L'usine hydro-électrique
du Hamiz
Le 14 mai 1946, M. Yves Chataigneau, Gouverneur Général
de l'Algérie, inaugurait l'usine hydroélectrique construite
au pied du barrage du Hamiz.
En mettant en marche les deux groupes de turboalternateurs, le Gouverneur
Général a souligné que cette inauguration marquait
une date dans l'industrialisation de l'Algérie. C'est en effet
l'une des premières réalisations du plan qui prévoit
un double usage des importants barrages installés dans les trois
départements algériens.
En 1938, sept centrales à vapeur fournissaient à l'Algérie
288 millions de kwh. Sur ce total, les quelques centrales hydrauliques,
non régularisées et au fil de l'eau, ne produisaient en
moyenne que 50 millions de kwh.
SITUATION ACTUELLE DES
TRAVAUX
Afin de hâter l'exploitation des ressources
hydro-électriques de l'Algérie, l'équipement des
usines plantées au pied des barrages d'irrigation fut d'abord décidé.
Leurs noms sont aujourd'hui familiers dans le pays et tout le monde connaît
les barrages, déjà complétés d'usines ou qui
le seront prochainement, du Ghrib, de l'Oued-Fodda, de Bakhadda, de Bou-Hanifia,
de Beni-Bandel, du Hamiz, du Ksob et des Zardezas. Des établissements
similaires, déjà en construction ou encore en projet, situés
sur les réseaux d'irrigation ou sur des cours d'eau non régularisés,
viendront accroître, les années prochaines, le potentiel
économique de l'Algérie. Il s'agit respectivement de ceux
de Perrégaux, Boghni-Aval, Michelet, Maillot-Aval, Chabet-Salad
et Aïn-Témouchent.
L'ensemble de ces usines mettra à la disposition de la colonie
16 millions de kwh. hydrauliques par an.
Parmi les gros ouvrages de la nouvelle tranche de travaux d'après-guerre,
les plus importants sont ceux de l'aménagement de l'Oued-Agrioun,
près de Kerrata,
et ceux de l'Oued-Djendjen, près de ZiamaMansouria. En voici les
particularités :
Chute de l'Oued Agrioun
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Chute de l'Oued D jendjen
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Hauteur brute de chute : 380 m
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Hauteur brute de chute : 670 m
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Puissance en kwh. : 60.000
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Puissance en kwh : 60.000
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Production annuelle : 110.000 kwh.
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Production annuelle : 140.000 kwh.
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Reliés à Alger et à
Constantine par des lignes à 150.000 volts, ces ouvrages auront
permis d'établir la grande artère transversale à
haute tension dont l'absence s'est avérée, au cours des
dernières années, si préjudiciable à l'Algérie.
Parallèlement à cet équipement, les travaux d'électrification
rurale actuellement en cours mettront la force motrice à la disposition
des villages et des fermes.
Le tableau ci-après montre l'état actuel des réalisations
prévues dans le vaste programme du rééquipement hydro-électrique
:
La construction de ,l'ensemble de ces usines
portera, vers 1950, à environ 750 millions de kW/h la production
algérienne d'électricité, fournie pour 60 % environ
par l'énergie hydraulique et pour 1/3 par l'énergie thermique,
provenant de trois centrales sélectionnées.
L'USINE HYDROÉLECTRIQUE
DU HAMIZ
L'édification de cette usine, au pied
du barrage du Hamiz, en tête du réseau d'irrigation, fait
partie du programme qui vient d'être esquissé. Elle fonctionne
comme un ouvrage de rupture de charge entre le barrage et le réseau
des conduites d'irrigation.
LE BARRAGE DU HAMIZ.
Barrage-poids en maçonnerie, il fut édifié en 1879,
à 5 km. au Sud du village du Fondouk,
pour irriguer la zone Sud-est de la Mitidja.
Son profil étant insuffisant, l'expérience malheureuse du
barrage de Perrégaux a montré l'impérieuse nécessité
de le renforcer. Il a donc été surélevé de
7 mètres de manière à augmenter, tout en renforçant
son profil, sa capacité et à développer son réseau
d'irrigations.
Ces travaux de renforcement furent effectués en 1934 et 1936 sous
la forme d'un élargissement en béton à l'amont du
massif ancien en maçonnerie, élargissement qui avait l'avantage
d'assurer plus sûrement que par l'aval la solidarité des
anciennes et nouvelles maçonneries. Leur exécution n'alla
pas toutefois sans de sérieuses difficultés, en raison de
la nécessité absolue de ne pas interrompre les irrigations,
ce qui ne permit de procéder aux travaux qu'entre le 15 octobre
et le 15 février, période de vidange du barrage. Après
les préparatifs entrepris durant l'hiver 1933-1934, les fondations
et la mise en uvre des 50.000 m3 du nouveau massif furent menées
à bien grâce à de belles installations de bétonnage,
au cours de l'hiver 1934-1935. Mais, comme il fallut commencer le remplissage
avant l'achèvement du massif, ce fut une véritable course
de vitesse entre la montée des bétons et le niveau de l'eau.
Le déversoir ancien ayant été ruiné par un
éboulement de la montagne, il a fallu en refaire un autre en puits
et galerie, d'un débit de 650 m3 à la seconde.
Dans son état actuel, le barrage, haut de 45 mètres, a une
capacité de 23 millions de m3. Grâce à des conduites
forcées empêchant toutes pertes et tous gaspillages, elle
est suffisante pour irriguer effectivement environ 16.000 hectares, depuis
Rivet jusqu'à Reghaïa
et le Cap
Matifou, dans un périmètre classé de 18.000
hectares.
PRÉCISONS D'ORDRE TECHNIQUE
La chute brute dont on dispose actuellement pour alimenter l'usine varie
entre 41 et 16 mètres.
L'exploitation de l'usine est fonction des besoins de l'irrigation, le
débit étant réglé d'après les demandes
des irriguants. En dehors des périodes d'arrosage, elle est occupée
à turbiner les eaux excédentaires.
Reliée au réseau distributeur d'énergie électrique
à haute tension de la " Société Algérienne
d'Éclairage et de Force ", elle est équipée
de deux groupes turbo - alternateurs, dont chaque turbine développe
1.190 CV. La puissance apparente de chacun des alternateurs est de 1.350
kwh.
La production annuelle de l'usine sera en moyenne de 2.500.000 kwh., sous
une puissance maxima de 1.650 kwh ; elle atteindra après une nouvelle
surélévation du barrage, une moyenne de 3.500.000 kwh.
Produite pendant l'été, l'énergie de cette usine
constitue un appoint d'autant plus précieux, qu'au cours de la
même saison le rendement des usines de Kabylie, qui fonctionnent
au fil de l'eau, va en décroissant jusqu'à devenir nul à
partir de septembre. C'est autant d'énergie en moins à demander
aux usines thermiques d'Alger, et l'économie annuelle ainsi réalisée
sera de 1.800 tonnes de charbon environ.
Autre avantage. L'usine a été aménagée de
manière à marcher automatiquement, ce qui permet de réduire
à un seul le nombre des agents d'exploitation. D'où une
économie appréciable de main- uvre.
Notons à ce propos que les petites usines hydro-électriques
sont bien plus onéreuses que les grandes : leur prix de construction
est supérieur, puisque la surface couverte n'est pas à proportion
de la puissance et que tous les relais, les instruments de sécurité
et de mesure sont quasi indépendants de la puissance des machines
; d'autre part, les charges de personnel s'augmentent des capitaux investis
dans des maisons d'habitation.
FONCTIONNEMENT AUTOMATIQUE.
Comment fonctionne
cet automatisme ? La commande peut s'exercer de deux façons
:
---- 1° Au fil des irrigations, c'est-à-dire en turbinant sans
arrêté la quantité d'eau qui est strictement nécessaire
pour les irrigations. Dans cette marche, les groupes sont asservis à
des flotteurs installés dans la chambre de restitution.
---- 2° En marche prédéterminée. Le tableau de
la Centrale comporte à cet effet un programmètre sur lequel
s'inscrivent à l'avance les puissances que l'on désire atteindre
aux différentes heures de la journée, le réglage
de ces puissances se faisant d'une manière automatique suivant
l'horaire du programme. Ce type de marche est adopté quand il y
a excès d'eau, soit pendant les irrigations (et, dans ce cas, le
débit lâché est toujours supérieur au débit
nécessaire), soit lors de leur arrêt.
L'automatisme de la Centrale est poussé au point qu'il suffit d'appuyer
sur un seul bouton pour mettre en marche toute l'usine. Si des incidents
surviennent, les manuvres de correction correspondantes se déclenchent
d'elles-mêmes.
A u cas où le disjoncteur reliant les barres au réseau vient
à rompre le contact, il réenclenche trois fois de suite,
et, au troisième insuccès, reste ouvert. Les autres incidents
provoquent soit la marche à vide de la Centrale, soit son blocage
à l'arrêt. Automatiquement, chaque perturbation déclenche
un puissant signal sonore, accompagné d'un signal lumineux sur
le tableau principal de l'usine, ainsi que sur deux autres tableaux simplifiés
dont l'un est placé dans le bureau du surveillant et l'autre dans
son appartement.
Le montage d'une telle commande automatique est long et exige un réglage
minutieux. Celui de la Centrale du Hamiz ne pourra être achevé,
étant donné les difficultés actuelles d'approvisionnement
et de transport, avant le mois de juillet prochain.
Afin de ne pas perdre l'eau de la campagne d'irrigation de 1946, il a
été décidé de mettre dès maintenant
en service, avec une commande provisoire manuelle, le premier groupe des
turboalternateurs dont le montage vient d'être terminé.
C'est ce groupe que M. Yves Chataigneau, Gouverneur Général
de l'Algérie, a, lors de la récente inauguration de l'usine
du Hamiz, mis en marche et couplé sur le réseau.
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