------------Parmi
les problèmes qui sollicitent les responsables de l'Algérie,
celui de la formation des cadres musulmans se situe en bonne place; il
conditionne la réalisation de la communauté française
en Algérie. Fait partie d'une élite celui qui excelle en
quelque matière dans sa profession. Une élite est la fraction
plus ou moins nombreuse d'une société qui peut servir de
modèle, de guide à autrui. Conclusion immédiate :
cette notion n'est ni restreinte, ni liée à la possession
d'un titre universitaire ou d'une situation. Elle est avant tout basée
sur la valeur humaine, sociale. Aussi est-on amené à parler
non d'une, mais des élites, car il s'en trouve dans toutes les
activités, dans tous les milieux. Par suite, à son niveau
le plus modeste, l'école peut contribuer à la formation
des élites dans la mesure où elle conduit chacun à
sa propre excellence et où elle aide les meilleurs à s'affirmer,
à percer. Ce sont donc tous les degrés de l'Université
qu'il convient d'interroger sur leur participation à cette uvre
capitale.
ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
------------Grâce
aux efforts entrepris sous la IIIe République, progressivement
ajustés, amplifiés sous la IV°, la population scolaire
dépassait en 1954, 450.000 élèves dont 70 % de petits
musulmans. A ce moment, l'école ne se discutait plus, sa capacité
de réception ne suffisait pas à la demande. En 1956 il est
prévu 11.826 millions pour le fonctionnement des écoles
primaires et 5.800 millions pour les constructions nouvelles.
------------L'école
primaire ouvre les même; perspectives qu'en France avec la sanction
du Certificat d'études ou l'orientation vers le second degré.
Elle a déjà appris à des centaines de milliers d'enfants
" ce qu'il n'est pas permis d'ignorer
".
------------Mais
depuis longtemps, tenant compte des cond (note
du site: il manque des passages non imprimés) ....pratique,
de préparer les enfants à leur tâches fui...tions
locales, elle s'efforçait, par un enseignement agricole et l'Enseignement
professionnel .tures. Ainsi apparurent très vite en Algérie
l'Ensei (nota: paragraphe tout désorganisé)
------------L'Enseignement
agricole existe dans des classes primaires et des cours complémentaires
(300 écoles avec 10.000 élèves et 16 cours complémentaires
avec 550 élèves). Son influence dépasse largement
le cadre de ces effectifs. Partout où se dispense un tel enseignement
la population d'abord réticente, se laisse gagner aux procédés
modernes de culture et aux cultures nouvelles. De profondes transformations
ont été ainsi provoquées notamment en Kabylie où
l'arboriculture fruitière fit d'énormes progrès.
La vocation agricole de l'Algérie impose de développer cet
enseignement, d'augmenter sans cesse son efficacité.
------------L'Enseignement
professionnel, donné en général dans des classes
annexées aux écoles primaires s'est rapidement diversifié
pour s'adapter à la région. Chez les filles, à côté
des ouvrages de caractère traditionnel (broderie, tissage, dentelle)
la couture, la coupe et les activités ménagères ont
pris une importance croissante. Chez les garçons la base reste
le travail du bois et du fer avec des spécialisations variées
(tôlerie, ajustage, forge, chaudronnerie). Mais on trouve aussi
les activités traditionnelles : dinanderie, travail du cuir, en
régression il est vrai. Durant l'année 1955-1956 ces enseignements
sont suivis par 3.343 garçons dont 2.187 musulmans dans 137 classes.
et 3.538 jeunes filles dont 1.717 musulmanes dans 143 classes.
------------Pour
les garçons ces cours subsistent dans les petits centres aux perspectives
limitées où un personnel réduit et polyvalent arrive
à force de dévouement à satisfaire les besoins. Dans
les agglomérations plus importantes on s'oriente peu à peu
vers le Centre d'apprentissage plus riche de moyens et qui sera étudié
à propos de l'Enseignement technique. Un effort doit être
fait pour que la préparation à la profession tienne compte
des problèmes locaux de main-d'oeuvre et soit orientée en
liaison avec les intéressés à l'Economie locale ou
régionale
Cours
de coupe dans un centre de formation professionnelle
L'Enseignement ménager féminin
mérite d'être particulièrement développé,
car il aura des répercussions immédiates sur la vie familiale
et même sur le niveau de vie.
------------Mais
l'Enseignement primaire élémentaire est aussi la pépinière
des candidats à l'entrée en 6è . A ce stade qui suit
le cours moyen 2è année, en dépit d'une indispensable
formation générale de base, on voit apparaître une
première diversification malheureusement sans rapport avec les
aptitudes des enfants, leur intérêt ou celui de la société.
------------Chacun
désirant pour les siens les bienfaits supposés et illusoires
le plus souvent des sections classiques ou modernes, on n'envisage que
comme pis aller le cours complémentaire ou le collège technique.
Une jeunesse ainsi préparée ne peut s'insérer que
péniblement dans l'éventail des emplois disponibles, essentiellement
techniques. Peut-être la réforme de l'enseignement y portera-t-elle
remède par une organisation judicieuse de l'orientation scolaire.
Ce problème de sélection et d'orientation se pose plus encore
dans le cadre algérien que dans la Métropole. Il faut que
les parents, si difficiles à persuader, prennent conscience de
leur véritable intérêt.
------------Avant
de passer à l'Enseignement secondaire, il convient de dire quelques
mots des Cours complémentaires liés administrativement à
l'Enseignement primaire. Il existe actuellement pour l'enseignement général
517 classes réparties entre 77 cours complémentaires de
garçons fréquentés par 8.490 élèves
dont 3.220 musulmans et 43 cours complémentaires de jeunes filles
fréquentés par 6.350 élèves dont 720 musulmanes.
------------On
y dispense l'enseignement moderne court qui en 4 ans conduit au Brevet
d'Etudes du 1er Cycle (B.E.P.C.). Ce diplôme donne accès
à de nombreuses fonctions de l'Administration ou du secteur semi-public.
En fin de scolarité, les élèves peuvent d'ailleurs
s'orienter soit vers l'Ecole Normale d'Instituteurs, soit vers la classe
de Seconde des Collèges et entrer alors dans l'Enseignement secondaire.
------------Appartenant
également au premier degré, 6 écoles normales (8
dans quelque temps) préparent à leurs tâches 1.100
élèves-maîtresses ou élèves-maîtres
dont 528 bacheliers en formation professionnelle. Effectif insuffisant
puisqu'il représente moins de la moitié des créations
de postes envisagées.
ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
------------Donné
dans cinquante établissements, il s'adresse en 1955 à près
de 37.000 lèves dont environ 20 % de Français-Musulmans.
Cette proportion marque un net recul par rapport à l'Enseignement
primaire où elle atteint 70 %. Cependant quand les circonstances
locales s'y prêtent le pourcentage atteint ou dépasse 50
% (Sétif, Tlemcen, Bougie).
------------Nos
établissements permettent les mêmes études qu'en France.
Ils sont bien équipés, particulièrement au point
de vue scientifique. Ils conduisent les élèves par des voies
diverses au Baccalauréat que 5.000 d'entre eux ont affronté
avec succès en 1955 ainsi qu'aux Concours d'entrée des grandes
écoles qui en ont accueillis la même année 76 (dont
4 aux Ecoles normales supérieures et 9 à l'Ecole Polytechnique).
------------Toutefois
quatre Lycées d'Enseignement franco-musulman dont un de jeunes
filles offrent cette originalité de dispenser une double culture
française et arabo-islamique. Dans l'ensemble, la langue arabe
étudiée par 11.000 élèves n'occupe que la
seconde place, loin derrière la langue anglaise (27.000). Un effort
est indispensable dans ce domaine en vue de la formation de plus. nombreux
professeurs de qualité.
------------L'accroissement
annuel des effectifs, de 2.500 à 3.000 unités au cours des
derniers exercices, pose partout des problèmes d'agrandissement,
de création, de recrutement.
------------Pour
le bien des enfants et la commodité des familles la solution, certes
coûteuse, serait la multiplication des établissements. Mais
la pénurie de professeurs de toutes disciplines et plus particulièrement
scientifiques prend une tournure si inquiétante qu'on n'arrive
même plus à pourvoir les chaires existantes; actuellement,
malgré l'emploi généralisé de palliatifs tels
que le recours à des maîtres auxiliaires licenciés
complètement ou partiellement ou même à des instituteurs
simplement bacheliers, une centaine de postes restent découverts.
Il y a là un grave danger pour la formation de notre jeunesse.
------------L'Enseignement
secondaire demande plus de 3 milliards de fonctionnement auxquels s'ajouteront
cette année 800 millions d'équipement pour les constructions
nouvelles.
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ENSEIGNEMENT TECHNIQUE
ET AGRICOLE
------------L'Enseignement
technique est dispensé dans des Centres d'apprentissage et à
un degré plus élevé, dans les Collèges techniques
et les Sections techniques ainsi qu'à l'Ecole nationale professionnelle
de Dellys.
------------Issus
des anciens Cours professionnels, les Centres d'apprentissage plus richement
outillés, dotés d'un personnel plus nombreux, mieux préparé,
dispensent un enseignement professionnel plus spécialisé
et plus complet. En 1955-1956 les 66 centres masculins ont accueilli
6.028 élèves dont 3.736 musulmans et les 56 centres féminins
3.944 élèves dont 1.751 musulmanes.
------------Au
niveau secondaire se situent 4 collèges techniques industriels
et commerciaux, 10 sections annexées aux établissements
du second degré et l'Ecole nationale professionnelle. Ils touchent
actuellement plus de 3.000 élèves dont 1/6° de français-musulmans,
proportion encore faible et qu'il y a lieu de développer au plus
tôt. L'existence de Sections techniques étroitement soudées
à des établissements modernes ou classiques du 2°
degré faciliterait certainement une orientation générale
de la jeunesse vers l'Enseignement technique. Il y a dans cette voie
une oeuvre à accomplir au cours des prochaines années.
------------Ces
différentes écoles techniques assurent la préparation
aux divers certificats d'aptitude professionnels (près de 2.000
pour 35 spécialités en 1955) et aux Brevets d'enseignement
industriels et commerciaux (600 pour 28 spécialités en
1955). Certificats et Brevets permettent un placement conforme aux activités
choisies et l'accession aux cadres subalternes. Les établissements
du niveau secondaire préparent en outre au Baccalauréat
technique et aux Ecoles nationales d'Ingénieurs.
------------Un
effort soutenu est nécessaire pour atteindre des effectifs en
rapport avec la masse des candidats possibles et avec les besoins de
l'Algérie en techniciens. Ces besoins ne pourront être
exactement évalués que lorsqu'on aura dégagé
une idée nette de l'orientation économique du pays. Pour
l'immédiat, l'accroissement de la capacité d'accueil est
indispensable.
------------Le
degré supérieur de l'Enseignement technique est représenté
par deux établissements spécialisés : l'Ecole nationale
d'Ingénieurs des Travaux publics et du Bâtiment de Maison-Carrée
et l'Ecole Supérieure de Commerce d'Alger. Fréquentés
par 165 élèves (2 Français-Musulmans seulement
en 1955, 1 seulement en 1956) ils pourront suffire aux besoins moyennant
extension et aménagement.
------------Il
convient enfin de signaler les Centres d'orientation professionnelle
(1 par département) dont les techniciens apportent une aide précieuse
aux familles. Ils les renseignent en effet sur les possibilités
de leurs enfants et sur la nature des études qui leur conviennent.
Cette année plus de 18.000 enfants ou jeunes gens ont été
examinés par leurs soins.
------------L'Enseignement
technique du ressort de l'Education nationale absorbera durant l'année
en cours 1.300 millions pour son fonctionnement et 1.500 millions pour
ses constructions nouvelles.
------------Dans
un domaine voisin, également spécialisé, l'agriculture
bénéficie d'un enseignement de moyen degré dans
4 écoles (Sidi-Bel-Abbès, Philippeville, Guelma, Aïn-Témouchent)
et l'Ecole ménagère agricole (Alger). Au degré
supérieur, l'Ecole nationale d'Agriculture de Maison-Carrée
forme des ingénieurs agronomes. Ces établissements ne
sont pas du ressort de 1'Education nationale et relèvent de la
Direction de l'Agriculture.
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
------------Une
proportion importante des bacheliers se dirige vers nos Facultés
et Alger se situe en bonne place parmi les Universités françaises.
Si, pour des raisons variées, 2.000 algériens poursuivent
leurs études supérieures en Métropole, plus de
5.000 (dont un peu plus de 10 % de Français-Musulmans) fréquentent
les cours des 91 chaires de leur Université qui offre un éventail
complet de spécialités.
En plus des quatre Facultés, Droit, Médecine et Pharmacie,
Sciences, Lettres, une dizaine d'Instituts accroissent les possibilités
d'investigation et de culture dans les domaines les plus variés
: Recherches sahariennes, Hautes Etudes islamiques, et bientôt
Physique nucléaire; Instituts d'Etudes juridiques d'Oran et de
Constantine. L'Université d'Alger se tient au niveau des plus
récents progrès et s'adapte aux besoins de l'Economie
et de l'Administration modernes. C'est ainsi qu'ont vu le jour le Centre
de formation administrative et la Préparation à la Gestion
des entreprises.
------------L'Université
ne cesse de s'agrandir. Cette année les travaux d'extension absorberont
355 millions. Une annexe importante est prévue qui accueillera
l'Institut d'Etudes nucléaires et divers instituts de la Faculté
des Lettres. Elle coûtera plus d'un milliard. Le transfert complet
de la Faculté de Médecine dans de nouveaux locaux devient
une nécessité. Dans l'Enseignement Supérieur comme
dans celui du 2' degré on ne peut que souhaiter une distribution
des étudiants mieux adaptée aux débouchés
possibles. Les études de Droit et de Lettres restent les plus
en faveur malgré l'encombrement des carrières auxquelles
elles conduisent. Elles accaparent près de 3/5è des effectifs.
------------Parmi
les moyens de travail mis à la disposition des étudiants
les bibliothèques sont essentielles:
------------La
Bibliothèque nationale dont les 450.000 volumes vont trouver
place dans un remarquable ensemble de bâtiments nouveaux.
------------La
Bibliothèque de l'Université, récemment agrandie
et riche de près de 700.000 volumes.
------------Des
bourses et un service social apportent l'aide matérielle indispensable
aux étudiants et aux élèves des écoles.
Le système des bourses connaît une large extension et avec
des modalités diverses s'applique de l'entrée en 6e à
la Faculté. Le nombre des bénéficiaires s'accroît
sans cesse. Durant l'année en cours l'Algérie a inscrit
à son budget 35 millions pour l'Enseignement Supérieur,
254 pour le Second degré, 76 pour le Premier et 80 pour l'Enseignement
technique.
------------De
son côté le Service social assure en partie le logement
et la nourriture : étudiants. La Cité Universitaire d'Alger
accueille dès à présent 500 pensionnaires; sa capacité
doit être doublée. Avec elle, 3 autres établissements
servent annuellement 300.000 repas. Un effort complémentaire
a été accompli dès 1955 où 20 millions ont
été attribués pour des indemnités de logement
aux étudiants d'Algérie en France ou à Alger.
o O o
------------Tel
est brièvement esquissé le tableau des activités
par lesquelles l'Education nationale apporte sa contribution à
la formation de cadres en Algérie. Sen importance capitale n'a
pas échappéaux rebelles qui s'efforcent d'en saper les
fondements en incendiant, pillant, ou détruisant les écoles.
------------Depuis
1954 le développement du terrorisme a entraîné la
fermeture de 1.500 classes et privé 55.000 enfants de scolarité.
735, soit plus du quart des écoles d'Algérie sont fermées,
détruites, ou endommagées. 300 d'entre elles ont été
incendiées.
------------Toutefois,
le maintien du rythme des créations qui prévoyait pour
1956 1.500 classes nouvelles dans les régions les plus calmes
a permis de garder des effectifs globaux sensiblement constants.
École
de plein air où les jeunes kabyles travaillent sous la direction
d'un instituteur rappelé.
-------------Dans
les régions pacifiées l'armée a ouvert des écoles
relevant de formules diverses (écoles en plein air, sous la tente,
dans des locaux récupérés) où l'enseignement
est donné par des instituteurs militaires (rappelés ou
mobilisés).
------------Pour
importants que soient les résultats ci-dessus exposés,
ils ne permettent pas de s'estimer satisfait dans un pays si riche de
promesses humaines. Il s'agit d'une part d'étendre largement
les bases qui alimentent cette action, d'autre part et, surtout, d'adapter
davantage encore celle-ci en l'orientant vers les branches les plus
bénéfiques pour la mise en valeur de l'Algérie
et par là le mieux-être de tous ses habitants.
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