Alger, Algérie : documents algériens
Série sociale : enseignement
La formation universitaire des élites algériennes

8 pages, photos - n°49- 15 aout 1956

Parmi les problèmes qui sollicitent les responsables de l'Algérie, celui de la formation des cadres musulmans se situe en bonne place; il conditionne la réalisation de la communauté française en Algérie. Fait partie d'une élite celui qui excelle en quelque matière dans sa profession. Une élite est la fraction plus ou moins nombreuse d'une société qui peut servir de modèle, de guide à autrui. Conclusion immédiate : cette notion n'est ni restreinte, ni liée à la possession d'un titre universitaire ou d'une situation.

mise sur site le 1-07-2005
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------------Parmi les problèmes qui sollicitent les responsables de l'Algérie, celui de la formation des cadres musulmans se situe en bonne place; il conditionne la réalisation de la communauté française en Algérie. Fait partie d'une élite celui qui excelle en quelque matière dans sa profession. Une élite est la fraction plus ou moins nombreuse d'une société qui peut servir de modèle, de guide à autrui. Conclusion immédiate : cette notion n'est ni restreinte, ni liée à la possession d'un titre universitaire ou d'une situation. Elle est avant tout basée sur la valeur humaine, sociale. Aussi est-on amené à parler non d'une, mais des élites, car il s'en trouve dans toutes les activités, dans tous les milieux. Par suite, à son niveau le plus modeste, l'école peut contribuer à la formation des élites dans la mesure où elle conduit chacun à sa propre excellence et où elle aide les meilleurs à s'affirmer, à percer. Ce sont donc tous les degrés de l'Université qu'il convient d'interroger sur leur participation à cette œuvre capitale.

ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

------------Grâce aux efforts entrepris sous la IIIe République, progressivement ajustés, amplifiés sous la IV°, la population scolaire dépassait en 1954, 450.000 élèves dont 70 % de petits musulmans. A ce moment, l'école ne se discutait plus, sa capacité de réception ne suffisait pas à la demande. En 1956 il est prévu 11.826 millions pour le fonctionnement des écoles primaires et 5.800 millions pour les constructions nouvelles.
------------L'école primaire ouvre les même; perspectives qu'en France avec la sanction du Certificat d'études ou l'orientation vers le second degré. Elle a déjà appris à des centaines de milliers d'enfants " ce qu'il n'est pas permis d'ignorer ".
------------Mais depuis longtemps, tenant compte des cond (note du site: il manque des passages non imprimés) ....pratique, de préparer les enfants à leur tâches fui...tions locales, elle s'efforçait, par un enseignement agricole et l'Enseignement professionnel .tures. Ainsi apparurent très vite en Algérie l'Ensei (nota: paragraphe tout désorganisé)
------------L'Enseignement agricole existe dans des classes primaires et des cours complémentaires (300 écoles avec 10.000 élèves et 16 cours complémentaires avec 550 élèves). Son influence dépasse largement le cadre de ces effectifs. Partout où se dispense un tel enseignement la population d'abord réticente, se laisse gagner aux procédés modernes de culture et aux cultures nouvelles. De profondes transformations ont été ainsi provoquées notamment en Kabylie où l'arboriculture fruitière fit d'énormes progrès. La vocation agricole de l'Algérie impose de développer cet enseignement, d'augmenter sans cesse son efficacité.
------------L'Enseignement professionnel, donné en général dans des classes annexées aux écoles primaires s'est rapidement diversifié pour s'adapter à la région. Chez les filles, à côté des ouvrages de caractère traditionnel (broderie, tissage, dentelle) la couture, la coupe et les activités ménagères ont pris une importance croissante. Chez les garçons la base reste le travail du bois et du fer avec des spécialisations variées (tôlerie, ajustage, forge, chaudronnerie). Mais on trouve aussi les activités traditionnelles : dinanderie, travail du cuir, en régression il est vrai. Durant l'année 1955-1956 ces enseignements sont suivis par 3.343 garçons dont 2.187 musulmans dans 137 classes. et 3.538 jeunes filles dont 1.717 musulmanes dans 143 classes.
------------Pour les garçons ces cours subsistent dans les petits centres aux perspectives limitées où un personnel réduit et polyvalent arrive à force de dévouement à satisfaire les besoins. Dans les agglomérations plus importantes on s'oriente peu à peu vers le Centre d'apprentissage plus riche de moyens et qui sera étudié à propos de l'Enseignement technique. Un effort doit être fait pour que la préparation à la profession tienne compte des problèmes locaux de main-d'oeuvre et soit orientée en liaison avec les intéressés à l'Economie locale ou régionale

Cours de coupe dans un centre de formation professionnelle
Cours de coupe dans un centre de formation professionnelle

L'Enseignement ménager féminin mérite d'être particulièrement développé, car il aura des répercussions immédiates sur la vie familiale et même sur le niveau de vie.
------------Mais l'Enseignement primaire élémentaire est aussi la pépinière des candidats à l'entrée en 6è . A ce stade qui suit le cours moyen 2è année, en dépit d'une indispensable formation générale de base, on voit apparaître une première diversification malheureusement sans rapport avec les aptitudes des enfants, leur intérêt ou celui de la société.
------------Chacun désirant pour les siens les bienfaits supposés et illusoires le plus souvent des sections classiques ou modernes, on n'envisage que comme pis aller le cours complémentaire ou le collège technique. Une jeunesse ainsi préparée ne peut s'insérer que péniblement dans l'éventail des emplois disponibles, essentiellement techniques. Peut-être la réforme de l'enseignement y portera-t-elle remède par une organisation judicieuse de l'orientation scolaire. Ce problème de sélection et d'orientation se pose plus encore dans le cadre algérien que dans la Métropole. Il faut que les parents, si difficiles à persuader, prennent conscience de leur véritable intérêt.
------------Avant de passer à l'Enseignement secondaire, il convient de dire quelques mots des Cours complémentaires liés administrativement à l'Enseignement primaire. Il existe actuellement pour l'enseignement général 517 classes réparties entre 77 cours complémentaires de garçons fréquentés par 8.490 élèves dont 3.220 musulmans et 43 cours complémentaires de jeunes filles fréquentés par 6.350 élèves dont 720 musulmanes.
------------On y dispense l'enseignement moderne court qui en 4 ans conduit au Brevet d'Etudes du 1er Cycle (B.E.P.C.). Ce diplôme donne accès à de nombreuses fonctions de l'Administration ou du secteur semi-public. En fin de scolarité, les élèves peuvent d'ailleurs s'orienter soit vers l'Ecole Normale d'Instituteurs, soit vers la classe de Seconde des Collèges et entrer alors dans l'Enseignement secondaire.
------------Appartenant également au premier degré, 6 écoles normales (8 dans quelque temps) préparent à leurs tâches 1.100 élèves-maîtresses ou élèves-maîtres dont 528 bacheliers en formation professionnelle. Effectif insuffisant puisqu'il représente moins de la moitié des créations de postes envisagées.

ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

------------Donné dans cinquante établissements, il s'adresse en 1955 à près de 37.000 lèves dont environ 20 % de Français-Musulmans. Cette proportion marque un net recul par rapport à l'Enseignement primaire où elle atteint 70 %. Cependant quand les circonstances locales s'y prêtent le pourcentage atteint ou dépasse 50 % (Sétif, Tlemcen, Bougie).
------------Nos établissements permettent les mêmes études qu'en France. Ils sont bien équipés, particulièrement au point de vue scientifique. Ils conduisent les élèves par des voies diverses au Baccalauréat que 5.000 d'entre eux ont affronté avec succès en 1955 ainsi qu'aux Concours d'entrée des grandes écoles qui en ont accueillis la même année 76 (dont 4 aux Ecoles normales supérieures et 9 à l'Ecole Polytechnique).
------------Toutefois quatre Lycées d'Enseignement franco-musulman dont un de jeunes filles offrent cette originalité de dispenser une double culture française et arabo-islamique. Dans l'ensemble, la langue arabe étudiée par 11.000 élèves n'occupe que la seconde place, loin derrière la langue anglaise (27.000). Un effort est indispensable dans ce domaine en vue de la formation de plus. nombreux professeurs de qualité.
------------L'accroissement annuel des effectifs, de 2.500 à 3.000 unités au cours des derniers exercices, pose partout des problèmes d'agrandissement, de création, de recrutement.
------------Pour le bien des enfants et la commodité des familles la solution, certes coûteuse, serait la multiplication des établissements. Mais la pénurie de professeurs de toutes disciplines et plus particulièrement scientifiques prend une tournure si inquiétante qu'on n'arrive même plus à pourvoir les chaires existantes; actuellement, malgré l'emploi généralisé de palliatifs tels que le recours à des maîtres auxiliaires licenciés complètement ou partiellement ou même à des instituteurs simplement bacheliers, une centaine de postes restent découverts. Il y a là un grave danger pour la formation de notre jeunesse.
------------L'Enseignement secondaire demande plus de 3 milliards de fonctionnement auxquels s'ajouteront cette année 800 millions d'équipement pour les constructions nouvelles.

 

 

ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ET AGRICOLE

------------L'Enseignement technique est dispensé dans des Centres d'apprentissage et à un degré plus élevé, dans les Collèges techniques et les Sections techniques ainsi qu'à l'Ecole nationale professionnelle de Dellys.
------------Issus des anciens Cours professionnels, les Centres d'apprentissage plus richement outillés, dotés d'un personnel plus nombreux, mieux préparé, dispensent un enseignement professionnel plus spécialisé et plus complet. En 1955-1956 les 66 centres masculins ont accueilli 6.028 élèves dont 3.736 musulmans et les 56 centres féminins 3.944 élèves dont 1.751 musulmanes.
------------Au niveau secondaire se situent 4 collèges techniques industriels et commerciaux, 10 sections annexées aux établissements du second degré et l'Ecole nationale professionnelle. Ils touchent actuellement plus de 3.000 élèves dont 1/6° de français-musulmans, proportion encore faible et qu'il y a lieu de développer au plus tôt. L'existence de Sections techniques étroitement soudées à des établissements modernes ou classiques du 2° degré faciliterait certainement une orientation générale de la jeunesse vers l'Enseignement technique. Il y a dans cette voie une oeuvre à accomplir au cours des prochaines années.
------------Ces différentes écoles techniques assurent la préparation aux divers certificats d'aptitude professionnels (près de 2.000 pour 35 spécialités en 1955) et aux Brevets d'enseignement industriels et commerciaux (600 pour 28 spécialités en 1955). Certificats et Brevets permettent un placement conforme aux activités choisies et l'accession aux cadres subalternes. Les établissements du niveau secondaire préparent en outre au Baccalauréat technique et aux Ecoles nationales d'Ingénieurs.
------------Un effort soutenu est nécessaire pour atteindre des effectifs en rapport avec la masse des candidats possibles et avec les besoins de l'Algérie en techniciens. Ces besoins ne pourront être exactement évalués que lorsqu'on aura dégagé une idée nette de l'orientation économique du pays. Pour l'immédiat, l'accroissement de la capacité d'accueil est indispensable.
------------Le degré supérieur de l'Enseignement technique est représenté par deux établissements spécialisés : l'Ecole nationale d'Ingénieurs des Travaux publics et du Bâtiment de Maison-Carrée et l'Ecole Supérieure de Commerce d'Alger. Fréquentés par 165 élèves (2 Français-Musulmans seulement en 1955, 1 seulement en 1956) ils pourront suffire aux besoins moyennant extension et aménagement.
------------Il convient enfin de signaler les Centres d'orientation professionnelle (1 par département) dont les techniciens apportent une aide précieuse aux familles. Ils les renseignent en effet sur les possibilités de leurs enfants et sur la nature des études qui leur conviennent. Cette année plus de 18.000 enfants ou jeunes gens ont été examinés par leurs soins.
------------L'Enseignement technique du ressort de l'Education nationale absorbera durant l'année en cours 1.300 millions pour son fonctionnement et 1.500 millions pour ses constructions nouvelles.
------------Dans un domaine voisin, également spécialisé, l'agriculture bénéficie d'un enseignement de moyen degré dans 4 écoles (Sidi-Bel-Abbès, Philippeville, Guelma, Aïn-Témouchent) et l'Ecole ménagère agricole (Alger). Au degré supérieur, l'Ecole nationale d'Agriculture de Maison-Carrée forme des ingénieurs agronomes. Ces établissements ne sont pas du ressort de 1'Education nationale et relèvent de la Direction de l'Agriculture.

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

------------Une proportion importante des bacheliers se dirige vers nos Facultés et Alger se situe en bonne place parmi les Universités françaises. Si, pour des raisons variées, 2.000 algériens poursuivent leurs études supérieures en Métropole, plus de 5.000 (dont un peu plus de 10 % de Français-Musulmans) fréquentent les cours des 91 chaires de leur Université qui offre un éventail complet de spécialités.
En plus des quatre Facultés, Droit, Médecine et Pharmacie, Sciences, Lettres, une dizaine d'Instituts accroissent les possibilités d'investigation et de culture dans les domaines les plus variés : Recherches sahariennes, Hautes Etudes islamiques, et bientôt Physique nucléaire; Instituts d'Etudes juridiques d'Oran et de Constantine. L'Université d'Alger se tient au niveau des plus récents progrès et s'adapte aux besoins de l'Economie et de l'Administration modernes. C'est ainsi qu'ont vu le jour le Centre de formation administrative et la Préparation à la Gestion des entreprises.
------------L'Université ne cesse de s'agrandir. Cette année les travaux d'extension absorberont 355 millions. Une annexe importante est prévue qui accueillera l'Institut d'Etudes nucléaires et divers instituts de la Faculté des Lettres. Elle coûtera plus d'un milliard. Le transfert complet de la Faculté de Médecine dans de nouveaux locaux devient une nécessité. Dans l'Enseignement Supérieur comme dans celui du 2' degré on ne peut que souhaiter une distribution des étudiants mieux adaptée aux débouchés possibles. Les études de Droit et de Lettres restent les plus en faveur malgré l'encombrement des carrières auxquelles elles conduisent. Elles accaparent près de 3/5è des effectifs.
------------Parmi les moyens de travail mis à la disposition des étudiants les bibliothèques sont essentielles:
------------La Bibliothèque nationale dont les 450.000 volumes vont trouver place dans un remarquable ensemble de bâtiments nouveaux.
------------La Bibliothèque de l'Université, récemment agrandie et riche de près de 700.000 volumes.
------------Des bourses et un service social apportent l'aide matérielle indispensable aux étudiants et aux élèves des écoles. Le système des bourses connaît une large extension et avec des modalités diverses s'applique de l'entrée en 6e à la Faculté. Le nombre des bénéficiaires s'accroît sans cesse. Durant l'année en cours l'Algérie a inscrit à son budget 35 millions pour l'Enseignement Supérieur, 254 pour le Second degré, 76 pour le Premier et 80 pour l'Enseignement technique.
------------De son côté le Service social assure en partie le logement et la nourriture : étudiants. La Cité Universitaire d'Alger accueille dès à présent 500 pensionnaires; sa capacité doit être doublée. Avec elle, 3 autres établissements servent annuellement 300.000 repas. Un effort complémentaire a été accompli dès 1955 où 20 millions ont été attribués pour des indemnités de logement aux étudiants d'Algérie en France ou à Alger.

o O o

------------Tel est brièvement esquissé le tableau des activités par lesquelles l'Education nationale apporte sa contribution à la formation de cadres en Algérie. Sen importance capitale n'a pas échappéaux rebelles qui s'efforcent d'en saper les fondements en incendiant, pillant, ou détruisant les écoles.
------------Depuis 1954 le développement du terrorisme a entraîné la fermeture de 1.500 classes et privé 55.000 enfants de scolarité. 735, soit plus du quart des écoles d'Algérie sont fermées, détruites, ou endommagées. 300 d'entre elles ont été incendiées.
------------Toutefois, le maintien du rythme des créations qui prévoyait pour 1956 1.500 classes nouvelles dans les régions les plus calmes a permis de garder des effectifs globaux sensiblement constants.

École de plein air où les jeunes kabyles travaillent sous la direction d'un instituteur rappelé.
École de plein air où les jeunes kabyles travaillent sous la direction d'un instituteur rappelé.

-------------Dans les régions pacifiées l'armée a ouvert des écoles relevant de formules diverses (écoles en plein air, sous la tente, dans des locaux récupérés) où l'enseignement est donné par des instituteurs militaires (rappelés ou mobilisés).
------------Pour importants que soient les résultats ci-dessus exposés, ils ne permettent pas de s'estimer satisfait dans un pays si riche de promesses humaines. Il s'agit d'une part d'étendre largement les bases qui alimentent cette action, d'autre part et, surtout, d'adapter davantage encore celle-ci en l'orientant vers les branches les plus bénéfiques pour la mise en valeur de l'Algérie et par là le mieux-être de tous ses habitants.