La Confédération
Générale de l'Agriculture en Algérie
Au mois de juin 1945, un délégué
de M. le Ministre de l'Agriculture arrivait à Alger afin de créer
la Confédération Générale de l'Agriculture
en Algérie.
Après huit mois d'efforts incessants, l'organisation de la C.G.A.
a pris corps et le 17 février ont eu lieu dans chaque commune les
élections aux conseils d'administration des syndicats des producteurs
exploitants. Les techniciens, les artisans ruraux, les coopérateurs
ont élu également leurs délégués.
PROGRAMME DE LA C.G.A.
La C.G.A. est devenue une nécessité absolue en Algérie.
L'Agriculture algérienne, suivant en cela l'exemple de l'agriculture
métropolitaine, doit renoncer à son individualisme ou périr.
Utilisant uvre de représentation professionnelle organisée
par les pionniers du syndicalisme agricole algérien, suscitant
là où ils n'existaient pas la création d'organismes
nouveaux, fondant les réalisations passées dans le monde
nouveau et vivifiant du syndicalisme démocratique, l'union algérienne
de la confédération générale de l'Agriculture
doit rallier dans nos trois départements la totalité des
forces agricoles présentes et élaborer ainsi une nouvelle
formule d'économie algérienne moderne apte: à nourrir
la population qui s'accroît chaque année, à compléter
l'économie française et capable enfin de concurrencer pour
la production de certains produits les pays étrangers.
La cohabitation sur le sol algérien de population rurales d'origines
très diverses et notamment la présence d'une forte majorité
musulmane non encore techniquement évoluée a entraîné
la révision, pour une application appropriée, de la structure
de la C.G.A. métropolitaine. La C.G.A. algérienne tendra
en Algérie à parfaire l'éducation sociale et technique
de ses adhérents. Ici se situe le rôle de la S.I.P. transformée
et rajeunie et tous les efforts doivent aboutir à faire comprendre
aux agriculteurs, qu'il est indispensable de faire bénéficier
la petite et moyenne exploitation, des avantages financiers et techniques
dont seuls profitaient les gros exploitants.
L'installation de nombreuses coopératives agricoles, sous toutes
leurs formes, contribuera à la fois au développement de
l'agriculture algérienne et à une fusion économique
et sociale telle, qu'elle apparaîtra comme le plus sûr moyen
de maintenir en Algérie le principe de souveraineté d'une
France toujours plus démocratique et toujours plus sociale.
STRUCTURE DE LA
CONFÉDÉRATION
Organisation syndicale
Les " syndicats " communaux au
intercommunaux suivant les conditions géographiques sont à
la base de la C.G.A. Constitués sous l'égide de la loi de
1884, les syndicats, dotés de statuts-types, ont pour rôle
exclusif la défense des intérêts professionnels de
leurs membres. Les fonctions économiques telles que : achats, répartitions,
ventes étant dévolues à la Coopérative correspondante.
Chaque activité est représentée. C'est ainsi que
le syndicat de Producteurs est lui-même divisé en sections
correspondant à chacune des spécialités agricoles
(viticulteurs, céréaliculteurs, éleveurs, etc.) et
que le syndicat des techniciens, comprend 3 sections représentant
respectivement les techniciens, les ouvriers spécialisés
et les cadres administratifs des organisations économiques.
Le syndicat des artisans ruraux groupe par spécialités tous
les artisans dont la profession est connexe à l'agriculture.
Le rôle de syndicat est également dévolu à
la S.I.P. réorganisée. Ainsi seront unis en vue de l'action
syndicale, les petits producteurs musulmans, les fellahs et les ouvriers
agricoles.
La S.I.P. en tant que syndicat est d'ailleurs considérée
par la C.G.A. comme une organisation transitoire d'éducation professionnelle
et technique.
Les syndicats sont réunis par affinité en fédérations
dont l'ensemble forme l'Union des Fédérations départementales
des syndicats de l'Agriculture.
" La Fédération départementale " a elle-même
un bureau élu. Son fonctionnement et ses attributions sont, sur
le plan du département, identiques à ceux du syndicat de
base à qui elle sert d'intermédiaire dans ses relations
avec la " Confédération générale ".
Organisation économique
Elle est établie sur un plan parallèle à celui de
l'organisation syndicale.
A l'échelon local on y trouve les coopératives diverses,
la S.I.P. dans son activité de coopération et de crédit
les caisses d'assurances mutuelles agricoles, les caisses de crédit.
Comme les syndicats, ces organismes qui possèdent leur bureau et
leur conseil d'administration élus, envoient leurs représentants
aux " Fédérations départementales de la Coopération
de la mutualitéet du crédit " qui reproduisent fidèlement
la division par spécialités des organismes de base et sont
chargées d'établir la liaison avec la " Confédération
générale ".
Fédérations départementales des syndicats de l'agriculture
et Fédérations départementales de la coopération,
Mutualité et Crédit sont groupés en une " Union
départementale " (association régie par la loi de 1901).
Cette union a pour tâche de discuter à l'échelon départemental
des questions qui intéressent à la fois l'activité
professionnelle des syndicats et l'économie des organismes tels
que les coopératives, mais chacune des fédération
envoie séparément à la Confédération
générale ses représentants élus.
CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE
DE L'AGRICULTURE
Organisme central couronnant tout l'édifice la C.G.A. est formée
par l'assemblée des représentants élus de chacune
des Fédérations départementales réunies en
Union. On y retrouve les deux grandes branches, organisations syndicale
et économique et dans chacune de ces branches, les sections par
spécialités. L'Assemblée de la C.G.A. désigne
un bureau par voie d'élection.
La mission de la confédération est la défense des
intérêts généraux des syndicats et coopératives
et des intérêts particuliers à chacune de leurs sections.
Elle s'occupe également de la documentation, de l'orientation professionnelle
et de la représentation de tous les membres de la profession, aussi
bien sur le plan local que sur le plan national, vis à vis des
pouvoirs publics et de la haute administration. Son mode de recrutement
par élections successives depuis le syndicat de base ou la coopérative
locale lui donne un caractère d'institution véritablement
démocratique et sa composition en fait une assemblée d'agriculteurs
et de travailleurs ruraux authentiques réunis pour défendre
eux-mêmes leurs intérêts, prendre en mains leur propre
destinée, suivre l'évolution des méthodes et celle
des marchés nationaux et internationaux, pour en déduire
les conclusions utiles dans leur propre sphère, d'activité
économique et sociale.
Cette conception on le voit s'oppose radicalement à celle de la
corporation paysanne, à base autoritaire, soumise étroitement
à l'intervention officielle jusque dans les nominations des dirigeants
de l'institution et qui condamnée sans retour par l'opinion rurale,
a été dissoute par l'ordonnance du 12 octobre 1944.
Participation musulmane
Il ne fait pas de doute que les masses musulmanes doivent être intégrées
à la C.G.A. L'accès des syndicats de producteurs est ouvert
sans conditions aux musulmans citoyens français et les musulmans
non citoyens, déjà membres de syndicats professionnels agricoles
y seront maintenus de plein droit.
Pour maintenir l'esprit de l'ordonnance du 7 mars un collège unique
a été institué, mais quelle que soit l'importance
numérique des électeurs européens et musulmans, la
représentation de ces derniers ne peut occuper au maximum que les
2/5 des sièges du conseil. Une décision gubernatoriale du
26 mars 1946 autorise l'intégration des S.I.P. à la C.G.A.,
et leur fédération au sein de cet organisme.
L'organisation définitive de la Confédération Générale
de l'Agriculture présente un intérêt évident
en Algérie. Pour près de 90 % en effet, l'Algérie
vit directement ou indirectement de ses ressources agricole. La ruine
de son agriculture serait donc sa propre ruine et en outre par la perte
d'un important pouvoir d'achat, elle menacerait la vitalité même
de l'industrie française dont elle est le meilleur client.
Conviant toute l'agriculture algérienne à une uvre
salutaire de syndicalisme et d'union, la C.G.A. aura un rôle décisif
sur l'avenir économique et social de l'Algérie, et entraînera
sa maturité politique en amenant à une compréhension
plus grande et plus complète les populations européennes
et musulmanes en majorité rurales.
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