Alger, Algérie : documents algériens
Série économique

Le cadre juridique et le fonctionnement du Budget Algérien

mise sur site le 30 -12-2010
* Document n° 4de la série : Économique - Paru le 1er janvier 1946 - Rubrique BUDGET ALGERIEN

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Le cadre juridique
et le fonctionnement du Budget Algérien

Produit d'une série de textes dont les variations suivent l'élévation politique progressive et l'évolution économique du pays, le régime financier actuel de l'Algérie présente juridiquement un caractère absolument original.

En effet, si par son contenu et sa forme le budget de l'Algérie s'apparente aux budgets de l'État et des départements métropolitains, sa procédure d'établissement et d'exécution présente des caractères particuliers voisins de ceux des budgets coloniaux.

DROIT BUDGÉTAIRE ALGÉRIEN

La dernière modification apportée au régime financier algérien par l'ordonnance du 19 septembre 1945 est essentiellement d'ordre politique puisqu'elle met fin au mandat des Délégations Financières et du Conseil Supérieur du Gouvernement, par la création d'une Assemblée financière issue des conseils généraux. Administrativement cette ordonnance n'apporte aucune modification essentielle au droit budgétaire de l'Algérie et la charte des Franchises Algériennes reste toujours la loi du 19 décembre 1900 commentée par le décret du 16 janvier 1902.

CONTENU DU BUDGET ALGÉRIEN

Le budget de l'Algérie se présente, quant à son contenu, comme un prolongement du budget d'État.

Lorsqu'en 1901 en application de la loi du 19 décembre 1900 le budget de l'Algérie a cessé d'être intégré dans le budget de l'État, il a repris à son compte la quasi totalité des recettes et des dépenses perçues ou exécutées dans la Métropole pour le compte de l'État.

Actuellement, l'Algérie encaisse la totalité des recettes algériennes, la Métropole ne percevant à son profit que les sommes provenant de la vente des monopoles (poudre, tabacs, alcool) de l'aliénation des biens de son domaine ou de reversement de fonds.

En matière de dépenses, l'Algérie a la charge exclusive de la totalité des Services Civils fonctionnant sur son territoire et placés sous l'autorité unique du Gouverneur Général ainsi que des services de la gendarmerie. Les dépenses de l'armée, de la marine et de l'aviation sont restées à la charge de la Métropole en raison de leur caractère de dépenses de souveraineté d'une part et aussi parce que les seules ressources perçues en Algérie, eussent été insuffisantes pour les couvrir. L'Algérie participe cependant à ces charges par le versement d'une " contribution militaire " fixée en, principe à 6 % du montant des recettes ordinaires. ,

Cette contribution qui fut largement augmentée après le débarquement allié pour atteindre 600 millions en 1944 et 1945 vient d'être rétrocédée à l'Algérie par la Métropole afin de doter ainsi le " fonds d'équipement et de réformes musulmanes.".

FORME DU BUDGET ALGÉRIEN


Si le contenu du budget de l'Algérie en fait un budget d'État, sa forme le rapproche essentielles ment des budgets départementaux. Comme dans ceux-ci, on distingue dans le budget deux parties : budget ordinaire, budget extraordinaire.

Ces deux mêmes divisions, ordinaire et extraordinaire se retrouvent dans les budgets annexes destinés à grouper en un document spécial les recettes et les dépenses de services à caractère industriel autant qu'administratif, qu'il a paru utile d'individualiser (postes, services de l'hydraulique, imprimerie officielle).

Le budget ordinaire est divisé en sections correspondant aux grands services administratifs du Gouvernement Général, les sections en chapitres, le chapitre étant l'unité budgétaire qui doit faire l'objet d'un vote distinct. Ce budget alimenté par le produit des impôts et autres revenus annuels comprend l'ensemble des dépenses normales et permanentes de la Colonie ; ses excédents de recettes sont versés dans une caisse de réserve.

Les dépenses de ce budget sont groupées en dépenses obligatoires et dépenses facultatives.

Les dépenses obligatoires
, (dépenses des services civils qui relèvent de l'État, dépenses de la Gendarmerie, traitements des fonctionnaires mis à la disposition de l'Algérie par la Métropole) ne sont obligatoires que dans la limite des crédits alloués au budget précédent. Au cas où l'Assemblée Financière refuserait d'y procéder (le fait s'est rarement produit du temps des Délégations Financières) l'inscription des dépenses obligatoires peut être réalisée d'office par décret en conseil d'État et les recettes nécessaires à leur couverture instituées par le même texte.

L'inscription des dépenses facultatives (relèvement de crédit, dépenses de toutes natures autres que les dépenses obligatoires) dépend entièrement de l'Assemblée Financière qui a toute latitude pour les accorder, les réduire ou les refuser.

Actuellement, en raison des nombreuses extensions ou réorganisations des services et de l'importance prise par le budget de l'Algérie, la distinction entre dépenses obligatoires et facultatives ne présente plus un intérêt en rapport avec les complications qu'elle entraîne.

Le budget extraordinaire groupe les dépenses exceptionnelles et non renouvelables et les programmes de grands travaux répartis sur plusieurs années. Ses ressources sont essentiellement constituées par le produit des emprunts. Les crédits de ce budget inutilisés en fin d'année peuvent être reportés sur les années suivantes afin d'assurer la continuité nécessaire à l'exécution d'un plan d'équipement économique et social.

La forme générale du budget algérien s'adapte difficilement à l'importance actuelle de celui-ci. Le maintien de certaines règles applicables aux budgets départementaux (distinction entre dépenses obligatoires et facultatives) marque la tutelle du Gouvernement suif le budget algérien au même titre que l'intervention du Pouvoir central dans l'établissement de ce budget.

FORME DU BUDGET ALGÉRIEN


16_cadre_juridique_budget.htm

ÉTABLISSEMENT DU BUDGET

L'Algérie étant une collectivité secondaire, l'établissement de son budget fait l'objet d'une collaborationétroite entre l'administration algérienne, l'Assemblée Financière et les autorités de tutelle.

Préparé par l'Administration Algérienne sous le contrôle des Ministres de l'Intérieur et des Finances qui peuvent prescrire au Gouverneur Général telle modification de ses propositions, le budget de l'Algérie est voté par l'Assemblée Financière. Les modalités de ce vote diffèrent suivant qu'il s'agit de recettes ou de dépenses.

En matière de recettes, les projets fiscaux font l'objet de " décisions " de l'Assemblée, votées sur la proposition du Gouverneur Général et sur le rapport de la Commission des Finances. L'Assemblée en ce domaine parait ne disposer que d'un droit d'amendement exclusif de toute initiative propre.
En matière de dépenses l'action de l'Assemblée n'est limitée que sur deux points : les dépenses obligatoires ne peuvent être réduites, l'initiative des dépenses de personnel inscrites dans chaque section à la 4" partie du budget, appartient au Gouverneur Général, seul habilité à en proposer l'augmentation.

Pour tout ce qui concerne l'augmentation des dépenses obligatoires autres que de personnel, la création, l'augmentation ou la diminution des autres dépenses, l'Assemblée est pleinement souveraine.

Toutefois, les amendements au projet du Gouverneur doivent émaner de la Commission des Finances ou être présentés à celle-ci avant la délibération en séance plénière publique au moins par douze membres de l'Assemblée.

PROCÉDURE D'APPROBATION DU BUDGET DE L'ALGÉRIE


Le budget et les décisions fiscales issues des votes de l'Assemblée sont transmis au Pouvoir central et ne deviennent exécutoires qu'après leur approbation par décrets contresignés par les Ministres de l'Intérieur et des Finances.

Enfin, par une loi de finances annuelle, propre à l'Algérie, le Parlement autorise la perception des impôts et revenus selon les modalités fixées par les décisions de l'Assemblée Algérienne et régulièrement homologuées par décret.

En principe, le Parlement n'a pas à connaître le budget voté par l'Assemblée ; en fait, la loi de finances algérienne lui offre l'occasion d'un débat sur l'Algérie et un droit de regard sur l'emploi des recettes qu'il autorise.

EXÉCUTION DU BUDGET

Les modalités de l'exécution du budget sont tout à fait propres à l'Algérie. La loi du 19 décembre 1900 n'a pas prévu la possibilité de modifier le budget en cours d'année par l'apport d'un budget supplémentaire ou d'autorisations spéciales ainsi que cela se pratique aux Conseils Généraux. La rigidité d'un tel système étant incompatible avec la rapidité des fluctuations économiques dès 1919 des autorisations d'avances ont été sollicitées du Pouvoir Central. En outre, depuis 1939 une disposition de la loi de finances annuellement prorogée autorise la rédaction en cours d'année de budgets rectificatifs présentés à l'Assemblée Financière au cours de sessions extraordinaires. Ces budgets rectificatifs ne reprennent ni les crédits inutilisés au budget extraordinaire dont le report est automatique, ni les excédents de recettes du budget ordinaire qui sont versés dans une caisse de réserve.

CAISSE DE RÉSERVE

Institution spéciale à l'Algérie, cette caisse sert de régulateur entre les bonnes et les mauvaises années, précaution indispensable dans un pays essentiellement agricole comme l'Algérie où le sort des budgets reste lié aux résultats irréguliers des récoltes.

La réglementation des prélèvements sur cette caisse est très stricte. Si la caisse ne contient que 300 millions ou moins, les prélèvements ne sont effectués que pour le paiement des dettes exigibles, la couverture de déficits budgétaires, ou la réparation urgente d'événements calamiteux. Au-delà de 300 millions, les excédents de la Caisse de Réserve peuvent être utilisés pour la dotation des programmes d'équipement économique et social aux lieux et places de fond d'emprunts (budget extraordinaire).

En attendant leur emploi les fonds de cette Caisse peuvent être investis en rentes ou en valeurs industrielles ou déposés au Trésor Algérien.

LE TRÉSOR ALGÉRIEN

Les fonds propres de l'Algérie et ceux qui lui sont confiés par les différentes sections administratives (départements, communes) les collectivités publiques algériennes et mêmes les particuliers à l'exclusion des dépôts des Caisses d'Épargne) constituent depuis le 1er janvier 1943 un Trésor Algérien distinct du Trésor public.

Cette réforme récente dont la portée financière a été considérable a parachevé la réforme entreprise en 1900 pour doter l'Algérie d'un régime financier cohérent digne de la maturité atteinte par la Colonie.

Dans son ensemble le régime financier de l'Algérie, synthèse lentement élaborée sous la tutelle de la Métropole reste sous la dépendance étroite de celle-ci en ce qui concerne sa forme, sa procédure d'Établissement et son contenu. L'initiative de la colonie, conséquence directe de son évolution économique et sociale particulièrement Sensible depuis 1939, apparaît cependant très nettement dans les modalités de l'exécution de son budget. La création du Trésor Algérien qui allège les charges budgétaires de l'Algérie et lui donne une plus grande liberté de manœuvre en lui permettant de créer et de doter des organismes économiques, a caractère public, tels que les offices et les régies industrielles, a accru en même temps ses responsabilités de gestion car les fluctuations des disponibilités de ce Trésor traduisent fidèlement les variations de la situation économique et financière de la Colonie.