---------De
nombreux cas de mort dus à la piqûre de scorpions étaient
signalés naguère chaque année en Algérie,
surtout dans le Sud-est, et dans le Sud Tunisien. C'est ainsi que le D
Edmond CHAIX a enregistré, dans la seule oasis de Touggourt, pendant
l'année 1939, 400 envenimements dont 15 suivis de mort, et il donne
comme titre au premier chapitre de sa thèse : " Le péril
scorpionique clans l'Annexe
de Touggourt " (1).
---------C'est
pourquoi l'institut Pasteur d'Algérie a commencé, en 1932,
l'étude du venin des scorpions nord-africains (2), dans l'intention
de préparer un sérum ,antiscorpionique. Les scorpions de
l'Afrique du Nord appartiennent à une quinzaine d'espèces.
Les plus intéressants pour le médecin, soit à cause
de la gravité des accidents qu'ils provoquent, soit à cause
de leur fréquence, sont :
---------Prionurus
australis L. (grand, brun, à grosse queue) très
répandu dans la partie orientale des steppes et du Sahara.
---------Prionurus
liouvillei Plry (noirâtre à pinces fines) des steppes
et du Sahara.
---------Prionurus
amoreuxi Audoin (grand, jaunâtre).
Sahara.
---------Prionurus
hoggarensis Plry (ressemble à Pr. australis, mais vert
très sombre, presque noir). Sahara central.
---------Buthtus
occitanus Amrx. (petit, j aune clair, à
pinces fines) fréquent partout. Tell et Sahara.
---------Hottentota
gentili Plry (grand, grêle, noir et
très velu). Partie occidentale du Sahara.
---------Scorpio
maurus L. (petit, jaune brun, à grosses pinces) fréquent
partout (3).
---------De
tous ces scorpions, le plus venimeux de beaucoup est Prionurus australis.C'est
à lui surtout que sont dues les morts d'hommes.
---------Nous
signalons, en raison de la singularité du fait, que Buthus occitanus
cause dans les régions littorales de l'Algérie des envenimements
mortels, ne se distingue pas, d'après les entomologues, du Buthus
occitanus du Languedoc et de nombreux pays du Midi de l'Europe. dont la
piqûre n'entraîne jamais la mort.
---------Pour
l'étude au laboratoire du venin de scorpion, le mode simple et
que de préparation que nous employons depuis 16 ans nous a toujours
donné des résultats constants et sûrs. Le telson desséché
à 37° et conservé à l'ombre en tube scellé
est finement broyé. Pour l'injection, la poudre est mise à
macérer pendant quelques heures dans de l'eau stérile salée
à 0 p. 1.000 dans des flacons contenant des perles de. verre que
1'on agite à plusieurs reprises.
---------L'animal
de choix pour l'étude du venin de scorpion est la souris blanche.
L'injection de la suspension de poudre de telson est faite à la
souris sous la peau.
---------La
dose minima mortelle de venin pour la souris de 20 grammes a été
recherchée pour six espèces de scorpions de l'Afrique du
Nord.
---------Elle
est de :
---------1/20
de telson pour Prionurus australis L.
---------1/15
de telson pour Prionurus amoreuxi
Audoin
---------1/12
de telson pour Prionurus hoggarensis Plry
---------1/2
de telson pour Buthtus occitanus
Amrx.
---------3/4
à 1 telson de telson pour Hottentota
gentili
---------7
de telson pour Scorpio maurus L
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---------Pour
la préparation du sérum antiscorpionique nous employons
des chevaux malléinés et vaccinés contre le tétanos
(4). Le venin à injecter est dilué dans de l'eau salée,
selon la méthode que nous avons décrite (5). Nous n'utilisons
que le venin Prionurus australis L. qui est le plus toxique.
---------Le
titrage de l'activité du sérum antiscorpionique s'effectue
sur la souris (de 20 grammes environ). UJn sérum est considéré
comme bon quand il sauve de 80 à 100 % des souris traitées,
dont les témoins, qui ont reçu la même dose de venin
meurent tous en moins de deux heures.
---------Le
sérum préparé avec du venin de P. australis est également
actif contre l€ venin des autres scorpions de l'Afrique du Nord.
Les expériences de laboratoire ont montré
que le sérum préparé avec le venin de Prionurus
australis L protège également 9 souris sur 10 injectées
avec le venin d'un autre Prionurus, Prionurus liouvillei Plryi.
Fait plus frappant, ce sérum, préparé avec du venin
d'un Prionurus, sauve également 9 souris sur 10 ayant reçu
une dose mortelle d'un scorpion appartenant à un autre genre :
Buthus occitunus. Chez l'homme également, le sérum
anti Prionurus australis guérit l'envenimement dû
à la piqûre de B. occitanus. Nous avons vu
nous-mêmes en 1944 - un garçonnet de 6 ans qui, piqué
par un B. occitanus, était entré dans le coma
au bout de quelques minutes, renaître rapidement à la vie
après une injection sous-cutanée de 20 centicubes de sérum
anti-Prionurus australis
---------Le
sérum antiscorpionique a été mis à la disposition
des médecins en 1936 . Depuis 12 ans que les piqûres de scorpions
sont traitées en Afrique du Nord par le sérum préparé
par l'Institut Pasteur d'Algérie, nous avons reçu 4.057
observations de sérothérapie antiscorpionique relevées
par des médecins. Nous ne tenons pas compte dans la statistique
des cas bénins. Nous ne retenons pas non plus les cas signalés
par le médecin traitant comme "sérieux mais non alarmants
", où les symptômes dominants sont une vive souffrance,
des vomissements, l'algidité, bien que chaque fois l'injection
de sérum ait produit une amélioration rapide, très
appréciée des malades. Si l'on ne considère, parmi
ces 4.057 observations, que celles qui concernent les cas, au nombre de
1.003, où le médecin traitant écrivait que la vie
était en danger (parfois le pronostic était même désespéré)
on enregistre 923 guérisons. La proportion des guéris est
donc de 92 %.
---------Parmi
ces 923 malades dont l'état était alarmant, et qui ont été
sauvés par le sérum antiscorpionique, 24 (c'est-à-dire
2,5%) étaient des Européens, et 899 (c'est-à-dire
97,5 %) étaient des indigènes musulmans (6).
(1) Les envenimements par
piqûres de scorpions dans l'Annexe de Touggourt. Intérêt
de la Sérothérapie - Thèse Fac. Méd. Alger
- 1940.
(2) Cette étude n'a été possible que grâce
à la bonne collaboration de nos confrères d'Algérie,
de Tunisie et du Maroc, que nous remercions ici bien vivement.
(3) M. Max VACHON, du Laboratoire de Zdb logie du Muséum national
d'Histoire naturelle de Paris, poursuit en ce moment l'étude systématique
approfondie des scorpions du Nord de l'Afrique, effectuée avec
les collections de l'Institut Pasteur d'Algérie. Cette étude
est en cours de publication dans les Archives de l'Institut Pasteur d'Algérie,
t ornes 26 et suivants.
(4) Je suis bien reconnaissant à mes collègues du Service
vétérinaire, MM. DONATIEN, PLANTUREUX et GAYOT, de leur
amicale collaboration.
(5) Etienne SERGENT. - L'action du sérum antiscorpionique est renforcée
quand on injecte en même temps de l'eau salée. Arch. fnst.
Pasteur d' Algérie, 21, mars 1943, 24-27.(69) Pour la bibliographie
des travaux effectués à l'Institut Pasteur d'Algérie
sur les scorpions, voir les Archives de l'Institut Pasteur d'Algérie,
à partir du tome 11, 1933.
INSTITUT PASTEUR d'ALGÉRIE
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