|  
        ---------Le 
          régime législatif de l'Algérie a été, 
          pendant plus d'un siècle, jusqu'à l'entrée en vigueur 
          de la Constitution du 20 septembre 1947 " portant Statut Organique 
          de l'Algérie " caractérisé par son archaïsme 
          et son obscurité. Par son archaïsme, puisque le régime 
          des décrets auquel l'Algérie était soumise trouvait 
          son fondement dans une loi du 4 avril 1833 et une ordonnance du 22 juillet 
          1834. Par son obscurité, la jurisprudence ayant dû faire. 
          en partant de ces deux textes, un énorme travail d'interprétation 
          pour aboutir à une construction compliquée et subtile 
          dont les juristes eux-mêmes ne saisissaient pas toujours facilement 
          les lignes directrices et la portée exacte.---------Aussi, 
          lorsqu'après six années d'une guerre qui avait jeté 
          bas ses institution, la France décida de " remettre de l'ordre 
          dans la maison ", elle fut tout naturellement conduite à 
          substituer au régime législatif en vigueur en Algérie 
          un régime à la fois plus démocratique et plus clair. 
          A l'ordre ancien la Constitution du 27 octobre 1946 donna le premier 
          coup de pioche en supprimant le " régime des décrets 
          ", qui se conciliait mal avec un des principes fondamentaux des 
          démocraties suivant lequel la loi ne doit être adoptée 
          qu'après une discussion à laquelle participe. soit le 
          peuple tout entier, soit des représentants du peuple. Puis la 
          loi du 20 septembre 1947, définissant l'ordre nouveau, s'efforça 
          de réaliser un équilibre entre les trois forces en présence 
          : la Métropole, détentrice de la souveraineté nationale 
          : la population européenne d'Algérie, élément 
          indissociable du peuple français, mais évoluant dans un 
          milieu différent ; la population musulmane, cristallisée 
          autour d'une élite formée à notre culture et à 
          nos techniques et légitimement désireuse de participer 
          à la vie politique de l'Algérie.
 ---------Ce 
          régime nouveau s'inspire trop, malgré ses caractères 
          originaux, de l'expérience du passé pour qu'il soit possible 
          d'en comprendre la signification sans avoir présentes à 
          l'esprit les règles essentielles du régime antérieur. 
          Au surplus. la comparaison des deux régimes permet seule d'apercevoir 
          le sens de l'évolution que, dans ce domaine, la IVè République 
          a imprimée à l'Algérie.
 LE RÉGIME LÉGISLATIF 
          ANTÉRIEUR A L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA CONSTITUTION. ---------Ce régime 
          avait pour base juridique---------- 
          l'article 1°` de l'ordonnance du 22 juillet 1834 qui faisait de 
          l'ancienne Régence d'Alger, jusque là simplement soumise 
          à l'occupation a des troupes, une " possession " française
 ---------l'article 
          2 de la loi du 24 avril 1833 aux termes duquel " les établissements 
          français dans les Indes Orientales et en Afrique et l'établissement 
          de pêche de Saint-Pierre-et-Miquelon continuent d'être régis 
          par les ordonnances du roi , c'est-à-dire par des actes d'un 
          pouvoirs exécutif, ces ordonnances n'étant, comte plus 
          tard les décrets, que des manifestations du pouvoir réglementaire 
          du Chef de l'État.
 
 ---------A. 
          --Le rattachement de l'Algérie là la France a eu pour 
          effet d'y rendre applicable de plein droit les lois antérieures 
          au 22 juillet 1834, conformément au principe (le droit international 
          public suivant lequel l'annexion entraîne soumission du territoire 
          annexé à la législation du pays annexant.
 ---------Cependant, 
          cette législation, élaborée pour la Métropole, 
          ne pouvait, dans bien (les cas, être appliquée à 
          l'Algérie, ou ne pouvait l'être qu'après adaptation 
          aux conditions locales. C'est pourquoi la jurisprudence posa le principe 
          que seules les lois d'intérêt général compatibles 
          avec les moeurs, les habitudes et les circonstances locales étaient 
          applicables de plein droit à l'Algérie.
 ---------Ce 
          principe " n'a qu'apparemment la valeur d'une distinction que les 
          tribunaux s'arrogeraient le droit de faire entre les lois générales 
          ou spéciales, d'intérêt général on 
          non. conformes ou non aux besoins locaux. Il signifie, en réalité, 
          que les lois métropolitaines sont entièrement ou partiellement 
          inapplicables lorsque le Chef du pouvoir exécutif les a modifiées 
          ou abrogées ou n'a pas organisé en Algérie tout 
          ou partie des institutions dont l'existence est nécessaire à 
          leur application. La jurisprudence n'a donc fait que préciser 
          sur ce point l'étendue du pouvoir législatif conféré 
          au Chef de l'Etat " ( Milliot - Cent ans de législation 
          algérienne - Dans " uvre législative de la 
          France en Algérie " - Collection du centenaire - p. 112-113.) 
          par l'article 25 de la loi du 24 avril 1834.
 ---------Chose 
          remarquable, les lois antérieures au 22 juillet 1834, bien qu'applicables 
          de plein droit a l'Algérie, pouvaient donc être modifiées 
          par des décrets.
 
 ---------B. 
          - L'annexion avant eu pour effet de soumettre l'Algérie au " 
          régime des décrets " organisé par l'article 
          25 de la loi du 24 avril 1833, les lois postérieures à 
          l'ordonnance du 22 juillet 1834 n'y furent plus, en principe, applicables 
          de plein droit.
 ---------On 
          a discuté sur la nature juridique du pouvoir du Chef (le l'Etat. 
          Certains juristes, frappés par le fait que les décrets 
          pris en vertu de la loi du 24 avril 1833 pouvaient modifier les lois 
          antérieures au 22 juillet 1834 et applicables de plein droit 
          à l'Algérie, y ont vu l'exercice d'un pouvoir législatif 
          délégué par le Parlement. D'où l'expression 
          parfois employée de " décrets de valeur législative". 
          D'autres, au contraire, faisaient observer qu'aucune disposition constitutionnelle 
          n'opérait de partage de compétence entre le Parlement 
          et l'autorité exécutive. Ils considéraient donc 
          que la loi de 1833 avait implicitement retiré aux lois dont il 
          s'agit leur force législative. ce qui permettait leur modification 
          ultérieure par des textes purement réglementaires. Le 
          Conseil d'Etat, par le contrôle qu'il acceptait d'exercer sur 
          les décrets algériens y paraissait donner son accord à 
          cette seconde interprétation.
 ---------Quoi 
          qu'il en soit de cette discussion de doctrine dont il ne peut être 
          question d'exposer ici tous les aspects, le Chef de l'Etat disposait 
          d'un pouvoir très étendu. Il avait qualité pour 
          instituer une législation originale absolument distincte de cette 
          de la Métropole. Il pouvait aussi étendre à l'Algérie, 
          en les y adaptant s'il le jugeait opportun, les lois métropolitaines 
          postérieures au 22 juillet 1834.
 ---------Les 
          décrets qu'il prenait à cet effet étaient ordinairement 
          qualifiés par la jurisprudence de " décrets de 
          promulgation spéciale ", expression inexacte en droit, 
          ces décrets n'étant pas des actes " de promulgation, 
          mais de confection de loi " (Milliot - ouvrage 
          cité p. 127.).
 
 ---------C. 
          - Si, à partir du 22 juillet 1834, la source principale de la 
          législation algérienne fut constituée par des décrets, 
          il y en a eu d'autres : des lois, des sénatus-consultes. des 
          arrêtés du Ministre de la guerre ou du Gouverneur Général, 
          enfin les conventions internationales passées par la France.
 ---------1) 
          Les lois.
 ---------a) 
          Le pouvoir du Chef de l'Etat se trouvait limité par la Constitution 
          de 1875 qui réservait certaines matières à la compétence 
          exclusive du Parlement : tel était le cas pour les amnisties 
          (art. 3 L. 23 février 1875), les modifications territoriales 
          (art. 8 L. 16 juillet 1875) et tout ce qui touchait aux finances (interprétation 
          tirée de l'article 8 L. 24 février 1875 sur l'organisation 
          du Sénat).
 ---------b) 
          D'autre part, il arrivait souvent au Parlement de retirer partiellement 
          la délégation qu'il avait faite au Chef de l'Etat en réglementant 
          lui-même une matière déterminée ( Cette 
          matière ne pouvait plus être régie dorénavant 
          que par la loi.). Il le faisait, soit en déclarant une 
          loi métropolitaine applicable à l'Algérie, soit 
          en votant une loi spéciale pour cette dernière.
 ---------c) 
          Enfin, la jurisprudence admettait que les " lois modificatives 
          " (le lois déjà applicables à l'Algérie 
          s'y appliquaient elles-mêmes de plein droit. Elle les opposait 
          aux lois dites " inovatoires " qui, elles, ne pouvaient 
          s'appliquer à l'Algérie que si elles le prévoyaient 
          expressément ou y avaient été étendues par 
          un décret ou une seconde loi.
 ---------Cette 
          distinction entre lois modificatives et lois inovatoires a toujours 
          été extrêmement obscure. Il résulte " 
          d'une jurisprudence constante de la Cour de Cassation, affirmée 
          par de nombreux arrêts., qu'on doit entendre par loi modificative. 
          et à ce titre dispensée d'une promulgation spéciale, 
          celle qui se borne à de simples modifications qui s'incorporent, 
          par suite, au texte modifié pour en faire désormais partie 
          intégrante. Lorsqu'au contraire la loi contient des innovations 
          profondes, dépassant la mesure (le simples modifications de détail, 
          ne pouvant grâceà leur étendue et à leur 
          portée prendre place dans le texte modifié, lorsqu'elle 
          crée un état de droit nouveau pour le substituer à 
          l'ancien, il faut dire qu'il y a là une institution nouvelle 
          ou un régime nouveau qui ne peut être exécutoire 
          en Algérie qu'autant que la loi qui l'inaugure y aura fait l'objet 
          d'une promulgation spéciale " ( Trib. Constantine 
          4 février 1908 (R.A. 1908-2-228).
 
 ---------Cependant, 
          M. Milliot s'est aperçu, après un long travail d'analyse 
          de la jurisprudence, que " la distinction de lois modificatives 
          et innovatoiresn'est qu'en apparence établie en contemplation 
          de l'importance matérielle et du caractère de nouveauté 
          (Ce double critère s'analyse, suivant M. Milliot 
          " en un élément de forme ou quantitatif : l'importance 
          de la modification matérielle apportée par la loi nouvelle 
          au texte de la loi ancienne (l'incorporation du texte de la loi nouvelle 
          dans celui de la loi ancienne) ; et un élément de fond 
          ou qualitatif : le caractère de nouveauté de la réforme 
          opérée dans l'organisation préexistante " 
          (Girault et Milliot, Principes de colonisation et de législation 
          coloniale - L'Algérie, 5°'^ édition, p. 236).) 
          que présentent les lois réformatrices ; elle est en réalité 
          fonction de la différence ou de la similitude (Et 
          non de l'identité.) de la situation juridique initiale 
          en France et en Algérie " (Girault et 
          Milliot - Ouvrage cité p. 236).
 ---------Ce 
          critère de la similitude initiale des deux législations 
          métropolitaine et algérienne explique que la jurisprudence 
          ait généralement considéré comme applicable 
          de plein droit à l'Algérie une loi qui modifiait (ou abrogeait) 
          :
 ----------- 
          une loi commune à la Métropole et à l'Algérie 
          (loi antérieure au 22 juillet 1834 ou postérieure à 
          cette date et contenant une disposition expresse d'applicabilité 
          à l'Algérie) ;
 ------------ 
          une loi métropolitaine étendue à l'Algérie 
          par une loi spéciale ou un décret, lorsque cette loi spéciale 
          ou ce décret apportait à la loi métropolitaine 
          des modifications peu importantes qui ne s'opposaient pas, en fait, 
          à l'introduction en Algérie de la loi nouvelle.
 
 ---------En 
          sens inverse, il explique que la jurisprudence ait toujours déclaré 
          " innovatoire ", donc inapplicable de plano à l'Algérie, 
          une loi qui modifiait (ou abrogeait) une loi métropolitaine étendue 
          à l'Algérie par une loi spéciale ou un décret 
          qui apportait à la loi métropolitaine des modifications 
          profondes et instituait ainsi en Algérie une législation 
          différente de celle de la Métropole (Suivant 
          la jurisprudence, les lois modificatives déclarées, applicables 
          de plano à l'Algérie n'emportaient pas le retrait de la 
          délégation faite au Chef de I'Etat. - Celui-ci pouvait 
          les modifier ou leur substituer une législation entièrement 
          différente.).
 ---------Toutefois, 
          l'application de ce critère a soulevé des réserves 
          de la part de la doctrine. Celle-ci ne voyait pas d'objections à 
          ce qu'une loi modificative d'une loi déjà applicable à 
          l'Algérie, soit en vertu d'une disposition expresse de son texte, 
          soit en raison de sa date (antérieure au 22 juillet 1834) s'y 
          appliquât elle-même de plein droit.
 Elle était plus réticente lorsque la loi modifiée 
          avait été étendue à l'Algérie par 
          une loi spéciale ou par un décret, textes juridiquement 
          autonomes par rapport à la loi métropolitaine. En fait, 
          lorsque l'extension " résulte d'une disposition légale, 
          il n'y a guère de difficultés à décider 
          l'application de plein droit des lois à venir. Celles-ci sont 
          uvre du Parlement qui, en alignant antérieurement les deux 
          législations dans une matière déterminée, 
          a estimé sans doute que le régime devait demeurer identique 
          désormais (les deux côtés de la Méditerranée. 
          "
 ---------" 
          Au contraire, lorsque la mesure d'extension a été prise 
          par décret, le doute subsiste sur l'application de plein droit 
          des modifications apportées ensuite par le Parlement. (Il est 
          vrai que) le décret d'extension a comblé le retard de 
          la législation algérienne. (On peut donc soutenir que) 
          celle-ci est assimilée à celle de la Métropole 
          pour l'avenir, conformément aux intentions probables du pouvoir 
          exécutif. "
 ---------" 
          (Mais) en doctrine, on objecte parfois que le Chef de l'État. 
          en décidant ainsi qu'une matière déterminée 
          pourra être régie par les lois à venir, se dessaisit 
          de sa compétence, ce qui est contraire aux principes de notre 
          droit public... On peut fort bien répondre (cependant) que la 
          loi ultérieure s'appliquera avec la force du décret primitif 
          et que le Chef de l'Etat pourra en écarter l'application s'il 
          le désire. " (Decottignies, Note sous 
          arrêt C.C., Ch. civ., sect. sociale, 4 mars 1948, dans " 
          Revue de l'Union française ", 1949, p. 229.)
 ---------II 
          est plus difficile de répondre à l'argument suivant lequel 
          rien ne permet d'affirmer qu'en rendant la loi antérieure applicable 
          à l'Algérie, le Chef de l'État a voulu aligner 
          désormais les deux législations." La Cour de Cassation 
          s'est montrée sensible, dans certains cas, à cette sorte 
          de symétrie ; la loi nouvelle, décide-t-elle (alors), 
          doit faire l'objet d'un décret (l'extension au même titre 
          que la précédente. " (Decottignies, 
          Note sous arrêt C.C., Ch. civ., sect. sociale, 4 mars 1948, dans 
          " Revue de l'Union française ", 1949, p. 229.).
 
 ------- 2°) 
          Les senatus-consultes.
 -------L'article 27 (le la Constitution 
          de 1832 confiait an Sénat le soin de régler par un sénatus-consulte 
          la constitution (le l'Algérie. Le Sénat n'établit 
          pas cette Constitution mais prit deux sénatus-consultes très 
          importants, le premier du 22 juillet 1863 sur la constitution de la 
          propriété foncière, le second du 14 juillet 1865 
          sur l'état des personnes et la naturalisation.
 -------Ces deux sénatus-consulte 
          sont " assimilés par la pratique législative et la 
          jurisprudence aux règlements législatifs pris par le Chef 
          (le l'État " ( Girault et Milliot, ouvrage 
          cité, p. 230.).
 
 -------3') Les arrêtés 
          du Gouverneur Général et du Ministre de la Guerre.
 -------a) Il est arrivé exceptionnellement 
          au Parlement de donner délégation au gouverneur général 
          pour régler des matières nettement définies. C'est 
          ce qu'il fit notamment par la loi du 2o septembre 1940 (abrogée 
          par l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur le rétablissement de 
          la légalité républicaine) qui attribuait au gouverneur 
          Général (les pouvoirs exceptionnels en matière 
          économique.
 -------b) Sous le bénéfice 
          de l'observation précédente, le Gouverneur Général 
          et le Ministre de la guerre tenaient leur pouvoir d'une " subdélégation 
          " du Chef de l'État dont la validité, admise par 
          le Conseil d'Etat (Arrêt C.E., 6 janvier 1928 
          ; Cf. " Revue algérienne ", 1928, 20209, et note.), 
          a été vivement contestée par la doctrine.
 -------La subdélégation du 
          gouverneur général, conçue (le façon assez 
          large par l'article 5 de l'ordonnance du 22 juillet 1834, a été 
          réduite par l'ordonnance du mars 1845, puis a disparu en 1858, 
          avec la création du Ministère de l'Algérie.
 -------D'autre part, sous la Monarchie 
          de juillet, des décrets ont subdélégué au 
          Ministre de la guerre le pouvoir de régler par arrêtécertaines 
          matières parfois fort importante.
 
 -------4") 
          Les traités internationaux.
 -------Sauf clause contraire, ces traités 
          n'étaient pas conclus seulement pour la Métropole, mais 
          s'appliquaient à tous les pays ,soumis à la puissance 
          française. donc notamment à l'Algérie. Le Chef 
          de l'État ne pouvait naturellement ni les modifier ni en restreindre 
          l'application.
 -------1). - Nous venons de passer en revue 
          les autorités compétentes pour régir les " 
          matières législatives ".
 -------Deux autorités se partageaient, 
          par ailleurs. le pouvoir réglementaire : le Chef de 1'Etat et 
          le Gouverneur Général.
 -------a) L'Algérie étant 
          terre française. le Chef del'Etat y exerçait, comme dans 
          la Métropole, le droit qui lui était reconnu par l'article 
          3 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 : celui (le 
          surveiller, les lois et d'en assurer l'exécution. -------Ses 
          décrets réglementaires étaient communs à 
          la Métropole et à l'Algérie quand ils le déclaraient 
          expressément ou intervenaient en exécution d'une loi " 
          commune ". Dans tous les autres cas, ils étaient particuliers 
          à l'Algérie.
 -------b) Avant 1946, aucun texte organique 
          ne conférait expressément le pouvoir réglementaire 
          au gouverneur Général. Le décret du 23 août 
          1898 déclarait seulement : " Le 
          Gouvernement et la Haute Administration de l'Algérie sont centralisés 
          à Alger sous son autorité ". Aussi le 
          Gouverneur Général évitait-il de prendre des arrêtés 
          pour l'exécution des lois et décrets à moins que 
          ceux-ci ne l'y invitassent par une disposition formelle.
 -------Cette situation présentait, 
          en pratique, de tels inconvénients qu'un décret du 12 
          septembre 1946 vint conférer le pouvoir réglementaire 
          au Gouverneur Général en stipulant. dans son article 1er: 
          " Le Gouverneur Général de l'Algérie est chargé 
          de l'exécution des lois et de l'application des décisions 
          du Gouvernement".
 -------" A cet effet, il est habilité 
          à prendre par arrêté toutes mesures destinées 
          à l'exécution des lois et décrets applicables à 
          l'Algérie. Il rend compte aux Ministres intéressés 
          des mesures qu'il a prises. " ( En fait, le Gouverneur 
          Général n'a pas fait usage du pouvoir qui lui était 
          conféré par ce texte)
 -------Suivant l'article 2. le Gouverneur 
          Général pouvait également, par arrêtés 
          spéciaux soumis a l'approbation du Ministre de l'Intérieur, 
          déléguer aux Préfets ou aux Commandants militaires 
          des Territoires du Sud les pouvoirs qu'il tenait directement de textes 
          autres " que les textes ayant force de loi ou de règlement 
          d'administration publique ". -------Cette 
          expression a été considérée comme visant 
          exclusivement les lois, ordonnances, sénatus-consultes et règlements 
          d'administration publique à l'exclusion des décrets pris 
          par le Chef de l'Etat en vertu de la loi du 24 avril 1833. Le Gouverneur 
          Général était donc autorisé à déléguer 
          les pouvoirs qu'il tenait de ces décrets.
 -------Il y a lieu de signaler enfin que, 
          dans l'exercice de son pouvoir réglementaire, le Gouverneur Général 
          était secondé par un Conseil de Gouvernement (composé 
          exclusivement de fonctionnaires) qu'il était parfois obligé 
          de consulter ( Dans tous les autres cas, la consultation 
          de ce Conseil était purement facultative.), mais dont 
          il n'était jamais tenu de suivre les avis.
 
 -------Ce régime a pris fin avec 
          la Constitution de 1946 et la loi du 20 septembre 1947. Mais ces textes 
          n'ont pas d'effet rétroactif et pour savoir si une loi qui leur 
          est antérieure s'applique ou non à l'Algérie il 
          est toujours nécessaire de se référer aux règles 
          que nous venons de rappeler.
 II. -- LA CONSTITUTION 
          DU 27 OCTOBRE 1946. ---------La Constitution 
          du 27 octobre 1946 donne, dans son article 6o, la composition (le l'Union 
          Française " formée d'une 
          part de la République Française qui comprend la France 
          métropolitaine, des départements et territoires d'Outre-Mer, 
          d'autre part, des Territoires ou Etats associés ".---------La 
          question de savoir dans quelle catégorie de l'article 6o il convenait 
          de classer l'Algérie a été très controversée.
 ---------M. 
          Viard a fait valoir que " la Constitution... 
          s'est refusée, et à la commission de la Constitution cela 
          a été constant, à toucher au caractère de 
          l'Algérie : elle a entendu, par conséquent, lui conserver 
          le caractère juridique qui était le sien jusque-là, 
          c'est-à-dire celui de départements français qui 
          avait été spécialement affirmé par les textes 
          de 1870-1875 " ( Débats parlem., 
          Ass. Nat., 2èséance du 22 août 1947, J.O., p. 4582).
 ---------Certains 
          auteurs, se basant sur le fait que l'Algérie comprenait plusieurs 
          départements et des " Territoires du Sud " groupés 
          en une collectivité territoriale particulière, l'Algérie, 
          ont soutenu que cette dernière devait être considérée 
          comme un " territoire " ou un groupe de " Territoires 
          d'Outre-Mer ".
 ---------Mais 
          la thèse qui l'a finalement emporté est celle suivant 
          laquelle l'Algérie constitue un groupe de " départements 
          d'Outre-Mer ". Cette classification, qui tient compte de la similitude 
          existant entre l'organisation des départements algériens 
          et celle des départements métropolitains, a, en outre, 
          l'avantage de ne pas opposer la terminologie juridique à celle 
          de la langue courante ( Cf. déclaration de 
          M. Rabier, Débats parlera., Ass. Nat., 2m° séance, 
          22 août 1947, J.O., p. 4580.). Elle a été 
          admise par le Conseil d'Etat dont un avis n° 240528 du 27 mars 1947 
          affirme " qu'il résulte des dispositions 
          des articles 66 et 67 de la Constitution, éclairées par 
          l'article 4 de la loi n° 46-2385 du 27 octobre 1946 sur la composition 
          et l'élection de l'Assemblée de l'Union Française, 
          que les départements algériens sont des départements 
          d'Outre-Mer " ( Le " Statut de 
          l'Algérie " ne prend pas formellement position sur cette 
          importante question de la " classification constitutionnelle " 
          de l'Algérie. Il déclare seulement, dans son article 1l,, 
          que " l'Algérie constitue un groupe de départements 
          doté d'une personnalité civile, de l'autonomie financière 
          et d'une organisation particulière définie par 'les articles 
          ci-après de la présente loi. " Dans ces conditions, 
          il convient, semble-t-il, de se référer aux déclarations, 
          faites devant l'Assemblée Nationale par les membres du Gouvernement 
          puisqu'aussi bien l'article 11, du projet gouvernemental a été 
          voté sans modification. Or, il résulte de ces déclarations 
          que le Gouvernement a considéré l'Algérie comme 
          un groupe de départements d'Outre-'Mer (Cf. Ass. Nat., 2'0e séance, 
          du 22 août 1947, J.O., p. 4584).
 ---------L'Algérie 
          se trouve ainsi soumise à l'article 73 de la Constitution aux 
          termes duquel : " Le régime législatif des départements 
          d'Outre-Mer est le même que celui des départements métropolitains 
          sauf les exceptions déterminées par la loi " ( Il 
          résulte de cet article que les lois intervenues entre l'entrée 
          en vigueur de la Constitution et la promulgation de la loi du 20 septembre 
          1947 sont, sauf dispositions contraires, applicables de piano à 
          l'Algérie). Or, un des principes fondamentaux applicables 
          au régime législatif des départements métropolitains 
          est celui posé par l'article 13 : " ---------L'Assemblée 
          Nationale vote seule la loi ; elle ne peut déléguer ce 
          droit ". On en a déduit, peut-être 
          un peu hâtivement, la suppression du " régime des 
          décrets " dans les départements d'Outre-Mer et 
          notamment en Algérie. Si l'on observe, en effet, que la Constitution 
          de 1946, pas plus que celle de 1875, n'opère de partage de compétence 
          entre le Parlement et l'exécutif, on peut penser, avec M. Lampué, 
          que " les nombreuses questions qui, légiférées 
          dans la Métropole, n'étaient pas légiférées 
          à l'égard de l'Algérie (c'est-à-dire n'y 
          faisaient pas l'objet de règle, applicables avec force législative) 
          continuaient, clans ce dernier pays, de relever de la compétence 
          réglementaire " (" Le 
          Statut de l'Algérie ", p. 41.).
 ---------Quoi 
          qu'il en soit, le régime législatif de l'Algérie 
          devait, suivant la Constitution, être le même que celui 
          de la Métropole " sauf les exceptions déterminées 
          par la loi ". Or, en votant la loi du 2o septembre 1947 " 
          portant Statut organique de l'Algérie ", nous allons voir 
          que le législateur a inversé, en quelque sorte, la règle 
          constitutionnelle : il a fait de l'identité de régime 
          législatif entre la Métropole et l'Algérie, l'exception, 
          de la spécialité du régime législatif de 
          l'Algérie, la règle générale.
 III. - LE NOUVEAU 
          RÉGIME LÉGISLATIF DE L'ALGÉRIE. (Tout ce qui se rat:tache au nouveau régime 
          financier a été systématiquement écarté 
          de la présente étude).---------Ce 
          régime est défini par le titre II (" Du nouveau régime 
          législatif de l'Algérie ") et certaines dispositions 
          du titre VI (" Dispositions diverses et transitoires ") de 
          la loi du 2o septembre 1947 portant Statut Organique de l'Algérie.
 ---------Le 
          premier article du titre II, l'article 8, pose, dans son premier alinéa, 
          un principe qui constitue une espèce de frontispice aux autres 
          dispositions de ce titre : " Le régime des décrets, 
          tel qu'il résulte en matière législative, de l'ordonnance 
          du 22 juillet 1834 et des textes subséquents, est aboli ". 
          Suivant que l'on adopte l'une ou l'autre des deux interprétations 
          précédemment exposées concernant le sens et la 
          portée (le l'article 13 (le la Constitution, on doit considérer 
          que cette disposition se borne à rappeler ou opère par 
          elle-même la suppression du "régime des décrets 
          ", tel qu'il a été analysé dans la première 
          partie de cet article. Nous inclinerions en faveur de la seconde interprétation 
          qui permet, plus facilement, de comprendre comment le législateur 
          a pu, sans violer l'article 13 de la Constitution, transférer 
          à une assemblée purement administrative, l'Assemblée 
          Algérienne, une grande partie des pouvoirs précédemment 
          exercés par le Chef de l'Etat.
 ---------Cependant, 
          le Parlement a certainement adopté la première, puisque, 
          par l'article 51, il a cru devoir " sous réserve des matières 
          énumérées aux articles 9 à 12 " (Ces 
          matières seront analysées plus loin.) valider" 
          sauf toutefois les décrets qui ont fait l'objet d'un pourvoi 
          devant le Conseil d'Etat :
 ---------r° 
          les décrets qui sont intervenus entre l'entrée en vigueur 
          de la Constitution (Le 24 décembre 1946.) 
          et la promulgation du présent Statut pour étendre des 
          lois à l'Algérie
 ---------2° 
          les décrets qui, dans la même période, ont complété. 
          modifié ou abrogé les décrets qui étaient 
          intervenus antérieurement à l'entrée en vigueur 
          de la Constitution pour rendre applicables des lois à l'Algérie
 ---------3° 
          les décrets intervenus dans la même période en vertu 
          de l'ordonnance du 22 juillet 1834 ".
 ---------Bien 
          entendu. la suppression du " régime des décrets " 
          ne saurait porter atteinte au pouvoir réglementaire que le Gouvernement 
          tient de la Constitution. L'article 8. alinéa 2 du Statut le 
          précise : " Le Gouvernement de la République 
          assure, en Algérie, l'exécution des lois de la République 
          française qui y ,ont applicables. Il dispose, à cet effet, 
          des pouvoirs à lui accordés par la Constitution, notamment 
          par l'article 47 ". Nous indiquerons plus loin comment 
          ces pouvoirs se concilient avec celui du Gouverneur Général 
          de l'Algérie qui, aux termes de l'article 5, alinéa 3, 
          (le la loi du 20 septembre 1947, " exerce le pouvoir réglementaire 
          sauf les exceptions prévues par le présent Statut ".
 ---------Il 
          convient d'examiner tout d'abord, les compétences respectives 
          (lu Parlement et (le l'assem blée Algérienne.
 
 ---------COMPÉTENCE 
          DU PARLEMENT.
 ---------A. 
          -- Les articles 9 à 12 inclus du Statut de l'Algérie donnent 
          la liste des matières réservées à la compétence 
          exclusive du Parlement. Les lois métropolitaines (et les 
          décrets pris pour leur exécution) s'appliquent de plein 
          droit à l'Algérie lorsqu'il s'agit des matières 
          énumérées aux articles 9,10 et 11.L'article 12 
          " énumère toute une série de matières 
          pour lesquelles la loi votée dans la Métropole ne sera 
          pas applicable de plein droit à l'Algérie " (Déclaration 
          de M. Viard, auteur de l'amendement qui est devenu l'article 12, Déb. 
          parlem., Ass.Nat., séance du 25 août 1947, J.O., p. 4628.), 
          mais qui ne pourront. cependant, être régies" que 
          par la loi ".
 ---------1) 
          Du domaine des lois communes à la France et à l'Algérie.
 ---------Ce 
          domaine est défini par les articles 9, 10 et 11du Statut.
 ---------a) 
          Suivant la première phrase de l'article 9. " Les lois et 
          décrets intéressant l'exercice et la garantie ale, libertés 
          constitutionnelles s'appliquent de plein droit à l'Algérie 
          ". Ce n'est pas, comme on pourrait le penser. un simple rappel 
          de l'article 81 de la Constitution aux ternies duquel : " Tous 
          les nationaux français et les ressortissants de l'Union française 
          ont la qualité de citoyen de l'Union française qui leur 
          assure la jouissance des droits et libertés garanties par le 
          préambule de la présente Constitution ". Cet article 
          impose seulement au législateur de ne pas méconnaître 
          les droits et libertés dont il s'agit ; mais ii lui laisse la 
          possibilité d'en adapter les modalités d'exercice aux 
          divers territoires composant l'Union française.
 ,---------Au 
          contraire, la première phrase de l'article 9 (lu Statut prévoit 
          l'application automatique à l'Algérie des lois et décrets 
          qui fixent les modalités d'exercice de ces droits et libertés. 
          La liste de ces textes peut varier dans une large mesure suivant l'interprétation, 
          large ou restrictive, que l'on donne à la première phrase 
          (le l'article 9. Pour éviter un arbitraire excessif dans l'établissement 
          de cette liste, c'est la seconde interprétation qu'il convient, 
          semble-t-il, d'adopter. Aussi bien cette interprétation restrictive 
          a-t-elle l'avantage d'éviter l'application de plein droit à 
          l'Algérie de nombreux textes mal adaptés à la législation 
          actuellement en vigueur dans ce pays.
 ---------Suivant 
          les autres dispositions de l'article 9 : " Les lois et décrets 
          concernant l'état et la capacité des personnes, les règles 
          du mariage et ses effets sur les personnes et sur les biens, le droit 
          des successions et les règles d'état civil, réserve 
          faite des dispositions fiscales (et non financières. 
          La réserve de l'article 9 ne s'étend donc pas aux dispositions 
          qui auraient pour effet de mettre une dépense à la charge 
          de l'Algérie.) sont et demeurent applicables de plein 
          droit aux citoyens de statut français ( par 
          opposition aux citoyens de statut local.) en Algérie 
          ". " Ces lois étant applicablesà l'étranger, 
          il va de soi " - mais il valait mieux le dire, car il y a eu des 
          discussions et des décisions de jurisprudence contradictoires 
          à ce sujet - " qu'elles sont applicables de plein droit 
          .à l'Algérie. " (Déclaration 
          de M. Viard, auteur de l'amendement qui est devenu l'article 12, Déb. 
          parleur, Ass.
 Na:., séance du 25 août 1947, J.O., p. 4628)
 ---------b) 
          Aux termes de l'article 10 : " Les lois et décrets intéressant 
          le droit des services dits rattachés sont applicables (le plein 
          droit à l'Algérie, sauf dispositions contraires et sous 
          réserve des dispositions fiscales ". Ces services " 
          rattachés " directement à la Métropole 
          sont, suivant l'article 47 du Statut, ceux (le la justice (y compris 
          la justice musulmane qui était autrefois un service algérien) 
          et de l'Education Nationale (En ce qui concerne l'Education 
          Nationale, l'article 47 comporte une réserve : " Toutefois, 
          le Recteur de l'Académie d'Alger relève de l'autorité 
          d u Gouverneur Général pour tout ce qui concerne l'exécution 
          du plan de scolarisation .totale et l'administration des établissements, 
          soumis au régime d'enseignement prévu par l'article 3 
          du décret du 27 novembre 1944 relatif à l'exécution 
          du plan de scolarisation totale de la jeunesse musulmane en Algérie. 
          ").
 ---------" 
          Le droit des service "rattachés " est une expression 
          nouvelle et, partant, un peu obscure. M. Viard en a cité un exemple 
          : celui de la réglementation sur le baccalauréat.
 La réserve " sauf dispositions contraires " autorise 
          à penser que l'article 10 n'a pas porté atteinte .aux 
          dispositions spéciales )particulièrement nombreuses en 
          ce qui concerne la justice) qui régissaient les services dont 
          il s'agit avant le 20 septembre 1947.
 
 ---------Nous 
          indiquerons plus loin les difficultés qui résultent du 
          rapprochement des dispositions de l'article 10 et de l'article 12.
 ---------c) 
          Enfin, l'article IIprécise que " les traités passés 
          avec les puissances étrangères s'appliquent de plein droit 
          ( sauf dispositions contraires bien entendu.) 
          à l'Algérie ainsi que les lois ou décrets qui en 
          font application ". Cet article ne fait que consacrer une solution 
          déjà très généralement admise dans 
          le passé.
 ---------d) 
          On le voit, le domaine des lois et décrets communs à la 
          France et à l'Algérie est extrêmement réduit. 
          Cependant, M. Lampué fait observer que les textes visés 
          aux articles 9 à 11 du Statut ne sont pas absolument les seuls 
          pour lesquels aucune disposition spéciale d'introduction n'est 
          requise. " Avant la mise en vigueur de la Constitution et alors 
          que régnait encore le principe de la spécialité 
          législative, on admettait déjà que certains textes 
          s'appliquaient nécessairement par eux-mêmes à l'ensemble 
          du Territoire français parce qu'ils` n'avaient pas un objet strictement 
          métropolitain. On doit considérer que, même s'il 
          ne l'a pas dit expressément, le législateur en édictant 
          ces textes, a voulu qu'ils s'appliquent partout ; tels sont ceux qui 
          organisent les autorités centrales ou les juridictions centrales 
          dont la compétence s'étend à tout le territoire 
          et ceux qui sont destinés à régir certaines catégories 
          de personnes ou d'agents publics. Nous l'avons dit, la volonté 
          d'étendre le texte résulte alors de son objet lui-même. 
          Il n'y a aucune raison de ne pas maintenir, sur ce point, les règles 
          déjà admises en ce qui concerne l'Algérie. " 
          (Lampué, ouvrage cité, p. 44.)
 ---------Ces 
          conclusions ne sauraient êtres contestées. Mais, sous peine 
          d'enlever toute signification aux règles du Statut qui définissent 
          le régime législatif de l'Algérie, il convient 
          de n'admettre l'application de plein droit à cette dernière, 
          en dehors des matières visées aux articles 9 à 
          11. que des lois dont l'objet impose sans conteste possible une telle 
          application.
 ---------2') 
          Du domaine exclusivement réservé à la loi. ---------Ce domaine 
          est défini par l'article 12 du Statut qui vise des matières 
          particulièrement importantes.---------Aux 
          ternies de cet article : " L'organisation militaire et le recrutement, 
          le régime électoral, le statut des assemblées locales, 
          l'organisation administrative, l'organisation judiciaire, la procédure 
          civile et criminelle, la détermination des crimes et délits 
          et celles de leurs peines, le régime foncier et immobilier, l'amnistie, 
          le contentieux administratif, le régime de la nationalité 
          française ne peuvent être réglés que par 
          la loi ".
 ---------a) 
          Si, dans ce domaine, le Statut n'a pas prévu l'application de 
          plein droit à l'Algérie des textes métropolitains, 
          c'est que l'identité systématique de régime eut 
          été pratiquement irréalisable. Il s'agit, en effet, 
          de matières pour lesquelles la législation algérienne, 
          adaptée aux conditions locales, diffère sur de nombreux 
          points de la législation métropolitaine.
 ---------Que, 
          dans le silence de leur texte, les lois `concernant les matières 
          visées à l'article 12 ne s'appliquent pas à l'Algérie, 
          cela résulte de la différence de rédaction des 
          articles 9, 10 et 11 d'une part, de l'article 12 de l'autre. Doit-on 
          en déduire que, dans le cadre limité de l'article 12, 
          il n'y a plus place pour l'ancienne distinction jurisprudentielle entre 
          " lois modificatives " et " lois innovatoires " 
          ? (En dehors du cadre de l'article 12, il est évident 
          que cette distinction ne peut plus exister.) C'est ce que 
          fait M. Lampué quand il déclare : " En dehors des 
          textes rentrant clans les différentes classes que nous venons 
          d'examiner (art. 9, 1o et 11), la règle est désormais 
          celle de l'inapplicabilité des lois métropolitaines. Cette 
          règle s'applique aussi bien aux lois qui modifient des lois précédemment 
          introduites qu'à celles qui prononcent sur des questions nouvelles 
          ou qui posent (les principes nouveaux. ---------Ainsi 
          disparaît l'ancienne distinction qu'avait effectuée la 
          jurisprudence entre les lois " modificatives " et les lois 
          " innovatoires pour lesquelles il fallaitune introduction spéciale. 
          Les unes et les autres sont désormais soumises au même 
          principe. Dès l'instant qu'elles ne rentrent pas dans les catégories 
          définies aux articles 9, 10 et 11, elles n'acquièrent 
          force législative en Algérie que l'Assemblée Nationale 
          l'a spécialement déclaré " (Ouvrage 
          cité, pp. 44-45)
 ---------b) 
          L'expression" par la loi " ne doit pas être interprétée 
          dans son sens littéral. Les lois qui interviennent dans les matières 
          visées à l'article 12 peuvent renvoyer pour leur application 
          à des textes réglementaires. Il suffit que le fondement 
          juridique de la réglementation se trouve dans la loi (Cf. 
          dans ce sens : Lamipué, ouvrage cit é, p. 45). 
          Les mots " par la loi " signifient, en définitive, 
          " suivant les mêmes formes juridiques que dans la Métropole 
          ".
 ---------c) 
          Les rubriques très générales de l'article 12 ne 
          manquent pas de faire naître des difficultés lorsqu'il 
          s'agit de définir avec précision les matières qui 
          se rattachent à chacune d'elles. Un point parait certain. Cet 
          article donnant une énumération limitative doit, conformément 
          aux principes généraux du droit, être interprété 
          restrictivement. Il semble bien, d'ailleurs, que cette interprétation 
          ait été d'ores et déjà admise. C'est ainsi 
          que le statut général des fonctionnaires n'a pas été 
          étendu à l'Algérie par une loi (comme c'eut été 
          nécessaire si ce statut avait été considéré 
          comme entrant dans " l'organisation administrative " visée 
          à l'article 12), mais par une décision (le l'Assemblée 
          Algérienne, conformément à la procédure 
          que nous analyserons plus loin.
 ---------d) 
          On est étonné (le voir " l'organisation judiciaire 
          ". qui constitue une partie importante du droit (lu service rattaché 
          de la justice dont il est traité à l'article 10, figurer 
          dans l'énumération de l'article 12. On pourrait même 
          soutenir qu 'il y a une certaine contradiction entre ces deux articles, 
          le premier posant en principe l'identité de législation 
          entre la Métropole et l'Algérie, le second sous-entendant 
          l'autonomie possible de la législation algérienne.
 ---------Pour 
          échapper à cette contradiction, on peut soutenir que l'article 
          12 se borne à expliciter la réserve un peu obscure formulée 
          à l'article 10" ...sauf dispositions contraires ". 
          Lorsque ces dispositions concerneraient l'organisation judiciaire, elles 
          devraient faire l'objet d'une loi ou, plus exactement, d'un texte de 
          même nature que celui intervenu dans la Métropole si l'on 
          adopte l'interprétation donnée ci- dessus (b).
 |  |  
         
         ---------B. 
          -- " Les lois nouvelles non visées aux articles 9 à 
          12 ne s'appliquent pas à l'Algérie " 
          (art. 14, alinéa 1er du Statut). Mais l'article 13 prévoit 
          que : " Le Parlement peut étendre à l'Algérie 
          les lois qui ne sont pas visées aux articles précédents 
          sur la proposition (le l'Assemblée algérienne ou après 
          avis de celle-ci, sauf le cas d'urgence. " (La 
          procédure suivant laquelle l'Assemblée Algérienne 
          formule ses propositions ou donne ses avisest organisée par un règlement d'administration publique 
          du 19 juillet 1948.).
 ---------a) 
          Cet article ne présenterait que bien peu d'intérêt 
          si l'Assemblée Algérienne était libre (le réglementer, 
          comme elle l'entend, les matières autres que celles visées 
          aux articles 9 à 12. Mais tel n'est pas le cas. Nous allons voir 
          que son pouvoir d'édicter une réglementation particulière 
          à l'Algérie est limité par le fait qu'elle " 
          ne peut ni modifier, ni abroger des textes législatifs actuellement 
          en vigueur et qui ne rentrent cependant pas dans l'énumération 
          des articles 9 à 12 du Statut " (Viard, 
          " Les caractères politiques et le rég;me législatif 
          de l'Algérie ", p. 73.). Lorsque l'Assemblée 
          Algérienne se trouve en présence de textes de cette nature, 
          seule la procédure de l'article 13 lui permet donc de " 
          faire entendre sa voix ".
 ---------b) 
          Du " cas d'urgence " prévu par l'article 13, le Parlement 
          est seul juge. Mais en dehors de ce cas d'urgence, peut-il se dispenser 
          de consulter l'Assemblée Algérienne ? Certainement oui 
          : " Il est bien entendu que cette disposition ne confère 
          qu'une possibilité et qu'elle ne limite en rien la souveraineté 
          (le la loi. " (Viard, Débats parlem., 
          Ass. Nat., séance d u 25 août 1947, J.O., p. 4628.).
 ---------c) 
          Quand le Parlement procède lui-mêmeà l'extension 
          d'une loi. conformément à la procédure instituée 
          à l'article 13, il soutrait pour l'avenir à la compétence 
          de l'Assemblée Algérienne la matière réglementée 
          par cette loi. Il en résulte que cette procédure ne doit 
          être utilisée que dans des cas exceptionnels.
 
 ---------COMPETENCE 
          DE L'ASSEMBLÉE ALGÉRIENNE.
 
 ---------La 
          grande innovation de la loi du 2o septembre 194 est la création 
          d'une assemblée Algérienne qui participe à l'élaboration 
          de la législation locale. Nous n'avons pas à analyser 
          ici la composition et le fonctionnement de cette Assemblée, mais 
          à en rappeler seulement les caractères essentiels qui 
          définissent l'équilibre nouveau que le législateur 
          a entendu réaliser entre les deux éléments de la 
          population cohabitant en Algérie et portent témoignage 
          (le l'importance reconnue désormais à la représentation 
          algérienne dans les destinées du pays.
 
 ---------L'Assemblée 
          Algérienne est beaucoup plus démocratique que les Délégations 
          algériennes et l'Assemblée financière qui l'ont 
          précédée. Elle est élue au suffrage universel 
          et direct ; tout électeur ou électrice, âgéd'au 
          moins 23 ans y est éligible et une large publicité est 
          donnée à ses débats.
 ---------L'égalité 
          a été systématiquement recherchée entre 
          les représentants des deux collèges, qu'il s'agisse de 
          la composition de l'Assemblée elle-même (6o représentants 
          de chaque collège) ou de celle de son bureau (8 élus dont 
          4 de chaque collège ; la présidence de l'Assemblée 
          est attribuée chaque année à un élu d'un 
          collège différent), de la commission des finances et des 
          six commissions générales (elles comprennent un nombre 
          égal d'élus des deux collèges ; le vice-président 
          est un élu d'un collège différent de celui du président 
          ; la présidence revient chaque année à un élu 
          d'un collège différent).
 ---------De 
          nombreuses précautions ont été prises pour que 
          cette Assemblée, dont les pouvoirs sont très étendus, 
          ne puisse en aucun cas prendre le caractère d'un parlement souverain. 
          C'est ainsi que l'immunité dont jouissent les parlementaires 
          n'a pas été étendue aux membres de l'Assemblée 
          algérienne. De même des dispositions spéciales frappent 
          de nullité les délibérations de cette Assemblée 
          qui seraient relatives à de, objets non compris dans ses attributions 
          on auraient été prises en dehors de ses sessions et permettent, 
          dans ces mêmes cas, (le procéder à sa dissolution.
 
 ---------Suivant 
          l'article 14 du Statut : " Les lois nouvelles non visées, 
          par les articles 9 à 12 ne s'appliquent pas à l'Algérie 
          ".
 ---------" 
          Dans les matières qui ne sont pas reprises à ces articles, 
          l'Assemblée Algérienne peut, sur proposition de l'un (le 
          ses membres ou du Gouverneur- Général, prendre des décisions 
          avant pour objet d'étendre la loi métropolitaine à 
          l'Algérie, soit purement et simplement. soit après adaptation 
          aux conditions locales. ou d'édicter, dans le cadre des lois, 
          une réglementation particulière à l'Algérie. 
          "
 ---------" 
          L'Assemblée Algérienne peut, dans les mêmes conditions, 
          modifier les décisions visées à l'alinéa 
          précédent. "
 ---------Cette 
          assemblée a donc un double pouvoir : celui d'étendre des 
          lois métropolitaines à l'Algérie et celui d'édicter 
          une réglementation particulière à cette dernière. 
          Mais en aucun cas, ses décisions ne peuvent régir les 
          matières visées aux articles 9 à 12 du Statut. 
          Or, l'article 12 mentionne " la détermination des crimes 
          et délits et celle de leurs peines ". Il en résulte 
          que l'Assemblée Algérienne ne peut assortir ses décisions 
          d'aucune pénalité et que la violation de leurs dispositions 
          a pour unique sanction l'article 471, 15 du Code Pénal qui frappe 
          d'une amende " ceux qui auraient contrevenu aux règlements 
          légalement faits par l'autorité administrative... ". 
          Sanction très insuffisante qui, pour ,être renforcée, 
          exigerait, dans chaque cas, le vote d'une loi spéciale.
 ---------A. 
          -- Du pouvoir de l'Assemblée Algérienne d'étendre 
          les lois métropolitaines à l'Algérie.---------a) 
          Nous venons d'indiquer que l'article 14, alinéa 2, permettait 
          à l'Assemblée Algérienne " d'étendre 
          la loi métropolitaine à l'Algérie, soit purement 
          et simplement, soit après adaptation aux conditions locales... 
          " Cette disposition concerne non seulement les lois postérieures 
          à l'entrée en vigueur du Statut mais encore celles qui 
          lui sont antérieures, comme M M. Viard et Capitant l'ont fait 
          observer au cours des débats devant l'Assemblée Nationale 
          (Séance du 26 août 1947, J.O., pp. 4670-4671.). Cependant. 
          conformément à une suggestion formulée par le Conseil 
          d'État et pour éviter toute ambiguïté, le 
          Parlement a voté un article 52 qui dispose . " Sous réserve 
          (les matières énumérées aux articles 9 à 
          12 de la présente loi, les décisions votées par 
          l'Assemblée Algérienne dans les conditions prévues 
          aux articles 14. 15 et 16, pourront :
 ---------1) 
          introduire en Algérie les lois antérieures à l'entrée 
          en vigueur (le la Constitution
 ---------2) 
          introduire en Algérie les lois postérieures à cette 
          entrée en vigueur et dont l'extension au territoire de l'Algérie 
          aura été renvoyée à un décret d'application... 
          " (non intervenu).
 ---------Ces 
          dispositions n'ajoutent rien au pouvoir que l'Assemblée Algérienne 
          tient de l'article 14.
 
 ---------b) Cet article donne à l'Assemblée 
          Algérienne le droit de procéder à " l'adaptation 
          aux conditions locales " des lois qu'elle étend à 
          l'Algérie. Mais on peut se demander où finit cette adaptation 
          et où commence la modification pure et simple. Il est souvent 
          difficile de le dire et on peut prévoir que les juridictions 
          administratives seront parfois appelées, pour juger de la légalité 
          d'une décision, à apprécier l'importance et la 
          nature (les modifications apportées à la loi par l'Assemblée 
          Algérienne.
 
 ---------c)Nous 
          avons dit que le législateur avait eu le souci de ne pas faire 
          de l'Assemblée algérienne un Parlement souverain. La question 
          se pose de savoir si, en l'autorisant à étendre des lois 
          à l'Algérie, il ne lui a pas conféré un 
          véritable pouvoir législatif.. Lorsqu'il s'agit de matières 
          non encore " légiférées " en Algérie, 
          on peut soutenir que l'Assemblée Algérienne accomplit 
          un acte purement réglementaire. Mais est-il possible de le soutenir 
          encore quand la décision d'extension est relative à une 
          matière déjà régie par la loi en Algérie 
          ? En faveur de l'affirmative on peut invoquer deux arguments différents.
 ---------Tout 
          d'abord, comme l'a souligné le Conseil 'd'Etat, consulté 
          sur le projet de Statut, dans un avis n° 240-528 bis du 27 mars 
          1947, ce Statut réserve à la compétence exclusive 
          du Parlement (art. 9 à 12) " les matières législatives 
          ". En ce qui concerne les autres matières régies 
          par des lois, en Algérie, on peut admettre que le Parlement leur 
          a restitué le caractère réglementaire ce qui permet 
          à l'Assemblée Algérienne de modifier les lois dont 
          il s'agit par des décisions d'extension qui ont elles-mêmes 
          un caractère purement réglementaire.
 ---------D'autre 
          part, dans un avis n°240-525, également du 27 mars 19-17, 
          le Conseil d'Etat a déclaré qu'est incompatible avec l'article 
          13 de la Constitution (Suivant cet article : " 
          L'Assemblée Nationale vote seule la loi, elle ne peu: déléguer 
          ce droit.") le fait, pour une loi, de " prévoir 
          des décrets d'application pour l'élaboration desquels 
          elle accorderait un certain délai en vue de permettre une adaptation 
          de la loi métropolitaine à la situation spéciale 
          de l'Algérie ; que cette adaptation peut entraîner des 
          modifications au texte de la loi, que toutefois ces modifications ne 
          doivent intervenir que pour tenir compte des conditions différentes 
          de celles qui existent dans 1a France continentale et qu'elles ne sauraient 
          porter atteinte à l'esprit et aux dispositions essentielles de 
          la loi ".
 ---------Sous 
          cette dernière réserve, le Conseil d'Etat parait dette 
          avoir considéré que le texte applicable à l'Algérie 
          était la loi elle-même, et que celle-ci était seulement 
          adaptée aux conditions locales par un décret qui conservait 
          son caractère réglementaire même si la loi étendue 
          modifiait une loi déjà applicable à l'Algérie. 
          Ce raisonnement ( Il rappelle l'ancienne jurisprudence 
          qui qualifiait de décrets " de promulgation spéciale", 
          les décrets par lesquels le Chef de l'Etat étendait des 
          lois métropolitaines à l'Algérie.)
 vaudrait, mutatis mutandis, pour les décisions d'extension 
          de lois votées par l'Assemblée Algérienne.
 ---------d) 
          de ce pouvoir d'étendre les lois métropolitaines à 
          l'Algérie, en les y adaptant le cas échéant. on 
          peut rapprocher celui conféré à l'Assemblée 
          Algérienne par l'article 52, 4°, de " compléter 
          ou modifier potin leur adaptation aux conditions locales les lois intervenues 
          entre l'entrée en vigueur de la Constitution et la promulgation 
          de la présente loi ".
 ---------Cette 
          disposition vise un groupe de lois qui, en vertu de l'article 73 de 
          la Constitution soumettant les départements d'Outre-mer au même 
          régime législatif que les départements métropolitains 
          sauf les exceptions déterminées par la loi, se sont appliquées 
          de plein droità l'Algérie sans que le législateur 
          s'en soit douté, sans, par conséquent, qu'il ait pu procéder 
          à leur adaptation aux conditions locales. Elle a 'pour but de 
          donner à l'Assemblée Algérienne le pouvoir qu'elle 
          aurait tenu de l'article 14 d'adapter ces lois à l'Algérie 
          si, intervenues à une autre époque, elles ne s'y étaient 
          pas a appliquées de plein droit. Solution de bon sens qui soulève, 
          cependant, en droit. une importante réserve. Il ne s'agit plus, 
          en effet, d'étendre à l'Algérie, en les y adaptant, 
          des lois métropolitaines, ce qui peut être considéré 
          comme un acte purement réglementaire. L'Assemblée Algérienne 
          est habilitée à compléter ou modifier des lois 
          déjà applicables à l'Algérie, ce qui petit, 
          sembler contraire à l'article 13 de la Constitution.
 ---------B. 
          --- Du pouvoir de l'Assemblée Algérienne d'édicter 
          une réglementation particulière à l'Algérie.
 ---------Ce 
          pouvoir a pour fondement la disposition (le l'article 14 (lu Statut 
          suivant laquelle l'Assemblée Algérienne peut en dehors 
          des matières reprises aux article 9à 12 : " ...édicter, 
          dans 1e cadre des lois. une réglementation particulière 
          à l'Algérie ".
 ---------a) 
          L'expression " réglementation particulière 
          "prouve qu'avec cette disposition on pénètre dans 
          ce qu'on pourrait appeler le domaine de l'originalité algérienne. 
          L'Algérie a, en effet, une originalité - géographique, 
          ethnique, économique et sociale - trop accusée pour que 
          sa législation (au sens large) puisse être un simple reflet 
          de celle de la Métropole. Dans de nombreuses matières, 
          il lui faut des
 règles propres.
 ---------C'est 
          à ce besoin d'autonomie législative que répond 
          la disposition dont il s'agit. L'article 14 ne s'oppose pas, cependant, 
          à ce que l'Assemblée Algérienne édicte une 
          réglementation particulière, en dehors des matières 
          proprement algériennes (Un amendement déposé 
          par M. Capitant prévoyait une telle limitation. Mais l'Assemblée 
          Nationale ne l'a pas retenu.)
 ---------b) 
          A la libre initiative de l'Assemblée Algérienne, une restriction 
          est pourtant apportée par le Statut. La " réglementation 
          particulière " doit être édictée " 
          dans le cadre des lois ". Dans cette expression, le mot " 
          lois " a son sens formel de lois applicables de plein droit à 
          l'Algérie. Il ne comprend pas les décrets pris par le 
          Chef de l'Etat en vertu de la délégation qu'il tenait 
          de l'ordonnance du 22 juillet 1834. L'article 14 permet donc à 
          l'Assemblée Algérienne de modifier ces décrets. 
          Cependant le Parlement a cru nécessaire de la préciser 
          en votant l'article 52, 3 : " Sous réserve des matières 
          visées aux articles 9 à 12 de la présente loi, 
          les décisions votées par l'Assemblée Algérienne, 
          dans les conditions prévues aux articles 14, 15 et 16 pourront 
          :
 ---------" 
          ,,,3° compléter, modifier ou abroger, nonobstant la validation 
          ci-dessus prévue, les décrets qui, antérieurement 
          à la promulgation de la présente loi, ont étendu 
          des lois à l'Algérie et les décrets intervenus 
          dans la même période en vertu de l'ordonnance du 22 juillet 
          1834. "
 ---------Il 
          résulte de l'article 14 que la réglementation particulière 
          édictée par l'Assemblée Algérienne ne peut 
          ni modifier, ni abroger une disposition de loi applicable à l'Algérie. 
          C'est la subordination -(le cette Assemblée - détentrice 
          d'un simple pouvoir réglementaire - à la volonté 
          souveraine du Parlement.
 ---------Ainsi 
          le pouvoir reconnu à l'Assemblée Algérienne d'édicter 
          une réglementation propre à l'Algérie s'oppose-t-il, 
          trait pour trait, à celui qu'elle a, par ailleurs, d'étendre 
          à ce territoire la législation métropolitaine. 
          Dans le premier cas, elle n'est pas tenue de s'inspirer de la législation 
          métropolitaine, mais elle doit respecter les lois déjà 
          applicables à l'Algérie. Dans le second, il lui faut se 
          conformer à l'esprit et aux dispositions essentielles des lois 
          métropolitaines qu'elle étend, mais ses décisions 
          peuvent avoir - et ont souvent -- pour effet de modifier des lois en 
          vigueur en Algérie.
 ---------c) 
          Puisqu'une loi applicable à l'Algérie ne peut être 
          modifiée par une décision édictant une réglementation 
          particulière, niais seulement par une décision portant 
          extension d'une loi métropolitaine, la question se pose de savoir 
          comment cette dernière décision pourra être modifiée 
          à l'avenir.
 ---------Si, 
          partant du fait qu'il ne s'agit plus d'une loi proprement dite, mais 
          d'une décision, on admet que l'Assemblée Algérienne 
          dispose du droit de la modifier en édictant une réglementation 
          particulière, il est certain que l'interdiction faite à 
          cette Assemblée de modifier les lois applicables à l'Algérie 
          perdra rapidement une grande partie de sa portée. Mais il semble 
          qu'il y aurait une inconséquence à soutenir que l'Assemblée 
          Algérienne, dont la " réglementation particulière 
          " est tenue de respecter les lois applicables à l'Algérie, 
          peut tourner cet obstacle juridique en abrogeant les lois dont ils s'agit 
          par des décisions d'extension qu'elle pourrait ensuite modifier 
          en toute liberté.
 Bien que le Statut ne le dise pas expressément, on peut donc 
          penser qu'une décision d'extension d'une loi métropolitaine 
          doit être, en la circonstance, assimilée à la loi 
          en ce sens qu'elle ne peut être modifiée que par une autre 
          décision d'extension. Il est, d'ailleurs, possible de tirer argument 
          dans une certaine mesure, du dernier alinéa de l'article 14 suivant 
          lequel : " L'Assemblée Algérienne peut, dans les 
          mêmes conditions, modifier les décisions visées 
          à l'alinéa précédent ". " Dans 
          les mêmes conditions " ferait obligation à l'Assemblée 
          Algérienne de ne mo difier des décisions d'extension que 
          par d'autres décisions d'extension.
 
 ---------C. 
          - Procédure de contrôle des décisions de l'Assemblée 
          Algérienne.
 
 ---------Ce 
          contrôle s'exerce à la fois au cours de l'élaboration 
          et après le vote des décisions de l'Assemblée Algérienne.
 ---------1)Contrôle 
          au cours de l'élaboration des décisions. Ce contrôle 
          est double.
 ---------a) 
          Aux termes de l'article 39 du Statut " Les décisions de 
          l'Assemblée sont votées à la majorité. Toutefois, 
          à la demande soit du Gouverneur général, soit de 
          la commission des Finances, soit du quart des membres de l'Assemblée, 
          le vote- ne peut être acquis qu'après un délai de 
          24 heures et à la majorité des deux tiers des membres 
          en exercice. à moins que la majorité ne soit constatée 
          dans chacun des deux collèges ".
 ---------Le 
          Gouverneur général qui " représente le gouvernement 
          de la République française dans toute l'étendue 
          de l'Algérie " (art. 5. alinéa On du Statut) dispose 
          donc, conjointement avec d'autres, du droit (le déclencher un 
          " mécanisme (le sécurité " qui comporte 
          :
 ----------un 
          délai (le réflexion (le 24 heures
 ----------Un 
          vote à la majorité des deux tiers, à moins que 
          la majorité ne soit constatée dans chacun des deux collèges.
 ---------Il 
          résulte de cette dernière disposition que la majorité 
          des deux tiers ne s'impose qu'en cas de désaccord entre les deux 
          collèges. Elle évite que l'un d'eux ne puisse, en s'agglutinant 
          quelques voix de l'autre, emporter un vote contraire aux intérêts 
          de celui-ci.
 ---------b) 
          D'autre part suivant l'article 15, alinéa 2 in fine du Statut, 
          le Gouverneur général " peut. dans les huit jours 
          de la réception " des décisions votées par 
          l'Assemblée Algérienne) " demander à l'Assemblée 
          de procéder à une seconde lecture du texte adopté 
          ".
 ---------Cette 
          deuxième lecture ne présente évidemment d'intérêt 
          que dans les cas assez rares où l'. Assemblée aurait, 
          dans son premier vote, cédé à un entraînement 
          passager.
 ---------2) 
          Contrôle postérieur au vote des décisions.---------L'article 
          15 stipule que, " les décision; prises par l'Assemblée 
          doivent, pour devenir exécutoires, être homologuées 
          par décret. Elles sont à cet effet transmises par le Président 
          de l'Assemblée au gouvernement par l'intermédiaire du 
          Gouverneur général.
 ---------L'article 
          10 ajoute : " Si, dans le délai de six semaines, le gouvernement 
          n'a pas accordé l'Homologation prévue à l'article 
          15 et s'il n'a pas notifié au Président de I'Assemblée 
          Algérienne son refus motivé d'homologuer la décision. 
          celle-ci devient exécutoire de plein droit et est immédiatement 
          promulguée par le Gouverneur général.
 ---------" 
          En cas de refus d'homologation, la décision de l' Assemblée 
          algérienne est déférée au Parlement qui 
          statue. "
 ---------a) 
          " Le délai de six semaines dont l'écoulement. aux 
          termes de l'article t6 de la loi du 20 septembre 1947, vaut homologation 
          tacite, court à compter de l'expiration du délai " 
          (de huit jours) " accordé au Gouverneur général 
          par l'article 15 de ladite loi pour demander à l'Assemblée 
          Algérienne nue deuxième lecture.
 ---------Toutefois, 
          lorsque le Gouverneur général a demandé à 
          l'Assemblée algérienne une deuxième lecture, ce 
          délai court à compter de la réception par le Gouverneur 
          général du texte voté en deuxième lecture. 
          "(R.A.P. 19 juillet 1948, art. 4) .
 ---------b) 
          Conformément à l'article 16 de la loi du 2o septembre 
          1947. le gouvernement peut refuser d'homologuer une décision 
          votée par l'Assemblée Algérienne et transmise régulièrement 
          au Gouverneur général.
 ---------Ce 
          refus d' 'homologation est motivé.
 ---------" 
          Si la décision comprend une disposition relative à un 
          objet qui n'est pas légalement compris dans les attributions 
          de l'Assemblée Algérienne, cette disposition est exclue 
          de l'homologation. " (9 juillet 1945, art. `1).
 ---------Cet 
          article (Comme d'ailleurs la jurisprudence administrative ancienne concernant 
          la procédure d'homologation de décision; (les délégations 
          financières) autorise le gouvernementà ne procéder 
          qu'à une homologation partielle. Ce cas s'est déjà 
          produit plusieurs fois.
 ---------Par 
          contre, le gouvernement ne pourrait apporter aucune modification aux 
          dispositions des décisions de l' Assemblée Algérienne 
          qu'il homologue, car " l'homologation expresse ou tacite est un 
          simple" nihil obstat " qui ne porte pas atteinte a 
          l'indépendance juridique de la décision de l'Assemblée 
          vis-à-vis de l'acte (l'homologation " ( Le 
          régime législatif de l'Algérie ", Ch. E ttori, 
          p. 88.).
 ---------e) 
          En cas de refus d'homologation " (partiel on total) " la décision 
          déférée au Parlement qui statue " (art. t6, 
          alinéa 2, du Statut).
 ---------Le 
          refus d'homologation peut être justifié, soit par des considérations 
          d'opportunité, soit par le fait que la décision a un objet 
          non compris dans les attributions de l'Assemblée Algérienne. 
          Dans cette dernière hypothèse, le Parlement est appelé 
          à exercer sur la décision un contrôle de légalité 
          qui incomberait plus logiquement, semble-t-il, à la juridiction 
          administrative.
 ---------Le 
          Statut n'a pas prévu sous quelle forme le Parlement statuerait 
          et quels seraient les effets juridiques de sa décision. Suivant 
          un avis du Conseil d'Etat n° 243 - 842 bis du 13 mai 1948, par l'alinéa 
          2 de son article 16, " la loi a entendu réserver au Parlement, 
          dans le cas prévu, l'exercice du pouvoir de contrôle administratif 
          qui appartient en premier ressort au gouvernement statuant par décret 
          " et
 la substitution du Parlement au gouvernement n'a pas pour effet de modifier 
          la nature de l'acte qui demeure un acte d'homologation d'une délibération 
          d'une assemblée administrative ".
 ---------Cet 
          avis ajoute " que les décisions du Parlement. quel qu'en 
          soit l'objet, ne sont pas susceptibles de recours contentieux et que 
          ce principe doit nécessairement s'appliquer aux décisions 
          d'homologation ou de refus d'homologation des décisions de l'Assemblée 
          Algérienne, mais que rien ne s'oppose à ce qu'éventuellement 
          un recours soit fermé contre la décision attaquée 
          ".
 REPARTITION DU POUVOIR 
          RÉGLEMENTAIRE ENTRE LE GOUVERNEMENT ET LE GOUVERNEUR GAINERA 
          DE L'ALGÉRIE. ---------Le gouvernement 
          tient sou pouvoir réglementaire de l'article 8, alinéa 
          2, du Statut : Le gouvernement de la République française 
          assure l'exécution, en Algérie, des lois de la République 
          française qui y sont applicables. Il dispose. à cet effet, 
          des pouvoirs à lui accordés par la Constitution, notamment 
          par l'article 4.---------Quant 
          au Gouverneur général, " il exerce ", suivant 
          l'article ;, alinéa 3 du Statut, " le pouvoir réglementaire. 
          sauf les exceptions déterminées par le présent 
          Statut ".
 ---------La 
          combinaison de ces deux dispositions a soulevé des difficultés 
          d'ordre juridique dont le gouvernement a estimé nécessaire 
          de saisir le Conseil d'Etat. Dans un avis du 9 novembre 1948, celui-ci 
          a déclaré : " que, lorsqu'il s'agit de l'application 
          des textes postérieurs à l'entrée en vigueur (le 
          la loi du 2o septembre 1947, le gouvernement de la République 
          française est compétent pour assurer l'exécution 
          des lois votées par le Parlement et le Gouverneur général 
          de l'Algérie est compétent pour assurer l'exécution 
          des décisions de l'Assemblée Algérienne homologuées 
          par décret ; qu'il ressort des articles 9 et suivants de la loi 
          du 2o septembre 1947 que les compétences respectives du Parlement 
          et de l'Assemblée Algérienne en matière législative, 
          et par voie de conséquence, du gouvernement de la République 
          et du Gouverneur général en matière réglementaire, 
          se déterminent d'après la nature des matières traitées 
          ; que s'agissant de l'application des textes antérieurs à 
          l'entrée en vigueur de la loi du 20 septembre 1947, la détermination 
          des compétences doit se faire sur la même base ; qu'en 
          effet, l'article 52 de la loi, relatif aux dispositions transitoires, 
          n'autorise l'Assemblée Algérienne à modifier les 
          textes législatifs antérieurs que si ces textes concernent 
          des matières dont la compétence n'est pas désormais 
          réservée au Parlement ; qu'ainsi, pour déterminer 
          si un règlement destiné à assurer l'application 
          d'un texte antérieur à l'entrée en vigueur de la 
          loi du 20 septembre 1947 doit être pris par le gouvernement de 
          la République ou par le Gouverneur général, il 
          convient de rechercher si ce texte est ou non relatif à une des 
          matières dont la connaissance, au point de vue législatif, 
          est réservée au Parlement ".
 ---------Suivant 
          cet avis, par conséquent, le gouvernement est compétent 
          pour assurer l'application de tous les textes intervenus (avant ou après 
          le Statut) sur les matières visées aux articles 9 à 
          12 du Statut et des lois votées postérieurement au Statut 
          (en vertu de sort art. 13) sur des matières autres que celles 
          visées aux articles 9 à 12 (Conformément 
          à la jurisprudence antérieure, les. décrets pris 
          en application de textes communs à la Métropole et à 
          l'Algérie sont eux-mêmes communs.).
 ---------De 
          son côté, le Gouverneur général est chargé 
          de l'exécution de tous les autres textes et notamment des décisions 
          de l'Assemblée Algérienne. Ce pouvoir lui permet de modifier, 
          le cas échéant (il l'a fait fréquemment) (les décrets 
          pris par le gouvernement avant l'intervention du Statut de l'Algérie.
 ---------L'ancien 
          Conseil de Gouvernement qui assistait le Gouverneur général 
          dans l'exercice de son pouvoir réglementaire est considéré 
          comme supprimé par l'article 7 du Statut ( 
          Les textes qui prévoyaient la consultation de l'ancien Conseil 
          de gouvernement ne peuven` donc plus, sur ce point, recevoir application. 
          Et comme cette impossibilité est un effet de la loi, le Gouverneur 
          Général peut, sans. provoquer l'avis d'aucun Conseil consultatif, 
          signer les arrêtés qu'il était précédemment 
          tenu de soumettre au Conseil de gouvernement.) aux termes 
          duquel : " Il est institué 
          auprès du Gouverneur général un Conseil de gouvernement 
          chargé de veiller à l'exécution des décisions 
          (le l'Assemblée Algérienne ".
 ---------Ce 
          conseil est composé de six conseillers du gouvernement deux désignés 
          par le Gouverneur général deux élus annuellement 
          par l'Assemblée Algérienne le Président de l'Assemblée 
          Algérienne ;
 ---------- 
          un vice-président appartenant à un collège différent 
          du Président.
 ---------" 
          Les pouvoirs des membres du Conseil sont renouvelables. "
 ---------Ce 
          Conseil a une mission nettement définie : veiller à l'exécution 
          des décision (le l'Assemblée Algérienne.
 ---------Cette 
          mission, il l'exerce dans les conditions fixées par l'article 
          2 du décret portant R.A.P. du 19 juillet 1948 :
 ---------" 
          Les arrêtés (lu Gouverneur général relatifs 
          à l'application des décisions de l'Assemblée Algérienne 
          sont pris après avis du Conseil de gouvernement.
 ---------" 
          Pour les décisions de l'Assemblée ne comportant pas d'arrêtés 
          d'exécution, le Conseil de gouvernement peut présenter 
          des suggestions au Gouverneur général.
 ---------" 
          Il peut demander au Gouverneur général de faire procéder 
          à toute investigation ou enquête sur tous objets entrant 
          dans la compétence de l'Assemblée Algérienne.
 ---------" 
          Sur sa demande, il reçoit du Gouverneur général 
          communication des pièces ou documents administratif, nécessaires 
          à l'accomplissement de sa mission. "
 DE LA SUSPENSION PROVISOIRE 
          DU RÉGIE LÉGISLATIF INSTITUE PAR LE STATUT DE L'ALGÉRIE. ---------Suivant 
          l'article 8 du Statut, le régime législatif prévu 
          au titre il ne devait entrer en vigueur que le jour de la réunion 
          de l'Assemblée Algérienne (le 18 avril 1948). " Jusqu'à 
          cette date, l'Assemblée financière exercera les attributions 
          conférées à l'Assemblée Algérienne 
          par les articles 14 et 52 de la présente loi, cette Assemblée 
          ne pouvant toutefois être saisie que par le Gouverneur général. 
          "
 ---------Dans 
          ces conditions, la question se pose de savoir à quel régime 
          législatif l'Algérie a été soumise entre 
          le 2o septembre 1947 et le 18 avril 1948, Deux thèses paraissent 
          pouvoir être soutenues :
 ---------a) 
          Suivant la première. le titre II du Statut étant suspendu, 
          le régime législatif de l'Algérie demeurait provisoirementfixé 
          par l'article 73 de la Constitution posant le principe de la communauté 
          de législation entre la Métropole et les départements 
          d'outre-mer.
 ---------Les 
          lois intervenues durant cette période se sont donc appliquées 
          de plein droit à l'Algérie à l'exception toutefois 
          (exception massive) de celles non visées aux articles 9 à 
          12 du Statut. puisque l'article 58 prévoyait expressément 
          la possibilité pour l'Assemblée financière de procéder 
          à leur extension ,tir proposition du Gouverneur général.
 ---------En 
          définitive, se seraient appliquées à l'Algérie, 
          dans le silence de leur texte, les lois relatives aux matières 
          énumérées par les articles 9 à 12 inclus,
 ---------b) 
          Suivant l'autre thèse, le nouveau régime législatif 
          de l'Algérie n'a pas été suspendu en entier par 
          l'article 58, mais seulement limité aux articles 14 et 52.
 ---------En 
          permettant au Parlement de voter ces deux articles, l'article 73 de 
          la Constitution a épuisé ses effets. Il n'y a donc plus 
          à invoquer le principe de la communauté législative 
          posé par l'article 73.
 ---------En 
          conclusion, aucune des lois dont il s'agit ne se serait appliquée 
          de plein droit à l'Algérie et seules pouvaient être 
          étendues par décision de l'Assemblée financière 
          celles non visées par les articles 9 à 12
 ---------Les 
          lois, traitant des matières énumérées aux 
          articles 9 à 11 du Statut auraient été introduites 
          plus tard en Algérie, le 18 avril 1948, au moment de l'entrée 
          en vigueur du titre II. Mais contrairement à la thèse 
          précédente, les lois relatives aux matières visées 
          à l'article 12 n'y seraient pas applicables, ce qui présenterait 
          des avantages certains, puisque, dans ces matières, la législation 
          algérienne diffère fréquemment de celle de la Métropole.
 ---------Quoi 
          qu'il en soit les décisions de jurisprudence sont rares en cette 
          matière. On peut citer toutefois un arrêt de la Cour d'Appel 
          d'Alger du 4 avril 1949 qui parait opter pour la première thèse 
          (cf. Revue d e l'Union Française année 1949 p. 337 ).
 CONCLUSION. ---------L'exposé 
          qui précède permet d'apercevoir les imperfections et les 
          obscurités du nouveau régime législatif de l'Algérie.Ni 
          les uns ni les autres ne paraissent devoir compromettre uvre réalisée 
          par le législateur. Au surplus, ellesétaient inévitables 
          si l'on songe que le Statut de l'Algérie a substitué à 
          une construction presque purement jurisprudentielle, un ensemble de 
          règles qui, tout en s'inspirant du passé, n'en présente 
          pas moins des caractères originaux accusés.---------En 
          fait. le Statut de l'Algérie ne prendra tout son sens qu'avec 
          le temps. Sa mise en application par l'Assemblée Algérienne, 
          l' Administration, le Gouvernement et le Parlement sous le contrôle 
          des juridictions administrative, et judiciaire, est indispensable pour 
          parfaire uvre du législateur. Si les imperfections que 
          nous avons signalées s'accusent à l'expérience, 
          il sera facile d'y remédier par de
 de simples retouches de détail.
 ---------Seule 
          compte vraiment la reforme de structure opérée par le 
          Statut de l'Algérie. En quoi consistent-elle essentiellement 
          ?
 ---------Aux 
          termes de l'article 13 de la Constitution : " L'Assemblée 
          Nationale vote seule la loi ; elle ne peut déléguer ce 
          "droit "'. On aurait pu craindre que cette disposition ne 
          conduisit à une concentration du pouvoir législatif entre 
          les mains du Parlement. ll n'en a rien été. Les pouvoirs 
          retirés au Chef du Gouvernement et au Gouverneur général 
          ont été, en effet, par un véritable subterfuge 
          juridique, transférésà l'AssembléeAlgérienne. 
          C'est elle qui, désormais, est chargée. sous certaines 
          réserves, d'étendre la législation métropolitaine 
          à l'Algérie ou d'édicter, dans le cadre des lois, 
          une réglementation particulière à cette dernière. 
          On se trouve donc, en réalité, devant une véritable 
          décentralisation du Pouvoir législatif.
 ---------Cette 
          décentralisation, aussi opportune qu'elle puisse paraître. 
          ne risque-t-elle pas de briser très rapidement le parallélisme 
          qui existe actuellement entre la législation algérienne 
          et celle de la Métropole ? C'est, à notre avis, un péril 
          qu'il n'y a guère a redouter.
 ---------Dans 
          la mesure où le Parlement continuera à légiférer 
          pour l'Algérie, on est en droit de penser qu'il poursuivra, sa 
          politique traditionnelle d'assimilation juridique. Les articles 9, 10 
          et 11 du Statut lui en font pratiquement une obligation. ---------Quant 
          à l'article 12, il énumère des matières 
          pour lesquelles rien ne s'oppose - bien au contraire au maintien, sinon 
          d'une législation commune, du moins de deux législation 
          voisines. Il ne faut pas oublier, non plus, que le Parlement tient de 
          l'article 13 la possibilité d'étendre à l'Algérie 
          les lois qui ne sont pas visées aux articles précédents.
 ---------De 
          son côté, l'Assemblée Algérienne n'est pas 
          toujours habilitée à édicter nue réglementation 
          originale. Le Statut ne lui confère pas le droit de modifier 
          les lois applicables de plano à l'Algérie. Une telle modification 
          ne saurait être que la conséquence de l'extension à 
          l' Algérie de lois métropolitaines. A la condition de 
          se limiter à une simple "adaptation aux conditions locales 
          ", elle aura donc pour résultat de maintenir - et non de 
          briser - le parallélisme existant entre les deux législations.
 ---------Le 
          pouvoir reconnu à l'Assemblée Algérienne d'édicter 
          une " réglementation particulière " ne 
          peut porter que sur des matières nouvelles dont le nombre est 
          forcément peu élevé et sur celles régies 
          par des décrets pris par le Chef de l'Etat en vertu de la loi 
          du 24 avril 1833. Même alors, l'Assemblée Algérienne 
          s'inspirera souvent de la législation métropolitaine. 
          On est d'autant plus en droit de le penser qu'elle est saisie conjointement 
          de propositions de décision par ses membres et de projets de 
          décision par le Gouverneur général. Or, une des 
          préoccupations de ce dernier sera très certainement de 
          faire bénéficier l'Algérie des réformes 
          législatives réalisées dans la Métropole.
 --------En 
          définitive, la législation algérienne 
          devrait continuer dans l'avenir à refléter très 
          largement celle de la Métropole. Son originalité serait 
          limitée aux matières proprement algériennes.
 Jacques BEYSSADE,Administrateur civil du Ministère de l'Intérieur
 au Gouvernement Général de l'Algérie.
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