DISCOURS
prononcé
par M. le Gouverneur Général de l'Algérie Roger
LÉONARD, au Congrès.
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Mesdames,
Messieurs,
Mes Chers Collègues,
--------Le salut
que j'apporte en cet instant aux Membres de votre Congrès ne
répond pas simplement au devoir d'une protocolaire politesse
et d'une confraternelle amitié ; il s'inspire d'un sentiment
plus général et plus profond.
--------De
même, en effet, que l'an dernier l'Algérie avait été
heureuse d'accueillir l'Association des Présidents des Conseils
Généraux et de voir dans sa venue, à l'adr;.sse
de nos jeunes départements, l'affirmation de la solidarité
nationale, de même la décision que vous avez prise cette
année d'abandonner Paris pour tenir à Alger votre Congrès,
nous apparaît comme une affirmation dont nous mesurons tout le
prix. Elle marque, en effet, que vous avez voulu à la fois reconnaître
l'originalité des problèmes qui se posent à nous,
en même temps que leur importance nationale et leur caractère
spécifiquement français.
--------Sans
doute aussi avez-vous pensé qu'en cette année, dixième
anniversaire de la Libération de la France, Alger qui, aux heures
sombres, fut la capitale de la liberté, l'Algérie, où
se reforma l'armée de la Victoire, étaient particulièrement
dignes du choix d'hommes, dont la carrière est par essence vouée
à la grandeur de la République, à l'intégrité,
à l'unité de la Patrie.
--------Et
maintenant, Messieurs, qu'attendez-vous de moi sinon que je vous parle
de cette Algérie même qui se présente à vous
dans l'éclat de sa lumière et le charme de son printemps
? Mais l'entreprise est difficile, ceux d'entre vous qui déjà
l3 connaissent le savent bien, que d'expliquer en quelques mots ce pays,
dont le trait le plus distinctif est peut-être la diversité.
Ici les contrastes s'opposent avec une force qu'ignore notre vieux pays,
contrastes dans les sols, dans le climat, contrastes entre les hommes.
Voici auprès des côtes quelques plaines" qui sont
l'image même de la fertilité Mitidja, Plaine du Chélif,
Plaine de Bône. Ici et sur les coteaux voisins s'étale
la vigne cultivée avec des soins admirables ; il est des orangeraies
qui semblent des jardins du Paradis, les primeurs s'y pressent et le
coton y fait éclater ses touffes blanches. Mais, les enserrant
étroitement, aussitôt, voici les montagnes, qui presque
partout prolongent leurs escarpements jusque dans la mer et dont les
pentes sévères sont souvent dénudées par
les érosions. Sur leurs flancs qu'escaladent les chèvres,
quelques figuiers, quelques oliviers, quelques maigres champs ; au fond,
autour des oueds tantôt desséchés et tantôt
torrentueux, d'étroites prairies, quelques cultures. L'Atlas
franchi, s'étalent les hautes plaines; dans le Nord, où
la pluviométrie malgré son insuffisance et ses caprices
permet encore la culture, ce sont de vastes étendues mamelonnées
où le blé dur et l'orge poussent modestement et puis vers
le Sud, dès que l'on approche des cuvettes des chotts, ce n'est
plus que le pays du mouton et des steppes d'alfa, qu'anime le lent cheminement
des troupeaux à la recherche de maigres pâturages et sous
l'incandescence du ciel, le jeu décevant des mirages. Et tout
ceci est cantonné, cloisonné par des reliefs aux passages
difficiles. Enfin, derrière le versant de l'Atlas Saharien dévoré
par le soleil c'est l'immensité du grand désert, sable
et pierre d'où émergent quelques chapelets d'oasis et,
vers le Sud, les reliefs tragiques du Tassili et du Hoggar.
--------Les
écarts des saisons et les sautes du temps ajoutent à ces
contrastes : de longues sécheresses souvent dévastatrices
sont coupées de pluies violentes, imprévues qui font reverdir
les moissons et les prés, qui sont la source de la vie, mais
qui souvent aussi causent de graves ravages, roulant vers la mer dans
le flot grondant des oueds des hectares de terre, submergeant les champs,
emportant les ponts et les routes. Mais là-dessus resplendit
le plus souvent l'adorable lumière que vous savez et dont ne
peuvent se déprendre ceux qui l'ont connue.
--------Entre
les hommes il n'est pas de moindres contrastes. Sans doute, la grande
majorité de la population est de souche berbère, mais
les avatars de l'histoire l'ont fortement diversifiée. Dans les
montagnes, et spécialement en Kabylie, elle a conservé
sa langue et ses coutumes, si fortement marquées de traditions
méditerranéennes ; ses villages compacts, si jaloux de
leur personnalité, ont toute la rigueur de petites républiques
antiques. Ailleurs, le flot de la conquête arabe a rendu les populations,
que Rome avait fixées, à leurs anciennes traditions pastorales
et tribales : la paix française fait aujourd'hui ce que fit la
paix romaine, encore que vers le Sud l'immensité, la pauvreté
des grands espaces appellent toujours les transhumances et limitent
les enracinements. Enfin, et c'est là un fait nouveau dans l'histoire
de l'Algérie où jusqu'au siècle dernier les villes
ne jouèrent qu'un rôle très modeste, où dans
ce pays cloisonné aucun centre n'eut un grand pouvoir de rayonnement,
les grandes cités de la côte attirent à elles une
population toujours plus dense, provoquent la constitution de nouvelles
élites mais celle aussi d'un prolétariat trop souvent
misérable, désencadré et coupé de ses traditions.
'
--------L'Islam,
enfin, qui de son empreinte profonde marque les esprits et les âmes,
n'est pas lui-même sans présenter des aspects divers sous
lesquels parfois transparaissent des traditions plus anciennes. Surtout
dans les campagnes le mouvement maraboutique et les grandes confréries
animent la vie religieuse, cependant que d'autres croyants trouvent
l'aliment de leur foi dans les courants plus dépouillés
du réformisme arabe.
--------Dans
les centres urbains, les communautés israélites riches
de 300.000 adeptes, acquis par le prosélytisme antérieurement
à la conquête arabe, ou venus par les voies diverses de
l'émigration, gardent intactes leurs traditions et leur solidarité,
cependant que la chrétienté, qui retrouve les traces de
ses anciennes églises a fait renaître ici la vie de l'Occident
et la latinité. Descendants des premiers colons, dont ils gardent
avec une fierté légitime le souvenir, émigrants
venus de nos vieux départements, d'Italie, d'Espagne ou de Malte,
et maintenant confondus dans une vocation commune, ils sont ici près
d'un million, profondément enracinés dans un terroir valorisé
par plusieurs de leurs générations.
--------Séparées
par leurs dissemblances, ces diverses sociétés humaines
ne se pénètrent d'une manière générale
qu'assez peu et vivent de leur vie propre, sans toujours assez rechercher
le fond commun d'humanité, de spiritualité qui peut les
réunir.
--------Messieurs,
c'est sur ces bases difficiles que depuis un siècle ia France
a entrepris de construire une collectivité commune où,
sous les mêmes lois, s'harmonisent les particularités et
qui trouve sa place dans l'unité de la Patrie.
--------Audace
singulière, en vérité, et que seuls sans doute
pouvaient concevoir l'universalisme, l'humanisme français. L'entreprise
est ancienne, en effet, et c'est sans doute bien plus parce qu'elle
correspondait à l'instinctif génie de notre pays qu'à
un propos délibéré qu'elle n'a cessé depuis
l'origine de s'affirmer avec une force croissante. Les profondes réformes
qui ont marqué les années qui ont immédiatement
suivi la guerre et ont appelé tous les habitants de ce pays à
la citoyenneté française, le Statut de l'Algérie
qui représente un équilibre qui s'est révélé
heureux entre les nécessités d'un certain particularisme
et notre désir d'intégration, en marquent la dernière
étape.
--------Cette
coeur a. d'autre part été servie, pourquoi n'aurions-nous
pas quelque fierté à le reconnaître, par le fait
que presque dès les premiers temps on a voulu, tout en maintenant
à Alger de nécessaires relais de représentation
et de gestion et en ménageant des singularités qu'il est
impossible de méconnaître, donner à ce pays nos
structures administratives traditionnelles et les placer sous l'égide
du Ministère de l'Intérieur, dont la vocation même
est de rassembler tous les terroirs spécifiquement français.
--------Nos
grands services publics et avant tous autres le vôtre, dont la
mission est de les animer, de les coordonner, s'y sont attachés
de tout leur pouvoir et M. le Secrétaire Général
du Gouvernement, dans le rapport qu'il doit présenter ne manquera
pas de souli^ner devant vous la complexité et la grandeur exaltante
de leur mission.
--------En
fait, uvre monte et s'édifie sous nos yeux, avec ses imperfections
certes et ses insuffisances, mais elle s'affirme déjà
avec assez de force pour que nul, de bonne foi, ne puisse la nier et
en contester la signification.
--------Sans
doute il est des éléments qui veulent s'exclure de cette
action commune, les uns de bonne foi parce qu'ils sont plus sensibles
à certaines lacunes, voire à certaines injustices qui
demeurent, qu'à ce qui déjà a été
entrepris pour y parer, les autres par aveugle passion, et il nous faut
contenir ceuxci et convaincre ceux-là. Sans doute aussi -- et
dans un sens opposé - est-il des hommes qui comprennent mal qu'il
est des évolutions nécessaires et peut-être parce
qu'elles leur sont trop familières, ne ressentent-ils pas suffisamment
les excès de certaines inégalités. Mais, dans l'ensemble,
en milieu européen, comme en milieu musulman, on trouve compréhension
et bon vouloir. Et l'on éprouve cette grande vérité
que c'est en construisant qu'une Société se construit
elle-même et que c'est en conviant les hommes à travailler
à une uvre commune que l'on fonde leur fraternité.
--------Ce
n'est pas qu'il n'y ait de graves difficultés à vaincre
et que dans la lutte contre le temps, où nous sommes engagés,
nous n'ayons souvent le sentiment de n'aller ni assez vite, ni assez
fort. Le surpeuplement de l'Algérie, où la population
s'accroît d'un million d'habitants tous les quatre ans, nous est
notamment, je l'avoue, un très grave souci. --------Sans
cesse il réduit dangereusement les progrès que nous réalisons
: il rend les écoles toujours trop étroites, les hôpitaux
toujours insuffisants ; l'agriculture, l'industrie ne peuvent employer
tous les bras qui s'offrent à elles, en beaucoup d'endroits le
chômage développe ses désastres matériels
et moraux.
--------Malgré
l'appui de la Métropole, d'autre part, nos moyens financiers
sont cruellement insuffisants et nos charges s'accroissent plus vite
que nos ressources, ainsi d'ailleurs qu'il est normal dans un pays dont
on veut poursuivre à la fois l'équipement économique
et le développement culturel et social. Sans doute n'y a-t-il
là qu'un décalage dans le temps, mais il risque de briser
notre élan si l'aide qui nous est consentie ne prend pas plus
d'ampleur.
--------Et
certes, nous savons que les finances françaises sont lourdement
obérées, mais dans l'ordre des préoccupations nationales,
alors que nul ne peut ignorer ce que l'Algérie représente
pour la France, sans doute certains ordres de priorité gagneraient
à être révisés. Il faut que les problèmes
vitaux de l'Algérie puissent être résolus, si l'on
ne veut pas que naisse le problème algérien.
--------Jusqu'à
ce jour, d'ailleurs, nous avons pu aller de l'avant, non point sans
doute assez vite au gré de nos impatiences, mais d'un train soutenu,
et ceux qui, ayant quitté l'Algérie il y a simplen, ent
dix ans, y reviennent aujourd'hui, ont peine à la reconnaître.
Depuis la fin de la guerre, dans les divers ordres d'enseignement, les
effectifs scolaires ont sensiblement doublé : l'enseignement
du premier degré scolarise maintenant 450.000 enfants et nous
construisons plus de 600 nouvelles classes par an, aussi bien dans les
villes que dans les campagnes les plus lointaines.
--------Au
cours des sept dernières années, le nombre des lits d'hôpitaux
est passé de 12 à 25.000. Le problème de l'habitat
est maintenant partout attaquéavec vigueur, ainsi que vous pourrez
notamment à Alger en voir la marque éclatante. L'industrie
se développe avec une lenteur qu'expliquent malheureusement la
pauvreté de notre énergétique et la charge des
transports, mais avec une régularité que justifient d'ailleurs
le développement de notre marché extérieur et la
qualification croissante de notre main-d'oeuvre.
--------L'agriculture,
étroitement liée au marché métropolitain,
connaît certes un malaise qui est essentiellement le reflet de
celui qu'éprouve l'ensemble des producteurs français,
mais elle est conduite par des hommes passionnés de leur état
et ouverts à tous les progrès. Dans les régions
exploités selon les procédés traditionnels et qui
d'ailleurs ne sont généralement justiciables que de méthodes
extensives de cultures, nos oeuvres du paysannat permettent de tirer
du sol un meilleur parti. Nos périmètres d'irrigation
se développent et s'équipent. Dans le pays du mouton,
trop souvent ruiné par la sécheresse, nous multiplions
les points d'eau. Le Service de défense et de restauration des
sols qui traite maintenant par an plus de 30.000 hectares, s'attaque
ave. une efficacité croissante au fléau des érosions.
--------Enfin
à l'horizon, Messieurs, luisent de grandes espérances
: ce sont celles que nous ouvrent les prospections minières dans
les régions sahariennes et surtout, dans ces mêmes immensités,
les recherches pétrolières, qui depuis un an ont démarré
avec une exceptionnelle ampleur et une extrême rapidité.
Elles se poursuivent de façon systématique, sur des superficies
qui dès à présent, excèdent celles de la
France tout entière : c'est une dizaine de milliards qui y sont
maintenant consacrés chaque année. A la phase des études
générales a succédé celle des forages. Déjà
des indices très prometteurs ont été décelés
; si comme on est en droit de l'espérer ils étaient confirmés,
ce pourrait être pour la. France et spécialement pour l'Algérie,
une exceptionnelle bonne fortune.
--------Parallèlement
nous assistons à un éveil et à une évolution
des esprits : s'il en peut naître parfois des impatiences trop
promptes, que nous avons d'ailleurs le devoir de comprendre, d'orienter
et de satisfaire autant qu'il se peut pour qu'elles ne soient pas exploitées,
comme il en est trop souvent ainsi, à des fins politiques dangereuses,
nous pouvons dans l'ensemble en tirer un motif de confiance et de fierté.
C'est par notre culture et selon ces lois générales que
les progrès se manifestent ; par eux souvent inconsciemment les
divergences s'estompent et se réalise dans les faits cette communauté
franco-musulmane que nous avons assignée pour but à nos
efforts.
--------Mais,
Messieurs, l'avenir de l'Algérie, son présent même
ce n'est pas seulement en Algérie qu'ils s'édifient, c'est
aussi dans la Métropole que jour après jour ils se construisent.
Votre venue marque que vous le savez et que vous en avez souci. Déjà,
en effet, quelques-uns de nos grands problèmes ont passé
l'eau et s'étalent dans nos vieux départements dans leur
réalité trop souvent douloureuse. L'Algérie, dont
la population s'accroît plus vite que les ressources, ne peut
nous l'avons dit, nourrir tous ses enfants. De ceux-ci, pour que l'Algérie
soit la France, nous avons choisi de faire des Français ; dans
les oeuvrais de paix, sur les champs de bataille les plus proches comme
les plus lointains, ils ont magnifiquement souscrit à ce choix.
Quand le travail est rare et que la misère frappe à leur
porte, et nombreux sont ici ceux qui ont faim, ils partent pour la Mère
Patrie et ils sont maintenant quelque 250.000 sur les chantiers, dans
les usines et dans les mines du vieux pays.
--------Et
certes parfois ils détonnent par leur instinctif regroupement,
par leurs habitudes et aussi, il faut le dire, par leur dénuement,
car ils doivent envoyer à ceux qu'ils ont laissés dans
leur village ou dans leur douar lointain, le plus clair de leur salaire.
Mais il faut bien concevoir qu'ils ont droit à notre sollicitude
fraternelle, je dirai même à notre respect, car presque
tous ne font qu'obéir à une grande loi, à un devoir
qu'ils tiennent justement pour sacré. Il faut qu'ils éprouvent
que la solidarité nationale n'est pas une vaine formule et qu'elle
doit jouer d'abord pour les plus démunis. Messieurs, dans vos
Départements, vous représentez la France, la France toute
entière, dans tous ses horizons, dans tous ses lointains. Ces
hommes, je voudrais vous les confier. Ici, nous cherchons bien à
les former, à les préparer à leur tâche,
mais l'Algérie est grande, elle a peu de moyens et ils sont si
dispersés que notre uvre, j'en conviens, est très
imparfaite. Il faut la poursuivre au lieu de leur travail et chercher
sous toutes ses formes à améliorer leurs conditions de
vie. Depuis quelques années des efforts importants ont été
entrepris par les pouvoirs publics, par des chefs d'entreprises, soucieux
de leur devoir comme d'ailleurs de leur intérêt bien compris,
par des hommes et des femmes de cur qui ont appris à les
connaître et à les estimer. Beaucoup d'entre vous et spécialement
M. le Gouverneur Général LE BEAU, se sont faits les animateurs
de cette uvre et je les en remercie, car les exigences du cur
rejoignent, comme il en est ainsi bien souvent, celles de l'intérêt
public.
--------Et
si, Messieurs, votre venue vous avait rendus plus sensibles à
nos réalités algériennes, plus conscients de la
grandeur et de la complexité de 1'cûvre exaltante qui se
poursuit ici, plus convaincus encore de la part que vous y pouvez prendre
en éclairant autour de vous les esprits et en vous associant
à nos efforts, ce serait, n'en doutez pas, une conséquence
heureuse, qu'en plus de toutes les autres, nous inscririons joyeusement
au crédit de notre Congrès.
EXPOSE
présenté par M. Maurice CUTTOLI, Secrétaire Général
du Gouvernement Général de l'Algérie
Le Rôle du Corps
préfectoral dans l'Administration algérienne
Monsieur le Ministre, Monsieur le Président,
Mesdames,
Messieurs,
Mes Chers Collègues,
--------Lorsque
le Conseil d'Administration de notre Association me demanda d'exposer
le "Rôle du Corps Préfectoral en Algérie ",
je fus d'abord sensible au plaisir d'aborder devant vous, et surtout
devant mes collègues métropolitains, non pas une de ces
études arides qui sont, si j'ose dire, la rançon des Congrès,
mais le sujet le plus vivant, le plus prenant qu'il soit donné
d'évoquer à un fonctionnaire préfectoral qui a
l'honneur de servir dans ce pays.
--------Cette
satisfaction se nuança bientôt d'inquiétude : la
matière en effet était vaste et complexe. Il était
indispensable, au-delà des développements habituels qu'appelle
la réalité à la fois diverse et mouvante de ce
pays, de dégager assez hautement l'oeuvre accomplie depuis un
siècle par notre Corps et la grandeur de la tâche qui lui
incombe dans une époque de transition où s'élabore
un destin lourd d'incertitude, mais plus riche encore de promesses.
--------Et
tout d'abord, comment parler du Préfet ou du Sous-Préfet
en Algérie sans parler des vergers odorants et des aloès,
des vignobles modèles et des absinthes sauvages, de l'appel des
prières et des migrations prolétariennes, des neiges et
du sable, des plateaux sans fin tantôt bruissants d'or et tantôt
durs, martelés et sans espoir. Comment, en un mot, en parler
si l'on ne situe pas tout d'abord le pays rude et divers, ses populations
à la fois graves et passionnées ?
Le pays ? Il est immense et varié. Sur un espace qui couvre,
avec les Territoires du Sud, quatre fois la superficie de la France,
dans ces trois départements, dont chacun en moyenne est aussi
étendu que douze départements métropolitains, apparaît
la diversité des sites, des climats et des cultures.
--------Mais,
au-delà de cet aspect multiple et contrasté, se dégage
pourtant une unité profonde : isolée du Sud par l'un des
plus grands déserts du monde, baignant dans cette mer qui marque
d'une empreinte commune les pourtours méditerranéens,
l'Algérie est pratiquement soudée à l'Europe et
à la France.
--------A
1.300 kilomètres seulement de Paris, aux portes mêmes de
la Provence, sur un méridien qui, jusqu'au Dahomey ne quitte
pas sur 3.500 kms le territoire français, Alger apparaît
comme le véritable point de rencontre de l'Afrique et de l'Occident.
--------Mais,
si par sa structure et sa géologie, l'Algérie révèle
ses affinités européennes, son histoire nous éclaire,
par contre, sur son originalité profonde.
--------Sur
cette terre, en effet, plusieurs civilisations se sont relayées.
Après des contacts commerciaux restreints avec les Phéniciens,
Carthage, durant sept siècles, domine le Constantinois. Puis,
c'est l'occupation de Rome pendant six siècles, avec sa familiarité
des Dieux et des hommes, avec sa hiérarchie des cités
: latines, pérégrines et romaines. Voici, enfin, à
partir du 7"'a siècle, partant des pays arabes, la grande
flambée de l'Islam. Le Maghreb, à sa chaleur, prend son
nouveau visage. Ce n'est pas le lieu de retracer l'histoire de ces siècles
intenses, mais c'est elle qui a laissé à notre grande
province africaine les assises de sa foi.
--------Cette
constatation prend tout son sens lorsqu'on sait qu'en pays d'Islam la
religion marque profondément de son empreinte la vie domestique
aussi bien que la vie sociale.
Cette foi, comme tous les élans de l'âme, a connu ses déchirements
mais elle a su, hormis le bloc dissident du M'Zab, conserver son unité.
--------Celle-ci,
au demeurant, n'a pas entraîné l'unité linguistique.
L'arabe qui, de l'Inde au Maroc, est la langue sacrée, celle
du Coran, n'a pas, en effet, prévalu dans les massifs élevés
de Kabylie et de l'Aurès.
o O o
--------Sur cette
terre, dont la position appelait, certes, le contact avec l'Occident,
mais où vivait une société au passé tourmenté
et prestigieux, si étrangère à nos moeurs et à
nos modes de pensée, la France vint avec son idéal, sa
civilisation, son appareil administratif.
--------Tout
était à apprendre, tout était à créer.
Les traces de l'occupation de Rome et des royaumes successifs s'étaient
estompées. L'autorité de la Porte ne s'étendait
qu'au sixième de l'Algérie actuelle, les montagnards vivaient
dans un état d'indépendance et d'hostilité ouverte,
Le champ était libre à l'influence française. L'Occident
musulman, coupé du grand courant de la civilisation arabe orientale,
allait retrouver le destin de l'Occident européen.
--------Alors,
les premiers contacts, les premiers échanges se nouent et, comme
pour toute naissance, la douleur n'en est pas exempte.
--------Rude
et exaltante aventure que celle des pionniers et des colons suivant
la marche des soldats. Etrange et noble aventure aussi que celle des
p, miers fonctionnaires car il fallait bien s'organiser et doter ce
pays d'un système administratif.
--------En
fait, l'on reproduisit assez rapidement dans ses grandes lignes la physionomie
de nos cadres métropolitains. Cette méthode portait la
marque du génie français. Elle était à la
fois le gage le plus valable de notre bonne volonté et le témoignage
précis et émouvant de la mentalité nationale, mentalité
que Lawrence a défini de façon si colorée en l'opposant
aux conceptions britanniques.
--------Cette
installation, cependant, a été progressive et a suivi
les fluctuations des contingences politiques.
--------C'est
en 1848 seulement que les sous-préfectures de France ouvrent
leurs succursales en Berbérie.
Pendant cette phase initiale, l'histoire de l'Administration algérienne
est fort déconcertante. ;II est impossible d'y découvrir
un fil conducteur et des principes généraux. Suivant les
événements et surtout suivant les vicissitudes politiques
de la Métropole, unité de commandement, assimilation,
royaume arabe, rattachement, se sont succédés avec plus
ou moins de bonheur.
--------Dans
ce perpétuel mouvement, le Corps préfectoral a été
mis à rude épreuve. Tantôt subordonné à
l'Autorité militaire, tantôt abandonné à
lui-même, il lui a fallu, pour se plier aux circonstances, faire
preuve d'une extrême souplesse mais aussi d'un goût exceptionnel
des responsabilités. Et c'est cependant grâce à
ces pionniers que furent, en Algérie, nos devanciers du 19"'-
siècle, que malgré tous les soubresauts s'est formé
lentement le cadre de ces immenses départements algériens
et que les franchises communales ont pu naître et s'épanouir.
|
|
--------Nos actuels
Collègues ont un rôle sinon plus facile, du moins libéré
de cette allure quasi-héroïque du < sous-préfet
à cheval " qui a, bien entendu, succombé sous l'offensive
combinée de l'auto, du téléphone et de la radio.
Ils n'en sont pas moins tenus à un certain effort d'adaptation
du fait des caractéristiques particulières tenant à
la structure géographique, au milieu humain et à l'organisation
administrative des territoires qu'ils sont chargé d'administrer.
--------Quelle
est, tout d'abord, la structure de nos trois départements ?
--------Ils
ont, en moyenne, une superficie de 70.000 km2 (le 1/8 de la France)
et ils sont peuplés, chacun, de trois millions d'habitants (le
1/12 de la population métropolitaine). Fait curieux : la division
en est perpendiculaire à la mer, alors que la géographie
physique présente quatre zones naturelles parallèles à
la côte : le Littoral, le Tell, les Hauts-Plateaux et les Territoires
Présahariens. Le département algérien comprend
donc des pays divers, ayant des intérêts différents
et il arrive que des régions naturelles se trouvent coupées
par cette délimitation arbitraire. La Kabylie est ainsi divisée
entre les départements d'Alger et de Constantine et la vallée
du Chéliff entre ceux d'Alger et d'Oran.
--------Les
distances que doit parcourir un Préfet pour rendre visite à
ses administrés sont énormes. Et comme la politique de
la présence est plus nécessaire ici qu'ailleurs, il est
heureusement relayé par le Sous-Préfet et l'Administrateur
des Services civils, dont je parlerai tout à l'heure. Les arrondissements,
au nombre de vingt, présentent pour la plupart une certaine unité
géographique et ethnique. Mais, quelques-uns, au contraire, s'allongent
de ja Méditerranée au désert, selon la formule
du découpage perpendiculaire. C'est ainsi que la distance du
Nord au Sud de l'arrondissement chef-lieu de Constantine atteint 500
kms. Un arrondissement algérien moyen a une superficie double
et une population égale à celle d'un département
métropolitain de moyenne importance.
--------C'est
dire que, pour le Préfet et le Sous-Préfet, la charge
de telles circonscriptions est lourde, et l'on souhaite la création
de nouveaux départements et arrondissements. Mais une réforme
de cette importance se heurte, vous vous en doutez, à de nombreuses
difficultés.
--------Parlons
maintenant brièvement des populations que nos collègues
ont à administrer. En Métropole, les différences
de caractères et d'usages entre nos provinces du Nord, du Sud,
de l'Est ou de l'Ouest, se manifestent dans le cadre de l'Unité
Nationale lentement forgée par les siècles. Ici, il en
va différemment, car les deux groupes élémentaires
d'habitants qui peuplent l'Algérie, les musulmans e les européens,
présentent eux-mêmes des particularités nombreuses.
--------Les
musulmans autochtones, j'ai évoqué tout à l'heure
dans un raccourci de l'histoire de ce pays, leur unité religieuse
et leur dualité linguistique mais,, en fait, leur diversité
est plus grande. Au "substratum " berbère, se sont
superposés d'autres éléments venant de l'extérieur.
De toute façon, les modes de vie varient considérablement
du Nord au Sud, de la plaine à la montagne, de la ville à
la campagne et exigent de l'Administration un effort d'adaptation considérable.
--------Voici
le pasteur du Sud, vivant encore sous a tente, nourri de dattes et de
lait, et déplaçant, au gré des saisons, sa famille
et ses troupeaux en quête de pâturages. Il relève
d'une société patriarcale et aristocratique.
--------Au
contraire, le Kabyle montagnard est fixé au sol. Il a conservé
sa langue et son organisation traditionnelle de village. Mais la propriété
est très morcelée et la terre n'arrivant plus à
assurer la nourriture de familles à forte natalité, beaucoup
doivent aller chercher dans les usines de France un travail rémunérateur.
--------Dans
les villes de la côte, c'est le mélange traditionnel de
toutes les races qui sont venues échouer en Berbérie au
long des siècles.
--------Toutes
ces populations, par leur conception propre de la vie et des valeurs
humaines, témoignent d'une civilisation fondée sur une
foi commune. Or, cette grande religion de l'Islam, qui se signale par
la primauté intransigeante du spirituel, a marqué si profondément
ses adeptes que leur évolution ne serait pas concevable sans
son aveu et sans son aide.
--------L'influence
qu'elle exerce, les moeurs qu'elle détermine, ne vont pas toujours
de pair avec nos conceptions cartésiennes, et vous concevrez
combien il est indispensable, pour le Préfet ou le SousPréfet,
d'en pénétrer la philosophie pour mieux comprendre l'âme
musulmane et sa sensibilité. Entre les ordres religieux nés
de la croyance populaire et les sectes des réformistes qui prêchent
le retour aux sources primitives de l'Islam, ils doivent jouer un rôle
infiniment délicat qui exige beaucoup de clairvoyance, de doigté
et de souci de l'équité.
--------Mais,
nos fonctionnaires préfectoraux fraîchement débarqués
ont également à s'adapter à l'autre élément
de la population constitué par les " Européens "
. Ceux-ci, au nombre de un million (le 1/9 de la population totale)
sont représentés par les descendants des premiers colons
français, auxquels se sont joints des étrangers venus
d'Espagne, d'Italie et des Iles méditerranéennes oui ont
fait souche et qui ont acquis, pour la plupart, la nationalité
française.
--------Cette
" francisation " qui a été aussi complète
que l' " américanisation " des émigrants européens
aux Etats-Unis, n'a pas été sans répercussion sur
les caractères généraux du peuplement européen
qui ajoutait aux vieilles qualités paysannes de notre terroir
un esprit d'initiative, un goût du risque, une volonté
de progrès technique plus poussés.
--------Certes,
l'atmosphère sociale et politique de l'fs lgérie française
est celle d'un pays latin. On y trouve surtout les vertus sociales et
les défauts collectifs de l'Europe du Sud. --------Mais,
viennent s'y ajouter, sur une terre nouvelle où l'énergie
de l'homme s'est déployée librement, un remarquable esprit
d'entreprise, un grand courage physique, une incontestable habileté
dans l'action et aussi, peut-être, une certaine instabilité
politique qui s'explique par l'absence de traditions.
--------Le
Préfet ou le Sous-Préfet nouveau venu ai ra quelque peine
à saisir de plain-pied cette mentalité nouvelle. Puis,
il s'enorgueillira de cette fusion de tant d'éléments
disparates dans le creuset français, qui fait de l'Algérie
une nouvelle province ayant, comme toutes les vieilles provinces françaises,
ses réactions propres face aux problèmes de l'heure, mais
demeurant profondément attachée à la Patrie commune
pour laquelle on verse son sang quand elle est en danger, et à
laquelle on rend de plus en plus fidèlement visite.
o O o
--------Et maintenant
que nous avons tenté de camper le Préfet ou le Sous-Préfet
algérien dans le cadre naturel et humain où il doit vivre,
voyons comment s'articule la fonction préfectorale, dans l'organisation
administrative et politique du pays, et plus précisément
entre le Gouvernement Général; d'une part, et les collectivités
locales, d'autre part.
--------Le
Préfet est placé sous l'autorité du Gouverneur
Général qui représente le Gouvernement de la République
Française dans toute l'étendue de l'Algérie.
--------Qu'il
me soit permis, en passant, de noter qua les Gouverneurs Généraux
ont été souvent choisis parmi les Préfets et qu'aujourd'hui,
tout notre corps se réjouit de la présence à cette
cérémonie de deux d'entre eux dont la réussite
est pour nous tous un grand motif de fierté : M. le Gouverneur
Général Le Beau qui, dans les années difficiles
d'avant-guerre, fit montre d'une autorité éprouvée
et d'un sens aigu des réalités algériennes et M.
le Gouverneur Général Léonard qui, depuis trois
ans, conduit les destinées de ce pays avec une hauteur de vues
et une sûreté de main dont il ne m'en voudra pas de dire
qu'elles entraînent l'adhésion unanime.
--------Le
Gouverneur Général représente donc le Gouvernement
sous le contrôle particulier du Ministre de l'Intérieur.
Il trace, d'après les instructions qu'il reçoit, les grandes
lignes de la politique algérienne. Il en est responsable. Le
Préfet doit s'en pénétrer et en assurer l'application.
A ce sujet, notons qu'une tendance s'est manifestée pour que
les Préfets recouvrent leur entière liberté d'action,
notamment dans leurs relations avec les divers services ministériels
de la Métropole.
--------Ce
serait le retour au régime des rattachements justifié
par les progrès scientifiques réalisés dans le
domaine des liaisons et communications.
--------Cette
tendance, qui eût ses défenseurs lors de la discussion
du Statut de l'Algérie au Parlement, n'a pas prévalu,
puisque c'est au contraire vers un renforcement de la personnalité
algérienne que s'est prononcée la loi du 20 septembre
1947.
--------L'Assemblée
Algérienne a reçu de ce texte le droit de légiférer
sur certaines matières, sous réserve de l'homologation
de ses décisions par Décret Pour gérer en accord
avec elle, les intérêts propres à l'Algérie,
le Gouverneur Général a besoin d'importantes prérogatives.
Il lui est indispensable de disposer d'une autorité complète
et incontestée sur les hauts fonctionnaires qui travaillent à
ses côtés et notamment sur les Préfets dont l'action
est primordiale.
--------Les
avantages de cette formule paraissent compenser largement les inconvénients
incontestables de la concentration à Alger de services très
importants, auxquels peuvent être faits tous les griefs que l'on
a l'habitude de formuler à l'égard d'administrations trop
centralisées.
--------Cependant,
des atténuations ont pu être apportées par de larges
délégations aux Préfets et aux Sous-Préfets
et, tout récemment encore, par l'extension à l'Algérie
du texte métropolitain sur la déconcentration administrative
et les pouvoirs des Préfets.
--------Quant
au Sous-Préfet algérien, dont les attributions étaient,
au début, sensiblement les mêmes que dans la Métropole,
son rôle, traditionnel fut fixé en 1900 par une circulaire
restée fameuse du Gouverneur Général Jonnart qui
lui assignait le rôle " d'inspecteur permanent de la vie
sociale, économique et politique de son arrondissement ".
En fait, il supplée l'imprécision des textes par une action
directe, d'autant plus efficace et attachante qu'elle s'adresse souvent
à des populations frustes et désorientées par une
évolution économique et sociale qui, de toute part, tend
à rompre ses modes d'existence traditionnels.
--------Il
lui faut infiniment de tact, car le moindre geste inconsidéré
de sa part ou simplement inopportun risque d'avoir, dans ce payse des
répercussions imprévisibles, qui peuvent dépasser
parfois le cadre national. Il lui faut mettre en oeuvre toutes ses connaissances
d'histoire, de sociologie, de psychologie et d'économie politique
et il perdra quelquefois de vue la loi de 84 pour tenter de percevoir
l'évolution de tant d'éléments divers et pour orienter
son action locale sans oublier qu'on en parlera peut être au Caire
ou à l'O.N.U.
o O o
--------Ainsi
donc, le rôle essentiel du Préfet et du Sous-Préfet
est d'harmoniser, de faciliter et de stimuler l'évolution des
populations. Le but est fixé : il faut l'atteindre et je voudrais
simplement souligner la grandeur que ce raccourci comporte.
--------J'ai
tenté, plus haut, de marquer la diversité du milieu social.
Cette diversité se complique de celle des institutions qui doivent
aussi évoluer. A l'intérieur de chaque département,
il y a la commune de plein exercice que vous connaissez, avec ses deux
collèges, mais administrée comme dans la Métropole.
Il y a aussi la Commune Mixte dirigée par un fonctionnaire :
l'Administrateur des Services civils, assisté d'une Commission
municipale.
--------La
Commune mixte s'étend sur un territoire aussi grand qu'un arrondissement,
parfois même qu'un département métropolitain. Elle
ne mérite donc guère le nom de commune : elle est bien
plutôt une pépinière de communes destinée
à faire éclore des communes véritables qui y feront
enclave et seront sacrées " communes de plein exercice "
lorsquelles auront pris un développement suffisant.
--------Autrement
dit, la Commune mixte a toujours été une formule de transition
et il s'est de tout temps trouvé des hommes et des partis pour
estimer que la transition s'éternisait. Elle ne durait cependant
- et elle ne dure encore - que parce que les masses rurales auxquelles
elle sert de cadre évoluent lentement.
--------Il
y a aussi, mais inégalement répartis, les Centres municipaux,
également organismes d'évolution, dont la structure est,
en fait, calquée sur celle de la commune.
C'est donc au sein de ce " complexe " d'hommes, d'intérêts
et d'organismes que le Sous-Préfet et le Préfet, "
ensembliers gouvernementaux ", peuvent, par leur exacte science
de l'humain, accélérer ou freiner tel ou tel mouvement
de l'appareil public parfois si impersonnel.
--------Cette
science a d'ailleurs son argumentation. Une enquête très
complète a été menée, dès 1946, sous
le nom de " Plan d'Action Communal ", afin de dresser, pour
chaque commune, un état des réalisations déjà
acquises ou à poursuivre pour que les collectivités locales
atteignent le niveau politique, social ou économique souhaité
par le Gouvernement.
--------C'est
le Préfet, le Sous-Préfet qui sont appelés à
guider les étapes de cette évolution, mais ils ne peuvent
pas limiter à cette appréciation politique leur intervention.
S'il m'était permis de dérober à la littérature
un mot qui lui est cher, je dirais qu'ils sont bien plus " engagés
".
--------Car,
peut-on envisager une promotion politique sans sous-entendre une promotion
économique et sociale. Vous connaissez les difficultés
économiques de notre grande province ; vous savez les efforts
d'équipement accomplis pour élever le standing de vie
de ses habitants. Je voudrais seulement évoquer en terminant
ces écoles de vie qui animent tout le bled algérien :
la Société Agricole de Prévoyance et son arme le
Secteur d'Amélioration Rurale ainsi que les Travaux d'initiative
communale.
--------La
" Société Agricole de Prévoyance " est
la fille moderne de ces modestes sociétés de secours créées
vers 1870 pour sauver les petits paysans de l'usure ou de la disette.
Elle est maintenant une institution permettant l'éducation et
l'intégration progressive de la petite agriculture musulmane
dans les groupements professionnels normaux de crédit et de coopération
agricole. Elle a de puissants moyens et elle permet d'animer l'ensemble
des secteurs du paysannat dont l'action tend à former les "
fellahs" aux méthodes modernes de culture et, par là-même,
à améliorer les rendements.
--------Au
sein des Commissions départementales des Sociétés
Agricoles de Prévoyance et du Paysannat, le Préfet est
directement associé à la mise au point des programmes.
Quant aux " Travaux d'Initiative Communale ", ils sont nés
de l'expérience d'un de nos collègues Sous-Préfet
qui a imaginé un plan pour la réalisation rapide, dans
les douars de son arrondissement, de certains travaux d'intérêt
local. Ce plan laissait aux Chefs de communes la plus grande liberté
d'exécution dans les projets et faisait appel à une participation
des bénéficiaires des travaux. Ce fut une belle réussite
et l'initiative individuelle devint action généralisée
sur l'ensemble de l'Algérie. Les modes de financement ont évolué
mais le principe même de l'initiative a subsisté et le
corps préfectoral tout entier est maintenant associé à
cette promotion matérielle.
o O o
--------Mes Chers
Collègues,
--------J'espère,
par ce rapide exposé, vous avoir donné une idée
de l'importance et de la complexité du rôle de notre corps
en Algérie. Beaucoup d'entre vous ignoraient, je pensa, cet aspect
de leur métier, comme ils ignorent les autres aspects de ce pays
où ils viennent pour la première fois.
--------Par
ailleurs, si la presse et la littérature offrent depuis quelque
temps à la curiosité de tous les Français une documentation
abondante et renouvelée sur les problèmes de l'Afrique
du Nord, l'Algérie seule paraît témoigner de quelque
discrétion dans cette information parfois bruyante. Ici aussi,
cependant, le cadre longtemps inchangé où, pendant des
siècles vécurent les hommes, est aujourd'hui ébranlé
par les exigences de l'âge moderne.
--------Il
apparaît seulement que l'évolution politique et sociale
de notre terre algérienne se fait dans une voie qui, en définitive,
doit l'amener à s'intégrer complètement parmi nos
vieilles provinces de France.
--------Les
hommes raisonnables de ce pays - musulmans ou européens - pensent
qu'il n'est maintenant pas d'autre destinée possible pour elle.
D'abord parce qu'il n'est pas question pour la France d'abandonner en
cours de route des peuples qui se cherchent encore, et de livrer leur
inexpérience à tous les périls du monde moderne
en les replongeant dans le désordre et la misère. Ensuite,
parce que notre Patrie doit prendre conscience de la force que représente
son établissement dans un pays dont la situation géographique
et les richesses potentielles lui assignent un rôle important
dans le inonde de demain.
--------Dans
ce pays où l'homme des villes défile aux slogans de nos
grandes centrales syndicales, mais où l'on peut voir dans le
" bled ", aux jours de marchés, descendant des douars
une théorie de cavaliers blancs qui relèvent de la description
biblique, nous avons assisté à l'un des grands télescopages
de l'histoire, à un emboîtement de plusieurs siècles.
--------L'honneur
de la France est d'y faire face honnêtement, courageusement, avec
les moyens de sa haute conscience.
--------La
réussite sera le fait de ses serviteurs et j'espère qu'au
premier rang de ceux-là, seront nos collègues du Corps
préfectoral.
--------Il leur
faudra certes, plus encore qu'à leurs prédécesseurs,
beaucoup d'ardeur pour participer avc fruit à une oeuvre aussi
délicate de promotion humaine, mais que de satisfactions aussi
pour ceux qi voudront servir au-delà des solutions traditionnelles
et des sentiers battus, pour ceux qui auront l'es prit curieux de nouveautés
et l'âme indépendante et généreuse.
--------Mes Chers
Collègues, il m'est donné, après 25 années
de séjour dans ce pays où je suis né, et après
25 autres années passées dans la carrière préfectorale,
d'avoir l'insigne honneur de parler de c pays et de cette carrière
que j'aime également, devant un auditoire qui me pardonnera,
je pense, et la fierté que j'en éprouve et l'émotion
qui m'étreint.
--------Ma satisfaction
sera complète si, parmi les jeunes qui m'écoutent, quelques-uns
sont tentés c servir sur cette terre à la fois âpre
et séduisante. Ils y participeront à une expérience
exceptionnel dans l'ordre humain et social qui, en plus de la mise en
couver d'un plan largement doté, exigera sui tout l'action de
centaines d'hommes de foi et de volonté puisés parmi les
éléments les meilleurs g les plus divers de notre jeunesse.
C'est là la vraie richesse dont dispose la France, mais elle
vaut tot tes les autres !
--------Rien ne
sera vraiment changé demain, quelles que soient les lois nouvelles,
si nous n'apportons pz dans l'action cet élément de renouveau.
--------Pour rapprocher
les deux civilisations qui cohabitent dans ce pays, pour réunir
les élites, pot entraîner, dans la même voie, les
générations montantes, il faut de jeunes hommes ayant
autant c coeur que de raison, il faut des apôtres plutôt
que des habiles, des croyants dont la foi peut franch les obstacles
dressés par l'égoïsme et l'inertie.
--------Le souhait
ultime et fervent que je forme est que nos jeunes collègues du
Corps préfectoral, soient au premier rang de ceux-là.
****************************
Gouverneur Général de
l'Algérie : M. Roger LEONARD
Directeur des Cabinets Civil et Militaire M. Joseph
GAND
Directeur du Cabinet Civil M. Francis GRAEVE
Directeur Adjoint du Cabinet Civil M. Maurice LAMBERT
Chef du Cabinet Civil M. Marc GORSE
Chef Adjoint du Cabinet Civil M. Abdelkader STAMBOULI
Secrétaire Général du Gouvernement
Général M. Maurice CUTTOLI
Directeur du Cabinet M. Paul LATOURNERIE
Secrétaire Général Adjoint M. Jean THOMASSIN
Chef du Cabinet M. Jacques JUILHARD
Secrétaire Général adjoint chargé des Affaires
économiques M. Henri URBANI
Inspecteurs généraux M. Roger WUILLAUME
M. François LE GRAND
PREFECTURE D'ALGER
Préfet d'Alger M. André TREMEAUD
Directeur du Cabinet M. Jacques LEGRAND
Chef de Cabinet M. Yves VACQUIER
Secrétaires généraux M. Paul LAVAYSSE
M. Tony ROCHE
Sous-Préfet de Miliana M. Jean ROUFFIAC
Sous-Préfet de Blida M. Pierre DELAHAUT
Sous-Préfet de Tizi-Ouzou M. Albert BYR
Sous-Préfet d'Aumale M. Roland DEROUBAIX
Sous-Préf1'; d'Orléansville M. René DEBIA
Sous-Préfet de Médna M. Clivier RICAUD
PREFECTURE D'ORAN
Préfet d'Oran M. Pierre LAMBERT
Directeur du Cabinet M. André PERREAU
Secrétaires généraux M. Jean LE BISSONNAIS
M. Auguste SOULIER
Sous-Préfet d'Oran M. Georges LE SIDANER
Sous-Préfet de Tlemcen M. Albert BONHOMME
Sous-Préfet de Tiaret M. Marcel MESNARD
Sous-Préfet de Mascara M. Roland DISSLER
Sous-Préfet de Sidi-bel-Abbès M. Paul MERLE
Sous-Préfet de Mostaganem o M. Pierre HOSTEING
PREFECTURE DE CONSTANTINE
Préfet de Constantine M. Iienri LECORNU
Directeur du Cabinet M. Henri MOURER
Secrétaires généraux "T. T( ,n FAUSSEMAGNE
M. Pierre CAZEJUST
Sous-Préfet de Constantine M. David MASSONI
Sous-Préfet de Bougie M. Edmond WATRIN
Sous-Préfet de Bône M. Marius LEJOUX
Sous-Préfet de Batna M. Jean DELEPLANQUE
Sous-Préfet de Guelma M. Henri HAMONIC
Sous-Préfet de Philippeville M. Roger FRIDRICI
Sous-Préfet de Sétif M. Jacques LENOIR
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