Alger, Algérie : documents algériens
Série économique

L'hydraulique et la colonisation en Algérie
mise sur site le 12-2-2011
* Document n° 2 de la série : Économique - Paru le 1er novembre 1945 - Rubrique HYDRAULIQUE

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L'hydraulique et la colonisation en Algérie

Transformer en grasses luzernières, en riches jardins maraîchers ou en opulents vergers de maigres champs à céréales ou des pâturages pauvres, voire des marais insalubres, tel a été le but poursuivi en Algérie lors de la construction des grands barrages et de la mise en défense des sols contre les eaux dévastatrices.

Certes, l'oeuvre est vaste. L'effort pour améliorer le régime des eaux a tout d'abord porté sur les plaines alluvionnaires qui, tout en couvrant une superficie de 400.000 ha., ne représentent, en fait, qu'un pour cent de la superficie totale des terres productives sur l'ensemble des trois départements algériens. Mais l'irrigation d'une part, l'assèchement et le drainage d'autre part, sont susceptibles de transformer les conditions agricoles de ces plaines et d'en décupler la productivité. Quelles ont été, dans le détail, les réalisations de cet imposant programme ? C'est ce que nous allons rapidement passer en revue en nous attachant tout d'abord à l'Hydraulique positive.

TERRITOIRES DU NORD

Les grands barrages et l'irrigation

Onze barrages-réservoirs sont actuellement en service, dont trois dans le département d'Alger ; celui du Hamiz, du Ghrib et de l'Oued Fodda ; cinq dans le département d'Oran : celui de Bakhadda, de Bou-Hanifia, des Béni-Bandel, des Cheurfas, et de l'Oued Fergoug ; enfin, trois dans le département de Constantine : barrages des Zardezas, de Foum-el-Gueiss et de l'Oued Ksob.

Tous ces ouvrages, à l'exception de ceux du Hamiz (1883), des Cheurfas (1881) et l'Oued Fergoug (1871), ont été construits après 1921 ; c'est assez dire l'effort accompli par l'Algérie depuis une vingtaine d'années dans le domaine de l'équipement agricole.

Les trois barrages anciens n'avaient pour but que d'accumuler l'eau l'hiver pour la restituer l'été. Les nouveaux barrages, de conception moderne, ont été construits, par contre, de manière à pouvoir assurer, aussi souvent que possible, une régularisation interannuelle. Telles sont les dimensions des réservoirs qu'elles permettent d'accumuler l'eau excédentaire au cours des années de grande humidité, afin qu'on en puisse disposer ensuite avec sûreté, au cours des années de sécheresse.

A l'heure actuelle, la réserve totale accumulée dans les grands barrages atteint environ 460 millions de mètres cubes (qui, moyennant quelques travaux de surélévation, pourront être portés à 720 millions de m3), quantité suffisante à l'irrigation de 1711000 hectares.

C'est donc environ la moitié des plaines alluvionnaires algériennes qui sont désormais susceptibles de bénéficier d'une irrigation rationnelle.
De plus, le plan décennal d'équipement de l'Algérie, qui vient d'être établi sous l'impulsion de M. le Gouverneur Général Chataigneau, comporte, au titre des travaux hydrauliques, à côté de l'aménagement et de l'extension des périmètres irrigables, la construction de 8 nouveaux barrages, situés respectivement sur l'oued El-Faht, près d'Uzès-le-Duc (dép. d'Oran), sur l'oued Sarne, près des Trembles (dép. d'Oran), sur l'oued Meffrouch, près de Tlemcen, sur l'oued El-Abd, près d'Uzès-le-Duc, à Foum-el-Cherza, dans l'Aurès (dép. de Constantine), à la Fontaine-des-Gazelles, près d'El-Kantara (dép. de Constantine), sur la Bou-Namoussa, dans la plaine de Bône, sur l'oued Isser, près de Palestro (dép. d'Alger). On envisage d'autre part, la surélévation des barrages de l'oued E1-Ksob et de Bakhadda.

Grâce à ces travaux, le nombre des irriguants sera vraisemblablement doublé. Il est facile d'imaginer les transformations que peut apporter à l'Algérie un tel accroissement de ses ressources en eau.

A ce sujet, il semble nécessaire de dissiper un malentendu : l'idée a été trop souvent répandue que les grands ouvrages hydrauliques étaient destinés uniquement à irriguer les grandes propriétés. Or, dans les périmètres actuellement desservis, les petites et moyennes propriétés, européennes ou musulmanes, représentent une fraction importante de la superficie totale. C'est ainsi que dans le périmètre du Hamiz, pour une superficie irriguée de 4.753 hectares, on compte 1.306 irriguants, dont 888 musulmans.

Par ailleurs, la petite hydraulique agricole qui s'attache à la solution des problèmes individuels d'alimentation en eau des propriétés, plus spécialement au profit des petits propriétaires et des fellahs, n'est pas négligée, au contraire ! Les programmes nouvellement établis tendent à l'utilisation la plus complète des eaux sauvages par la construction de petits ouvrages de dérivation sur les oueds et mêmes d'ouvrages plus importants, tel le très récent projet de barrage d'accumulation à Taouiala, dans la région d'Aflou.

Distribution des eaux

Mais il ne suffit pas d'accumuler l'eau derrière des barrages, il faut encore la distribuer. C'est suivant la réserve du barrage qu'on délimite un périmètre classé comme irrigable, à l'intérieur duquel l'eau est conduite vers le point culminant de chaque propriété. Si le barrage est suffisamment proche du périmètre, la distribution des eaux part de l'ouvrage lui-même ; mais, dans la majorité des cas, on est obligé de restituer l'eau à la rivière pour la reprendre plus loin au moyen d'ouvrages de dérivation. Pour amener ces eaux aux propriétés, il est nécessaire d'utiliser, en dehors des conduites de types variés, des dispositifs hydrauliques assez complexes : vannages automatiques et partiteurs à réglage facile, et de répartir l'eau suivant un horaire très strict.

L'eau est vendue dès lors à chaque propriétaire selon un régime extrêmement libéral, fixé sur le décret-loi du 30 octobre 1935, réglant la distribution et la vente de l'eau. Aucun engagement n'est demandé à l'irriguant, autorisé à prendre à tout moment l'eau dont il a besoin, sauf en période d'extrême sécheresse, où des restrictions s'imposent.

Étant donné qu'il s'agit d'une richesse publique, le décret-loi reconnaît implicitement à la Colonie le droit de " contrôler qu'il est fait de l'eau bon usage pour les intérêts généraux du pays ". C'est que la mise en valeur d'un pays par l'irrigation pose dans tous les domaines une multitude de problèmes.

C'est ainsi que dans le domaine démographique, la culture irriguée exige à la fois des praticiens avertis et une nombreuse main-d'œuvre. Or, on man que de celle-ci comme de ceux-là. Les problèmes relatifs à l'éducation de la population et à son accroissement sont probablement les plus délicats.

Dans le domaine social, force est de constater que le régime actuel de grande propriété et de tenure n'est pas adapté à l'irrigation qui, du moins à son stade ultime, ne réussit bien que dans un régime de petite propriété où le cultivateur, avec sa famille, travaille lui-même son jardin.

Dans le domaine agricole, il faut choisir les espèces végétales les mieux adaptées au terrain et (note du site: sur le document, la phrase s'interrompt ici.)

Dans le domaine économique et commercial, enfin, il ne suffit pas de produire, il faut encore pouvoir vendre, ce qui exige une prospection des marchés, des efforts publicitaires, ainsi que des organisations commerciales pour la bonne répartition des produits. au climat, choix exigeant une longue sélection.

Le " Service de la Colonisation et de l'Hydraulique " au Gouvernement Général est chargé, en plus de la construction des ouvrages et de la distribution des eaux, de résoudre ces divers problèmes, en collaboration avec les services intéressés ; il lui appartient également de bien orienter les irriguants, tout en conservant à l'initiative et au travail individuels leur place légitime.

La défense contre les eaux nuisibles

Si la défense contre l'érosion, les crues et la remontée des nappes phréatiques, exige une autre technique, son objet demeure l'augmentation de la productivité du sol algérien. Elle s'attaque, cette fois-ci, non plus aux terres sèches, mais aux terres insalubres ou empoisonnées par le sel.
Dans certaines plaines littorales algériennes, notamment celles de Bône, dans le département de Constantine, et celles de la Macta et du Sif, dans le département d'Oran, les alluvions déposés n'ont pas encore atteint leur équilibre géologique et les oueds coulent sur des lits exhaussés, aggravant ainsi le danger des inondations et créant des zones marécageuses où sévit le paludisme.

Il a donc fallu endiguer ces Oueds et assainir les plaines.

Légendaires sont déjà les résultats obtenus dans la Mitidja, hier plaine pestilentielle, aujourd'hui le " Jardin de l'Algérie ". Un effort analogue a été accompli dans les plaines de la Macta, de l'Habra et du Sig, mais ce travail n'est pas achevé. Enfin, l'Administration vient de passer à l'exécution du grand projet d'assainissement de la plus vaste de ces plaines : celle de Bône.

Les travaux en cours vont s'étendre à plus de 90.000 hectares. Déjà deux périmètres défendus, couvrant une superficie totale de 30.000 hectares, sont en voie de constitution.

Ces basses plaines pourront servir en grande partie de terrains d'embouche s'ajoutant aux terres de pacage, qui sont actuellement limitées aux Hauts Plateaux et à la bande Nord du Sahara. L'amélioration des pâturages pourra, en outre, se compléter de réserves fourragères produites dans les régions dominant ces plaines.

Incidences sur la colonisation

Mais l'irrigation des terres, leur défense contre les eaux nuisibles, en un mot, l'accroissement de leur capacité de production à l'aide des ouvrages d'hydraulique agricole, ont engagé l'Algérie dans des dépenses considérables qui s'élèvent à plus de 2 milliards.

Ces travaux dont la collectivité a supporté la charge, n'ont bénéficié, en fait et directement, qu'aux seuls propriétaires de terres situées dans les périmètres irrigables et défendus. La plus-value qu'en tirent les propriétés privées autorise donc l'Algérie à demander aux propriétaires intéressés le paiement d'une indemnité. La loi du 18 mars 1942, qui a pour objet la mise en valeur des terres irriguées et des terres améliorées grâce à des travaux de défense, apporte, dans ce domaine, une innovation. Elle stipule, en effet, que l'Algérie est en droit d'exiger cette indemnité de plus-value, non en espèces, mais en nature, c'est-à-dire en terres. Bien entendu, les petites propriétés familiales, ainsi que celles déjà exploitées antérieurement, ne seraient pas amputables, leurs possesseurs ayant la faculté de s'acquitter en espèces.

Ce texte présente toutefois des imperfections. Elles tiennent au fait qu'il avait été établi en fonction d'une situation qui, depuis, a été dépassée par l'évolution politique et sociale. Aussi la révision de cette loi est-elle à l'étude ; si les modifications prévues concernent les modalités d'application, elles ne toucheront pas aux principes essentiels de la loi : donner un nouvel essor à l'installation de paysans sur les terres et déterminer ainsi le rendement rapide des périmètres irrigués.

Grâce aux terrains ainsi récupérés, l'Algérie entrera dans une étape nouvelle de œuvre colonisatrice. De nouvelles formules sont à l'étude, qui doivent favoriser l'installation des colons.

La législation ancienne (décrets de 1904 à 1924) était basée sur l'accession immédiate des colons à la propriété de leur lot. Bénéficiant déjà de délais de paiement, ils pouvaient, en outre, se procurer les fonds nécessaires à leur exploitation en faisant appel au Crédit agricole gagé sur la valeur du fonds. Cette formule s'est soldée par de nombreux mécomptes dus essentiellement à l'insuffisance de capacités techniques dont ont fait preuve de nombreux colons pour avoir ignoré les conditions de la culture en Algérie.

A la lumière de l'expérience, il semble préférable de choisir les candidats colons dans les milieux ruraux et de ne les ériger en propriétaires que lorsqu'ils ont acquis les aptitudes requises pour faire prospérer leur terre tout en remboursant à la collectivité la valeur de leurs fonds. D'où la nécessité, pour le Service de la Colonisation, d'aménager lui-même la propriété sur laquelle le colon fera son apprentissage et son stage d'essai, avant de pouvoir recevoir ses titres de propriété.

Le retard apporté à la réalisation de cette oeuvre est imputable aux circonstances de guerre qui ont rendu impossibles le choix et l'installation de nouveaux colons. L'Administration profite de ce délai pour mettre au point les modalités d'application.

Il s'ensuivra un peuplement qui sera à même de mieux utiliser les ressources du pays, et de cette amélioration bénéficieront au premier chef ces populations elles-mêmes, quelle qu'en soit l'origine.

L'eau potable

L'activité du Service de la Colonisation et de l'Hydraulique ne se borne pas d'ailleurs à l'amélioration du régime des eaux et à l'installation de colons ; elle prend en outre à tâche d'alimenter en eau potable les agglomérations rurales et urbaines.

Avant la constitution du Service, les communes seules étaient chargées de résoudre les difficiles problèmes posés par le captage et l'adduction des eaux potables Charge lourde et qui s'aggravait de l'insuffisance des moyens techniques dont elles disposaient Pour remédier à cet état de choses, on a décidé que les ingénieurs du Service Hydraulique prêteraient leurs concours aux municipalités pour la construction des ouvrages, hormis toutefois leur exploitation et leur entretien La création, au sein du Service, d'une équipe spécialisée de géologues permet désormais d'adapter aux cas particuliers les techniques modernes les plus appropriées

Notons que l'approvisionnement en eau potable se fait des trois manières suivantes :
     1° Captage méthodique des sources et adduction des eaux au centre par des conduites. Cette technique, la plus répandue, à l'inconvénient de nécessiter des travaux coûteux d'amenée lorsque, comme dans la plupart des cas, la source est assez éloignée de l'agglomération ;
     2° Pompage des nappes souterraines. Cette solution est adoptée de plus en plus fréquemment pour l'alimentation des grandes villes ;
     3° Utilisation de l'eau des barrages, dont les réserves considérables peuvent être partiellement utilisées, à condition de les faire passer, au préalable, par une station de filtrage et de les soumettre aux procédés habituels de stérilisation. Procédé adopté pour la ville d'Oran, partiellement encore tributaire du barrage des Béni-Bandel.

Une solution analogue s'imposera à la ville d'Alger. En effet, si un certain nombre d'années encore les eaux souterraines de la Mitidja peuvent lui suffire, il lui faudra, avant quinze ans, recourir à celles de l'Oued Isser, régularisées par un important barrage-réservoir.

Certes, l'approvisionnement en eau des grandes agglomérations algériennes laisse assez à désirer, le Service n'ayant encore pu complètement regagner le retard devant lequel il s'est trouvé lors de sa création. La guerre, de son côté, n'a pas manqué de ralentir l'exécution de programmes dont la réalisation demeure subordonnée à la mise en œuvre de moyens techniques considérables. Mais l'Administration, soyons-en certains, ne négligera rien pour améliorer l'alimentation en eaux des populations rurales et urbaines.

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L'HYDRAULIQUE DANS LES TERRITOIRES DU SUD

Un exposé sur l'amélioration du régime des eaux serait incomplet s'il se bornait aux réalisations dans les Territoires du Nord de l'Algérie, sans mentionner ce qui est entrepris dans les Territoires du Sud.

Le développement agricole des hautes plaines intérieures de l'Atlas Saharien et de la bande Nord du Sahara est essentiellement subordonné aux quantités d'eau disponibles dans ces régions et à leur répartition rationnelle.

Les ressources en eau de ces territoires ont une double origine : il y a, d'une part, les eaux superficielles, provenant des cours d'eau formés par le ruissellement sur le flanc sud de l'Atlas Saharien proprement dit, de l'Aurès et des Nementcha ; et, d'autre part, les eaux souterraines, emmagasinées dans les nappes phréatiques et captives, qui, dans certaines régions, sont parfois artésiennes.

Pour pouvoir utiliser les unes, la construction de barrages - réservoirs est nécessaire ; quant aux autres, elles sont rassemblées moyennant le captage systématique des sources naturelles, ce qui exige le forage et l'équipement de puits, dont la gamme va des plus rudimentaires aux plus perfectionnés.

Ces eaux,qu'elles soient superficielles ou souterraines, continueront à être utilisées tout ensemble pour l'irrigation dont dépend le développement des cultures, et pour la création de points d'eau destinés à l'alimentation des troupeaux.

L'irrigation et les cultures

Parmi les cultures dont l'irrigation favorise le développement, signalons plus particulièrement les céréales et les dattes.
La culture des céréales par épandage se pratique de longue date chez les populations nomades ou semi-nomades. Une aide technique, somme toute assez simple, paraît susceptible de l'étendre davantage. Un premier essai vient, malgré la difficulté des temps, d'être tenté avec succès dans la région de Laghouat (1 Barrage d'épandage de crues d'Al-Fatah.).

Il n'est pas interdit de penser que l'on pourrait de la sorte cultiver chaque année au moins 50.000 hectares, peut-être le double, avec un rendement moyen atteignant 15 quintaux à l'hectare environ.

La culture de la datte pose un double problème, selon qu'il s'agit de la datte d'exportation ou de consommation locale. Actuellement, la culture de la première est à peu près exclusivement l'apanage de l'Oued R'hir et du Souf. Il n'est pas du tout évident qu'il en puisse être autrement à l'avenir. Mais, sous cette réserve, le palmier-dattier est d'une utilité incontestable, autant par la riche nourriture qu'il procure que par l'abri qu'il offre à toutes sortes de cultures arbustives ou maraîchères.

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L'important programme qui a pour objet d'utiliser au mieux les eaux d'irrigation, comporte un triple aspect :
     1° Irrigation par épandage (barrage de dérivation et grandes séguias) ;
     2° Régularisation des oueds par barrages-réservoirs. Notons à ce propos que le seul cas sérieusement étudié jusqu'ici est celui de l'Oued-el-Abiod (Aurès) qui a donné lieu au projet de barrage de Foum-el-Gherza, dont la construction sera entreprise en première urgence dès que les circonstances le permettront. Il est vraisemblable qu'on pourra régulariser de la même façon plusieurs autres cours d'eau du versant sud de l'Atlas Saharien : l'Oued Seggeur, l'Oued Namous, le Haut M'zi, peut-être le Guir dans la région de Djorf Torba ;
     3° Utilisation des nappes souterraines. La nature et la dispersion des travaux dont dépendra l'exploitation de ces eaux, exigeront l'électrification complète des Zibans et de l'Oued R'hir. Le problème est d'ores et déjà à l'étude en collaboration avec le Service de l'Electricité.

Outre ces travaux, destinés à assurer la sécurité aux oasis et à régénérer des palmeraies dépérissantes, il y a, au Nord de la région de Tolga, d'heureuses perspectives pour le développement de cultures diverses, à la faveur d'une nappe phréatique susceptible d'être captée. Il n'est pas douteux qu'on pourrait faire prospérer cette région par la plantation d'arbres fruitiers de toute sorte, ainsi que par la culture de légumes en primeurs, de coton, etc...

L'aménagement du pâturage

L'élevage, et particulièrement l'élevage ovin, restera une importante source d'activité pour les populations des Territoires du Sud. Le problème fondamental est d'y utiliser à plein rendement tous les pâturages naturels, en dotant la région de tous les points d'eau possibles, et en créant des abris là où sévit un froid dangereux. Ce dont il s'agit, en effet, c'est de faire vivre en toute sécurité, dans les Territoires du Sud, un troupeau de quelque millions de têtes, et d'en améliorer la qualité.

Sur l'immense zone où l'élevage du mouton est possible (soit une superficie de 500 à 600 km de long sur 100 à 200 km de large), il y aura lieu, en outre, de créer, d'aménager et d'entretenir environ trois cents point d'eau, abondants et bien équipés.

Les résultats de ces travaux seront considérables. Tout semble indiquer, en effet, que l'Atlas Saharien ou le pré-Sahara pourraient nourrir dans de bonnes conditions environ 100.000 familles, si la culture des céréales y était rationnellement combinée avec l'élevage. Quand on sait comment, dans des conditions, il est vrai plus que précaires, une population nombreuse réussit à subsister dans ces contrées en vivant d'un élevage et de cultures encore rudimentaires, on peut estimer que ce sont 70.000 familles de plus qu'y pourront faire vivre, dans des conditions améliorées, les installations et aménagements prévus. Les travaux projetés, qui ont retenu tout particulièrement l'attention de M. Yves Chataigneau, Ministre Plénipotentiaire, Gouverneur Général de l'Algérie, comportent donc une incidence humaine qui est loin d'être négligeable.

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Lorsque l'Algérie aura réalisé ce magnifique programme et que ses populations se seront adaptées aux conditions nouvelles de l'agriculture résultant des aménagements du régime des eaux, sa physionomie se transformera. Les plaines littorales et sublittorales se couvriront de jardins maraîchers et de riants vergers. Les Hauts-Plateaux eux-mêmes verront leur monotonie rompue par des taches de verdure s'étendant peu à peu. Les troupeaux algériens, dont le nombre ne cessera de croître, seront élevés avec moins d'aléas. Quant à l'approvisionnement en céréales des populations du Sud, il sera largement assuré. Enfin, des palmeraies modernes et à grand rendement se développeront dans des oasis régénérées ou créées de toutes pièces, grâce à des puits nouveaux dans des zones aujourd'hui complètement désertées.