Alger, Algérie : documents algériens
Série économique

Mise à voie normale de la ligne de chemin de fer
Oued-Keberit*-Tébessa-Le Kouif

mise sur site le 11-3-2011
* Document n° 7 de la série : Économique - Paru le 20 février 1946 - Rubrique TRANSPORTS
*note du déjanté : je n'ai trouvé que "oued-kebarit" sur la carte Michelin 172

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Mise à voie normale de la ligne de chemin de fer
Oued-Keberit-Tébessa-Le Kouif

Orientée par M. Yves CHATAIGNEAU, Ministre plénipotentiaire, Gouverneur Général de l'Algérie, vers les réalisations destinées à la mise en valeur des richesses de l'Algérie, l'Administration des Chemins de Fer Algériens s'attache à donner la solution la mieux adaptée, compte tenu des difficultés actuelles, à tous les problèmes que pose l'équipement du pays en moyens propres à l'exploitation rationnelle de ses ressources.

C'est ainsi que portant particulièrement ses efforts sur l'augmentation rapide de la capacité de transport de ses lignes minières, elle a terminé en février 1946 la transformation (de voie étroite en voie normale) de la ligne Oued-Kébérit-Tébessa-Le Kouif.


Oued-Keberit*-Tébessa-Le Kouif
Carte de situation, initiative personnelle!

L'ANCIENNE INSTALLATION.

Longue de 95 km., la section de ligne à voie étroite d'Oued-Kébérit au Kouif était, avant la guerre, utilisée pour l'évacuation des phosphates de chaux extraits par la Compagnie des Phosphates de Constantine et en même temps, elle permettait d'assurer la desserte en service commercial, de la région Tébessa-Le Kouif.

La nécessité de transborder les phosphates à Oued-Kébérit sur les wagons voie normale servant à les acheminer ensuite vers le port de Bône, entraînait des sujétions coûteuses et limitait les développements éventuels de la production minière, en raison de la faible capacité d'écoulement qu'offrait la voie étroite. Cette dernière grâce aux mesures prises par le Réseau C.F.A., avait néanmoins, permis de faire face à un trafic important, mais ses caractéristiques interdisaient d'envisager les extensions possibles offertes par l'ouverture à l'exploitation du riche gisement du Djebel-Onk.

PROJETS DE 1938.

En vue de doter la région d'un moyen ferroviaire à l'échelle de ses possibilités de développement, le Gouvernement envisagea, dès avant la guerre, les améliorations suivantes à réaliser en deux étapes :
- 1° mise à voie normale de la section Oued-Kébérit-Kouif, afin de supprimer la solution de continuité d'Oued-Kébérit et d'accroître la capacité de la ligne ;
- 2° électrification de la dite section.

Les travaux d'exécution de la 1" étape ont été entrepris et poursuivis au ralenti jusqu'à la fin de l'année 1942, période où les exigences de l'effort de guerre les ont pratiquement arrêtés.

Dès que la sécurité fut rétablie en Afrique du Nord et conformément aux ordres du Gouvernement provisoire de la République Française, les travaux furent repris et poussés activement en vue de permettre l'exploitation intensive des phosphates de chaux de l'Est Constantinois.

A la date du 31 décembre 1945, la continuité du rail voie normale était assurée jusqu'au Kouif.

RÉALISATIONS.
       Travaux de terrassements et modifications du tracé.
La nouvelle ligne à voie normale suit sensiblement le tracé de la ligne à voie métrique ; toutefois, cette dernière comportant des rampes de 16 m/m dans le sens de circulation des wagons vides (Kébérit-Kouif ) et de 8 m/m dans le sens des wagons chargés (Kouif-Kébérit) ainsi que des courbes de faibles rayons (150 à 130) il a fallu améliorer ces caractéristiques qui ont été ramenées à 15 m/m et 5 m/m pour les rampes et, portées, pour les courbes, au rayon minimum de 500 m. entre Oued Kébérit et Tébessa et de 250 m. entre Tébessa et le Kouif. Dans ce but, 17 déviations de tracé ont été effectuées sur une longueur totale de 25 km. entraînant l'exécution de 540.000 m3 de terrassement.

       Construction et renforcement d'ouvrages d'art.
Ces travaux ont été prévus pour permettre le passage du train-type défini par la Circulaire du 10 mai 1927.
- 160 aqueducs de moins de 3 m. d'ouverture et 3 ouvrages voûtés de 4 à 6 m. ont été modifiés ou allongés.
- 120 aqueducs de moins de 3 m. et 7 ouvrages voûtés de 4 à 6 m. ont été construits sur les, déviations.
- 7 tabliers métalliques de 3 m. ont été remplacés par des dalles en béton armé. 2 tabliers métalliques de 6 m. et un de 8 m. ont été remplacés.
- Un pont de 8 m. à tablier à poutrelles enrobées a été construit.
- Un pont à tablier métallique de 12 m. et deux autres de 16 m. ont été mis en place.
- Un pont à tablier métallique de 60 m. d'ouverture en deux travées solidaires sur l'Oued-Mellâge (km. 58 + 559) a été lancé.

L'ensemble de ces travaux, ainsi que la construction de nombreux murs de soutènement et fossés maçonnés ont nécessité la mise en œuvre de 3.400 tonnes de ciment.

En ce qui concerne les tabliers métalliques qui avaient, pour la plupart, étaient commandés en France, seul un tablier de 12 m. a pu être fourni à temps. Les autres ont été récupérés sur des lignes désarmées et mis en place après avoir été renforcés et modifiés avec les moyens locaux, lorsque ces opérations ont été reconnues nécessaires.

       Travaux d'aménagements des gares.
Les voies d'évitement des gares de Clairefontaine, Sidi-Yahia, Morsott, Boulhaf - Le - Dyr et El - Houhad ont eu leurs longueurs portées à 500 m. pour permettre le croisement des trains lourds.

En gare de Tébessa, un faisceau de quatre voies normales dont deux de croisement et deux de remisage a été établi ainsi qu'une voie de débord en ceinture de la tour P.V.

Les installations de la gare du Kouif ont été complètement remaniées et mises à voie normale.

Enfin, diverses voies ainsi que le pont tournant du dépôt de Sidi-Ferradj, ont été adaptés pour la circulation des machines G.V.N.

       Armement de la voie.
La mise à V.N. entre Oued-Kébérit et Kouif nécessitait, tant pour la pleine voie que pour les voies de gares :

- 220 km. de rail avec petit matériel correspondant (tire-fond, selles, éclisses, boulons, rondelles), 172.000 traverses V.N., 150.000 m3 de ballast et 144 appareils de voie.

La nécessité, en outre, d'assurer la continuité de la circulation entre la ligne à voie étroite Ouled Rhamoun-Tébessa et les Réseaux du Sud Tunisien, également à V.E., a conduit à équiper en voie à 3 files de rails le tronçon Tébessa-Rhilane et à prévoir dans les gares et croisements correspondants 18 appareils spéciaux.

Le matériel prévu d'abord en rails lourds à provenir de France a, par la suite, fait l'objet de négociations avec les États-Unis lorsque le débarquement des Alliés en Afrique du Nord a interrompu les relations avec la Métropole. Mais les difficultés croissantes des transports, ont conduit, en définitive, à ne faire appel qu'à des moyens locaux et les 220 km. de rails nécessaires ont été obtenus comme suit : 60.000 ml. de rails provenant des approvisionnements du réseau, 68.000 ml récupérés des embranchements alliés, 12.000 ml fournis par le Méditerranée-Niger et 80.000 ml déposés sur la ligne de Djidjelli-Sidi-Marouf.

Les appareils de voie ont été confectionnés par l'industrie algérienne avec du matériel fourni par les C.F.A., sous la surveillance directe des techniciens du Réseau qui ont également établi les dessins d'exécution des appareils spéciaux à 3 files de rails.

En ce qui concerne les traverses, faute de métal et de ciment, seul l'emploi du bois a pu être retenu. Malgré l'épuisement des forêts algériennes de chêne zéen, le Service des Forêts a accordé le marquage des coupes importantes dont les produits furent transportés par les propres camions des C.F.A. à leurs chantiers d'injection : 72.000 traverses ont ainsi été fabriquées ; 28.000 autres ont pu être récupérées sur des embranchements alliés déposés. Pour le reste, soit 72.000, une mission envoyée en Afrique Occidentale et Equatoriale et au Cameroun a pu passer les commandes nécessaires en bois coloniaux de valeur, que l'appui bienveillant de M. le Ministre des Communications et de la Marine marchande a permis de recevoir à temps.

CAPACITÉ DE LA LIGNE A VOIE NORMALE.

La continuité d'une voie normale entre le Kouif et Bône permet le chargement direct du phosphate en wagons trémies étanches, la suppression du bâchage, la suppression de l'opération de transbordement à Oued-Kébérit et du délai qu'elle nécessitait ; ce sont là autant de facteurs qui mettent en évidence l'accroissement des possibilités futures de la ligne.
Pour le moment, il y a lieu toutefois de considérer que la traction par locomotives vapeur voie normale devra être assurée en prélevant le matériel nécessaire sur le parc d'ensemble des Chemins de Fer Algériens : ce prélèvement, assez facile il y a quelques années, représente actuellement un réel sacrifice étant donnée la fatigue du matériel résultant de la guerre et les difficultés considérables pour son entretien.

A fin de tirer le maximum de bénéfice de l'opération réalisée, il a été décidé que jusqu'au 1er avril les transports de service du réseau seraient assurés par la voie étroite, le 3e rail étant maintenu sur tout le parcours. Ce trimestre ne permettra pas néanmoins d'enregistrer une élévation notable du trafic phosphates, parce que les locomotives vapeurs qui l'assureront auront leur capacité d'autant plus limitée qu'elles n'ont, comme d'ailleurs toutes les locomotives du réseau C.F.A., que du charbon de très mauvaise qualité à consommer ,ce qui crée des sujétions d'entretien d'autant plus graves que, ainsi qu'il a été rappelé plus haut, ce matériel n'a pu être entretenu comme il convient par suite de l'effort de guerre.

Il est donc raisonnable de penser que jusqu'en avril, le rythme d'évacuation des phosphates ne dépassera guère 1.000 tonnes par jour.

Par la suite, au fur et à mesure de l'arrivée de moyens de traction nouveaux, notamment des locomotives dieselélectrique commandées aux États-Unis, quelques locomotives à vapeur pourront venir accroître l'effectif réduit du début. Ainsi pourra être augmentée progressivement la capacité de la ligne pendant le 2e trimestre 1946, pour atteindre au 1" juillet 1946, 2.000 tonnes nettes de phosphates par jour. Ce tonnage correspondra alors à celui d'utilisation intensive des wagons-trémies spécialisés et nous devrons vraisemblablement pour le dépasser, faire construire des wagons supplémentaires dont l'achat doit être engagé dès l'année 1946.

ÉLECTRIFICATION DE LA LIGNE.

Le mode de traction par locomotives vapeur devenant lui-même très onéreux, pour un trafic pondéreux important, il est absolument nécessaire de prévoir, parallèlement, l'équipement en traction électrique de ce tronçon Oued-Kébérit-Kouif, qui ne constitue en fait qu'un prolongement normal de la ligne minière Bône-Ouenza.

Cette électrification qui est inscrite dans les programmes des C.F.A. ne doit pas être différée, car elle sera génératrice d'économies et permettra vraiment de faire rendre à cette ligne toutes ses possibilités. Une portion de 36 km. d'Oued-Kébérit à Morsott, peut-être électrifiée sans créer une sous-station nouvelle : si les circonstances matérielles le permettent la ligne sera créée et équipée d'ici un an ; la commande d'un matériel complet de sous-station devra être passée également en 1946 afin de recevoir et de monter cet équipement en 1948 ; enfin, la commande de quelques locomotives électriques doit être décidée si l'on veut aller maintenant au-delà d'un trafic journalier de 2.000 tonnes de phosphates. A ce moment, la ligne électrifiée et équipée pourrait arriver à recevoir un trafic double.

       Avantages de l'électrification.

Les avantages d'une telle électrification peu coûteuse dans le cas présent sont multiples : prix de revient amélioré, souplesse considérable pour faire face aux variations de ce trafic d'exportation, suppression de temps morts conduisant à une meilleure utilisation des wagons, disparition des sujétions concernant le charbon et l'eau et réduction du personnel d'exploitation local dans une région éloignée de la côte et où la vie est plutôt difficile.

***

Malgré les difficultés de la période actuelle, la pénurie de leurs approvisionnements et les lourdes tâches qui leur étaient confiées par ailleurs, pour assurer des transports militaires intenses et le ravitaillement du pays, les Chemins de Fer Algériens n'ont pas hésité ainsi à consacrer le maximum de leurs moyens à l'exécution d'une tâche dont l'aboutissement rapide présentait un intérêt primordial pour l'Économie de la France et de l'Algérie.