Les échanges
commerciaux en Algérie au début de 1946
L'économie algérienne, bouleversée
par six années de guerre, est en voie d'amélioration depuis
la fin des hostilités, et un pas vers le retour aux échanges
du temps de paix vient d'être réalisé par la reprise
des relations commerciales avec la Suisse, la Suède, l'Union Belgo-Luxembourgeoise,
la Tchécoslovaquie, la Finlande, l'Italie et par le nouveau régime
des échanges avec les pays alliés qui, tout en maintenant
sous le contrôle d'organismes interalliés les principales
sources d'approvisionnement, fait une large place à l'initiative
privée.
MOYENS DE TRANSMISSIONS P.T.T.
La vie économique ne peut reprendre activement sans le concours
des P.T.T. L'Administration des Postes a réalisé un effort
appréciable, tant au point de vue du courrier postal que des services
télégraphique et téléphoniques. Afin de parer
au manque de liaisons maritimes régulières et aux lenteurs
des liaisons ferroviaires, le transport par avion, sans surtaxe, du courrier
ordinaire pour la France, le Maroc et la Tunisie a été organisé
; 800 kg de lettres environ sont acheminées journellement par cette
voie.
Depuis le début de 1946, des services aériens intérieurs
assurent également, dans les mêmes conditions, le transport
du courrier entre les principaux centres des trois départements.
Le service des colis postaux pour la France qui fonctionne à nouveau
depuis le début de 1945, permet actuellement les expéditions
de colis familiaux jusqu'à concurrence de 2 kg.
L'amélioration des services téléphoniques et surtout
télégraphiques, malgré la longueur des délais
de transmission ou d'attente est très sensible. La liaison radiotéléphonique
France-Algérie, bien que soumise à certaines restrictions,
a été rétablie. Toutefois, la pénurie de matériel
en la matière n'a pas permis de faire face à l'importance
des moyens à mettre en uvre pour obtenir des réalisations
définitives. Les améliorations apportées aux services
téléphoniques en particulier, ont le caractère provisoire
des réalisations rapides. En ce qui concerne particulièrement
les relations télégraphiques avec la France, trois câbles
sous-marins sur sept ont pu être rétablis à ce jour.
Un programme de grands travaux prévu et réalisable dans
de nombreux mois permettra seul de revenir à une exploitation normale
des moyens de transmission.
PORTS MARITIMES ALGÉRIENS.
(Note du site : voir "les
ports maritimes algériens sur ce site.)
Points de départ des relations avec l'extérieur, les ports
algériens, dont le trafic avait décru vers la fin de l'année
1944, reprennent une activité appréciable.
Un certain nombre de bateaux sabordés, en réparation,ou
incorporés jusqu'ici dans le pool allié ont repris successivement
leur place dans la flotte algérienne. Toutefois, le ralentissement
des opérations d'acconage, dû au manque de matériel
et aux réglementations en vigueur, diminue sensiblement la rotation
des navires. L'appareillage mécanique des ports est nettement insuffisant
pour des périodes d'exploitation intensive (expérience des
années 1943-1944).
Un seul dock-silos, celui d'Oran, a été installé
en Algérie et fonctionne en ce moment. Toutefois, dans les conditions
actuelles,- l'importance du trafic étant nettement inférieure
à celle de 1939, les lacunes de l'appareillage mécanique,
malgré l'usure ou les destructions, sont moins sensibles que le
manque de futailles ou de sacherie et de moyens de bâchage. L'ensachement
dans les cales des céréales d'importation livrées
en vrac est souvent impossible et le manque de fûts empêche
le transfert rapide en France des stocks de vins existant en Algérie.
D'autre part, le personnel docker qualifié a souvent abandonné
la profession par la suite du ralentissement du trafic et l'inexpérience
de la main-d'uvre employée se fait sensiblement sentir.
Malgré toutes ces difficultés, la cadence moyenne journalière
de déchargement atteint jusqu'à 2.000 tonnes et pourra être
dépassée même dans les ports secondaires dépourvus
d'outillage mécanique de manutention.
Les travaux portuaires de 1945 ont été limités à
l'entretien et au renforcement des ouvrages de défense.
Afin d'améliorer la situation, un programme concernant l'appareillage
mécanique des ports algériens est établi et sera
réalisé progressivement dans la limite des contingents de
matières et de devises mises à la disposition de l'Algérie.
La flotte de caboteurs, de 10 unités totalisant 10.000 tonnes,
fournit aux transports intérieurs un appoint appréciable,
malgré l'immobilisation fréquente de ces petits navires
par suite de l'usure du matériel.
LES TRANSPORTS.
Le réseau routier algérien, mis à rude épreuve
depuis novembre 1942, commence à être, remis en état.
Les faibles importations de bitume et surtout la pénurie de main-d'uvre
et la quasi impossibilité de renouvellement ou de réparations
d'un matériel épuisé rendent cette restauration extrêmement
difficile. Cependant, les réparations indispensables pour éviter
la désagrégation des sections les plus parcourues ont pu
être effectuées et certains travaux neufs poursuivis (section
d'El-Affroun à Afferville, par Bou-Medfa).
Afin de permettre, dans les années ê venir, l'exécution
de grands travaux, les services techniques intéressés se
préoccupent d'importer le matériel mécanique à
grand rendement qui aura le double avantage de permettre une exécution
rapide à un prix de revient plus bas.
La crise qui atteint les transports routiers ne se dénoue qu'avec
une extrême lenteur. Les contingents de véhicules affectés
à l'Algérie, soit par la Métropole, soit par les
États-Unis, suffisent à peine à remplacer ceux qui
sont progressivement hors d'usage, et, à l'heure actuelle, un grand
nombre de véhicules, surtout des gros porteurs, ne peuvent rouler
faute de pneus. Un programme approuvé d'importations pneumatiques
laisse pourtant espérer une amélioration prochaine de la
situation des voitures utilitaires.
Les contingents d'essence sont à peu près stationnaires
et insuffisants. La situation est meilleure pour le gas-oil, mais cela
provient surtout de l'immobilisation pour cause d'usure, d'une grande
partie de véhicules utilisant ce carburant.
La situation des chemins de fer, rendue critique par l'épuisement
du matériel, et le transport des importations massives de céréales,
ne s'améliorent que lentement. Quelques wagons neufs seulement
ont pu être amenés de France. Le programme de renouvellement
du matériel actuellement mis en route ne pouvant être sensible
avant l'an prochain, tous les transports qui ne sont pas essentiels pour
l'économie du pays ont dû être à nouveau interrompus
ou fortement ralentis.
LE COMMERCE EXTÉRIEUR ET INTÉRIEUR.
Une amélioration sensible des échanges extérieurs
de l'Algérie s'est fait sentir depuis la fin des hostilités.
Les relations commerciales ont été renouées avec
différents pays. Toutefois, le taux élevé des importations
ne correspond pas aux faibles exportations qui ont pu être réalisées.
Les importations algériennes pour 1945 ont été effectuées
à un rythme accéléré depuis la fin des hostilités.
L'Amérique a livré à l'Algérie 33.000.000
de dollars de produits divers et notamment 682.000 tonnes de charbon et
400.000 tonnes de produits pétrolifères, ainsi que 51.500.000
dollars de blé représentant la valeurs de 493.000 tonnes.
Les envois de lait condensé et de sucre ont été ralentis
en fin d'année et 50 % seulement des commandes de lait condensé
passées au titre du deuxième semestre 1945 ont été
honorées.
Ces dépenses, s'élevant à 6 milliards
de francs depuis le ter janvier 1945, ont été intégralement
couvertes par l'Algérie.
Des programmes d'achat en Suisse pour plus de 5 millions de francs suisses,
en Suède pour plus de 2 millions de couronnes, ont été
établis. Le programme suisse a été entièrement
exécuté, le programme suédois est en cours de réalisation.
230.000 quintaux d'orge de Turquie, d'Irak, de Syrie et de Lybie, ainsi
que 93.000 quintaux de légumes secs de Syrie et des caroubes de
Chypre ont été importés.
Les importations de textiles pour 1945 ont doublé le chiffre atteint
l'année précédente avec l'apport de 21 millions de
mètres de tissus. D'autre part, 80 millions de mètres de
tissus et articles vestimentaires sont en cours de fabrication dans la
Métropole à l'intention de l'Algérie.
Pour compléter et améliorer la production locale, 312.000
paires de chaussures, des cuirs à semelles et des semences de cordonnerie
ont été achetés à l'étranger.
Les fournitures de sucre sont actuellement en grande partie assurées
par nos colonies et les produits bruts ainsi reçus sont directement
livrés à la consommation, l'Algérie ne disposant
d'aucune usine de raffinage.
En ce qui concerne les corps gras, la totalité de la production
d'huile de l'Afrique Occidentale Française est réservée
depuis trois mois à l'Afrique du Nord et des importations de beurre
de " karité " et de margarine métropolitaine sont
en cours.
Les importations de café en voie d'accroissement ont permis une
augmentation de la ration mensuelle des consommateurs.
Les exportations de l'Algérie pour 1945 sont loin d'équilibrer
ses importations, malgré les efforts fournis.
Les prix très élevés des produits locaux comparés
aux cours mondiaux constituaient le principal obstacle à la reprise
d'un commerce d'exportation. Depuis l'alignement monétaires du
26 décembre dernier, les exportations algériennes ont considérablement
augmenté. Alors que, avant la dévaluation, l'Algérie
ne pouvait guère exporter que des vins sur la Suisse et des minerais
sur les pays alliés, en accordant son aide financière aux
exportateurs, elle peut vendre, depuis le début de 1946, à
des prix très rémunérateurs, tous les produits du
sol qui constituent la base de son commerce d'exportation. Ainsi a-t-elle
pu recommencer à livrer des lièges aux États-Unis,
en Belgique, en Tchécoslovaquie, des alfas en Grande-Bretagne,
du crin végétal en Suisse et au Moyen-Orient. Les exportations
de vin o sur la Suisse continuent à occuper une part importante
des échanges franco-helvétiques.
Les envois vers la Métropole au cours de l'année 1945, variés
et nombreux, totalisent environ 150.000 tonnes dont 50.000 tonnes de minerais
et phosphates, 5.000 tonnes d'alfa, 3.000 tonnes de liège, 1.500
tonnes de cuirs bruts et laines, 3.000 tonnes de dattes et 100 tonnes
de figues sèches. Le contingent d'exportation de 15.000 tonnes
d'agrumes prévu a été dépassé de plus
de 4.000 tonnes au cours de la campagne 1945-1946. Le transport de stocks
importants de vins s'est heurté à de nombreuses difficultés
dues au manque de fret, mais se réalise à une cadence progressive.
500.000 hectolitres avaient été chargés à
la fin octobre et la cadence mensuelle moyenne tend à atteindre
actuellement 700.000 hectolitres.
Sur le plan intérieur, les élections générales
aux chambres de commerce sont en préparation et un projet de décret
selon l'esprit de l'ordonnance du 7 mars 1944, prévoyant une augmentation
de la représentation des Française Musulmans, auquel il
fera place dans les bureaux de chaque chambre, sera soumis au Pouvoir
central.
DÉVELOPPEMENT DU TOURISME.
Un effort est entrepris pour donner au tourisme et aux stations thermales
d'Algérie l'essor qu'ils méritent. Les circonstances particulières
nées de la guerre ont permis à nos Alliés et à
de nombreux métropolitains de découvrir et d'apprécier
nos sites et nos paysages. En doublant, pour l'année 1946, tous
les crédits et, en particulier, ceux accordés à 1'O.F.A.L.A.C.
pour l'exercice 1945, l'Algérie apporte un encouragement substantiel
à toutes les initiatives des collectivités ou individus,
tant en faveur de l'hôtellerie que des transports.
La situation commerciale actuelle de l'Algérie si on la compare
à celle des dernières années, marque un retour sensible
à l'économie du temps de paix. La tendance générale
de la politique commerciale est d'ailleurs de rétablir les échanges
privés dans la mesure où s'atténuent les difficultés
engendrées par la guerre, et l'octroi des licences d'importation
ou d'exportation correspondantes est en cours. Si, pour le moment, les
importations massives ne correspondent pas aux exportations possibles,
le plan d'industrialisation de l'Algérie actuellement en réalisation,
permet d'espérer un redressement appréciable de la situation
vers la fin de l'année 1946.
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