------------L'immunité
est l'état de résistance acquis par un organisme, qui a
guéri de certaines maladies infectieuses. contre une nouvelle attaque
de ces maladies. On peut citer la scarlatine, la variole, etc.... La guérison
clinique s'accompagne de la disparition totale, définitive, des
microbes agresseurs - et toute attaque par un microbe de même espèce
échoue. C'est l'immunité vraie, stérilisante.
La tuberculose n'est pas de ces maladies à immunité vraie
stérilisante. Lorsqu'un malade a guéri cliniquement d'une
atteinte locale, d'une pleurésie. par exemple, ou d'un abcès
froid, il recouvre un bon état de santé, mais il reste porteur
de bacilles tuberculeux. La guérison clinique n'a pas été
accompagnée (le la guérison parasitaire. Les microbes persistent
dans l'organisme à l'état de vie ralentie, silencieuse.
Il n'y a donc pas de véritable immunité. Mais cette infection
latente procure à l'hôte qui la tolère un précieux
avantage : tant qu'elle dure, l'organisme résiste à une
surinfection. Nous avons appelé en 1924, avec L. PARROT et A. DONATIEN,
" prémunition ", cet état de résistance
acquise corrélatif d'une infection latente.
------------On
s'explique donc clairement les insuccès des nombreux expérimentateurs
qui ont essayé de vacciner contre la tuberculose avec des vaccins
faits de microbes tués. Du moment que la tuberculose confère
la prémunition et non l'immunité, les seuls microbes qui
pourront vacciner durablement contre elle seront des microbes vivants,
atténués, rendus avirulents, et non pas des microbes morts.
------------Dès
le début de ce siècle, A. CALMETTE et son collaborateur
C. GUERIN, ayant vérifié eux mêmes l'inefficacité
des vaccins tués contre la tuberculose, arrivèrent à
cette conception que seule la présence latente d'un virus atténué,
menant une vie symbiotique au sein d'un organisme, était susceptible
de protéger celui-ci contre l'invasion de bacilles tuberculeux
virulents. Et ce fut en partant de cette base qu'ils créèrent
le vaccin B.C.G., issu d'une souche microbienne isolée d'un cas
de tuberculose bovine, rendue héréditairement avirulente.
Des " Bacilles CALMETTE-GUERIN " (B.C.G.), prélevés
tout jeunes dan, une culture fraîche, commencent à perdre
leur vitalité au bout d'une dizaine de jours. C'est pendant cette
décade qui suit la date de leur récolte que les microbes,
pleins d'activité végétative et reproductrice, doivent
être administrés comme vaccin prémunissant. La vie
latente du B.C.G. et la prémunition qui l'accompagnent durent trois
ans en moyenne dans l'organisme humain, d'où la nécessité
de revaccinations, A. CALMETTE adopta immédiatement notre terme
de " prémunition " oour définir le résultat
de la vaccination par le vaccin vivant B.C.G.
------------En
tout pays, la vaccination antituberculeuse par le B.C.G. est le meilleur
mode de préservation contre la tuberculose. Mais dans les pays
d'outre mer à civilisation attardée, où bien des
années passeront avant que (les populations encore primitives aient
atteint le niveau de vie des peuples de haute et vieille civilisation,
dont les progrès de tout ordre ont renforcé les moyens de
défense contre les maladies infectieuses, la vaccination constitue,
en l'état présent des choses, à peu près la
seule mesure de protection efficace contre la tuberculose.
------------L'Institut
Pasteur d'Algérie a poursuivi, depuis 1910, sur plus de 42.000
sujets, l'étude de la répartition géographique de
l'infection tuberculeuse en Algérie, révélée
par les résultats de la cuti-tuberculination de PIRQUET. Cette
vaste enquête montre que l'infection tuberculose est encore actuellement
beaucoup moins répandue dans les milieux ruraux algériens
(à l'exception de la Kabylie) que dans les milieux métropolitains,
niais que, sans cesse, elle y gagne du terrain. La nécessité
d'organiser des campagnes de vaccinations collectives contre la tuberculose
dans les campagnes algériennes s'impose.
* * *
------------Or,
dans les pays d'outre mer, les conditions de géographie physique
et de géographie humaine ne permettent pas d'employer partout les
techniques de vaccination antituberculeuse applicables dans les pays d'Europe.
------------En
Algérie, les citadins, l'élite d'origine européenne
ou indigène, pourront être vaccinés comme en France.
Mais la très grande majorité des habitants de l'Afrique
du Nord sont des ruraux disséminés (sauf en Kabylie) sur
de grands espaces, où les déplacements sont difficiles faute
de voies de communication, à cause aussi des longues distances
et du caractère excessif du climat : brûlant en été,
froid et très pluvieux en hiver. Aussi l'Administration tolère-t-elle
(lue, dans les steppes et les montagnes, le délai de trois jours
imparti pour la déclaration des naissances à l'Etat civil
soit largement dépassé. Cette dispersion de la population
nécessite une méthode particulière de vaccination.
* * *
------------Lorsqu'en
novembre 1924 l'Institut Pasteur d'Algérie commença la préparation
et la délivrance du B.C.G. (De novembre 1924 au
31 décembre 1948, 271.889 doses délivrées, dont 50.109
dans la France métropolitaine non occupée (du 23 septembre
1940 au 6 novembre 1942.) que A. CALMETTE avait inaugurée
trois mois auparavant à Paris, il rencontra dans les agglomérations
urbaines les mêmes conditions favorables à la diffusion du
vaccin qu'en France. Mais les difficultés de la vaccination dans
le " bled " apparurent bientôt.
------------C'est
pourquoi Il. FOLEY et L. PARROT entreprirent, en 1928, dans un village
saharien bien isolé, (le patientes études en vue d'établir
un plan de vaccination antituberculeuse des populations rurales algériennes.
------------De
1928 à 1948, leurs recherches ont comporté 13.746 observations,
concernant 452 primo-vaccinations et 1.306 revaccinations.
------------Ils
ont procédé, sur les sujets à vacciner ou vaccinés,
à 11.988 tuberculinations, dont 6.892 cuti-tuberculinations et
5.o96 intradermo-tuberculinations.
------------Avant
les primo-vaccinations, 1.288 cuti-tuberculinations et 342 intradermo-tuberculinations.
Après les primo-vaccinations, 5.664 cuti-tuberculinations et 4.154
intradermo-tuberculinations.
* * *
------------Avant
d'exposer les conclusions auxquelles ont abouti les recherches de 1-1.
FOLEY et (le L. PAR ROT, nous rappellerons les différentes techniques
qui ont été employées pour la vaccination par le
B.C.G.
------------Le
vaccin B.C.G. peut être administré soit par voie digestive,
soit par voie parentérale, et, dans les deux cas, il doit l'être
dans les 10 jours qui suivent sa préparation.
------------1.
- VACCINATION PAR VOIE DIGESTIVE
------------La
vaccination (lite " buccale " est la première en date.
Elle consiste à faire ingérer le contenu de trois ampoules
de vaccin. La contamination tuberculeuse frappant parfois l'enfant dès
les premiers jours qui suivent la naissance, A. CALMETTE a conseillé
de vacciner les nouveau-nés le plus tôt possible, dans les
10 premiers jours après leur venue au monde, à un moment
où leur muqueuse intestinale est encore perméable aux éléments
microbiens.
------------Cette
vaccination per buccam des nouveau-nés, en raison du court délai
pendant lequel on y peut recourir, n'est évidemment pas applicable
clans la pleine campagne algérienne où il n'y a souvent
ni médecin ni sage-femme et où les naissances ne pourraient
guère être connues à temps du personnel sanitaire
susceptible de la pratiquer correctement - en admettant qu'on les en informât.
------------1l
faut donc pouvoir vacciner des enfants bien après leur naissance.
Mais la muqueuse intestinale ne se laisse facilement pénétrer
par les microbes que chez les enfants en bas fige. La vaccination par
la voie digestive ne peut être pratiquée avec sûretéque
chez les nouveau-nés. Chez les enfants plus âgés,
il est préférable d'introduire le vaccin par voie parentérale.
Pour les nouveau-nés eux-mêmes,_ on tend de plus en plus
à substituer à la vaccination par ingestion la vaccination
par inoculation, parce que celle-ci est plus constante dans ses effets
préventifs.
II. - VACCINATION PAR
VOIE PARENTÉRALE
------------A.
CALMETTE se basant sur ses expériences, a écrit dès
longtemps que lorsqu'un enfant n'avait pas pu être vacciné
à la naissance par le vaccin donné par la bouche, il pourrait
l'être plus tard par du vaccin introduit par inoculation.
------------Mais
alors il est indispensable, disait-il, de s'assurer au préalable
que le sujet à vacciner est indemne de toute infection tuberculeuse,
car nous savons combien les contaminations précoces sono. nombreuses,
surtout chez les enfants naissant en milieu contagieux. L'existence d'une
infection tuberculeuse latente peut être décelée par
l'épreuve de la tuberculination. Cette épreuve consiste
à . introduire dans la peau d'un sujet de la tuberculine, c'est-à-dire
la substance toxique, extraite de cultures tuée, de bacilles tuberculeux,
que R. KOCH a découverte en 1890 Si le sujet est porteur d'une
infection latente, il présente, clans les deux ou trois jours qui
suivent, au point d'injection, une réaction de la peau décrite
comme caractéristique par PIRQUET en 1907. Trois techniques différentes
sont employées pour poser ce " tuberculino-diagnostic "
:
------------a)
A travers une goutte de tuberculine brute, déposée sur la
peau, on pratique au vaccinostyle quelques scarifications cutanées
légères. C'est la cuti-tuberculination, dont le résultat
provoquera une " cuti-réaction tuberculinique ", si le
sujet est porteur de germes, allergique, selon l'expression de PIRQUET.
L'expérience a montré que la cuti-tuberculination est loin
de dénoncer tous les porteurs d'infections latentes. C'est pourquoi
A. CALMETTE conseillait de pratiquer deux cuti-tuberculinations à
7 jours d'intervalle pour déceler les allergiques. Une unique cuti-tuberculination
suffit toutefois si on la pratique sur toute la population d'un pays dans
l'intention de dresser la carte de la distribution géographique
de l'infection tuberculeuse dans ce pays, parce que toutes les observations
se font dans les mêmes conditions et sont donc comparables entre
elles.
------------b)
On inocule clans le derme une faible quantité de tuberculine diluée.
Les dilutions de tuberculine brute ont varié de 1 pour 5.000. à
1 p.10, et la quantité injectée, évaluée en
tuberculine brute. a varié de 1/100 de mg, à 1 cg, C'est
l'intradernto-tuberculination, qui donne une " intradermo-réaction
tuberculinique ". L'intradermo-tuberculination appliquée à
la recherche des infections latentes donne des résultats bien supérieurs
à ceux de la cuti-tuberculination.H. FOLEY et L.PARROT ont vu que,
chez les mêmes sujets. en milieu algérien, la cuti-tuberculination
donnait 35 % de succès, et l'intradermo-tuberculination 91 %.
------------c)
On frictionne la peau avec une goutte de tuberculine concentrée,
ou bien l'on applique sur la peau une petite pièce de sparadrap
imprégnée de tuberculine. C'est la percuti-tuberculination,
qui provoque une " percuti-réaction tuberculinique ".
------------A.
CALMETTE conseillait donc de ne vacciner, parmi les enfants qui ne l'auraient
pas été au cours des ro premiers jours de leur vie, que
des sujets en bon état de santé, et présentant cieux
cuti-réactions négatives à la tuberculine, à
7 jours d'intervalle. Pourquoi A. CALMETTE a-t-il prescrit cette règle
des cuti-tuberculinations préalables ? C'est pour une raison d'ordre
purement psychologique. Si l'on vaccine par le B.C.G. un sujet qui est
déjà infecté de tuberculose sans que le vaccinateur
en soit prévenu par la cuti-tuberculination, il peut arriver qu'ultérieurement
ce sujet succombe à l'infection naturelle. Il est à craindre
qu'à ce moment, les personnes non averties ignorant l'histoire
pathologique du malade et le fait qu'il était déjà
tuberculeux avant d'être vacciné, incriminent le vaccin et
l'accu-sent d'avoir provoqué la mort. En outre, la vaccination
de sujets allergiques cause un gaspillage de vaccin.
* * *
------------La
vaccination par voie parentérale peut s'effectuer selon trois modes
: l'inoculation sous-cutanée, l'inoculation intradermique, l'inoculation
par scarifications cutanées.
------------1.
- La vaccination par inoculation sous-cutanée
a été expérimentée chez
l'homme dès 1925. Pour diminuer la réaction locale, la dose
avait été abaissée jusqu'à 1/100 de milligramme
de corps microbiens. Ce procédé pouvait provoquer la formation
d'abcès froids de longue durée. Il n'est plus employé.
------------2.
- La vaccination intradermique consiste à
inoculer à la seringue, avec une aiguille fine. dans l'épaisseur
de la peau, 1/10 de milligramme ou bien 1/4o de milligramme de vaccin
B.C.G. " Normalement, écrit un des
auteurs qui ont adopté ce procédé, la vaccination
intradermique avec 1/10 de milligramme est suivie, après 4 à
5 semaines, de l'apparition d'un petit nodule au point d'inoculation.
Ce nodule augmente lentement de volume. Six semaines environ après
la vaccination, il s'ouvre à travers la peau, et il s'en échappe
une ou deux gouttes de pus. La petite ulcération qui en résulte
persiste quelques semaines, jusqu'à deux mois, et sa guérison
laisse une fine cicatrice. (...) Si l'inoculation est trop profonde, ou
bien si elle est trop rapide et lèse les tissus, elle cause souvent
de très gros abcès et parfois une inflammation des ganglions
voisins ".
|
|
------------L'inconvénient
de la production de ces petits abcès froids est très aggravé
lorsque le sujet inoculé est allergique, c'est-à-dire s'il
est déjà infecté par des bacilles tuberculeux. ------------On
sait en effet, depuis R. KOCH, que des bacilles tuberculeux, même
totalement avirulents, comme le B.C.G., ou tués, agissent différemment
s'ils sont inoculés sous ou dans la peau d'un sujet déjà
porteur de germes, ou sous ou dans la peau d'un sujet indemne. Chez le
sujet sain, pas de réaction notable : au contraire, chez le porteur
de germes, l'inoculation du B.C.G. sous ou dans la peau provoque une inflammation
locale très vive, suivie de nécrose et d'élimination
rapide des tissus mortifiés. C'est ce qu'on appelle le " phénomène
de KOCH ". On ne peut pas exposer les sujets à vacciner à
des suppurations locales de longue durée. Pour ce motif, il est
nécessaire, avant de procéder à la vaccination intradermique,
de s'assurer, par des épreuves de tuberculination, que le sujet
n'est pas allergique.
------------La
vaccination intradermique est une opération assez délicate,
en raison de la finesse de certaines peaux, (le l'indocilité des
jeunes enfants qu'il faut soigneusement maintenir pour éviter de
pousser l'injection dans le tissu cellulaire sous-cutané. Quand
il s'agit de vaccinations collectives, l'inoculation vaccinale nécessite
l'emploi (l'un abondant matériel stérilisé (seringues
spéciales, aiguilles). Elle exige deux ou quatre déplacements
des individus à vacciner et (les vaccinateurs, pour les deux tuberculinations
préalables, la lecture des résultats de ces tuberculinations
et la vaccination elle-même. Il ne saurait être question en
Algérie de confier régulièrement les vaccinations
intradermiques collectives aux médecins et agents du Service de
Santé locaux, déjà absorbés par leur lourde
tâche quotidienne, d'où la nécessité (le recourir
à des équipes mobiles spécialisées, d'autant
plus coûteuses qu'il faudrait en faire des organismes permanents,
et qui, quelque zèle qu'elles y apportent, ne pourraient donner
au vaccin B.C.G. parmi les populations rurales de l'Algérie, la
rapide diffusion souhaitable.
------------En
résumé, les difficultés principales que comportent
les vaccinations collectives par inoculation intradermique dans les campagnes
algériennes viennent surtout de la gêne causée aux
populations obligées à plusieurs déplacements successifs,
et des frais qu'entraîneront les missions de personnel vaccinateur.
------------3.
- La vaccination par scarifications cutanées
consiste à appliquer le vaccin B.C.G. sous la peau du bras scarifiée,
exactement comme on fait du vaccin antivariolique. Elle est d'une grande
simplicité. Comme la vaccination antivariolique, elle ne nécessite
qu'un matériel restreint (un vaccinostyle, un compte-gouttes, un
verre de montre, une lampe à alcool y suffisent) et se prête
remarquablement aux inoculations collectives. La vaccination par scarifications
cutanées est toujours tout à fait inoffensive : on observe
seulement, dans les jours qui suivent, une infiltration papuleuse rougeâtre,
légère, sur les traits (le scarification. Cette réaction
cutanée n'est guère plus considérable chez les sujets
allergiques que chez les sujets neufs à l'infection tuberculeuse.
Elle ne cause jamais de suppuration persistante.
------------L'efficacité
de la vaccination par scarifications cutanées et démontrée
par ce fait que 91 % au moins des sujets sont devenus allergiques après
l'opération vaccinale, dans les essais effectués en Algérie.
------------Le
mode d'application en Algérie (lu procédé de vaccination
antituberculeuse par scarifications cutanées a été
minutieusement expérimenté par H. FOLEY et L. PARROT.
Lorsqu'ils entreprirent, en 1928, l'étude des techniques les plus
propres à prémunir contre la tuberculose les populations
rurales, ils constatèrent d'abord que, dans l'immense majorité
des cas, il est impossible, en raison de la dispersion des habitants sur
de vastes espaces et du petit nombre de médecins, de vacciner les
enfants dans les 10 premiers jours qui suivent la naissance. Ils reconnurent,
ensuite, qu'on devrait renoncer à la vaccination des enfants plus
âgés si les cuti-tuberculinations préalables en étaient
une condition sine qua non. En effet, pour effectuer deux cuti-tuberculinations,
en lire les résultats et pratiquer la vaccination, il faudrait,
comme nous l'avons indiqué plus haut, réunir plusieurs fois
de suite, à quelques jours d'intervalle, les groupes convoqués
pour des vaccinations collectives. Deux rassemblements sont nécessaires
dans les cas où la première tuberculination décèle
l'existence de l'allergie, lors de la visite de contrôle 48 heures
plus tard. Quatre rassemblements sont nécessaires lorsque, la première
tuberculination avant donné un résultat négatif (deux
déplacements), on pratique 7 jours plus tard une seconde tuberculination.
suivie elle-même, après deux jours. d'une visite de contrôle
(encore deux déplacements). Les non allergiques peuvent être
vaccinés au cours de ce quatrième rassemblement. Or, l'expérience
a montré qu'il est totalement impossible d'imposer plusieurs déplacements
successifs, à bref délai, aux fellahs et surtout à
leurs femmes, (lui sont obligées d'accompagner les jeunes enfants.
C'est pour la même raison péremptoire que, dans les campagnes
algériennes, nous avons remplacéles trois inoculations (le
vaccin non vivant contre le typhus exanthématique, par une seule
inoculation d'une close plus forte (l'un vaccin plus dense.
------------H.FOLEY
et L.PARROT ont donc recherché si les cuti- tuberculinations préalables
étaient vraiment nécessaires. La première question
qui se pose est celle-ci : l'inoculation du B.C.G. à des sujets
naturellement allergiques, c'est-à-dire en état d'infection
tuberculeuse, peut-elle être dangereuse pour eux ? La réponse
donnée par les expériences minutieuses et prudentes faites
depuis 20 ans par H. FOLEY et L. PARROT, est catégoriquement négative.
Elle est confirmée, au surplus, par une foule de travaux effectués
ailleurs et par A. CALMETTE lui-même : l'inoculation du vaccin B.C.G.
à un sujet tuberculeux est complètement inoffensive. Depuis
t933, plus de 20.000 enfants de o à 15 ans ont déjà
été vaccinés dans le " bled " algérien
selon la méthode instaurée par H. FOLEY et L. PARROT
(H. Foley et L. Parrot, Arch. Inst. Pasteur d'Algérie.
9, 4, décemb. 1931, 598-629 ; 12, 4, décemb. 1934, 409-434
; 14, 1, mars 1936, 6-8 ; 4, déc. 1936, 418-420 ; 19, 4, déc.
1941, 426-430 ; 21, 4, déc. 1943, 233-254 ; Ann. Inst. Pasteur.
53, nov. 1934, 509-534 ; Bull. Soc. Patte, excita 27, 7, 1934, 622-625
; 28,10,1935, 894-896 ; Bull. Acad. Méd. 117, 22, 8 juin 1937,
636-638 ; Alger. Méd. n' 112. avril 1937, 169-173 ; Cali, méd.
Union Franc., n' 19, avril 1948, 303-307.)
------------L'innocuité
du B.C.G. administré à un tuberculeux étant certaine,
une seconde question se pose : l'inoculation du B.C.G. par scarifications
cutanées à un porteur de germes tuberculeux peut-elle, comme
l'inoculation (tans le derme ou l'inoculation sous la peau, provoquer
l'apparition (le petits abcès froids l Ainsi qu'il est (lit plus
haut, des milliers d'expériences ont répondu négativement
à cette seconde question.
------------En
conclusion, les cuti-tuberculinations préalables à la vaccination
antituberculeuse par scarifications cutanées apparaissent aujourd'hui
comme inutiles. Si on les exigeait, il faudrait renoncer à faire
bénéficier les populations rurales algériennes de
cette vaccination. Le seul moyen de donner leur chance de salut aux innombrables
populations éparpillées dans le bled et la brousse consiste
à appliquer la méthode qu'il est juste d'appeler la méthode
FOLEY -PARROT, qui supprime les tuberculinations préalables à
la vaccination par le B.C.G. inoculé par scarifications cutanées.
------------A.
CALMETTE avait prescrit, en 1924, de ne vacciner que des sujets non allergiques,
afin d'éviter que des interprétations inconsidérées
ne portassent tort à son vaccin, alors dans toute la fleur de sa
nouveauté. mais, à l'heure actuelle, la preuve est faite
de l'innocuité de l'inoculation (lu B.C.G. à des tuberculeux.
Ii n'est plus besoin (le s'inquiéter de la possibilité (le
jugements erronés ; le facteur psychologique a perdu sa valeur.
Pour vaccination antituberculeuse dans le " bled ", une précaution
inutile serait une précaution funeste : elle empêcherait
la diffusion de la vaccination antituberculeuse.
------------A.
CALMETTE, tenu au courant des essais d'application collective de la prémunition
antituberculeuse dans les campagnes algériennes, écrivait
à H. FOLEY, le 3 juillet 1933 : "
La vaccination par le B.C.G. sans cuti-réactions préalables
est l'idéal de la simplicité dans votre pays"
RÉSUMÉ
ET APPLICATION PRATIQUE
------------Le
choix de la technique à employer dans le " bled " algérien
pour les vaccinations collectives contre la tuberculose est commandé
par les conditions suivantes, qui résultent les unes de la nature
du pays, les autres de la nature de la maladie à prévenir.
------------1.
Le pays. - Dans l'Algérie du Nord, sur 8 à 9
millions d'habitants, plus de î millions vivent clairsemés
sur 210.000 kilomètres carrés, mal pourvus de voies de communication.
et on les médecins sont rares.
Il en résulte de particulières difficultés pour les
déplacements, d'une part des médecins, d'autre part des
groupes de populations que l'on rassemble pour des vaccinations collectives.
------------2.
La maladie. La résistance que l'on peut acquérir
contre la tuberculose consistant. non pas en une immunité vraie
stérilisante, mais en une prémunition corrélative
d'une infection latente, un vaccin antituberculeux ne peut être
qu'un virus vivant atténué.
------------La
prémunition cesse lorsque l'infection latente par le vaccin B.C.G.
s'éteint. c'est-à-dire en moyenne au bout de 3 ans. Une
vaccination générale unique de la population enfantine d'un
pays, si étendue soit-elle, n'aurait par suite qu'une action temporaire
: il faut revacciner périodiquement tous les sujets qui ne sont
plus en état d'allergie.
------------D'autre
part, comme l'application générale de la vaccination devient
difficile dans les milieux musulmans vers la quinzième année
et qu'aux environs de la vingtième année la proportion des
allergiques naturels est généralement importante, on peut
établir comme règle d'effectuer la dernière vaccination
au cours (le la quinzième année d'âge. -----------Bref,
une vaccination triennale depuis le bas âge jusqu'à 1 ans
représente six opérations vaccinales.
------------3.
Du choix de la technique. - En considérant successivement
les trois techniques de vaccination antituberculeuse en usage actuellement,
du point de vue de la possibilité d'une application pratique dans
les campagnes algériennes, on peut conclure .
-------------
l'ingestion du vaccin à la naissance n'y est presque jamais possible
;
-------------
la vaccination par inoculation intradermique du B.C.G.. aussi bien que
chacune des revaccinations, doivent obligatoirement être précédés
de tuberculinations attestant que le sujet n'est pas porteur de germes
tuberculeux, parce que l'inoculation du B.C.G. dans le derme peut causer
chez les allergiques la production de petits abcès froids fort
gênants ; les déplacements successifs qu'imposent aux sujets
à vacciner les tuberculinations préalables et l'opération
vaccinale elle-même, rendent le procédé de l'inoculation
intradermique d'une application quasi impossible dans les campagnes algériennes
;
-------------
à la différence de la vaccination par la voie intradermique,
la vaccination par scarifications cutanées ne nécessite
pas de tuberculinations préalables, car l'inoculation du B.C.G.
par scarifications ne provoque pas plus de suppuration chez les sujets
allergiques que chez les sujets non allergiques ; c'est pourquoi la vaccination
par scarifications cutanées est partout et toujours réalisable
en Algérie, à très peu de frais, à condition
(l'employer la méthode FOLEY-PARROT : vacciner en une fois sans
cuti-tuberculination~ cutanées, tous les enfants en bon état
de santé au-dessous de quinze ans, et les revacciner, de la même
façon, tous les trois ans, jusqu'à quinze ans.
------------Il
est facile d'administrer le B.C.G. par simples scarifications cutanées,
à plusieurs centaines d'individus, en une seule matinée,
en tout temps, tout lieu, et de répéter l'opération
aussi souvent que l'exige l'entretien de la prémunition conférée
par le vaccin. On peut d'ailleurs mettre à profit les séances
périodiques (le vaccination antivariolique, si familière
aux populations algériennes, et si bien acceptée d'elles,
et le concours de personnes qu'elles provoquent, pour vacciner simultanément
contre la tuberculose, en inoculant le vaccin jennérien au bras
gauche par exemple, et le vaccin B.C.G. au bras droit. - ce qui est l'affaire
d'un instant pour un médecin, une infirmière-visiteuse,
une assistante sociale ou un adjoint technique de la Santé.
* * *
------------Tel
est le seul procédé qui permet la vaccination collective
méthodique et renouvelée des populations dispersées
dans le bled et dépourvues de service médical.
------------Dans
les milieux qui bénéficient de la présence d'un médecin,
les vaccinations individuelles doivent être effectuées selon
les règles établies par l'Institut Pasteur : 1) Vacciner
les nouveau-nés : 2) Si les circonstances n'ont pas permis la vaccination
à la naissance, vacciner plus tard, à tout âge, mais
à la condition, pour éviter le gaspillage du vaccin, que
la vaccination soit précédée de cuti-tuberculinations
pratiquées par un médecin qui montreront si la vaccination
est nécessaire.
INSTITUT PASTEUR D'ALGERIE.
|