Réformes des Sociétés
Indigènes de Prévoyance et du Crédit Agricole
Conçues à l'origine comme des sociétés
de secours mutuels officieuses, les Sociétés indigènes
de prévoyance se sont vu conférer une existence légale
par la loi organique du 14 avril 1893. Sous la pression des conditions
économiques nouvelles, l'ancien cadre de cette loi dans lequel
se mouvaient à l'étroit les S.I.P. primitives, a été
considérablement élargi par une série de textes nouveaux
qui forment la charte actuelle de ces organismes. Chacun de ces textes
a constitué le point de départ d'une nouvelle tendance de
l'activité des S.I.P.
Depuis le début de la guerre, tolite l'activité des S.I.P.
se trouve concentrée vers les besoins du ravitaillement des populations
indigènes et leur caractère d'institution d'assistance est
nettement marqué.
Etant donné le rôle important que les S.I.P. vont être
appelées à jouer dans la réalisation des réformes
agraires, il importait d'accentuer leur caractère d'institution
de crédit de l'agriculture indigène.
CREDIT AGRICOLE INDIGENE.
En l'état actuel de l'organisation du Crédit, les agriculteurs
musulmans qui ne sont pas admis au guichet des banques (et c'est l'immense
majorité) peuvent s'adresser, soit à une Caisse locale de
crédit agricole mutuel, soit à la Caisse des prêts
agricoles, soit à une Société indigène de
prévoyance.
Les " Caisses locales " actuellement au nombre de 204 sur l'ensemble
du territoire algérien et dont l'action est coordonnée,
aidée et contrôlée par 22 caisses régionales
et par la Caisse algérienne de crédit agricole mutuel, sont
en mesure d'accorder toute la gamme des prêts nécessaires
à l'exploitation, l'entretien, l'équipement, la reconstruction
ou l'acquisition de la petite propriété rurale sous forme
de prêts à court terme dits de campagne, de crédits
de financement de récolte, de crédits sur warrants, sur
récoltes détachées, de prêts à moyen
et à long terme. Quelle est la part des agriculteurs musulmans
dans. les crédits distribués par les Caisses de crédit
agricole mutuel ?
Inférieure à 10 le dans la catégorie des prêts
à moyen et à long terme, la participation des agriculteurs
musulmans s'inscrit par contre dans des chiffres importants dans les crédits
de campagne, et considérable dans les crédits de financement
de récolte.
Il faut toutefois reconnaître objectivement que les agriculteurs
musulmans adhérents aux Caisses locales de crédit agricole
mutuel restent une 'minorité. La complexité du régime
foncier musulman et l'insuffisance de la formation économique et
juridique des petits propriétaires qui n'offrent pas toujours les
garanties exigées et le rejet de demandes de prêts qui en
découlent sont certainement les causes de cet état de fait.
Créée par la loi du 4 avril 1935, la " Caisse des prêts
agricoles " a été chargée, par l'arrêté
interministériel du 19 du même mois, " d'effectuer les
opérations de consolidation prévues par l'article 3 de la
loi du 4 avril 1935 ainsi que de toutes les opérations connexes
qui pourraient lui être ultérieurement confiées ".
Rien, ni dans les termes, ni dans l'esprit de ces textes, ne faisait obstacle
à la désignation de cette caisse comme organe distributeur
de crédits aux agriculteurs musulmans. Effectuant des opérations
qui, il faut bien le reconnaître, ne sont pas dépourvues
de risques, la Caisse des prêts agricoles est arrivée à
sauver de la ruine un nombre élevé de fellahs et à
obtenir, sans recourir aux moyens extrêmes, des résultats
remarquables dans le recouvrement de créances pourtant parfois
fort compromises.
Bien que cet établissement ait toujours fait preuve de beaucoup
de compréhension et du maximum de souplesse que lui permettaient
ses règlements assez étroits, de nombreuses demandes formulées
par des paysans musulmans n'ont cependant pu être satisfaites. Les
fellahs ont constitué jusqu'ici la grosse majorité des demandeurs
mais ne représentent que les 50 % des agriculteurs qui ont pu être
effectivement consolidés.
Les " Sociétés indigènes de prévoyance
" distribuent également sur leurs propres ressources ou avec
l'aide du Fonds Commun, des crédits aux agriculteurs musulmans.
Il apparaît toutefois que leurs ressources actuelles sont insuffisantes
malgré les disponibilités que leur procure le Fonds Commun
depuis sa création.
Leur situation financière étroite a d'ailleurs été
adroitement dépeinte par M. Cadi Abdelkader dans une note présentée
à la Commission des Réformes en 1944 : " La "
poussière " de fellahs à qui il faut de la " poussière
" de crédit (prêts de semence, menues avances ou subventions
exceptionnelles) est la clientèle toute désignée
des Sociétés indigènes de prévoyance et de
leur Fonds Commun ".
REFORME FINANCIERE DES S.I.P.
La Commission spéciale " chargée d'étudier les
moyens d'améliorer le fonctionnement du Fonds Commun des S.I.P.
et d'accroître l'efficacité de son action ", prévue
par arrêté du 3 août 1943, a abordé le problème
par le côté financier qui, dans l'immédiat, conditionne
l'activité de cet organisme.
Une étude approfondie de la question a démontré que
les S.I.P. doivent servir de cadre aux réali sations de Paysanat,
et ne plus se cantonner financièrement à distribuer des
" poussières " de crédits.
L'interpénétration des attributions des divers organismes
chargés en Algérie de dispenser le crédit agricole
a conduit cette étude vers celle plus large d'une réorganisation
du crédit agricole, conformément d'ailleurs aux décisions
de la Commission des Réformes approuvées au Conseil des
Ministres le 24 octobre 1944.
La première tranche de Réformes des S.I.P. s'intègre
donc dans un projet de réformes du Crédit agricole. Ce projet
s'inspire des principes définis par la Commission des Réformes
qui, en vue d'aboutir à l'intégration progressive des Français
Musulmans dans l'organisation normale du crédit agricole, préconisent
l'aménagement et la réorganisation des trois établissements
algériens de crédits : Caisse algérienne de Crédit
agricole mutuel, Caisse des prêts agricoles et Fonds Commun des
S.I.P.
Nous avons vu que les agriculteurs algériens, quelle que soit leur
origine, peuvent accéder au crédit dispensé par la
Caisse algérienne de Crédit agricole mutuel et la Caisse
de prêts agricoles, lorsliu'ils offrent les garanties nécessaires.
Le Fonds Commun des S.I.P. forme l'organisme de transition auquel s'adresseront
ceux des membres des S.I.P. qui ne peuvent encore accéder au crédit
normal, du fait, notamment, de la nature juridique de leurs biens fonds.
REFORMES ADMINISTRATIVES ET TECHNIQUES DES S.I.P.
Afin de permettre à la S.I.P. et à l'ensemble de l'organisation
de remplir son rôle dans la réforme du Paysanat, la structure
administrative et technique de l'institution demande quelques modifications.
Sur le plan local, les grandes lignes des réformes envisagées
dans la structure de la S.I.P., unité de base de l'organisation,
se traduisent par une représentation plus large des intérêts
des adhérents dans le conseil d'administration, par l'accession
par élection à la qualité de Président à
l'un des membres de l'organisme et par la refonte de l'organisation financière
qui permettra la participation des adhérents aux profits de l'entreprise.
Sur le plan central, une innovation importante prévoit la centralisation
administrative des S.I.P. en vue d'assurer l'unité de direction,
la coordination et l'équilibre général des activités,
enfin l'adaptation des services les uns aux autres en vue de réduire
la durée des transmissions et le nombre des rouages.
Ces attributions seraient confiées à un organisme central
au sein duquel la répartition des Services correspondrait à
la division de l'activité des S.I.P. dans les branches financières,
administratives et technique. Un bureau d'étude chargé d'harmoniser
les productions et les besoins, informerait l'organisme central des besoins
exprimés, de la mise en oeuvre de ressources nouvelles, de la réduction
des productions inutiles, de la normalisation des produits et de la transformation
de certaines activités.
INTEGRATION DES S.I.P. DANS LA
CONFEDERATION GENERALE DE L'AGRICULTURE.
Entité juridique formant un tout homogène, la S.I.P., école
de la mutualité et de la coopération, a vocation légale
à être considérée comme une organisation à
la fois syndicale et économique.
Elle forme ainsi une cellule de base locale des activités syndicales
et économiques agricoles musulmanes.
Groupées en unions régionales, les S.I.P. s'intègrent,
pour chacune des branches de leur activité, clans l'organisation
générale de la C.G.A., réalisant ainsi, au sein d'organismes
communs, la fusion des intérêts des fellahs membres des S.I.P.
et des agriculteurs européens et musulmans) membres des syndicats
des coopératives.
ANNEXE
CADRE JURIDIQUE DES S.I.P.
o
Loi du 14 avril 1893.
La S.I.P. est une institution de crédit et de charité. Elle
distribue en effet des secours aux indigents et des prêts agricoles
à ses sociétaires.
Loi du 19 juillet 1933.
Le Fonds Commun des S.I.P. est créé dans le but d'accroître
les moyens d'action des sociétés et de leur procurer les
crédits nécessaires à l'exécution de leur
mission.
Loi du 15 août 1936.
La S.I.P. est intégrée à l'Office national interprofessionnel
du blé, comme " organisme stockeur " et assimilée
aux coopératives agricoles. Elle devient un organisme d'achat,
de stockage et de vente du blé.
Décret du 7 mai 1938.
Le Fonds Commun, établissement public doté de la personnalité
civile et de l'autonomie financière a pour objet de faciliter les
opérations de prêts ou de secours effectuées par les
S.I.P., de consentir des avances remboursables à ces sociétés
et de leur attribuer des subventions exceptionnelles.
Décret du 15 novembre 1938.
Sortant de son isolement, la S.I.P. restreinte du début est dotée
d'une charte qui élargit considérablement son champ d'action.
Septembre 1939. - La guerre.
L'activité des S.I.P. se concentre vers les besoins du ravitaillement
des populations indigènes.
Décret du 24 février 1940.
La S.I.P. se trouve être chargée d'assurer le ravitaillement
des populations indigènes en matières de première
nécessité pendant la durée des hostilités.
La formule est très générale et permet l'achat de
semoule, de riz, de légumes secs, etc..., qu'elle revend sans bénéfice
à l'ensemble des consommateurs.
Loi du 17 novembre 1940.
La S.I.P. est chargée de l'achat et de la vente de toutes les céréales.
Tous ses adhérents sont tenus de lui vendre leurs récoltes
et sont payés immédiatement, sur place, et à un prix
préalablement fixé.
Arrêté du 3 août 1943.
Constitution d'une commission spéciale " chargée d'étudier
les moyens d'améliorer le fonctionnement du Fonds Commun et d'accroître
l'efficacité de son action ".
Décret du 6 août 1943. - I
La composition du Conseil d'administration du Fonds Commun des S.I.P.
est fixé de la manière
suivante :
Président : Secrétaire Général du Gouvernement
Général de l'Algérie ;
Vice-Président : Directeur des Affaires Musulmanes et des Territoires
du Sud au Gouvernement
Général.
Membres : Le Recteur de l'Académie d'Alger,
L'Inspecteur Général des Finances, chef de la Mission d'Algérie,
Le Directeur des Finances au Gouvernement Général,
Le Directeur de l'Economie algérienne au Gouvernement Général,
Le Sous-Directeur des Affaires musulmanes,
Le Sous-Directeur des Territoires du Sud,
9 Délégués financiers indigènes désignés
par leurs collègues, Les 3 Secrétaires généraux
pour les Affaires musulmanes, Les Préfets de l'Algérie,
4 Présidents de S.I.P.,
Un représentant de la Banque de l'Algérie.
Décret du 6 août 1943. - II
Appel à la présidence des S.I.P. de notables musulmans choisis
par le Gouvernement Général.
Décision gubernatoriale du 26 mars 1946.
Autorise l'intégration des S.I.P. à la C.G.A. et leur fédération
à l'intérieur de cette organisation.
|