Le Laboratoire de physique
industrielle de la Faculté des Sciences d'Alger
et de l'industrie algérienne
" La fusion de la théorie et
de la pratique doit, aujourd'hui être la préoccupation dominante
de tous ceux qui s'intéressent tant aux progrès de la science
pure qu'à ceux de l'industrie. L'isolement mutuel de ces deux branches
des connaissances humaine, très accentué pendant la seconde
moitié du siècle dernier, a eu tire influence néfaste...
Faute d'une semblable collaboration, la science privée de tout
contrôle effectif se perd en vaines imaginations, et l'industrie,
privée d'une direction précise, s'immobilise dans des tâtonnements
sans issue. "
( " Le Chatelier ".)
C'est à cette nécessité de collaboration entre la
science et l'industrie que l'on doit la création, dans la Métropole,
d'organismes comme le Laboratoire d'essais du Conservatoire national des
Arts et Métiers, et le Laboratoire national du pays, tant on a
pris l'habitude d'avoir recours à eux dans les cas embarrassants
ou même dans les cas courants de la pratique journalière.
RÔLE DU LABORATOIRE DE PHYSIQUE INDUSTRIELLE
D'ALGER :
Le Laboratoire de Physique industrielle qui s'est trouvé appelé
à jouer en petit, en Algérie et, peut- on dire, en Afrique
du Nord, puisqu'il possède des clients en Tunisie et au Maroc,
le rôle des laboratoires métropolitains dont il a été
question, n'est autre chose, jusqu'à présent du moins, que
le Laboratoire de la chaire qui, à la Faculté des Sciences
d'Alger, porte le même nom. Ses installations servent à la
fois pour l'enseignement qui mène au certificat d'études
supérieures de physique appliquée, pour les travaux que
peuvent y poursuivre des chercheurs, soit en vue de grades universitaires,
soit dans un but industriel, enfin pour les essais, vérifications
et contrôles qui lui sont demandés par l'industrie.
Toutes les questions de chimie sont traitées dans un autre laboratoire,
celui de chimie industrielle et agricole, dirigé par le professeur
de chimie appliquée. De même, le professeur de minéralogie
de la Faculté des Sciences apporte son concours, lorsqu'il s'agit,
à propos des essais d'une pierre, de déterminer son nom
et sa provenance.
Grâce à la collaboration de ces trois laboratoires, une organisation
complète est ainsi mise à la disposition des besoins de
l'industrie.
L'ORGANISATION DU LABORATOIRE.
Le
laboratoire d'électricité.
Déjà avant 1914, le titulaire de l'enseignement de la physique
industrielle à la Faculté des Sciences avait été
consulté à diverses reprises, par des administrations ou
par des particuliers, sur des questions de mesures, de vérifications
ou de contrôle, spécialement en matière d'électricité.
C'est à cette époque qu'est né le laboratoire d'électricité,
partagé en deux parties qui se complètent. La première
est celle où sont installés les étalons dont le laboratoire
assure la garde : il lui est ainsi possible, avec toute la précision
nécessaire pour les mesures de caractère industriel ou de
science pure, de garantir les valeurs du volt et de l'ampère, avec
une précision que des travaux récents ont montré
être de l'ordre de 1/10.000. Les spécialistes qui savent
combien il est parfois illusoire de compter sur le 1/10.0M, apprécieront
évidemment ce résultat.
L'autre partie du laboratoire d'électricité est plutôt
un laboratoire d'électrotechnique analogue à ceux qui se
trouvent dans tous les établissements d'enseignement supérieur
qui forment des ingénieurs électriciens dans la. Métropole.
Toutes les machines existant actuellement dans l'industrie y sont représentée,
en petites tailles naturellement, mais ce sont des types de série
et les résultats des essais que l'on peut faire subir sont immédiatement
transportables dans la pratique. Par ses ressources, cette partie du laboratoire
permet également l'essai de machines qui lui sont confiées
ou bien la production de courants sous des formes ou des conditions requises
pour des vérifications demandées au département étalonnage.
Le
laboratoire d'Hydraulique.
Afin de permettre l'étude de la question de l'eau en Algérie,
un laboratoire d'hydraulique a été créé et
mis à la disposition des services des Ponts et Chaussées
pour des études de modèles réduits de déversoirs
de barrages.
Une certaine masse d'eau qui se trouve répartie dans des bassins
et dans les canalisations est mise en mouvement par une pompe et suit
un circuit fermé au cours duquel elle peut entraîner des
turbines ou permettre l'étude de tout dispositif utilisant l'eau
en mouvement ou sous pression, sous le contrôle les appareils de
mesure du laboratoire ou d'autres qui sont soumis à l'étalonnage.
Une hauteur de chute maxima de 100 mètres peut ainsi être
réalisée.
Situé à proximité du Laboratoire de l'Électrotechnique
qui peut mettre à sa disposition ou absorber les puissances qui
y sont mises en jeu sous forme électrique, ce petit laboratoire
d'hydraulique constitue un outil de travail qui a été utilisé
pour des mises au point de types de pompes spéciales et pour diverses
mesures sur des appareils servant en hydraulique.
Soufflerie.
Dans le même ordre d'idée, une petite soufflerie Eiffel a
été réalisée qui, avec une puissance inférieure
à un cheval-vapeur, permet d'atteindre des vitesses de vent connues
et montant jusqu'à 100 km. à l'heure dans Une petite chambre
d'expérience de 25 cm. de diamètre et 35 cm. de longueur.
Elle n'est pas bien grande, mais permet de contrôler des appareils
de soufflage utilisés dans l'industrie, éventuellement de
montrer comment on étalonne une antenne chargée de faire
connaître au pilote la vitesse d'un avion.
Salle
thermique.
Installés dans une salle de machines thermiques, un moteur semi-dieselà
deux temps, le vrai moteur du "" bled ", et un moteur à
essence à 4 temps refroidi par l'air, sont disposés de façon
telle qu'ils puissent servir à des mesures et a des recherches
de toutes sortes sur les conditions d'alimentation, d'allumage, de graissage,
de rendement,
L'installation la plus intéressante de la salle thermique est une
petite installation de froid qui permet de descendre à - 25°.
Elle a été nécessitée par les essais de congélation
des lubrifiants, des émulsions de goudrons, de bitume et d'asphalte,
utilisés pour la confection des tapis routiers. Les essais de congélation
fournissent des renseignements très intéressants sur la
constitution de ces produits.
Bien que les froids normaux de ces pays ne soient pas très dangereux
pour les pierres dites gélives, on soumet au froid des échantillons
de pierres préalablement imprégnés d'eau pour mettre
en évidence leur porosité plus ou moins grande.
Essais
de matériaux.
Le département des essais de matériaux proprement dits constitue
une des plus grandes activités du laboratoire, un des domaines
où il rend sûrement le plus de services.
Tous les matériaux, métaux, bois, pierres, liants, etc...
utilisés pour la construction des machines ou des appareils, des
immeubles ou des travaux d'art possèdent certaines qualités,
certaines propriétés physiques et mécaniques qui
doivent être connues des ingénieurs qui les utilisent dans
leurs calculs.
Ces propriétés sont imposées dans les cahiers des
charges et il importe de vérifier si les fournisseurs ont tenu
leurs engagements. On fait pour cela subir diverses épreuves à
des échantillons convenablement choisis dans une livraison et qui,
soit bruts, soit usinés ou préparés, prennent le
nom d'éprouvettes.
Éprouvettes métalliques usinées suivant des types
fixés dans un atelier mécanique qui fait partie du laboratoire,
et éprouvettes en pierre façonnées grâce à
une scie spéciale, sont soumises à différents essais
de traction, de compression et d'usure qui permettent de déterminer
les qualités essentielles de chaque matériau.
Les liants et, particulièrement, les liants hydrauliques, tels
que la chaux, le ciment et le plâtre, font aussi l'objet d'essais
et d'études tout particuliers au laboratoire de Physique industrielle.
L'expérimentation de ces matériaux, malgré son apparente
simplicité, peut être classée parmi celles qui sont
à la fois les plus délicates et les plus importantes.
Outillé pour déterminer certaines propriétés
caractéristiques des matériaux intervenant dans la construction
au point de vue de l'isolation qu'ils permettent de réaliser contre
la chaleur ou le froid, le Laboratoire peut également mesurer les
qualités isolantes au point de vue bruit de ces matériaux.
Installations et appareils divers.
Le Laboratoire possède encore bien d'autres appareils et installations
: manomètres pour la mesure des pressions de l'eau, de la vapeur
ou des gaz, viscosimètres pour la détermination de la viscosité
des huiles, postes à rayons X à tube démontable permettant,
par le changement de l'anticathode et des conditions d'alimentation de
faire varier la nature des rayons produits pour les adapter au but poursuivi,
appareils pour l'étude des propriétés des émulsions
de goudron d'asphalte, de bitume, employées pour la fabrication
des routes, des pendules horizontaux pour la détermination des
variations de la verticale dans un ouvrage, ponts, barrages, etc... ;
un vibromètre pour l'étude des vibrations du sol sous l'influence
d'un moteur, d'un coup de mine, etc...
Une dotation de l'Automobile-Club d'Alger a permis l'acquisition d'un
appareil fort intéressant qui permet le contrôle des possibilités
de freinage des voitures automobiles, trains, avions, comme aussi de leur
nervosité au démarrage ou dans les reprises.
Le Laboratoire possède également le matériel nécessaire
à l'étude des sols, de leur compressibilité, de leur
étanchéité, ainsi qu'une bibliothèque dans
laquelle ont été rassemblées tous les ouvrages et
périodiques spécialisés et une volumineuse collection
de catalogues, parfois difficiles à .se procurer, de constructeurs
de matériel scientifique et industriel tant français qu'étrangers.
ACTIVITÉS DU LABORATOIRE.
Il parait superflu, après cette revue des ressources du Laboratoire,
d'examiner les cas où il peut être utile de recourir à
ses services. Il est bien certain que les Administrations publiques les
électriciens, les architectes, les ingénieurs constituent
et constitueront sa clientèle la plus importante.
Mais il est intéressant de mentionner des ordres d'activité
dans lesquels on peut être, au premier abord, surpris de le voir
jouer un rôle qui est pourtant bien le sien.
Les médecins utilisent entre autres appareils de physique, des
thermomètres ordinaires et médicaux, des manomètres,
des indicateurs de toutes sortes qui ont besoin u un contrôle.
Les rayons X constituent, au point de vue thérapeutique, un agent
d'une telle activité que ce e médicament ne doit être
manié qu'en toute connaissance de leur intensité "
; un dosimètre acquis par le Laboratoire permet de doser le rayonnement
X des radiologues de la vole.
C'est enfin au Laboratoire de Physique Industrielle que ce sont faits
les premiers travaux de physicochimie de l'Institut Pasteur, mesures de
pH, mesures sur les colloïdes, etc., ainsi que les premiers enregistrement
phonographiques du Laboratoire de Phonétique de la Faculté
des Lettres.
Il n'a été question, jusqu'ici, que du rôle apparemment
industriel de tout le Laboratoire de contrôle, qu'il soit privé
ou officiel.
Il faut également mentionner que les travaux qui s'y poursuivent
ont été souvent le point de départ de découvertes
fort importantes.
LE LABORATOIRE DE PHYSIQUE INDUSTRIELLE ET L'INDUSTRIE
ALGÉRIENNE.
Du fait de l'isolement de l'Afrique du Nord pendant les dernières
années, l'activité du Laboratoire s'est notablement accrue,
et une foule de problèmes techniques lui ont été
posés dans les domaines les plus variés. Cet organisme qui
entretien les relations les plus étroites avec les divers secteurs
de l'Économie nord-africaine, a considérablement aidé,
souvent même dirigé les efforts de l'industrie algérienne
et ouillait parfaitement les besoins de celle-ci. Il se trouve donc dans
la possibilité de répondre exactement à la formation
des techniciens requis par cette économie.
LES MOYENS FINANCIERS.
Comme tous les laboratoires de Physique industrielle, celui de la Faculté
d'Alger travaille à perte. Certes, il perçoit des taxes
dont la base est celle du tarif du Laboratoire des Arts et Métiers
et du Laboratoire central d'Électricité. Mais ces taxes
sent très réduites.
Nécessitant l'installation de machines importantes et coûteuses,
des locaux pour les loger, effectuant des opérations qui exigent
souvent des dépenses de main-d'oeuvre, de matières premières,
de courant électrique importantes, ce Laboratoire est, parmi ceux
de l'Université le plus gros consommateur.
Les subventions du Gouvernement Général les dons de matériel
ou de numéraire de certaines sociétés et parfois
d particuliers, l'aide efficace de 'Université, permetront cependant.,
à, cet organisme de vivre, de travailler et de renouveler son matériel.
Dirigé avec compétence et dévouement par le Professeur
VERAIN, ce Laboratoire, qui a rendu d'inappréciables services à
l'Économie algérienne,est appelé à prendre
une place éminente dans la vie industrielle du pays, par son double
rôle d'organisme de contrôle et de centre de formation d'ingénieurs
et de techniciens qualifiés.
|