Alger, Algérie : documents algériens
Série économique

Le Laboratoire de physique industrielle de la Faculté des Sciences d'Alger
et de l'industrie algérienne

mise sur site le 23-2-2011
* Document n° 17 de la série : Économique - Paru le 15 juillet 1946 - Rubrique INDUSTRIE

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Le Laboratoire de physique industrielle de la Faculté des Sciences d'Alger
et de l'industrie algérienne

" La fusion de la théorie et de la pratique doit, aujourd'hui être la préoccupation dominante de tous ceux qui s'intéressent tant aux progrès de la science pure qu'à ceux de l'industrie. L'isolement mutuel de ces deux branches des connaissances humaine, très accentué pendant la seconde moitié du siècle dernier, a eu tire influence néfaste... Faute d'une semblable collaboration, la science privée de tout contrôle effectif se perd en vaines imaginations, et l'industrie, privée d'une direction précise, s'immobilise dans des tâtonnements sans issue. "
( " Le Chatelier ".)

C'est à cette nécessité de collaboration entre la science et l'industrie que l'on doit la création, dans la Métropole, d'organismes comme le Laboratoire d'essais du Conservatoire national des Arts et Métiers, et le Laboratoire national du pays, tant on a pris l'habitude d'avoir recours à eux dans les cas embarrassants ou même dans les cas courants de la pratique journalière.

RÔLE DU LABORATOIRE DE PHYSIQUE INDUSTRIELLE D'ALGER :

Le Laboratoire de Physique industrielle qui s'est trouvé appelé à jouer en petit, en Algérie et, peut- on dire, en Afrique du Nord, puisqu'il possède des clients en Tunisie et au Maroc, le rôle des laboratoires métropolitains dont il a été question, n'est autre chose, jusqu'à présent du moins, que le Laboratoire de la chaire qui, à la Faculté des Sciences d'Alger, porte le même nom. Ses installations servent à la fois pour l'enseignement qui mène au certificat d'études supérieures de physique appliquée, pour les travaux que peuvent y poursuivre des chercheurs, soit en vue de grades universitaires, soit dans un but industriel, enfin pour les essais, vérifications et contrôles qui lui sont demandés par l'industrie.

Toutes les questions de chimie sont traitées dans un autre laboratoire, celui de chimie industrielle et agricole, dirigé par le professeur de chimie appliquée. De même, le professeur de minéralogie de la Faculté des Sciences apporte son concours, lorsqu'il s'agit, à propos des essais d'une pierre, de déterminer son nom et sa provenance.

Grâce à la collaboration de ces trois laboratoires, une organisation complète est ainsi mise à la disposition des besoins de l'industrie.

L'ORGANISATION DU LABORATOIRE.
          Le laboratoire d'électricité.

Déjà avant 1914, le titulaire de l'enseignement de la physique industrielle à la Faculté des Sciences avait été consulté à diverses reprises, par des administrations ou par des particuliers, sur des questions de mesures, de vérifications ou de contrôle, spécialement en matière d'électricité. C'est à cette époque qu'est né le laboratoire d'électricité, partagé en deux parties qui se complètent. La première est celle où sont installés les étalons dont le laboratoire assure la garde : il lui est ainsi possible, avec toute la précision nécessaire pour les mesures de caractère industriel ou de science pure, de garantir les valeurs du volt et de l'ampère, avec une précision que des travaux récents ont montré être de l'ordre de 1/10.000. Les spécialistes qui savent combien il est parfois illusoire de compter sur le 1/10.0M, apprécieront évidemment ce résultat.

L'autre partie du laboratoire d'électricité est plutôt un laboratoire d'électrotechnique analogue à ceux qui se trouvent dans tous les établissements d'enseignement supérieur qui forment des ingénieurs électriciens dans la. Métropole. Toutes les machines existant actuellement dans l'industrie y sont représentée, en petites tailles naturellement, mais ce sont des types de série et les résultats des essais que l'on peut faire subir sont immédiatement transportables dans la pratique. Par ses ressources, cette partie du laboratoire permet également l'essai de machines qui lui sont confiées ou bien la production de courants sous des formes ou des conditions requises pour des vérifications demandées au département étalonnage.

          Le laboratoire d'Hydraulique.
Afin de permettre l'étude de la question de l'eau en Algérie, un laboratoire d'hydraulique a été créé et mis à la disposition des services des Ponts et Chaussées pour des études de modèles réduits de déversoirs de barrages.

Une certaine masse d'eau qui se trouve répartie dans des bassins et dans les canalisations est mise en mouvement par une pompe et suit un circuit fermé au cours duquel elle peut entraîner des turbines ou permettre l'étude de tout dispositif utilisant l'eau en mouvement ou sous pression, sous le contrôle les appareils de mesure du laboratoire ou d'autres qui sont soumis à l'étalonnage. Une hauteur de chute maxima de 100 mètres peut ainsi être réalisée.

Situé à proximité du Laboratoire de l'Électrotechnique qui peut mettre à sa disposition ou absorber les puissances qui y sont mises en jeu sous forme électrique, ce petit laboratoire d'hydraulique constitue un outil de travail qui a été utilisé pour des mises au point de types de pompes spéciales et pour diverses mesures sur des appareils servant en hydraulique.

          Soufflerie.
Dans le même ordre d'idée, une petite soufflerie Eiffel a été réalisée qui, avec une puissance inférieure à un cheval-vapeur, permet d'atteindre des vitesses de vent connues et montant jusqu'à 100 km. à l'heure dans Une petite chambre d'expérience de 25 cm. de diamètre et 35 cm. de longueur. Elle n'est pas bien grande, mais permet de contrôler des appareils de soufflage utilisés dans l'industrie, éventuellement de montrer comment on étalonne une antenne chargée de faire connaître au pilote la vitesse d'un avion.

          Salle thermique.
Installés dans une salle de machines thermiques, un moteur semi-dieselà deux temps, le vrai moteur du "" bled ", et un moteur à essence à 4 temps refroidi par l'air, sont disposés de façon telle qu'ils puissent servir à des mesures et a des recherches de toutes sortes sur les conditions d'alimentation, d'allumage, de graissage, de rendement,

L'installation la plus intéressante de la salle thermique est une petite installation de froid qui permet de descendre à - 25°. Elle a été nécessitée par les essais de congélation des lubrifiants, des émulsions de goudrons, de bitume et d'asphalte, utilisés pour la confection des tapis routiers. Les essais de congélation fournissent des renseignements très intéressants sur la constitution de ces produits.

Bien que les froids normaux de ces pays ne soient pas très dangereux pour les pierres dites gélives, on soumet au froid des échantillons de pierres préalablement imprégnés d'eau pour mettre en évidence leur porosité plus ou moins grande.

          Essais de matériaux.
Le département des essais de matériaux proprement dits constitue une des plus grandes activités du laboratoire, un des domaines où il rend sûrement le plus de services.

Tous les matériaux, métaux, bois, pierres, liants, etc... utilisés pour la construction des machines ou des appareils, des immeubles ou des travaux d'art possèdent certaines qualités, certaines propriétés physiques et mécaniques qui doivent être connues des ingénieurs qui les utilisent dans leurs calculs.

Ces propriétés sont imposées dans les cahiers des charges et il importe de vérifier si les fournisseurs ont tenu leurs engagements. On fait pour cela subir diverses épreuves à des échantillons convenablement choisis dans une livraison et qui, soit bruts, soit usinés ou préparés, prennent le nom d'éprouvettes.
Éprouvettes métalliques usinées suivant des types fixés dans un atelier mécanique qui fait partie du laboratoire, et éprouvettes en pierre façonnées grâce à une scie spéciale, sont soumises à différents essais de traction, de compression et d'usure qui permettent de déterminer les qualités essentielles de chaque matériau.

Les liants et, particulièrement, les liants hydrauliques, tels que la chaux, le ciment et le plâtre, font aussi l'objet d'essais et d'études tout particuliers au laboratoire de Physique industrielle. L'expérimentation de ces matériaux, malgré son apparente simplicité, peut être classée parmi celles qui sont à la fois les plus délicates et les plus importantes.

Outillé pour déterminer certaines propriétés caractéristiques des matériaux intervenant dans la construction au point de vue de l'isolation qu'ils permettent de réaliser contre la chaleur ou le froid, le Laboratoire peut également mesurer les qualités isolantes au point de vue bruit de ces matériaux.
Installations et appareils divers.

Le Laboratoire possède encore bien d'autres appareils et installations : manomètres pour la mesure des pressions de l'eau, de la vapeur ou des gaz, viscosimètres pour la détermination de la viscosité des huiles, postes à rayons X à tube démontable permettant, par le changement de l'anticathode et des conditions d'alimentation de faire varier la nature des rayons produits pour les adapter au but poursuivi, appareils pour l'étude des propriétés des émulsions de goudron d'asphalte, de bitume, employées pour la fabrication des routes, des pendules horizontaux pour la détermination des variations de la verticale dans un ouvrage, ponts, barrages, etc... ; un vibromètre pour l'étude des vibrations du sol sous l'influence d'un moteur, d'un coup de mine, etc...

Une dotation de l'Automobile-Club d'Alger a permis l'acquisition d'un appareil fort intéressant qui permet le contrôle des possibilités de freinage des voitures automobiles, trains, avions, comme aussi de leur nervosité au démarrage ou dans les reprises.

Le Laboratoire possède également le matériel nécessaire à l'étude des sols, de leur compressibilité, de leur étanchéité, ainsi qu'une bibliothèque dans laquelle ont été rassemblées tous les ouvrages et périodiques spécialisés et une volumineuse collection de catalogues, parfois difficiles à .se procurer, de constructeurs de matériel scientifique et industriel tant français qu'étrangers.

ACTIVITÉS DU LABORATOIRE.

Il parait superflu, après cette revue des ressources du Laboratoire, d'examiner les cas où il peut être utile de recourir à ses services. Il est bien certain que les Administrations publiques les électriciens, les architectes, les ingénieurs constituent et constitueront sa clientèle la plus importante.

Mais il est intéressant de mentionner des ordres d'activité dans lesquels on peut être, au premier abord, surpris de le voir jouer un rôle qui est pourtant bien le sien.

Les médecins utilisent entre autres appareils de physique, des thermomètres ordinaires et médicaux, des manomètres, des indicateurs de toutes sortes qui ont besoin u un contrôle.

Les rayons X constituent, au point de vue thérapeutique, un agent d'une telle activité que ce e médicament ne doit être manié qu'en toute connaissance de leur intensité " ; un dosimètre acquis par le Laboratoire permet de doser le rayonnement X des radiologues de la vole.

C'est enfin au Laboratoire de Physique Industrielle que ce sont faits les premiers travaux de physicochimie de l'Institut Pasteur, mesures de pH, mesures sur les colloïdes, etc., ainsi que les premiers enregistrement phonographiques du Laboratoire de Phonétique de la Faculté des Lettres.

Il n'a été question, jusqu'ici, que du rôle apparemment industriel de tout le Laboratoire de contrôle, qu'il soit privé ou officiel.

Il faut également mentionner que les travaux qui s'y poursuivent ont été souvent le point de départ de découvertes fort importantes.

LE LABORATOIRE DE PHYSIQUE INDUSTRIELLE ET L'INDUSTRIE ALGÉRIENNE.

Du fait de l'isolement de l'Afrique du Nord pendant les dernières années, l'activité du Laboratoire s'est notablement accrue, et une foule de problèmes techniques lui ont été posés dans les domaines les plus variés. Cet organisme qui entretien les relations les plus étroites avec les divers secteurs de l'Économie nord-africaine, a considérablement aidé, souvent même dirigé les efforts de l'industrie algérienne et ouillait parfaitement les besoins de celle-ci. Il se trouve donc dans la possibilité de répondre exactement à la formation des techniciens requis par cette économie.

LES MOYENS FINANCIERS.

Comme tous les laboratoires de Physique industrielle, celui de la Faculté d'Alger travaille à perte. Certes, il perçoit des taxes dont la base est celle du tarif du Laboratoire des Arts et Métiers et du Laboratoire central d'Électricité. Mais ces taxes sent très réduites.

Nécessitant l'installation de machines importantes et coûteuses, des locaux pour les loger, effectuant des opérations qui exigent souvent des dépenses de main-d'oeuvre, de matières premières, de courant électrique importantes, ce Laboratoire est, parmi ceux de l'Université le plus gros consommateur.
Les subventions du Gouvernement Général les dons de matériel ou de numéraire de certaines sociétés et parfois d particuliers, l'aide efficace de 'Université, permetront cependant., à, cet organisme de vivre, de travailler et de renouveler son matériel.

Dirigé avec compétence et dévouement par le Professeur VERAIN, ce Laboratoire, qui a rendu d'inappréciables services à l'Économie algérienne,est appelé à prendre une place éminente dans la vie industrielle du pays, par son double rôle d'organisme de contrôle et de centre de formation d'ingénieurs et de techniciens qualifiés.