ALGERIENNES, ALGERIENS,
-----------Dans la période d'incertitude
que nous traversons, alors que la conjoncture politique demeure trouble
et que des campagnes de presse inquiètent l'opinion, je tiens à
vous parler ce soir en toute franchise, non comme votre gouverneur général,
mais comme un homme qui s'adresse à chacun de vous. Je voudrais
pouvoir connaître personnellement chaque homme et chaque femme de
ce pays, serrer toutes vos mains, recueillir moi-même vos plaintes
et vos espoirs. Que tout au moins aujourd'hui, ma voix vous apporte à
tous un message sincère. Je veux vous dire ce que je crois de tout
mon coeur, de toutes mes forces, être le bien de l'Algérie,
c'est-à-dire de tous ceux qui vivent et qui travaillent sur cette
terre.
-----------Le bien de l'Algérie, c'est
d'abord qu'elle reste française. L'Algérie sans la France,
ce serait la misère dans d'innombrables foyers. Qui donc, dans
le monde, viendrait prendre à sa charge ce que la France apporte
à l'Algérie ? Qui remplacerait chaque année les milliards
que les travailleurs algériens envoient de la Métropole
? Les étrangers qui prodiguent leurs encouragements è: la
rébellion ou leurs conseils à la France, s'intéresseraient
peut-être volontiers à l'Algérie pour y forer des
puits de pétrole ou y creuser des mines, mais pas pour y faire
des routes ou y construire des écoles. Je dis que la séparation
de l'Algérie et de la France serait pour l'Algérie, et spécialement
pour le peuple musulman de ce pays, la pire des catastrophes. La sécession,
c'est la ruine. C'est aussi la guerre civile installée ici à
l'état endémique, l'anarchie permanente avec des horreurs
dont même celles que nous subissons depuis un ' an ne nous donnent
qu'une faible idée.
-----------Ni directement, ni indirectement,
sous quelque forme que ce soit, je ne me prêterai à la sécession.
Tant que ma responsabilité sera engagée ici, tant que j'aurai
la charge de l'Algérie, tous, amis ou adversaires, doivent savoir
que je ne consentirai à rien qui éloigne l'Algérie
de la France.
-----------Ce n'est pas de vaines formules
jetées sur la place publique qu'il convient d'attendre la solution
que nous désirons tous.
-----------C'est
d'abord dans l'action, persévérante et tenace, à
mener pour rétablir la sécurité et la paix. Tous
les moyens doivent pour cela être mis en ceuvre. Je n'ai pas cessé,
depuis un an, de les rechercher et de les employer dès que je les
ai obtenus. Cet effort doit être et sera poursuivi.
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-----------Ensuite, puisque
l'Algérie doit demeurer partie intégrante de la France,
il faut que cette exigence devienne chaque jour plus réelle pour
le bien de tous. Cela signifie que doit être solennellement reconnue
et garantie, au sein de la République française, la personnalité
originale de cette province dans le respect de sa tradition, de sa religion,
de sa culture. Cela signifie aussi qu'entre tous les Français d'Algérie,
quelle que soit leur origine ethnique, quelle que soit leur confession,
de même qu'entre eux et leurs concitoyens de la métropole,
doit régner l'égalité. L'égalité des
droits et des devoirs, des avantages et des sacrifices, depuis Dunkerque
jusqu'à Tamanrasset.
-----------Je suis profondément convaincu
que c'est la voie du salut. C'est aussi le génie de la France généreuse
et humaine qui nous engage à rompre avec les routines du passé
et à répondre au défi des forces mauvaises qui nous
assaillent par un grand pas en avant, par une ferme décision de
progrès et de fraternité.
-----------Non à
la rébellion, avec son obscurantisme et sa sauvagerie. Non à
l'immobilisme qui se complait dans le maintien précaire d'une situation
dépassée. Rassemblons-nous au contraire, nous tous qui voulons
la paix et le progrès, pour sauver l'Algérie par la résistance
à l'agression et par la grande réforme que ce pays attend.
Il faut créer enfin une véritable communauté, c'est-à-dire
mettre en commun tout ce qui est la France et tout ce qui est l'Algérie.
-----------Vous tous qui m'écoutez,
qui que vous soyez, pensez avec moi au sort de l'Algérie, c'est-à-dire
à celui de chaque homme et de chaque femme, à celui du moindre,
du plus petit et du plus humble des dix millions d'Algériens.
-----------Le déchaînement de
la violence ne peut donner à la rébellion une victoire impossible
; il peut seulement condamner chaque jour un plus grand nombre d'Algériens
à la mort ou à la ruine. Il n'y a pas de solution hors de
la France et sans la France. Je n'ai pas d'autre but, d'autre souci, que
de la dégager et de la faire prévaloir. J'y parviendrai
si vous m'y aidez, si vous apportez votre concours et votre confiance
à la tâche que j'ai entreprise. Ainsi, et ainsi seulement,
nous rétablirons ici tous ensemble la paix dans la dignité
et dans l'union.
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