Oscar Spielmann
Grand Prix Artistique de l'Algérie pour 1945
Le Grand Prix artistique de l'Algérie
pour 1945 a été attribué à M. Oscar Spielmann,
dont les uvres ont été exposées du 15 au 30
mars, à la Galerie du Minaret, à Alger.
LE GRAND PRIX ARTISTIQUE DE L'ALGÉRIE
POUR 1945.
Institué sur la proposition des Délégations Financières
par un arrêté du Gouverneur Général du 14 décembre
1922, modifié et réorganisé par la suite, le Grand
prix artistique de l'Algérie est réservé à
des artistes français fixés en Algérie depuis trois
ans au moins, ou justifiant d'un ensemble uvres traitant de sujets
algériens.
Ce prix, d'un montant de dix mille francs
(Le montant
du grand Prix Artistique de l'Algérie a été porté
à 20.000 fr. par arrêté du Gouverneur Gênéral
en date du 9 décembre 1946.), est décerné
par décision du Gouverneur Général, sur proposition
d'un jury constitué à cet effet.
Réuni le 24 novembre 1945 à la Salle Pierre Bordes, où
étaient exposées les uvres des candidats, le jury
a proposé en première ligne M. Oscar Spielmann, en seconde
ligne Mlle Nelly Paté.
LA VIE D'OSCAR SPIELMANN.
Né à Brno (Tchécoslovaquie), le 25 avril 1901, Oscar
Spielmann fait ses études à l'école des Arts décoratifs
de Vienne et suit les cours d'Histoire de l'Art à l'Université
de cette même ville. Après un stage à l'École
nationale des Beaux-arts, à Prague, il obtient le Prix de Rome
du Gouvernement tchèque. Cette bourse lui permet de parcourir l'Italie
et d'en admirer l'héritage classique. De nouvelles bourses de voyage
l'envoient en Allemagne (Munich, Nuremberg, Breslau), enfin à Paris,
où il est l'élève des maîtres les plus qualifiés.
C'est à la suite de ce séjour en France qu'Oscar Spielmann,
devenu Français, se fixe à Alger.
Le désir de se renouveler le pousse cependant à de nombreux
voyages : Tunis, Athènes, Constantinople, l'Asie Mineure, la Suisse,
l'Espagne, le Maroc, lui fourniront successivement les sujets de ses toiles
riches d'impressions multiples traduites par les procédés
les plus divers.
Oscar Spielmann a exposé à Paris (Galerie Barreiro, Salon
des Tuileries), Londres, Prague, Vienne Athènes, Genève,
Alger, Rabat, Tunis, et ses toiles se retrouvent dans de nombreux musées
d'Europe et d'Afrique.
uvres acquises par l'État Français : Paris (Musée
du Jeu de Paume, section du Musée du Luxembourg, réservée
aux peintres étrangers), Alger (3 tableaux au Musée national
des Beaux-arts), Musée d'Oran ; par le Gouvernement marocain (tableaux
à la collection de Rabat, Musée de Casablanca), par le Gouvernement
tchécoslovaque (2 toiles à la Galerie moderne d'État,
Musée de Brno, Bratislava,. etc...)
LE PEINTRE DE L'ALGÉRIE.
Le juste hommage reçu par M. Spielmann fait autant honneur au jury
qui l'a prononcé qu'à l'artiste désigné par
lui.
Personnalité attachante comme il en est peu, Oscar Spielmann a
derrière lui une uvre importante qui s'est épanouie
en Algérie, devenue depuis longtemps sa patrie d'élection.
Ses expositions à l'étranger, en France, au Maroc, en Tunisie,
ses toiles dans de nombreux musées ont puissamment contribué
au rayonnement de l'Algérie dont Spielmann traduit l'orientalisme
par une transposition picturale où se mêlent le charme et
la fantaisie, lui donnant ainsi un caractère de rêve et de
poésie.
Il y a chez cet artiste un romantique attardé qui, en regardant
notre Alger actuel ne peut s'interdire de le transposer sur le plan du
passé. D'un sujet donné, il tire une composition pleine
de fantaisie où la réalité et le rêve s'épousent
de la manière la plus séduisante ; quelquefois, il précise,
il finit, et, d'autres fois il évoque, il suggère par une
esquisse àpeine indiquée.
Tous les sujets algériens l'intéressent : femmes dorées
et débordantes d'une joie bruyante, figures fermées du Sud,
enfants errants, rues de la Casbah, terrasses d'Alger, pétillants
bouquets de fleurs traduits par des procédés divers, huiles,
gouaches, aquarelles, eaux fortes d'une variété étonnante.
Les images d'Afrique prennent, à travers les oeuvres d'Oscar Spielmann,
un charme raffiné hors de banalité et qui tient à
leur fantaisie plastique, à leur graphisme personnel, à
leur palette agile, claire, où la lumière est rendue dans
sa mobilité. Les motifs servent de point de départ pour
exprimer une poésie intérieure tour à tour attendrie,
câline ou railleuse, pour traduire une atmosphère, pour découvrir
le coeur des choses.
Dans les scènes de places ou de rues, les personnages se résument
en gestes, en appels, en cris, en actes schématisés, mais
profondément observés et vrais.
La nature, pour lui, est une féerie, les fleurs l'expression de
la joie, les palmiers le jaillissement vert de la sève terrestre,
les arbres un fouillis lumineux.
Il lui advient de pousser, de terminer une composition, de la conduire
aux limites du plus sage classicisme. Tout s'y développe alors
dans une tendre harmonie, avec un charme un peu morbide qui fait songer
à certains maîtres de l'Italie moderne. Mais, la plupart
du temps, fleurs, intérieurs, nus
éclatants restent dans une magnifique et fantastique incohérence.
En se libérant ainsi de toutes les règles et de toutes les
formules, Oscar Spielmann a rendu avec un éblouissant métier
les aspects divers d'une féerie algérienne, et tout cela
reste cependant naturel, vivant, aussi sensible qu'intellectuel et savoureux
au regard.
CRITIQUE DE LA PRESSE ALGÉRIENNE.
" L'exposition que M. Spielmann a tenu aux Ateliers du Minaret était
très significative dans son ensemble, car elle reflétait
une captivante personnalité se manifestant avec une liberté
et une fantaisie vraiment extraordinaires. Certaines gouaches étaient
traitées avec une si grande légèreté de main
et un esprit si libre qu'elles nous faisaient penser à quelque
improvisation de poète ou de musicien. Pourtant, elles gardaient
toujours un rapport direct avec la vie. La fantaisie, à notre époque,
est une qualité trop rare pour que nous la négligions et
pour qu'elle ne nous séduise point ; cependant, M. Spielmann se
garde de s'y livrer tout entier. Il se satisfait de décrire les
aspects du monde avec une liberté qui ne le défigure point
et qui garde toujours une constante relation avec la réalité.
"
G.-M. MERCIER, " Algéria " - 1934).
" ..Il est impossible de ne pas éprouver une sensation de
clair suspens, d'allégement heureux. Un monde limpide s'offre,
où le sens et l'esprit sont bercés d'une musique à
la fois précieuse et simple. On est l'invité d'une fête
intime et douce, galante et pure, ouverte à la façon d'une
corolle sur la grisaille des jours. "
Max-Pol FOUCHET. - " L'Echo d'Alger ".
" Disons quelle belle leçon de poétique fantaisie nous
donna l'exposition d'Oscar Spielmann. Cet artiste, étranger d'origine,
voit l'Algérie d'un oeil neuf et son esprit de poète le
transpose sur la toile avec une imagination charmante. M. Spielmann ne
doit rien qu'à lui-même. Je songe, en écrivant cela,
à l'une de ses toiles : une mauresque accoudée au parapet
d'une terrasse, rêve devant un vaste ciel où les nuages se
lovent avec la fluidité vaporeuse des songes du personnage. Rêve
et fantaisie, en un mot poésie, telles sont les qualités
de l'art de M. Spielmann. "
Max-Pol FOUCHET. - " Algéria ".
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