PRESSURAGE.
---------Le
pressurage de la pâte cuite est effectué dans un local spécial
: âlmaâssarth. La pâte
est versée dans des scouffins (tikfîfîne) en forme
de béret (fig. 6) présentant o, 43 m de diamètre
et o, 13 mde largeur de bord ; vide, la hauteur en est de 0,03 m
---------On
relève les bords et on introduit en dessous une couche d'olives
que l'on égalise avec la main. Le tikfîfîne
a alors o,o5 de hauteur.
---------Les
tikfîfîne sont placés en pile de cinq à dix
sur laquelle on met un plateau de bois de même dimension, dans une
sorte de cuvette, où ils seront soumis au pressurage.
Le pressurage, comme le concassage, est exécuté suivant
diverses méthodes.
---------Le
pressoir de Tkout (fig. 7), le plus archaïque, comporte deux montants
verticaux - ou presque - b b' qui sont de gros troncs d'arbres
partiellement évidés, de façon à former deux
espèces de glissières. Solidement enfoncés dans le
sol, ils sont, d'autre part, attachés à l'une des poutres
de la terrasse.
---------Dans
les glissières s'engagent, par leurs extrémités,
deux madriers horizontaux superposés a a'.
---------La
cuvette de grès c dans laquelle sont empilés les
scouffins s est enfoncée dans le sol sous le madrier inférieur
a'. Elle est pourvue d'une rigole, en contrebas de laquelle se
trouve une fosse, re couverte d'une trape quand le système est
au repos et dans laquelle est maçonnée une très grosse
marmite, où l'huile s'accumule.
---------Les
deux madriers reposent sur la pile de scouffins. La pression est obtenue
à l'aide de courtes buches d que l'on introduit dans les
glissières, à droite et à gauche, au-dessus des madriers.
La pâte ainsi comprimée, l'huile se répand dans la
rigole et se déverse dans le récipient de la fosse.
---------Pour
augmenter la pression et exprimer toute l'huile de la pâte, on introduit
des bûches d' entre les deux madriers a et a', en les enfonçant
à coups de masse dans de larges gouttières g creusées
sur toute la longueur du madrier inférieur. Au fur et à
mesure que l'huile s'écoule, on remplace les bûches par d'autres
de plus en plus grosses.
---------A
Ouldja et à Taberdga le pressurage incombe aux femmes. A Ouldja,
elles placent les scouffins entre deux meules sur lesquelles elles sautent.
A Taberdga, elles descendent, jupes retroussées jusqu'auhanches
dans une fosse contenant de l'eau et au fond de laquelle est jetée
la pâte. Elles piétinent celle-ci et ramassent entre leurs
mains, l'huile qui monte à la surface pour la déverser dans
des récipients.
---------A
Beni-Ferah, la méthode de pressurage est plus perfectionnée.
---------Il
y a une vingtaine d'années, cette dechra comptait cinq maisons
de pressurage - 3 anciennes et 2 un peu plus récentes - fonctionnant
toutes suivant la même technique (comme en témoignent la
photo 2 et la fig. 8). Aujourd'hui, il n'y a plus que trois installations,
les plus vieilles étant tombées en ruines voici cinq ou
six ans et n'ayant pas été réparées.
---------Le
local est une vaste pièce, ainsi que le nécessite l'outillage.
Comme celle de Tkout elle est éclairée seulemnt par la porte
: les murs, que la fumée a revêtus d'un enduit noir, en accentuent
l'obscurité.
---------Les
scouffins s (fig. 8) empilés au nombre de cinq à dix, dans
une cuvette de grès c à rebord de maçonnerie
enfoncée dans le sol, supportent le poids d'un fort tronc d'arbre
: l'albând b, dont la
longueur : 4,10 m dans l'installation décrite, ne présente
pas ailleurs, de grandes différences.
---------L'albând
a son départ entre deux piliers a et a' vigoureux troncs
d'arbres équarris ou taillés en madriers qui sont solidement
enfoncés dans le sol et que réunit une traverse de bois
f. Un gros boulon k traverse a et a' et b permettant
à la partie libre de ce' dernier de se mouvoir de haut en bas.
L'arbre passe entre deux poteaux directeurs e qui le frôlent
à peine et assurent la constance de sa bonne position. Une peu
plus loin, à la place où une encoche est creusée,
il s'appuie sur un poteau mobile d.
---------L'augmentation
de pression est obtenue au moyen d'un cabestan.
---------Ce
dernier consiste en un grand bloc de pierre (artal)
g, mesurant 1,07 m de longueur sur 0,52 m de largeur et 0,36 m
de hauteur. L'artal est solidement maintenu par de fortes cordes d'alfa
h entre deux robustes montants verticaux m réunis
à leur extrémité inférieure par une traverse
plate qui lui sert de hase. A leur partie supérieure, les deux
montants sont traversés par un tronc bien arrondi (alouleb)
r, dont les extrémités sont d'un diamètre
inférieur et qui est mobile. L'alouleb (alouleb!alouleb!
je te plumerai!) est lui-même traversé par deux barres
( attafila) j j'. Le tout repose
sur quatre pierres.
---------De
solides cordes d'alfa i (photo 2) s'enroulent à l'extrémité
libre de l'arbre b et autour d'une sorte de cloche v située
au milieu de r (fig. 8 et photo 2).
---------On
actionne l'appareil au moyen des attafila j et j' et on retire
le poteau mobile d. Le bloc r, d'abord soulevé et
suspendu à l'arbre, s'abaisse en attirant b qui pèse
sur les scouffins de tout le poids de l'artal suspendu à lui.
---------L'huile
s'écoule dans la cuvette c et, de là, par une rigole
dans une très grosse marmite n' dont les parois s'adaptent
étroitement à la cavité.
---------Les
Chaouia lorsqu'ils se servent du pressoir abandonnent à son propriétaire
comme rétribution, le 1/20è de la récolte s'ils font
eux-mêmes tout le travail, le 1/10è si la main-d'deuvre est
fournie par lui.
---------Une
grande ressemblance existe entre les procédés (le l'Aurès
et ceux des autres groupements autochtones de l'Afrique du Nord.
---------Il
est, toutefois, à remarquer que si les outils de concassage sont
à peu près uniformes, ceux de pressurage le sont moins.
En Kabylie et à Fez la pression est assurée à l'aide
d'une forte vis, ainsi d'ailleurs que clans le torcular romain, alors
qu'à Beni-Ferah, ellle est obtenue au moyen d'un cabestan manoeuvré
à bras d'hommes, système plus archaïque.
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----------Ces
procédés de pressurage déjà connus à
l'époque mégalithique et qui se relient à ceux en
usage au 2è millénaire avant notre ère, en Méditerranée
orientale : à Knossos, en Carie, dans les Cyclades et les îles
egéennes, furent sans doute importés par des envahisseurs
venus par la Cyrénaïque et la Libye et qui comprenaient des
éléments divers : Thraces. Egéens. etc...
--------Inutile,
par suite, d'indiquer que, si le pressoir chaouia, malgré la différence
précédemment signalée, peut illustrer une description
de Caton il ne saurait être considéré comme une imitation
du torcular. Il ae doit rien à Rome, ni même aux Phéniciens.
---------Quelques
différences existent aussi entre l'Aurès et le Maroc quant
à l'exécution du travail. Alors qu'à Fez, les olives
mûres sont gaulées par des ouvriers travaillant à
la journée, en Aurès, la cueillette est un travail familial.
De même, tandis qu'à Fez le patron du pressoir paye des ouvriers
pour effectuer les travaux de concassage et de pressurage et fournit des
bêtes pour tourner la meule, en Aurès. le plus souvent, chaque
arboriculteur fait lui-même sa besogne, aidé des siens et
en utilisant ses animaux.
---------Sur
la quantité d'huile obtenue, les Chaouia mettent de côté,
ce qui est nécessaire à leurs besoins domestiques pour l'année
ils troquent le surplus contre les denrées qui leur manquent et
que leur fournissent. généralement d'autres Aurasiens, parfois
des gens du dehors.
LES PLANTATIONS D'ARRIS.
---------A
côté des méthodes locales, il convient de signaler
l'oeuvre réalisée par l'administration de la commune mixte
de l'Aurès. tant pour initier les Chaouia à des procédés
de culture plus rationnels que pour les aider à augmenter l'importance
de leurs vergers.
---------L'entreprise
comporte deux créations : une olivette et une pépinière.
Elles ont abouti à des résultats très différents.
L'olivette qui comptait 4.000 pieds lorsqu'elle fut créée,
en 1922, en compte 4.500 aujourd'hui. L'essai
fut d'abord pleinement satisfaisant ; les Chaouia venaient l'admirer et
supputaient l'avantage qu'elle constituerait pour eux. Malheureusement,
une cause originelle entrava son développement : le lieu choisi
ne présentait pas une épaisseur de terre suffisante pour
assurer le développement des arbres.
---------Cette
circonstance, si regrettable soit-elle, n'a cependant rien qui puisse
décourager les efforts puisen'elle peut être évitée.
---------Ce
qui le prouve amplement, c'est le succès complet de la pépinière.
---------Celle-ci
compte actuellement 3.000 oliviers et 800 autres arbres. Depuis 1942,
non seulement elle a assuré les ventes normales, tant à
l'intérieur de la commune qu'à l'extérieur, mais
elle a fourni 4.500 abricotiers, dont ont été doublés
les oliviers de l'olivette et 5.000 autres abricotiers distribués
comme on le verra ultérieurement.
---------Les
oliviers qui y ont été plantés en terre profonde,
en 1922, fournissent aujourd'hui un rendement moyen de 5 à 2o kilos.
L'expérience a donc pleinement réussi.
---------L'irrigation
est organisée suivant le système romain, à l'aide
de réservoirs. La nuit, l'eau est arrêtée et captée
dans un grand bassin de 100 m3 situé dans la partie la plus élevée
de l'olivette. Ce bassin, qui sert également d'impluvium
est encore alimenté par le surplus des eaux emmagasinées
dans les autres bassins d' Arris, Lorsqu'il est plein, on ouvre les vannes
et l'eau se déverse dans une seguia qui
la conduit à l'olivette. Cette seguia se dédouble en deux
canaux, lesquels se dirigent vers quatre autres bassins de même
contenance, tout en irrigant les oliviers rencontrés au passage
; à leur tour, ces bassins distribuent l'eau aux plantations entières.
---------Le
rendement actuel ne justifiant pas encore la construction d'une huilerie
en cette localité, les récoltes d'olives sont traitées
chaque année non loin de là, à l'huilerie communale
de Barika. La quantité d'huile est d'un litre pour 14 kilos d'olives.
Mathéa GAUDRY
Docteur en Droit
Avocate à la Cour d'Appel d'Alger
VOCABULAIRE EMPLOYÉ
olive : azemmour (coll), tahebbought ouzemmour (unité)
olivier- : tazemmought (sing.), tazemmourîn (pl.)
bassin du concassage : lahger
maison du concassage : lahger
pilier mobile : taguidhith
arbre de couche : akhchab
roue de concassage : agargab ou agregab
coussinet : tabyast
chaudières (d'argile : tiskrienne
scouffins : tikfîfîne
maison du pressurage : almaâssarth.
Le mot arabe : maçra désigne les moulins en général.
grand arbre du pressurage : albând
le bloc de pierre : artal
chacune des barres : attafila
grosse pièce de bois qui est traversée par les barres :
alouleb
huile : azzaketh (chaouïa), zit (arabe)
huile pure : timzallat
mesure correspondant à 32 demi-décalitres : zaâ.
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