Alger, Algérie : documents algériens
Série sociale : démographie
Étude sur le Recensement général de la Population du 31 Octobre 1948

10 pages - n°24 - 30 avril 1949

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-Le recensement du 31 Octobre 1948 est le 22me depuis 1830. Comme en France, la périodicité quinquennale est en effet de règle en Algérie et à partir de 1836, année du 2me recensement pour la population européenne, de 1556, année du premier recensement s'étendant à l'ensemble de la population, elle a été respectée en général sauf à deux reprises dans les périodes difficiles de notre histoire : ont été supprimés en effet les recensements qui auraient 'dû avoir lieu en 1916 et 1941.

mise sur site le 14-06-2005
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---------------Un recensement général de la population vient d'avoir lieu en Algérie, dont les opérations se sont terminées le 31 Octobre 1948, date fixée par l'arrêté du 21 Avril 1948.
---------------Après la France (mai 1946), l'Algérie a donc réalisé cette œuvre de " self connaissance " si importante pour un Etat moderne, quoique l'immense portée nationale de cette tâche échappe parfois au public plus disposé à n'y voir qu'un supplément de formalités administratives venant s'ajouter à celles déjà si lourdes de la vie courante.
---------------Le recensement du 31 Octobre 1948 est le 22me depuis 1830. Comme en France, la périodicité quinquennale est en effet de règle en Algérie et à partir de 1836, année du 2me recensement pour la population européenne, de 1856, année du premier recensement s'étendant à l'ensemble de la population, elle a été respectée en général sauf à deux reprises dans les périodes difficiles de notre histoire : ont été supprimés en effet les recensements qui auraient 'dû avoir lieu en 1916 et 1941.
---------------Le dernier dénombrement général de la population de l'Algérie remonte à 1936. L'opération d'Octobre 1948. prévue d'abord pour 1946, puis reculée en raison des grandes difficultés intérieures du pays, est la première mise au point d'ensemble sur la population après les bouleversements de la guerre. Une grande partie de son intérêt vient de cette circonstance ; elle justifie d'ailleurs amplement les moyens mis en oeuvre pour la réussite et l'utilisation complète de ce dénombrement.
---------------Avant de montrer la portée exacte d'une telle opération en notant ses buts immédiats et profonds, il parait utile de préciser rapidement les conditions légales des recensements. Quelques détails seront enfin donnés sur la technique à la fois de l'exécution et de l'exploitation ainsi que sur les productions statistiques qui découlent de celle-ci. Dans cet ordre d'idée, on présentera dans un prochain numéro les nombres définitifs de la population des communes de l'Algérie du Nord et des Annexes des Territoires du Sud, avec un commentaire de ces résultats.

1. -- CONDITIONS LÉGALES DES DÉNOMBREMENTS.

---------------Les recensements de la population. au sens moderne du mot, ne remontent guère au-delà du XIXè siècle en France comme dans les autres pays de l'Europe occidentale.
---------------La première loi prescrivant l'exécution d'un recensement en France est la loi du 22 juillet 1791. C'est encore le texte de base dans la législation sur les recensements, bien qu'il implique en fait la tenue d'un véritable registre de population dans les communes, permettant de fixer l'état de la population à la fin de chaque année ; les articles 1 et 2 de cette 'loi , les seuls qui soient encore rappelés aujourd'hui sont ainsi rédigés :
---------------" Article premier. --- Dans les villes et dans le campagnes, les corps municipaux feront constater l'état des habitants, soit par des commissaires de police, s'il y en a, soit par des citoyens commis à cet effet. Chaque année, dans le courant des mois de Novembre et Décembre cet état sera vérifié de nouveau et on y fera les changements nécessaires : l'état des habitants des campagnes sera recensé au chef-lieu du canton, par des commissaires que nommeront les officiers municipaux de chaque communauté particulière.
---------------" Article 2. -- I.e registre contiendra des déclarations que chacun aura faites de ses nom. âge, lieu de naissance, dernier domicile, profession, métier et autres moyens de subsistance. désignera les citoyens domiciliés dans la municipalité dont il sera connu et qui pourront rendre bon témoignage de sa conduite. "
---------------Signalons que l'article 471 paragraphe 15 du code pénal sanctionne le refus de se conformer aux prescriptions de l'article 2.
---------------La méthode trop rigoureuse que définit la loi de 1791 n'a reçu en fait aucune application, et les recensements effectués par la suite en 18o1, en 1805, 1821, 1831 et tous les cinq ans ont le caractère de relevés périodiques excluant la tenue permanente d'un registre de population.
---------------Aucun des textes ultérieurs n'a modifié la valeur de principe de la loi de 1791, mais un certain nombre d'entre eux a simplement précisé les conditions d'application.
---------------En revanche, le nombre de lois ou décrets qui font référence à la population des communes ou des départements et qui par conséquent supposent plus ou moins implicitement la nécessité de recensements périodiques, n'a fait que croître.
---------------Citons parmi les plus récents les diverses lois électorales depuis la libération ; les textes se rapportant au traitement des agents communaux ; divers textes d'organisation sociale ou sanitaire (réglementation du nombre des médecins, des pharmaciens). la plupart des lois visant l'organisation des finances locales, etc...
---------------La transposition en Algérie mutatis mutandis de la plupart des lois métropolitaines fournit une base juridique similaire aux dénombrements de la population de l'Algérie. A tel point que jusqu'en 1936, les opérations v ont été exécutées à la même date que dans les départements métropolitains et selon des modalités à peu près analogues.
---------------Il n'existe donc aucun texte particulier à l'Algérie en matière de dénombrement de la population.
---------------Connue dans la Métropole un certain nombre de résultats des recensements sont consacrés par la loi, soit parce qu'ils sont prescrits par les décrets de dénombrements, soit parce que l'obligation de les déterminer résulte (le textes particuliers.
---------------Ces éléments avant valeur légale sont essentiellement :
---------------1) la population municipale ou population domiciliée dans chaque commune et vivant en dehors des communautés énumérées dans la population comptée à part ;
---------------2) La population comptée à part, dont les catégories sont explicitement énumérées par la loi ;
---------------3) La population agglomérée ou population de l'agglomération du chef-lieu légal de la commune ;
---------------4) la population éparse ou complément de la population agglomérée dans la population municipale
---------------5) La population agglomérée dans les sections de commune pour les communes dont la population agglomérée dépasse 1.000 habitants.
---------------Cette notion est dégagée par la loi du 19 Juillet 1889 sur l'instruction primaire qui attribue aux maîtres (l'école de section l'indemnité de résidence prévue à l'article 12.

II. - BUTS DES RECENSEMENTS.

---------------Déterminer la population des communes, suivant les détails fixés par la loi, tel est le premier but des recensements.
---------------Les nombres de population ayant reçu valeur légale, et déclarés seuls authentiques en vertu d'un texte officiel, fournissent dans l'intervalle de deux recensements successifs, les bases (l'application (les diverses lois ou décrets se référant au critère de population. La plupart de ces textes visant les administrations communales, on conçoit que les chefs de commune soient intéressés au plus haut point à l'exécution (les dénombrements et en définitive celle-ci dépend entièrement de leurs soins.
---------------D'autre part, on aperçoit les défectuosités du système qui conduit à fixer pour cinq ans la population de chaque commune, car l'impossibilité à prévoir sûrement une évolution continue conduit à admettre des discontinuités. dont l'ampleur est à la mesure des transformations de structure du peuplement du pays : mouvement de concentration urbaine par exemple.
---------------Mais la détermination (lu nombre des habitants n'est ni l'unique, ni même le principal objet du recensement : et ceci contrairement à une opinion répandue, surtout dans les milieux administratifs. On a tendance en effet à ne retenir du recensement que les résultats consacrés par la loi.
---------------N'est-ce pas en particulier l'erreur légitime des autorités communales, en France notamment où la dimension des communes est faible ? C'est qu'en effet les autres utilités du recensement s'inscrivent surtout dans le cadre national.
---------------S'il s'agissait simplement (le fixer la population de chaque commune, il ne serait pas nécessaire de réaliser une entreprise aussi considérable : il suffirait de procéder à un comptage numérique sanas individualiser les personnes recensées c'est-à-dire sans notation de leurs caractères ou pour le moins en se limitant à un petit nombre de caractères : sexe et nationalité par exemple ; les comptages de rationnaires en particulier pourraient répondre à ce but, malgré les difficultés bien connues qu'ils soulèvent notamment le fait qu'en raison de la fraude alimentaire, il y a toujours plus " d'estomacs " que d'hommes : que la notion normale de domicile se trouve faussée, les attributions de rations pouvant avoir lieu dans la commune du domicile de travail, surtout lorsque celui-ci est dans une grande ville.
---------------Le recensement dans sa conception moderne, permet seul de dresser un inventaire générai des ressources en hommes. Cet inventaire assez détaillé pour répondre aux besoins d'information nécessaires à l'action politique, économique et sociale, ne saurait rendre inutiles les enquêtes effectuées par les administrations ou services dans leur secteur propre ; il constitue un cadre général dans lequel s'inscrivent toutes les enquêtes particulières.
---------------L'importance d'un tel inventaire n'est pas contestable en général. Encore moins pour un pays comme l'Algérie dont la vie est entièrement conditionnée par le problème démographique. Or, seul un recensement complet peut éclairer la structure démographique, économique et sociale d'un pays.
---------------Quelques exemples feront comprendre l'intérêt des éléments de structure.
---------------La répartition par sexe et par âge de la population précise non seulement la situation démographique actuelle (population jeune ou vieille) mais encore les tendances futures, toute action à long terme (levant se . plier aux exigences de ces prévisions. Elle constitue en outre l'information de base la plus sûre pour l'action sociale : population scolaire, rapport entre personnes à charge et adultes ; du point (le vue militaire enfin elle donne l'importance (les classes mobilisables à l'instant présent, mais aussi d'un point de vue perspectif.
---------------Dans l'ordre social et économique. il faut noter encore l'intérêt du classement des familles suivant le nombre des enfants et la profession du chef de famille ; de telles données sont d'une grande utilité pratique pour prévoir l'incidence financière de telle ou telle mesure législative.
---------------La séparation (le la population en trois groupes : enfants, personnes sans activité rémunérée, personnes actives et la répartition de ces dernières suivant la profession individuelle ou l'activité collective constitue l'élément d'information fondamental à tout jugement sur la situation économique.
---------------Enfin, le recensement reste la seule opération qui permette l'étude statistique (les ensembles humains, soit en eux-mêmes, soit en relation avec le milieu. Cette étude, outre son intérêt propre. a posé de nombreux problèmes théoriques. On peut dire que dans une assez large mesure, les progrès de la méthodologie statistique ont été liés à ceux de la démographie.
---------------En définitive, le recensement des populations constitue le fondement expérimental d'une branche de la science. -

III. - LES RECENSEMENTS DE LA POPULATION EN ALGERIE DE 1830 A 1936.

---------------Si la population européenne fut recensée année par année depuis 183o au fur et a mesure de son arrivée en Algérie, puis par deux dénombrements généraux en 1836 et 1843, l'ensemble de la population du pays a été déterminée pour la première fois en 1836. On a vu que, par la suite, les dénombrement' avaient été effectués régulièrement tous les cinq ans.
---------------Quels sont les caractères particuliers de ces opérations ?
---------------Au début et probablement jusqu'en 1891, il s'agit de simples comptages, l'organisation administrative et le faible degré d'évolution des populations musulmanes ne permettant pas encore de diversifier les unités dénombrées.
---------------Les résultats publiés sont très sommaires.
---------------Les défauts qui s'attachent à ces dénombrements dépendent des circonstances suivantes, bien particulières à l'Algérie :
---------------a) Le territoire couvert par les recensements a varié suivant les époques, avec les progrès de la pacification, la pénétration saharienne et les modifications de limites du pays (par exemple, rattachement du Mzab en 1882) ;
---------------b) Les méthodes de dénombrement utilisées ne sont pas homogènes : transposition des techniques métropolitaines pour les Européens et les populations des centres urbains ; recensements " en bloc " dans le bled. Ce n'est qu'à partir du XX` siècle qu'apparaît une unité de méthode sans toutefois que l'on puisse être assuré d'une application homogène à l'échelon commune ;
---------------c) Les efforts pour obtenir les qualités foncières d'un bon dénombrement ' généralité (le l'opération, donc réduction (les omissions au degré de l'exception ; documentation complète et homogène, se heurtent aux conditions de vie si particulières des Musulmans et à l'insuffisance de leur organisation sociale.
---------------Il faut citer en premier lieu l'absence de tout état civil musulman jusqu'en 1871, puis le mauvais fonctionnement de celui-ci jusqu'à la veille du deuxième conflit mondial. En 1939, encore une fraction importante des naissances échappait à l'état civil.
---------------Enfin, la famille musulmane est très fermée ; un contrôle strict du nombre et des caractères de ses membres ne peut donc être effectué et la qualité des renseignements recueillis dépend essentiellement du degré de sincérité des déclarations du chef de famille. Ce fait peut expliquer les nombreuses anomalies relevées dans les résultats (le recensements jusqu'en 1936 : omissions de femmes, omissions d'enfants en bas âge, petit nombre de femmes dans la population active, manque de précision dans la répartition par profession.
---------------d) Enfin, l'insuffisance (le l'exploitation est manifeste, si bien que jusqu'en 1891, tout se passe comme si les dénombrements n'avaient pour but que la détermination du chiffre global de la population : les détails de structure font entièrement défaut. Lorsqu'ils existent comme en 1891, l'analyse n'est pas poussée jusqu'au groupe homogène : la répartition par âge porte, par exemple, sur l'ensemble de la population européenne et musulmane, grave contresens démographique qui enlevé toute valeur à cette statistique.
---------------Au XXe siècle, un seul dénombrement semble avoir été exploité plus complètement que les autres, c'est celui de 1911 . Du dernier, celui de 1936, on n'a pu, faute (le moyens et aussi (le méthode. extraire toutes les statistiques essentielles, et, notamment la distribution par âge et la répartition par profession.
---------------En conclusion, jusqu'en 1936, les recensements de la population algérienne se caractérisent par des défauts communs qui ont eu tendance à s'atténuer dans le temps, niais qui n'en restreignent pas moins considérablement la valeur et la portée de toutes ces opérations. Ces défauts tiennent en deux points : d'une part. (les défectuosités dans l'exécution qui proviennent de ce qu'on ne s'est pas suffisamment efforcé d'adapter aux conditions du pays les méthodes métropolitaines : exploitation incomplète d'autre part, parce qu'on n'a pas soupçonné l'intérêt immense des statistiques de structure extraites des recensements et qu'on n'a voulu considérer que l'un de leur but. somme toute secondaire : la fixation de lit population légale.

IV. LE RECENSEMENT D'OCTOBRE 1948.

---------------Venant plus de trois ans après la fin des hostilités, le recensement d'Octobre 194$ présente pour l'Algérie un intérêt exceptionnel. Il permet de faire le point de la situation démographique après les bouleversements de la guerre dont les effets se sont traduits sur la natalité (par suite de l'absence des hommes retenus prisonniers en Allemagne et des hommes mobilisés notamment) sur la mortalité par les pertes de guerre et les souffrances de la population civile. il fera apparaître un bilan précieux du capital humain en face des besoins nécessaires à l'équipement du pays.
Mais il s'est placé dans des conditions particulières.

---------------1) Le rationnement, par les fraudes qu'il suggère en rendait l'exécution plus difficile et imposait que soient modifiées les méthodes clans le sens de contrôles plus stricts. Le risque était grand en effet de constater une inflation du nombre (les habitants des communes, les autorités locales chargées des relevés étant attirées malgré elles vers le niveau des rationnaires, que l'on sait fictivement trop haut .

---------------2) La loi du 20 Septembre 1947 ,portant statut de l'Algérie en modifiant le statut politique de la plus grande partie de la population, a fait naître certaines exigences qui ont eu de profondes répercussions sur la méthode même (lu recensement.
---------------Ces deux circonstances ont enfin déterminé des conditions psychologiques nouvelles, dont on se devait de tenir compte pour une opération qui touche l'ensemble de la population.
---------------Le dénombrement en devenait plus difficile. Afin d'attirer l'attention des autorités communales sur l'importance de cette opération et sur ses difficultés, les cadres du Service des statistiques ont entrepris. dès le mois de Mai 1948, une tournée d'information. Des réunions groupant tous les Maires et .Administrateurs ont été tenues au siège des Sous-préfectures. Ce fut l'occasion d'étudier la validité des questionnaires et de les adapter définitivement.
---------------Avant de voir les détails de la méthode utilisée, il est bon de rappeler les principes qui sont à la base de tout dénombreraient moderne.

--------------1. Principes et leur adaptation à l'Algérie :
---------------Le but est de sa sir l'état (le la population sans omissions, ni doubles comptes.
---------------Pour y parvenir, le premier principe admis est celui du recensement à jour fixe. La population saisie, comme dans un instantané, se compose des habitants qui ont passé une nuit - la nuit précédant le jour du recensement - dans un domicile situé sur le territoire de la commune de recense-nient. Comme on prend en considération le domicile de fait (qui ne coïncide pas forcément avec le domicile légal), on voit que le respect strict du principe du jour fixe élimine les comptes multiples.
---------------Mais si l'on cherche à se rapprocher des conditions du recensement à jour fixe, il n'en reste pas moins que dans la pratique les opérations de dénombrement s'étalent en général sur une période de temps plus ou moins longue (huit jours en France). Dans les pays, comme les Indes ou la Chine, les conditions de vie de la grande masse (le la population, imposent même que l'on renonce complètement au principe du jour fixe, au profit d'un recensement (le période. Il n'était ni souhaitable, ni nécessaire d'en arriver à cette extrémité en Algérie ; mais on a dû amender le principe (lu jour fixe dans le sens du recensement de période, pour tenir compte de situations aussi diverses que celles qui se présentent dans l'Algérie dut Nord et les Territoires du Sud par exemple. On a donc fixé une période de recensement allant de 8 à 30 jours dans les cas extrêmes, tout en recommandant de s'approcher le plus possible de l'état de la population au 31 Octobre. On petit d'ailleurs négliger dans une certaine mesure, les erreurs provenant (le l'échelonnement des opérations dans le temps, les nouveaux-nés recensés après le 31 Octobre étant en partie compensés par les décès. Quoique systématiques, les erreurs ainsi commises, sont probablement d'un ordre de grandeur assez faible vis-à-vis des omissions ou des double; comptes inévitables malgré les précautions prises, dans une opération de l'envergure d'un dénombrement général.
---------------La population déclarée seule authentique par la loi, appelée parfois " population légale", est la population domiciliée. Que doit-on entendre par ce terme ? Sont considérés comme domiciliés dans une commune, tous les habitants ayant leur domicile principal dans cette commune, qu'ils s'y trouvent ou non le jour du recensement pourvu que leur absence soit exceptionnelle ou de courte durée.
---------------L'insuffisance de cette définition provient du vague qui plane sur la notion de domicile principal. A défaut des précisions fournies pas la loi, il convient de l'interpréter conformément au bon sens et d'une manière concrète. C'est pourquoi, pour guider les autorités communales dans leur tâche, il a paru nécessaire de trancher à l'avance un certain nombre de cas se présentant fréquemment en Algérie.
---------------a) Ouvriers saisonniers. - L'ouvrier saisonnier doit-il être compris systématiquement dans la population légale de la commune où il séjourne u moment du recensement ' La réponse ne peut être donnée sans une part d'arbitraire. On a tenu compte de la notion de domicile de secours (Après un an de séjour clans une commune, les frais d'hospitalisation des individus doivent être pris en charge par la commune. ) pour prescrire le dénombrement dans la population légale, des travailleurs dont le séjour dans la commune dure depuis plus d'un an. Il arrive, en effet, assez souvent en Algérie, que les saisonniers ne retournent pas dans leur commune d'origine, passée la période des travaux agricoles qui les ont attirés ailleurs ;
---------------b ) Transhumants. - La même question se pose pour les transhumants, heureusement assez rares en Octobre. Il a paru logique de ramener ces populations à leur commune d'origine quel que soit le lieu où elles ont été recensées ;
---------------c) Musulmans travaillant dans la Métropole.
---------------A priori ce cas parait simple. Puisque l'absence de ces travailleurs ne revêt pas un caractère exceptionnel, niais peut être durable. il semble qu'ils ne doivent pas être inclus dans la population légale. En fait, on est conduit à la décision contraire. Si l'on tient compte des aspects bien particuliers de l'émigration nord-africaine vers la France. Il s'agit en effet d'une émigration temporaire, rarement définitive, le travailleur musulman qui s'embarque pour la Métropole partant toujours seul ; sa famille demeure en Algérie où elle perçoit les allocations familiales qui s'attachent au salaire de l'absent.

--------------2. L'exécution du dénombrement :
---------------Le Service des statistiques de l'Algérie prépare les instructions à MM. les Maires et Administrateurs des communes pour l'exécution des opérations de dénombrement ; il effectue les contrôles nécessaires, puis centralise, exploite les documents et publie les résultats.
---------------Mais les Maires et Administrateurs ont la responsabilité totale de l'exécution sur le plan local ; recrutement des agents recenseurs, contrôle de leur travail, collecte des imprimés remplis, rédaction de la liste nominative. Notons toutefois que dans les communes mixtes qui comprennent des centres municipaux, l'Adnnnistrateur a délégué ses pouvoir en matière de recensement aux Présidents de centres, ainsi rendus responsables dans leur circonscription.,
---------------a) Personnel d'exécution. Il comprend comme on le sait des recenseurs ayant pour charge de distribuer les questionnaires et de les collecter, des contrôleurs dont la mission est de surveiller le travail de plusieurs recenseurs.
---------------Le recensement d'Octobre 1948 n'a été marqué par aucune innovation sous ce rapport, sauf peut-être par le fait que le recrutement des recenseurs a rencontré plus de difficultés encore qu'aux précédents dénombrements.
---------------Alors que dans la Métropole on avait prévu en 1946 un recenseur pour 200 habitants à recenser. Il a fallu prévoir des districts de recensement de 400 habitants en Algérie. Encore cette limite s'est avérée trop basse, surtout dans les petites communes et les communes mixtes, où en fait un même agent recenseur a dû recenser plusieurs milliers d'habitants. Autre particularité qu'il convient de noter : dans la population musulmane les chefs de famille sont rarement aptes à remplir eux-mêmes les questionnaires et la tâche des agents recenseurs, contraints à se substituer à eux, se trouve alourdie considérablement. Dans quelques communes mixtes, enfin, les "khodja" (secrétaires arabes) n'écrivant que l'arabe, il est nécessaire (le traduire les documents en français.
---------------b) Instruments du recensement. On appréciera mieux les changements apportés en 1948 dans la méthode de dénombrement en examinant les moyens par lesquels furent exécutés les cieux recensements antérieurs, c'est-à-dire ceux de 1931 et 1936. Voici la gamme des imprimés utilisés alors :

PERSONNES
à qui s'adressent
les imprimés
NUMÉROS des modèles
DÉSIGNATION
de
l'imprimé
C O N T E N U
Européens dans l'Algérie entière
1
Bulletin individuel
état civil (sexe, âge. nationalité, situation matrimoniale. nombre et âge des enfants), résidence, degré d'instruction.
4
Feuille de ménage

Composition du ménage, lien de parenté avec le chef de ménage. infirmes.
8
Bordereau de maison

Description de la maison et des logements

Musulmans

Dans 1es agglomérations
européennes

2
Bulletin individuel français-arabe)
modèle 1
5
Feuille de ménage ... (français-arabe)
modèle 4
8
Bordereau (le maison..
 
Dans les agglomérations musulmanes
de plus de 1000 habitants
2
Bulletin individuel .. (français-arabe)
 
6
Bordereau de famille..
Récapitulation par sexe des membres de la famille.
Dans les agglomérations
musulmanes
de moins de 1.000 habitants et à l'état épars
3
Feuille de famille..
État civil (sexe. âge, situation matrimoniale) des membres de la famille, nombre d'enfants, lieu le naissance, origine, instruction du chef de famille.
7

Bordereau récapitulatif par fraction de douar
Récapitulation par sexe des chefs de famille et des autres membres des familles
Population comptée à part
9
Liste nominative
Sexe, âge et profession des personnes comptées à part.

---------------Existaient en outre :
---------------1)Pour l'exécution :
- des carnets de prévision (modèle 10) destinés aux agents recenseurs ;
- des feuilles de contrôle (modèle 11) pour les contrôleurs.
---------------2. Pour constater l'état de la population légale :
-la liste nominative communale (modèle 12).
---------------3. Pour la récapitulation des résultats, une série de tableaux :
----------------par département (modèle 13) ;
----------------par arrondissement (modèle 14)
---------------- par commune (modèle 15) ;
---------------- par section de conunune de plus de 1.000 habitants agglomérés (modèle 16).
---------------4. Pour la transmission :
---------------- état de classement (les bulletins (modèle 17) ;
---------------- bandes de transmission (modèle 18) ;
----------------bordereaux de bulletin (modèle 19).
---------------Soit en tout 19 imprimés différents.
---------------Pour tenir compte des conditions nouvelles soulignées plus haut. le Service des Statistiques de l'Algérie a étudié des questionnaires moins nombreux, plus généraux quoique adaptés aux populations les moins évoluées.
---------------Il a été guidé d'abord par le souci de simplifier et d'uniformiser les questionnaires (le base. Dans ce but. les bulletins individuels ont été supprimés, car leur confection représentait un travail trop important pour les agents recenseurs obligés, la plupart du temps, (le les rédiger eux-mêmes. Plus de questionnaires différents suivant l'origine ethnique des habitants et suivant les agglomérations dans lesquelles ils vivent. Un seul questionnaire de base est institué qui s'applique à la fois aux Français (l'origine ou naturalisés et aux Français à statut personnel (Musulmans). Mais il est créé, en même temps. un questionnaire spécial pour les étrangers qu'ils soient européens ou musulmans. i)e ce fait. le nombre des imprimés passe de 19 à 8 seulement (voir ci-après).
---------------On a estimé enfin que seuls des questionnaires (le famille répondaient bien au genre de vie des populations musulmanes, surtout dans le bled. Or, il convient de ne pas oublier que les Musulmans qui constituent les sept huitièmes (le la population de l'Algérie, vivent pour les cinq sixièmes dans des :agglomérations de faible importance Ces feuilles de familles, rédigées en trois langues : français, arabe et kabyle, ne pouvaient ne pas convenir égaleraient aux Européens plus faciles à dénombrer. Les recensements allemands dont on connaît la précision ne sont-ils pas effectués par ce moyen De même aux États-Unis d'Amérique, l'usage de listes collective a prévalu au recensement de 1940 sur le questionnaire individuel.
---------------Le recensement de 1948 se distingue en outre (les précédents par le souci que l'on a eu de réduire au strict minimum les opérations des maires et administrateurs ; de supprimer les échelons intermédiaires : Préfectures et Sous-préfectures sur le circuit des documents, ceux-ci revenant directement au Service des Statistiques de l'Algérie. Les moyens techniques de ce dernier permettent en effet une exploitation complètement centralisée et déchargent les chefs de commune (le tout classement préalable.
---------------Voici la liste des imprimés utilisés en 1945.

PERSONNES
à qui s'adressent
les imprimés
NUMÉROS des modèles
DÉSIGNATION
de
l'imprimé
C O N T E N U
Citoyens français

1
Bulletin individuel
État civil (sexe, age, situation matrimoniale, nombre des enfants). lieu de naissance, langue parlée, degré d'instruction, profession de tous les membres de la famille.

Étrangers
(européens et musulmans)

2
Bulletin individuel français-arabe)
Modèle ci-dessus. plus nationalité et langue d'origine
Population comptée à part
3
Liste nominative
1 + 2

---------------Subsistent en outre :l
----------------Pour l'exécution : les carnets de prévision des agents recenseurs (modèle 6), les feuilles de contrôle (modèle 7)
----------------Pour constater l'état de la population légale : la liste nominative des habitants de la commune (modèle 8).

---------------On a créé enfin, en ayant pour but la centralisation rapide des résultats provisoires dans un délai de quinze jours à un mois après la fin des opérations :
---------------- des états (le centre de collecte (modèle 4)
---------------- un bordereau communal (modèle 5).

---------------3. Modalités financières de l'opération
---------------L'article 136 de la loi du 5 Avril 1554 a classé les frais de dénombrement comme " dépenses obligatoires " des communes. Par frais de dénombrement, il faut entendre non seulement les dépenses résultant de opérations proprement dites de dénombrement : rétribution du personnel d'exécution, mais les frais d'établissement (tes états communaux, de classement des documents, d'élaboration des tableaux statistiques. et surtout les dépenses d')rdre matériel : impression des questionnaires et autres imprimés.
il ne pouvait être question d'appliquer strictement ce texte en 1948, sous peine d'obérer gravement les budgets communaux et de nuire à la qualité du dénombrement toujours fonction des moyens mis en oeuvre.
---------------C"est pourquoi l'arrêté du 21 Avril 1948, de M.le Gouverneur Général de l' \lgérie admet le principe de la prise en charge des frais (le dénombrement par le budget général.
---------------Les instructions (l'application mixent ainsi les modalités (lu remboursement aux communes
---------------Dépenses de recensement : par personne inscrite sur les listes de famille : 3.3o
---------------Dépense d'établissement de la liste nominative par personne inscrite : 1,00
---------------Soit au total 4,3o francs par personne recensée (le la population municipale (non compris les personne; entrant dans les catégories de population comptée à part).
---------------Dans l'impossibilité où l'on se trouvait, à l'échelon central, de vérifier d'une façon stricte la validité des opérations (le dénombrement, un système de remboursement forfaitaire, tel que celui qui a été adopté, s'imposait, malgré les inconvénients qu'il entraînait, notamment le fait de ne pas tenir compte de la diversité (le situation des communes devant le; problèmes (lu dénombrement

---------------4. Exploitation statistique
---------------L'exploitation statistique est entièrement centralisée au Service des Statistiques (le l'Algérie. Suivant les buts, elle se (divise en (jeux parties :

---------------a) Détermination des nombres de population légale
---------------La population légale de chaque commune est déterminée à partir de la liste nonnuative (les habitants. vérifiée au préalable d'un double point de vue : qualitativement pour rayer le cas échéant les personnes qui n'auraient pas du y être inscrites ; quantitativement pour contrôler l'exactitude comptable.
---------------Une exploitation mécanographique est ensuite prévue.
---------------Les renseignements relatifs à chaque subdivision de commune étant traduits sur une carte perforée, l'exploitation de toutes les cartes doit donner un " Listing" reproduisant les éléments des communes et des fraction (le commune, base du volume (le population légale.

---------------b) L'exploitation individuelle
---------------Le but est de rassembler sur une carte perforée toutes les indications relatives à un même individu. La production des divers tableaux statistiques résulte ensuite (le l'exploitation des cartes obtenues, exploitation mécanique sous forme de tris (à la trieuse) et de tabulations (à la tabulatrice). Voici les divers stades de cc travail :
---------------CODIFICATION -- La codification consiste à traduire en chiffres les renseignements individuels purement qualificatifs. La situation de famille, par exemple, pour laquelle se présentent quatre possibilités, est ainsi chiffrée : célibataire = 1 ; marié = 2 veuf = 3 ; divorcé = 4. La profession requiert l'usage d'un code spécial à quatre chiffres. En revanche, l'année (le naissance n'exige aucune codification, les deux derniers chiffres étant seuls retenus.
---------------PERFORATION -- Sur la carte perforée correspondant à un même individu. des colonnes Sont affectées à chaque caractère à traduire. en nombre égal au nombre .des chiffres nécessaires pour codifier ce caractère.
---------------Une colonne sera donc attribuée à la situation matrimoniale, 4 à la profession. etc..;
---------------TRI ET TABULATION . - Lorsque la perforation est terminée, les documents de base, c'est-à-dire les feuilles de famille (modèles 1. 2, 3) ont achevé le circuit d'exploitation. Il leur est substitué les cartes perforées, instrument intermédiaire, grâce auquel sont permises toutes les combinaisons possibles entre les caractères de la population, donc la production des tableaux statistiques les plus variés.
---------------Les tris à grande vitesse, sur l'année de naissance et le sexe, par exemple, classeront les cartes en deux catégories : hommes et femmes, et dans chacune de ces catégories en autant de classes qu'il v a d'années de naissance. On obtient ainsi la répartition de la population par sexe et par âge. De la même façon toutes les combinaisons possibles entre les divers caractères peuvent donner lieu à des classements, c'est-à-dire aux statistiques les plus diverses.
---------------Une remarque s'impose à propos de l'exploitation mécanographique. Les machines à cartes perforées, si appropriées soient-elles au travail statistique. ne sont jamais qu'un instrument. La qualité de leur production dépend étroitement de celle des documents de base, de la précision, des réponses qu'ils portent, comme du soin accordé à la codification. Celle-ci va pratiquement sans erreurs, grâce à une vérification poussée du travail des codifieuses ; mais surtout elle doit s'accompagner d'une interprétation (les réponses clans les cas douteux, d'un redressement des erreurs les plus criantes et de contre,-les (le vraisemblance qui améliorent sensiblement les questionnaires exploités.

---------------5)Publications

---------------Le Service des Statistiques de l'Algérie assure la publication des résultats du dénombrement.
---------------La population légale des communes fait l'objet d'un arrêté d'homologation qui paraît au Journal Officiel de l'Algérie. Ces nombres sont repris, avec des éléments plus détaillés se rapportant aux subdivisions de commune et. avec les superficies correspondantes. dans l'ouvrage connu sous le nom de : " Dictionnaire des communes ".
---------------Le Service des Statistiques a en outre l'intention de publier une série de volumes, dont les sujets correspondront aux divers caractères de la population ou aux divers éléments qui la composent :
---------------1° Population légale, structure urbaine et communale ;
---------------2° Caractères démographiques ou composition par sexe. âge, état matrimonial ;
---------------3" Composition des familles ;
---------------4" Population active ;
---------------5° Les étrangers en Algérie.
---------------Dans tous les cas, les populations européennes et musulmanes de structure si différente seront étudiées à part ; toutes les statistiques seront données par département ou arrondissement et pour les trois ou quatre grandes villes.
---------------Certaines statistiques pourront enfin être envisagées, sinon par communes, du moins par groupes de communes ; communes de moins de 2.000 habitants, communes de 2.000 à moins de 5.000 habitants. etc...


SERVICE DE STATISTIQUE GENERALE . GOUVERNEMENT GENERAL DE L'ALGERIE.