835. Maillot y étudie
les fièvres intermittentes, rémittentes et pseudo-continues
; il différencie, d'An:, cette multitude de fièvres, ce
qui revient à la typhoïde, à la dysenterie et au paludisme
pernicieux ; enfin, il préconise le sulfate de quinine à
haute dose dans le traitement de celui-ci ; la meilleure arme dont on
puisse encore disposer aujourd'hui contre le paludisme vient d'être
mise au point.
Et plus tard, au Congrès d'Alger de 1881, on pourra dire : "
C'est par Maillot que I Algérie a pu devenir terre française
; c'est lui qui a fermé et scellé pour jamais le tombeau
des chrétiens." ( D'après
le Médecin Général Rieux, Professeur au Val-de-Grâce,
dans 1' " Oeuvre du Service de santé en Algérie, 1830-1930
" chapitre IV.).
Quand, en février 1834, à Bône (où nos troupes
se sont installées définitivement en 183. après deux
séjours suivis de retraite en 30 et en 31), la situation sanitaire
de la garnison est lamentable : 4.000 hospitalisés en 1832 pour
un effectif de 3 à 5.003 hommes, et 449 décès ; en
1833, pour des effectifs semblables, 6.700 hospitalisations et 1.526 décès
: un mort sur trois sortants et demi.
Fort de l'expérience acquise au cours des années précédentes
en Corse et à Alger, et mettant à profit ses notes de clinique,
Maillot traite ses malades suivant sa conception personnelle ; le résultat
s'affirme d'emblée : en 1834, il n'y a plus qu'un décès
sur 27 sortants.
Malade et surmené, Maillot doit rentrer en France en 1835, où
ses communications et ses travaux eurent un retentissement considérable.
Admiré des uns, critiqué par les autres, il passe sa longue
vie à défendre sa doctrine. Professeur au Val-de-Grâce,
puis président du Conseil de Santé des. armées, il
a, en 1881, la satisfaction de voir officiellement consacrer son uvre
au Congrès d'Alger.
L'éclat que le nom de Maillot a pris en Algérie, lors des
premières années de la conquête, persiste, toujours
intact, dans le monde scientifique d'aujourd'hui.
On ne doit avoir garde d'oublier, à côté de ceux de
Baudens et de Maillot, les travaux de Boudin, qui, chirurgien de l'armée
d'Afrique en 1937 et en 1938, étudie aussi les maladies endémiques
et publie en 1842 un " Traité des fièvres intermittentes,
rémittentes et continues D. Il associe, en particulier, l'arse
nic à la quinine pour le traitement du paludisme, et cette méthode
a ses adeptes encore aujourd'hui.
La découverte
de Laveran.
La longue période de pacification et d'organisation qui succède
à celle de la conquête, est également féconde
en travaux et en réalisation scientifique. Le nom de quelques médecins
de l'armée d'Afrique vient encore s'imposer au monde médical
tout entier.
Au premier rang d'entre eux, il faut citer Laveran qui, en découvrant
en 1880, à l'hôpital militaire de Constantine, l'hématozoaire
du paludisme, éclaire d'une façon définitive la pathogénie,
alors bien obscure, de ce fléau.
Tout a été dit et écrit - et par Laveran lui-même
- (communications à l'Académie de Médecine en 1880
et 1882, éditions successives du " Traité du Paludisme
", conférence Nobel en 1907 à l'Académie des
Sciences de Stockholm, etc...) sur les circonstances et les modalités
de cette découverte. Les fêtes du Centenaire de l'Algérie,
les Congrès médicaux interalliés de ses dernières
années en Afrique du Nord et des cérémonies commémoratives
ont suscité, d'autre part, de multiples études sur la vie
et l'oeuvre de Laveran. (En particulier, fêtes du Centenaire de
Laveran à Constantine en juillet 1945, présidées
par le Médecin Général Inspecteur Vincent et le Médecin
Général Debenedetti). Laveran, qui est déjà
professeur au Val-de-Grâce lorsqu'il arrive en Algérie en
1878, sert à Bône, puis à Biskra, avant d'être
affecté à l'hôpital de Constantine (1879-1883). Il
quitte volontairement l'armée en 1896, à l'âge de
51 ans, et entre à l'Institut Pasteur de Paris, où il continue
ses travaux jusqu'à sa mort en 1922.
La gloire de Laveran ne doit pas faire négliger le mérite
de nombreux autres médecins qui, sur la terre d'Afrique, avant
ou après lui, servirent la Science en même temps que la Patrie.
L'action
de Bertherand.
Parmi eux se trouve le Médecin Principal A. Bertherand, ancien
élève de Baudens, Directeur de l'École opératoire
de Médecine et de Pharmacie, fondée en 1857, " il est
un des hommes qui contribuent le plus, tact par leurs oeuvres que par
leur action personnelle, au développement de la Médecine
française en Algérie " ( Médecin
Commandant Legler - uvre du Service de Santé en Algérie
1830-1930 - Chapitre IX.). Le journal qu'il publie, "
La Gazette Médicale de l'Algérie ", est une revue scientifique
de haute tenue, que l'on prend encore intérêt et plaisir
à lire dans les bibliothèques de nos vieux hôpitaux
militaires. Son " Traité des maladies vénériennes
", publié en 1852, est un travail remarquable de logique et
d'observation.
Traitée seulement par des prières de marabouts et par des
tisanes sudorifiques, la syphilis fait, en effet, à cette époque,
d'énormes ravages chez les aborigènes ; elle se caractérise
par " d'horribles lésions cutanées et par des mutilations
effroyables ". On la désigne sous le nom de " lèpre
kabyle " et les premières descriptions, cependant exactes,
que les médecins envoient en France, sont traitées de "
mensongères " dans la Métropole.
Bertherand s'attache, quoique chirurgien, à étudier cette
question ; il préconise la thérapeutique par l'iodure de
potassium et les sels de mercure, malgré l'opposition de certains
syphiligraphes français; les résultats son remarquables
et les succès colportés de douars en douars amènent
aux consultations de tous nos médecins une foule étonnée
mais de plus en plus confiante.
Professeur de clinique chirurgicale à l'Ecole d'Alger, Bertherand
reste pendant tout son séjour en Algérie le guide et le
conseiller des jeunes praticiens civils et militaires.
Travaux divers.
Un autre militaire, le Médecin aide-major de lie classe Vincent,
travaille pendant cinq ans (de 1891 à 1896) dans les laboratoires
de l'hôpital du Dey ( Médecin
Général Rieux. - OEuvre du Service de Santé en Algérie
1830-1930 - Chapitre V) ; et celui à qui le destin réserve
la gloire de vaincre, plus tard, les fières typhoïdes, commence,
dans ces modestes locaux, ses recherches et ses observations
; en 1896, il publie dans les " Annales de l'Institut Pasteur ses
premiers travaux sur l'association fuso-spirillaire qui caractérise
ce que nous appelons aujourd'hui l'angine Vincent.
A la gangrène hospitalière il oppose avec succès
la poudre d'hypochlorite de chaux mélangée à l'acide
borique, qui trouve sa place dans nos formulaires sous le nom de "
poudre de Vincent ".
Il étudie les diverses associations du bacille thyphique avec l'hématozoaire
(typho-malaria), avec le streptocoque, le staphylocoque, le bacille coli,
etc...
Les travaux sont innombrables et tous ses confrères se groupent
autour de lui (hommage rare !) pour bénéficier de ses leçons.
Quand le Médecin aide-major Vincent quitte l'Afrique du Nord, en
1896, il a déjà obtenu des résultats convaincants,
mais encore inédits, au sujet de l'immunisation active contre la
fièvre typhoïde.
Entouré de la vénération de tous les membres du Service
de Santé militaire, le Médecin Général Inspecteur
Vincent, professeur au Collège de France, est parvenu aujourd'hui
au faite des honneurs.
Enfin, comme le rappelle une plaque de marbre scellée dans les
murs de l'hôpital Maillot, " en inaugurant ici, en 1907, ses
travaux d'électroradiologie, poursuivis de 1913 à 1925 à
Paris, au Val-de-Grâce, le Médecin major de 2è classe
Hirtz a ouvert à ses collègues, à ses élèves,
ses émules, un champ de recherches et de réalisations charitables,
originales et fécondes. "
De très nombreux pharmaciens militaires ont apporté leur
contribution à la tâche scientifique du Corps de Santé
en Algérie. C'est en particulier à eux que l'on doit l'étude
de la plupart des eaux minérales d'Algérie ; ils ont une
grande paru dans la classification de la flore locale.
Citons seulement le chirurgien aide major Millon qui, laissant la chirurgie,
devient pharmacien et professeur agrégé de chimie au Val-de-Grâce.
Envoyé en 1850 en Algérie pour des raisons politiques, il
étudie la conservation et la sélection ces blés (durs
et tendres), l'aménagement des silos, la fabrication des parfums,
la vinification, etc... Son enseignement est très écouté
; ses conseils sont suivis par de nombreux colons et l'Algérie
lui doit sans doute, une part de sa prospérité agricole
*
**
UVRE ACTUELLE.
Dans les
territoires du Sud.
La pacification du pays et son assainissement, la mise en valeur d'excellentes
terres de culture, ne tardent pas à attirer sur le sol d'Algérie
de nombreux émigrants français, espagnols, italiens, maltais,
etc...
La " relève " des médecins dé l'armée
par des confrères civils - bien souvent anciens militaires démissionnaires
ou retraités - s'effectue progressivement depuis 1850.
Mais cette relève n'a jamais été totale : les médecins
militaires assurent encore aujourd'hui la presque totalité du service
médical clins les Territoires du Sud ; d'autre part, la collaboration
amicale des médecins civils et militaires, dans les trois départements
algériens, a toujours associé le Service de Santé
à la tâche commune, humanitaire et scientifique.
L'oeuvre des médecins militaires dans les Territoires du Sud est
considérable, et c'est une erreur (assez répandue d'ailleurs)
de croire qu'ils se bornent à une oeuvre d'assistance et de charité.
Au point de vue scientifique, les médecins du Sud ont toujours
mis à profit les sources d'observation jaillies de leur vaste champ
d'activité. De nombreux travaux de pathologie locale (ophtalmologie,
paludisme, typhus, syphilis, tuberculose) et de très intéressantes
monographies ont paru dans des revues médicales de France et d'Algérie
(en particulier dans les Archives de Médecine et de Pharmacie militaires,
et surtout dans les Archives de l'Institut Pasteur d'Algérie).
Grâce à leur compréhension et à leur développement
et grâce à l'aide précieuse des Soeurs Blanches, ils
attirent dans leurs infirmeries et dans les " biout el ainin "
(salle de consultations ophtalmologiques) une population de plus en plus
nombreuse, de nature pourtant méfiante et farouche.
En 1918, le nombre de leurs consultations est de : 128.600. En 1945, le
nombre est de : 1.962.819.
Les épidémies deviennent plus rares grâce aux vaccinations
; les enfants naissent sains grâce aux soins préventif aux
mères, et il naît plus d'enfants grâce aux sages-femmes
françaises qui remplacent les matrones ; enfin, la cécité
des jeunes tend à disparaître parce que les affections oculaires,
et, en particulier, le trachôme, sont énergiquement combattues.
Dans le Nord.
Dans les départements du Nord, la collaboration scientifique militaire
et civile ne peut être mieux symbolisée que par l'action
commune des médecins dans les établissements d'instruction
et dans les Instituts de recherche scientifique tels que l'Institut Pasteur.
L'accroissement de la population civile crée, dès 1850,
la nécessité d'organiser sur place le recrutement et la
formation de médecins, de pharmaciens et de sages-femmes.
Ce n'est qu'en 1852 que le Maréchal Randon décide la création
d'une Ecole préparatoire de Médecine et de Pharmacie, et
ce n'est qu'en 1859 que cette école est inaugurée. Le médecin
principal A. Bertheraud est nommé directeur ; deux autres officiers
du Service de Santé, le Médecin principal Marit et le Pharmacien
aide-major Bourlier y exercent, à côté de quatre professeurs
civils. Les cours ont lieu à l'école même, et les
leçons de clinique chirurgicale de Bertheraud sont données
à l'hôpital civil de Mustapha.
En 1889, l'Ecole préparatoire est transformée en Ecole de
plein exercice ; les anciens médecins militaires Treille, Brault
et Gange y donnent un enseignement apprécié.
En 1909, enfin, l'école est transformée en Faculté,
où quatre anciens médecins de l'armée (Gange, Raynaud,
Giraud et Tournade) professaient encore en 1925.
Le Service de Santé militaire a toujours travaillé en liaison
étroite avec l'Institut Pasteur d'Algérie ; l'ancien Médecin
principal Foley, premier Directeur du Service de Santé des Territoires
du Sud, chargé des laboratoires sahariens à cet institut,
guide toujours le travail des jeunes médecins militaires affectés
dans le Sud. Ses nombreuses publications scientifiques sur la fièvre
récurrente (spiro-choeta Berbera, de Sergent et Foley), sur le
trachôme, le paludisme, la prémunition anti-tuberculeuse,
etc..., etc..., seul ou en collaboration avec Sergent et Parrot, en font
un des meilleurs ouvriers de l'oeuvre médicomilitaire et scientifique
en Afrique du Nord.
ACTION SOCIALE
Dès le premier jour de leur arrivée
à Alger, les médecins du corps expéditionnaire entreprennent
une action sociale, qu'ils ne sépareront jamais (fort justement
d'ailleurs) de leur tâche médicale.
Bagre, chirurgien aide-major du 8' Régiment de Chasseurs à
cheval, raconte, dans ses " Observations de chirurgie recueillies
à l'hôpital turc à Alger ", comment il prit en
mains dès son entrée dans la ville, le 6 juillet 1930, les
soins aux blessés et aux malades, janissaires, jeunes Maures, jcunes
enfants.
Combien d'autres, depuis, ont " fait " du Service médico-social,
sans l'écrire ! Car ici, rien ne brille, chacun dans sa petite
sphère, travaille silencieusement, de toute son âme"
à soulager des souffrances ou à les prévenir ; aucun
nom n'est à citer parce qu'ils le seraient tous. Une épidémie
est évitée par un isolement préventif et judicieux
; une famille syphilitique est amenée aux soins grâce à
:a confiance acquise ; des enfants naissent sains qui seraient mort-nés
ou aveugles : tous ces faits ne laissent aucune trace immédiate
et officielle.
Et pendant cent ans, des médecins militaires accomplissent cette
tâche obscure auprès des populations indigènes, au
début excitées pur la haine et le fanatisme, et toujours
tentées, par leur fanatisme, de se refuser à un effort préventif.
Lors des premières années de l'occupation, le Commandement
constate que chaque poste où travaille un médecin - et où
celui-ci peut rayonner jusqu'aux tribus parfois insoumises - devient un
centre précieux d'attraction médicale et politique. Aussi,
lorsqu'en 1844 les " bureaux arabes " sont constitués,
les médecins font partie du personnel de direction et, en 1867,
un médecin aide-major de 2° classe est attaché à
chaque bureau.
L'OEUVRE ACTUELLE.
Dans le Nord.
Actuellement, les Services civils de ]a Santé publique ont pris
à leur charge, dans le Nord, les uvres médico-sociales
pour les civils européens et musulmans.
La collaboration militaire leur est acquise dans cette branche comme dans
toutes les autres. L'armée organise pour elle-même un Service
médico-social très étendu.
Des centres médico-sociaux accueillent dans presque toutes les
garnisons les familles des militaires de carrière et du personnel
civil du Ministère de la Guerre ; les consultations pour les nourrissons,
les visites pré et postnatales y tiennent une grande place ; des
séances de vaccinations et de dépistage radioscopique y
sont pratiquées réguliêrement ; des visites à
domicile par des assistantes médico-sociales sont prévues
; des fiches sanitaires sont rédigées ; des écoles
de plein air, des préventorium, des sanatoriums, sont ouverts malades
des ramilles bénéficiaires. Des maternités, enfin,
son' créées dans chaque division territoriale.
En outre, les Dar-el-Askri reçoivent les familles de tous les anciens
soldats indigènes ; des chefs militaires soutiennent de leur haute
autorité les initiatives privées (Maison du blessé
musulman, dispensaires de la Croix-Rouge, etc...) Dans toutes les garnisons,
nos vieux hôpitaux militaires ont des salles réservées
pour accueillir les malades ou les accidentés civils, et leur clientèle
musulmane reste nombreuse.
Dans le Sud.
D'autre part, dans le Sud, les médecins militaires gardent la charge
de toute l'action sociale : créations d'infirmeries et de dispensaires,
assistance médicale gratuite, vaccinations préventives massives
contre les grandes épidémies, visites des mères et
des nourrissons, surveillance médicale des écoles.
Ils y jouissent d'un incontestable prestige et restent, comme l'écrivait
Talabère : " les toubibs... ces personnages quasi maraboutiques
et presque sacrés... "
***
En 1330, il y avait en Algérie 3 millions
d'habitants ; il y en a 8 millions cent àns après, dont
7 millions d'autochtones. L'action du Service de Santé en Algérie
se résume en ces quelques chiffres.
***
Rome, pendant des siècles, avait construit
sur ce sol d'Afrique de magnifiques cités ; ses écrivains
avaient magnifié le pays, ses laboureurs en avaient fait "
le grenier ".
Il ne restait cependant plus rien de leur passage : des arcs payens de
Timgad à l'émouvant baptistère de Djemila, des ruines
de Césarée à celles de Madaure, tout était
perdu, brisé, enterré. Les oeuvres écrites et les
discours - même ceux de Saint -Augustin, évêque d'Hippone
- étaient passés sans laisser la moindre trace sur les populations
indigènes.
Car tout n'est pas dans la pierre, tout n'est pas dans les armes, tout
n'est pas dans les écrits.
Mais il n'est pas possible que tout s'efface, demain, de ce que les médecins
militaires français ont gravé dans le cur et l'âme
des Musulmans d'Algérie.
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