Alger, Algérie : documents algériens
Série économique

Les échanges commerciaux en Algérie au début de 1946

mise sur site le 7-1-2011
* Document n° 8 de la série : Économique - Paru le 10 avril b1946 - Rubrique COMMERCE

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Les échanges commerciaux en Algérie au début de 1946

L'économie algérienne, bouleversée par six années de guerre, est en voie d'amélioration depuis la fin des hostilités, et un pas vers le retour aux échanges du temps de paix vient d'être réalisé par la reprise des relations commerciales avec la Suisse, la Suède, l'Union Belgo-Luxembourgeoise, la Tchécoslovaquie, la Finlande, l'Italie et par le nouveau régime des échanges avec les pays alliés qui, tout en maintenant sous le contrôle d'organismes interalliés les principales sources d'approvisionnement, fait une large place à l'initiative privée.

MOYENS DE TRANSMISSIONS P.T.T.

La vie économique ne peut reprendre activement sans le concours des P.T.T. L'Administration des Postes a réalisé un effort appréciable, tant au point de vue du courrier postal que des services télégraphique et téléphoniques. Afin de parer au manque de liaisons maritimes régulières et aux lenteurs des liaisons ferroviaires, le transport par avion, sans surtaxe, du courrier ordinaire pour la France, le Maroc et la Tunisie a été organisé ; 800 kg de lettres environ sont acheminées journellement par cette voie.

Depuis le début de 1946, des services aériens intérieurs assurent également, dans les mêmes conditions, le transport du courrier entre les principaux centres des trois départements.

Le service des colis postaux pour la France qui fonctionne à nouveau depuis le début de 1945, permet actuellement les expéditions de colis familiaux jusqu'à concurrence de 2 kg.

L'amélioration des services téléphoniques et surtout télégraphiques, malgré la longueur des délais de transmission ou d'attente est très sensible. La liaison radiotéléphonique France-Algérie, bien que soumise à certaines restrictions, a été rétablie. Toutefois, la pénurie de matériel en la matière n'a pas permis de faire face à l'importance des moyens à mettre en œuvre pour obtenir des réalisations définitives. Les améliorations apportées aux services téléphoniques en particulier, ont le caractère provisoire des réalisations rapides. En ce qui concerne particulièrement les relations télégraphiques avec la France, trois câbles sous-marins sur sept ont pu être rétablis à ce jour. Un programme de grands travaux prévu et réalisable dans de nombreux mois permettra seul de revenir à une exploitation normale des moyens de transmission.

PORTS MARITIMES ALGÉRIENS. (Note du site : voir "les ports maritimes algériens sur ce site.)

Points de départ des relations avec l'extérieur, les ports algériens, dont le trafic avait décru vers la fin de l'année 1944, reprennent une activité appréciable.

Un certain nombre de bateaux sabordés, en réparation,ou incorporés jusqu'ici dans le pool allié ont repris successivement leur place dans la flotte algérienne. Toutefois, le ralentissement des opérations d'acconage, dû au manque de matériel et aux réglementations en vigueur, diminue sensiblement la rotation des navires. L'appareillage mécanique des ports est nettement insuffisant pour des périodes d'exploitation intensive (expérience des années 1943-1944).

Un seul dock-silos, celui d'Oran, a été installé en Algérie et fonctionne en ce moment. Toutefois, dans les conditions actuelles,- l'importance du trafic étant nettement inférieure à celle de 1939, les lacunes de l'appareillage mécanique, malgré l'usure ou les destructions, sont moins sensibles que le manque de futailles ou de sacherie et de moyens de bâchage. L'ensachement dans les cales des céréales d'importation livrées en vrac est souvent impossible et le manque de fûts empêche le transfert rapide en France des stocks de vins existant en Algérie.

D'autre part, le personnel docker qualifié a souvent abandonné la profession par la suite du ralentissement du trafic et l'inexpérience de la main-d'œuvre employée se fait sensiblement sentir.

Malgré toutes ces difficultés, la cadence moyenne journalière de déchargement atteint jusqu'à 2.000 tonnes et pourra être dépassée même dans les ports secondaires dépourvus d'outillage mécanique de manutention.

Les travaux portuaires de 1945 ont été limités à l'entretien et au renforcement des ouvrages de défense.

Afin d'améliorer la situation, un programme concernant l'appareillage mécanique des ports algériens est établi et sera réalisé progressivement dans la limite des contingents de matières et de devises mises à la disposition de l'Algérie.

La flotte de caboteurs, de 10 unités totalisant 10.000 tonnes, fournit aux transports intérieurs un appoint appréciable, malgré l'immobilisation fréquente de ces petits navires par suite de l'usure du matériel.

LES TRANSPORTS.

Le réseau routier algérien, mis à rude épreuve depuis novembre 1942, commence à être, remis en état.

Les faibles importations de bitume et surtout la pénurie de main-d'œuvre et la quasi impossibilité de renouvellement ou de réparations d'un matériel épuisé rendent cette restauration extrêmement difficile. Cependant, les réparations indispensables pour éviter la désagrégation des sections les plus parcourues ont pu être effectuées et certains travaux neufs poursuivis (section d'El-Affroun à Afferville, par Bou-Medfa).

Afin de permettre, dans les années ê venir, l'exécution de grands travaux, les services techniques intéressés se préoccupent d'importer le matériel mécanique à grand rendement qui aura le double avantage de permettre une exécution rapide à un prix de revient plus bas.

La crise qui atteint les transports routiers ne se dénoue qu'avec une extrême lenteur. Les contingents de véhicules affectés à l'Algérie, soit par la Métropole, soit par les États-Unis, suffisent à peine à remplacer ceux qui sont progressivement hors d'usage, et, à l'heure actuelle, un grand nombre de véhicules, surtout des gros porteurs, ne peuvent rouler faute de pneus. Un programme approuvé d'importations pneumatiques laisse pourtant espérer une amélioration prochaine de la situation des voitures utilitaires.

Les contingents d'essence sont à peu près stationnaires et insuffisants. La situation est meilleure pour le gas-oil, mais cela provient surtout de l'immobilisation pour cause d'usure, d'une grande partie de véhicules utilisant ce carburant.

La situation des chemins de fer, rendue critique par l'épuisement du matériel, et le transport des importations massives de céréales, ne s'améliorent que lentement. Quelques wagons neufs seulement ont pu être amenés de France. Le programme de renouvellement du matériel actuellement mis en route ne pouvant être sensible avant l'an prochain, tous les transports qui ne sont pas essentiels pour l'économie du pays ont dû être à nouveau interrompus ou fortement ralentis.

LE COMMERCE EXTÉRIEUR ET INTÉRIEUR.

Une amélioration sensible des échanges extérieurs de l'Algérie s'est fait sentir depuis la fin des hostilités. Les relations commerciales ont été renouées avec différents pays. Toutefois, le taux élevé des importations ne correspond pas aux faibles exportations qui ont pu être réalisées.

Les importations algériennes pour 1945 ont été effectuées à un rythme accéléré depuis la fin des hostilités.

L'Amérique a livré à l'Algérie 33.000.000 de dollars de produits divers et notamment 682.000 tonnes de charbon et 400.000 tonnes de produits pétrolifères, ainsi que 51.500.000 dollars de blé représentant la valeurs de 493.000 tonnes. Les envois de lait condensé et de sucre ont été ralentis en fin d'année et 50 % seulement des commandes de lait condensé passées au titre du deuxième semestre 1945 ont été honorées.

Ces dépenses, s'élevant à 6 milliards de francs depuis le ter janvier 1945, ont été intégralement couvertes par l'Algérie.

Des programmes d'achat en Suisse pour plus de 5 millions de francs suisses, en Suède pour plus de 2 millions de couronnes, ont été établis. Le programme suisse a été entièrement exécuté, le programme suédois est en cours de réalisation. 230.000 quintaux d'orge de Turquie, d'Irak, de Syrie et de Lybie, ainsi que 93.000 quintaux de légumes secs de Syrie et des caroubes de Chypre ont été importés.

Les importations de textiles pour 1945 ont doublé le chiffre atteint l'année précédente avec l'apport de 21 millions de mètres de tissus. D'autre part, 80 millions de mètres de tissus et articles vestimentaires sont en cours de fabrication dans la Métropole à l'intention de l'Algérie.

Pour compléter et améliorer la production locale, 312.000 paires de chaussures, des cuirs à semelles et des semences de cordonnerie ont été achetés à l'étranger.

Les fournitures de sucre sont actuellement en grande partie assurées par nos colonies et les produits bruts ainsi reçus sont directement livrés à la consommation, l'Algérie ne disposant d'aucune usine de raffinage.

En ce qui concerne les corps gras, la totalité de la production d'huile de l'Afrique Occidentale Française est réservée depuis trois mois à l'Afrique du Nord et des importations de beurre de " karité " et de margarine métropolitaine sont en cours.

Les importations de café en voie d'accroissement ont permis une augmentation de la ration mensuelle des consommateurs.

Les exportations de l'Algérie pour 1945 sont loin d'équilibrer ses importations, malgré les efforts fournis.

Les prix très élevés des produits locaux comparés aux cours mondiaux constituaient le principal obstacle à la reprise d'un commerce d'exportation. Depuis l'alignement monétaires du 26 décembre dernier, les exportations algériennes ont considérablement augmenté. Alors que, avant la dévaluation, l'Algérie ne pouvait guère exporter que des vins sur la Suisse et des minerais sur les pays alliés, en accordant son aide financière aux exportateurs, elle peut vendre, depuis le début de 1946, à des prix très rémunérateurs, tous les produits du sol qui constituent la base de son commerce d'exportation. Ainsi a-t-elle pu recommencer à livrer des lièges aux États-Unis, en Belgique, en Tchécoslovaquie, des alfas en Grande-Bretagne, du crin végétal en Suisse et au Moyen-Orient. Les exportations de vin o sur la Suisse continuent à occuper une part importante des échanges franco-helvétiques.

Les envois vers la Métropole au cours de l'année 1945, variés et nombreux, totalisent environ 150.000 tonnes dont 50.000 tonnes de minerais et phosphates, 5.000 tonnes d'alfa, 3.000 tonnes de liège, 1.500 tonnes de cuirs bruts et laines, 3.000 tonnes de dattes et 100 tonnes de figues sèches. Le contingent d'exportation de 15.000 tonnes d'agrumes prévu a été dépassé de plus de 4.000 tonnes au cours de la campagne 1945-1946. Le transport de stocks importants de vins s'est heurté à de nombreuses difficultés dues au manque de fret, mais se réalise à une cadence progressive. 500.000 hectolitres avaient été chargés à la fin octobre et la cadence mensuelle moyenne tend à atteindre actuellement 700.000 hectolitres.

Sur le plan intérieur, les élections générales aux chambres de commerce sont en préparation et un projet de décret selon l'esprit de l'ordonnance du 7 mars 1944, prévoyant une augmentation de la représentation des Française Musulmans, auquel il fera place dans les bureaux de chaque chambre, sera soumis au Pouvoir central.

DÉVELOPPEMENT DU TOURISME.

Un effort est entrepris pour donner au tourisme et aux stations thermales d'Algérie l'essor qu'ils méritent. Les circonstances particulières nées de la guerre ont permis à nos Alliés et à de nombreux métropolitains de découvrir et d'apprécier nos sites et nos paysages. En doublant, pour l'année 1946, tous les crédits et, en particulier, ceux accordés à 1'O.F.A.L.A.C. pour l'exercice 1945, l'Algérie apporte un encouragement substantiel à toutes les initiatives des collectivités ou individus, tant en faveur de l'hôtellerie que des transports.

La situation commerciale actuelle de l'Algérie si on la compare à celle des dernières années, marque un retour sensible à l'économie du temps de paix. La tendance générale de la politique commerciale est d'ailleurs de rétablir les échanges privés dans la mesure où s'atténuent les difficultés engendrées par la guerre, et l'octroi des licences d'importation ou d'exportation correspondantes est en cours. Si, pour le moment, les importations massives ne correspondent pas aux exportations possibles, le plan d'industrialisation de l'Algérie actuellement en réalisation, permet d'espérer un redressement appréciable de la situation vers la fin de l'année 1946.