Alger, Algérie : documents algériens
Série économique
La Confédération Générale de l'Agriculture en Algérie
mise sur site le 12-12-2010
* Document n° 16 de la série : Économique - Paru le 15 juin 1946 - Rubrique AGRICULTURE

15 Ko
retour
 

La Confédération Générale de l'Agriculture en Algérie

Au mois de juin 1945, un délégué de M. le Ministre de l'Agriculture arrivait à Alger afin de créer la Confédération Générale de l'Agriculture en Algérie.

Après huit mois d'efforts incessants, l'organisation de la C.G.A. a pris corps et le 17 février ont eu lieu dans chaque commune les élections aux conseils d'administration des syndicats des producteurs exploitants. Les techniciens, les artisans ruraux, les coopérateurs ont élu également leurs délégués.

PROGRAMME DE LA C.G.A.

La C.G.A. est devenue une nécessité absolue en Algérie. L'Agriculture algérienne, suivant en cela l'exemple de l'agriculture métropolitaine, doit renoncer à son individualisme ou périr.

Utilisant œuvre de représentation professionnelle organisée par les pionniers du syndicalisme agricole algérien, suscitant là où ils n'existaient pas la création d'organismes nouveaux, fondant les réalisations passées dans le monde nouveau et vivifiant du syndicalisme démocratique, l'union algérienne de la confédération générale de l'Agriculture doit rallier dans nos trois départements la totalité des forces agricoles présentes et élaborer ainsi une nouvelle formule d'économie algérienne moderne apte: à nourrir la population qui s'accroît chaque année, à compléter l'économie française et capable enfin de concurrencer pour la production de certains produits les pays étrangers.

La cohabitation sur le sol algérien de population rurales d'origines très diverses et notamment la présence d'une forte majorité musulmane non encore techniquement évoluée a entraîné la révision, pour une application appropriée, de la structure de la C.G.A. métropolitaine. La C.G.A. algérienne tendra en Algérie à parfaire l'éducation sociale et technique de ses adhérents. Ici se situe le rôle de la S.I.P. transformée et rajeunie et tous les efforts doivent aboutir à faire comprendre aux agriculteurs, qu'il est indispensable de faire bénéficier la petite et moyenne exploitation, des avantages financiers et techniques dont seuls profitaient les gros exploitants.

L'installation de nombreuses coopératives agricoles, sous toutes leurs formes, contribuera à la fois au développement de l'agriculture algérienne et à une fusion économique et sociale telle, qu'elle apparaîtra comme le plus sûr moyen de maintenir en Algérie le principe de souveraineté d'une France toujours plus démocratique et toujours plus sociale.

STRUCTURE DE LA CONFÉDÉRATION

Organisation syndicale

Les " syndicats " communaux au intercommunaux suivant les conditions géographiques sont à la base de la C.G.A. Constitués sous l'égide de la loi de 1884, les syndicats, dotés de statuts-types, ont pour rôle exclusif la défense des intérêts professionnels de leurs membres. Les fonctions économiques telles que : achats, répartitions, ventes étant dévolues à la Coopérative correspondante. Chaque activité est représentée. C'est ainsi que le syndicat de Producteurs est lui-même divisé en sections correspondant à chacune des spécialités agricoles (viticulteurs, céréaliculteurs, éleveurs, etc.) et que le syndicat des techniciens, comprend 3 sections représentant respectivement les techniciens, les ouvriers spécialisés et les cadres administratifs des organisations économiques.

Le syndicat des artisans ruraux groupe par spécialités tous les artisans dont la profession est connexe à l'agriculture.

Le rôle de syndicat est également dévolu à la S.I.P. réorganisée. Ainsi seront unis en vue de l'action syndicale, les petits producteurs musulmans, les fellahs et les ouvriers agricoles.

La S.I.P. en tant que syndicat est d'ailleurs considérée par la C.G.A. comme une organisation transitoire d'éducation professionnelle et technique.

Les syndicats sont réunis par affinité en fédérations dont l'ensemble forme l'Union des Fédérations départementales des syndicats de l'Agriculture.

" La Fédération départementale " a elle-même un bureau élu. Son fonctionnement et ses attributions sont, sur le plan du département, identiques à ceux du syndicat de base à qui elle sert d'intermédiaire dans ses relations avec la " Confédération générale ".

Organisation économique

Elle est établie sur un plan parallèle à celui de l'organisation syndicale.

A l'échelon local on y trouve les coopératives diverses, la S.I.P. dans son activité de coopération et de crédit les caisses d'assurances mutuelles agricoles, les caisses de crédit.

Comme les syndicats, ces organismes qui possèdent leur bureau et leur conseil d'administration élus, envoient leurs représentants aux " Fédérations départementales de la Coopération de la mutualitéet du crédit " qui reproduisent fidèlement la division par spécialités des organismes de base et sont chargées d'établir la liaison avec la " Confédération générale ".

Fédérations départementales des syndicats de l'agriculture et Fédérations départementales de la coopération, Mutualité et Crédit sont groupés en une " Union départementale " (association régie par la loi de 1901). Cette union a pour tâche de discuter à l'échelon départemental des questions qui intéressent à la fois l'activité professionnelle des syndicats et l'économie des organismes tels que les coopératives, mais chacune des fédération envoie séparément à la Confédération générale ses représentants élus.

CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DE L'AGRICULTURE

Organisme central couronnant tout l'édifice la C.G.A. est formée par l'assemblée des représentants élus de chacune des Fédérations départementales réunies en Union. On y retrouve les deux grandes branches, organisations syndicale et économique et dans chacune de ces branches, les sections par spécialités. L'Assemblée de la C.G.A. désigne un bureau par voie d'élection.

La mission de la confédération est la défense des intérêts généraux des syndicats et coopératives et des intérêts particuliers à chacune de leurs sections. Elle s'occupe également de la documentation, de l'orientation professionnelle et de la représentation de tous les membres de la profession, aussi bien sur le plan local que sur le plan national, vis à vis des pouvoirs publics et de la haute administration. Son mode de recrutement par élections successives depuis le syndicat de base ou la coopérative locale lui donne un caractère d'institution véritablement démocratique et sa composition en fait une assemblée d'agriculteurs et de travailleurs ruraux authentiques réunis pour défendre eux-mêmes leurs intérêts, prendre en mains leur propre destinée, suivre l'évolution des méthodes et celle des marchés nationaux et internationaux, pour en déduire les conclusions utiles dans leur propre sphère, d'activité économique et sociale.

Cette conception on le voit s'oppose radicalement à celle de la corporation paysanne, à base autoritaire, soumise étroitement à l'intervention officielle jusque dans les nominations des dirigeants de l'institution et qui condamnée sans retour par l'opinion rurale, a été dissoute par l'ordonnance du 12 octobre 1944.

Participation musulmane

Il ne fait pas de doute que les masses musulmanes doivent être intégrées à la C.G.A. L'accès des syndicats de producteurs est ouvert sans conditions aux musulmans citoyens français et les musulmans non citoyens, déjà membres de syndicats professionnels agricoles y seront maintenus de plein droit.


Pour maintenir l'esprit de l'ordonnance du 7 mars un collège unique a été institué, mais quelle que soit l'importance numérique des électeurs européens et musulmans, la représentation de ces derniers ne peut occuper au maximum que les 2/5 des sièges du conseil. Une décision gubernatoriale du 26 mars 1946 autorise l'intégration des S.I.P. à la C.G.A., et leur fédération au sein de cet organisme.

L'organisation définitive de la Confédération Générale de l'Agriculture présente un intérêt évident en Algérie. Pour près de 90 % en effet, l'Algérie vit directement ou indirectement de ses ressources agricole. La ruine de son agriculture serait donc sa propre ruine et en outre par la perte d'un important pouvoir d'achat, elle menacerait la vitalité même de l'industrie française dont elle est le meilleur client.

Conviant toute l'agriculture algérienne à une œuvre salutaire de syndicalisme et d'union, la C.G.A. aura un rôle décisif sur l'avenir économique et social de l'Algérie, et entraînera sa maturité politique en amenant à une compréhension plus grande et plus complète les populations européennes et musulmanes en majorité rurales.