Alger, Algérie : documents algériens
Série économique

Réformes des Sociétés Indigènes de Prévoyance et du Crédit Agricole
mise sur site le 20-12-2010
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Document n° 11 de la série : Économique - Paru le 25 mai 1946 - Rubrique AGRICULTURE

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Réformes des Sociétés Indigènes de Prévoyance et du Crédit Agricole

Conçues à l'origine comme des sociétés de secours mutuels officieuses, les Sociétés indigènes de prévoyance se sont vu conférer une existence légale par la loi organique du 14 avril 1893. Sous la pression des conditions économiques nouvelles, l'ancien cadre de cette loi dans lequel se mouvaient à l'étroit les S.I.P. primitives, a été considérablement élargi par une série de textes nouveaux qui forment la charte actuelle de ces organismes. Chacun de ces textes a constitué le point de départ d'une nouvelle tendance de l'activité des S.I.P.

Depuis le début de la guerre, tolite l'activité des S.I.P. se trouve concentrée vers les besoins du ravitaillement des populations indigènes et leur caractère d'institution d'assistance est nettement marqué.

Etant donné le rôle important que les S.I.P. vont être appelées à jouer dans la réalisation des réformes agraires, il importait d'accentuer leur caractère d'institution de crédit de l'agriculture indigène.

CREDIT AGRICOLE INDIGENE.

En l'état actuel de l'organisation du Crédit, les agriculteurs musulmans qui ne sont pas admis au guichet des banques (et c'est l'immense majorité) peuvent s'adresser, soit à une Caisse locale de crédit agricole mutuel, soit à la Caisse des prêts agricoles, soit à une Société indigène de prévoyance.

Les " Caisses locales " actuellement au nombre de 204 sur l'ensemble du territoire algérien et dont l'action est coordonnée, aidée et contrôlée par 22 caisses régionales et par la Caisse algérienne de crédit agricole mutuel, sont en mesure d'accorder toute la gamme des prêts nécessaires à l'exploitation, l'entretien, l'équipement, la reconstruction ou l'acquisition de la petite propriété rurale sous forme de prêts à court terme dits de campagne, de crédits de financement de récolte, de crédits sur warrants, sur récoltes détachées, de prêts à moyen et à long terme. Quelle est la part des agriculteurs musulmans dans. les crédits distribués par les Caisses de crédit agricole mutuel ?

Inférieure à 10 le dans la catégorie des prêts à moyen et à long terme, la participation des agriculteurs musulmans s'inscrit par contre dans des chiffres importants dans les crédits de campagne, et considérable dans les crédits de financement de récolte.

Il faut toutefois reconnaître objectivement que les agriculteurs musulmans adhérents aux Caisses locales de crédit agricole mutuel restent une 'minorité. La complexité du régime foncier musulman et l'insuffisance de la formation économique et juridique des petits propriétaires qui n'offrent pas toujours les garanties exigées et le rejet de demandes de prêts qui en découlent sont certainement les causes de cet état de fait.
Créée par la loi du 4 avril 1935, la " Caisse des prêts agricoles " a été chargée, par l'arrêté interministériel du 19 du même mois, " d'effectuer les opérations de consolidation prévues par l'article 3 de la loi du 4 avril 1935 ainsi que de toutes les opérations connexes qui pourraient lui être ultérieurement confiées ".

Rien, ni dans les termes, ni dans l'esprit de ces textes, ne faisait obstacle à la désignation de cette caisse comme organe distributeur de crédits aux agriculteurs musulmans. Effectuant des opérations qui, il faut bien le reconnaître, ne sont pas dépourvues de risques, la Caisse des prêts agricoles est arrivée à sauver de la ruine un nombre élevé de fellahs et à obtenir, sans recourir aux moyens extrêmes, des résultats remarquables dans le recouvrement de créances pourtant parfois fort compromises.

Bien que cet établissement ait toujours fait preuve de beaucoup de compréhension et du maximum de souplesse que lui permettaient ses règlements assez étroits, de nombreuses demandes formulées par des paysans musulmans n'ont cependant pu être satisfaites. Les fellahs ont constitué jusqu'ici la grosse majorité des demandeurs mais ne représentent que les 50 % des agriculteurs qui ont pu être effectivement consolidés.

Les " Sociétés indigènes de prévoyance " distribuent également sur leurs propres ressources ou avec l'aide du Fonds Commun, des crédits aux agriculteurs musulmans. Il apparaît toutefois que leurs ressources actuelles sont insuffisantes malgré les disponibilités que leur procure le Fonds Commun depuis sa création.

Leur situation financière étroite a d'ailleurs été adroitement dépeinte par M. Cadi Abdelkader dans une note présentée à la Commission des Réformes en 1944 : " La " poussière " de fellahs à qui il faut de la " poussière " de crédit (prêts de semence, menues avances ou subventions exceptionnelles) est la clientèle toute désignée des Sociétés indigènes de prévoyance et de leur Fonds Commun ".

REFORME FINANCIERE DES S.I.P.

La Commission spéciale " chargée d'étudier les moyens d'améliorer le fonctionnement du Fonds Commun des S.I.P. et d'accroître l'efficacité de son action ", prévue par arrêté du 3 août 1943, a abordé le problème par le côté financier qui, dans l'immédiat, conditionne l'activité de cet organisme.

Une étude approfondie de la question a démontré que les S.I.P. doivent servir de cadre aux réali sations de Paysanat, et ne plus se cantonner financièrement à distribuer des " poussières " de crédits.

L'interpénétration des attributions des divers organismes chargés en Algérie de dispenser le crédit agricole a conduit cette étude vers celle plus large d'une réorganisation du crédit agricole, conformément d'ailleurs aux décisions de la Commission des Réformes approuvées au Conseil des Ministres le 24 octobre 1944.

La première tranche de Réformes des S.I.P. s'intègre donc dans un projet de réformes du Crédit agricole. Ce projet s'inspire des principes définis par la Commission des Réformes qui, en vue d'aboutir à l'intégration progressive des Français Musulmans dans l'organisation normale du crédit agricole, préconisent l'aménagement et la réorganisation des trois établissements algériens de crédits : Caisse algérienne de Crédit agricole mutuel, Caisse des prêts agricoles et Fonds Commun des S.I.P.

Nous avons vu que les agriculteurs algériens, quelle que soit leur origine, peuvent accéder au crédit dispensé par la Caisse algérienne de Crédit agricole mutuel et la Caisse de prêts agricoles, lorsliu'ils offrent les garanties nécessaires. Le Fonds Commun des S.I.P. forme l'organisme de transition auquel s'adresseront ceux des membres des S.I.P. qui ne peuvent encore accéder au crédit normal, du fait, notamment, de la nature juridique de leurs biens fonds.

REFORMES ADMINISTRATIVES ET TECHNIQUES DES S.I.P.

Afin de permettre à la S.I.P. et à l'ensemble de l'organisation de remplir son rôle dans la réforme du Paysanat, la structure administrative et technique de l'institution demande quelques modifications.

Sur le plan local, les grandes lignes des réformes envisagées dans la structure de la S.I.P., unité de base de l'organisation, se traduisent par une représentation plus large des intérêts des adhérents dans le conseil d'administration, par l'accession par élection à la qualité de Président à l'un des membres de l'organisme et par la refonte de l'organisation financière qui permettra la participation des adhérents aux profits de l'entreprise.
Sur le plan central, une innovation importante prévoit la centralisation administrative des S.I.P. en vue d'assurer l'unité de direction, la coordination et l'équilibre général des activités, enfin l'adaptation des services les uns aux autres en vue de réduire la durée des transmissions et le nombre des rouages.

Ces attributions seraient confiées à un organisme central au sein duquel la répartition des Services correspondrait à la division de l'activité des S.I.P. dans les branches financières, administratives et technique. Un bureau d'étude chargé d'harmoniser les productions et les besoins, informerait l'organisme central des besoins exprimés, de la mise en oeuvre de ressources nouvelles, de la réduction des productions inutiles, de la normalisation des produits et de la transformation de certaines activités.

INTEGRATION DES S.I.P. DANS LA CONFEDERATION GENERALE DE L'AGRICULTURE.

Entité juridique formant un tout homogène, la S.I.P., école de la mutualité et de la coopération, a vocation légale à être considérée comme une organisation à la fois syndicale et économique.

Elle forme ainsi une cellule de base locale des activités syndicales et économiques agricoles musulmanes.

Groupées en unions régionales, les S.I.P. s'intègrent, pour chacune des branches de leur activité, clans l'organisation générale de la C.G.A., réalisant ainsi, au sein d'organismes communs, la fusion des intérêts des fellahs membres des S.I.P. et des agriculteurs européens et musulmans) membres des syndicats des coopératives.

ANNEXE
CADRE JURIDIQUE DES S.I.P.
o

Loi du 14 avril 1893.
La S.I.P. est une institution de crédit et de charité. Elle distribue en effet des secours aux indigents et des prêts agricoles à ses sociétaires.

Loi du 19 juillet 1933.
Le Fonds Commun des S.I.P. est créé dans le but d'accroître les moyens d'action des sociétés et de leur procurer les crédits nécessaires à l'exécution de leur mission.

Loi du 15 août 1936.
La S.I.P. est intégrée à l'Office national interprofessionnel du blé, comme " organisme stockeur " et assimilée aux coopératives agricoles. Elle devient un organisme d'achat, de stockage et de vente du blé.

Décret du 7 mai 1938.
Le Fonds Commun, établissement public doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière a pour objet de faciliter les opérations de prêts ou de secours effectuées par les S.I.P., de consentir des avances remboursables à ces sociétés et de leur attribuer des subventions exceptionnelles.

Décret du 15 novembre 1938.
Sortant de son isolement, la S.I.P. restreinte du début est dotée d'une charte qui élargit considérablement son champ d'action.

Septembre 1939. - La guerre.
L'activité des S.I.P. se concentre vers les besoins du ravitaillement des populations indigènes.

Décret du 24 février 1940.
La S.I.P. se trouve être chargée d'assurer le ravitaillement des populations indigènes en matières de première nécessité pendant la durée des hostilités. La formule est très générale et permet l'achat de semoule, de riz, de légumes secs, etc..., qu'elle revend sans bénéfice à l'ensemble des consommateurs.

Loi du 17 novembre 1940.
La S.I.P. est chargée de l'achat et de la vente de toutes les céréales. Tous ses adhérents sont tenus de lui vendre leurs récoltes et sont payés immédiatement, sur place, et à un prix préalablement fixé.


Arrêté du 3 août 1943.
Constitution d'une commission spéciale " chargée d'étudier les moyens d'améliorer le fonctionnement du Fonds Commun et d'accroître l'efficacité de son action ".

Décret du 6 août 1943. - I
La composition du Conseil d'administration du Fonds Commun des S.I.P. est fixé de la manière
suivante :
Président : Secrétaire Général du Gouvernement Général de l'Algérie ;
Vice-Président : Directeur des Affaires Musulmanes et des Territoires du Sud au Gouvernement
Général.
Membres : Le Recteur de l'Académie d'Alger,
L'Inspecteur Général des Finances, chef de la Mission d'Algérie, Le Directeur des Finances au Gouvernement Général,
Le Directeur de l'Economie algérienne au Gouvernement Général, Le Sous-Directeur des Affaires musulmanes,
Le Sous-Directeur des Territoires du Sud,
9 Délégués financiers indigènes désignés par leurs collègues, Les 3 Secrétaires généraux pour les Affaires musulmanes, Les Préfets de l'Algérie,
4 Présidents de S.I.P.,
Un représentant de la Banque de l'Algérie.

Décret du 6 août 1943. - II
Appel à la présidence des S.I.P. de notables musulmans choisis par le Gouvernement Général.
Décision gubernatoriale du 26 mars 1946.
Autorise l'intégration des S.I.P. à la C.G.A. et leur fédération à l'intérieur de cette organisation.