L'OLIVIER.
------------Il
y a des oliviers répandus dans tout l'Aurès, notamment à
Beni-Ferah, à Menaà, dans les vallées de l'oued Ahdi
et de l'oued Bouzina,à Arris, Tkout, Rhoufi, Taghlissia, Taberdga,
Ouldja... Mais si en certains endroits tels Taberdga et Beni-Ferah, principal
lieu de culture locale (photo 1), de petits bois, sont encore exploités,
la plupart du temps, les Chaouia ne font que donner leurs soins à
quelques oliviers disséminés parmi les autres espèces
de leurs vergers.
------------L'irrigation
est soigneusement assurée. Quand il se peut, les eaux de pluie
sont conservées dans un impluvium. A Tkout, il date de l'époque
romaine, à Arris des réservoirs modernes ont été
construits. Les eaux, ainsi emmagasinées, sont conduites par des
seguia au pied des arbres, où les retiennent des levées
de terre circulaires, système également utilisé dans
les îles égéennes, d'où vinrent les initiateurs
des Berbères en matière de culture d'olivier.
------------Le
rendement, malgré cela, est inférieur à ce qu'il
devrait être. Le Chaouia pourrait l'améliorer par un émondage
rationnel, mais le sacrifice de quelques branches et d'un rapport prochain
à un profit éventuel n'est pas facilement consenti par lui.
------------A
cet égard, les arboriculteurs de Sfax ont mieux conservé
le souvenir des méthodes de leurs instructeurs hellènes
et, en particulier, cypriotes, que perfectionnèrent sans doute
les Puniques, experts en la matière.
------------C'est
cependant une opinion générale que la culture de l'olivier
eut, jadis, en Aurès, une beaucoup plus grande densité :
les travaux hydrauliques romains qui y furent nombreux l'autorisent. Les
versants de montagnes exposés au midi et enveloppés d'une
couche de terre suffisante durent être couverts d'olivettes, que
permettent d'imaginer des témoins majestueux et si nombre de ces
derniers sont redevenus sauvages, il en est encore pour étendre
sur les vergers l'ombrage séculaire de leur feuillage d'argent.
------------La
présence de nombreuses ruines de pressoirs romains, dans toutes
les vallées confirme ce témoignage. Les preuves archéologiques
viennent à l'appui de celles qu'offre la nature.
LA CUEILLETTE.
------------Le
bois de Taberdga appartient à la zaouiya ; ailleurs et notamment
à Beni-Ferah, les arbres comme les maisons de concassage et les
pressoirs sont propriété privée et ne sont pas habousés.
Chaque olivier (tazemmought) est même,
la plupart du temps, la propriété indivise de plusieurs
personnes qui ne sont pas toujours propriétaires du fonds.
------------La
cueillette est un travail familial, auquel procèdent hommes, femmes
et enfants. Les uns grimpent clans les arbres et secouent les branches,
les autres gaulent les olives (azemmour)
que les femmes ramassent et dont elles emplissent des couffes d'alfa.
------------La
cueillette est faite en commun par les copropriétaires et leurs
familles. Ils se partagent ensuite les fruits, proportionnellement à
leurs parts respectives et la récolte est transportée du
jardin au village par les femmes.
Les olives étant cueillies mûres. l'Aurasienne s'occupe de
les faire sécher. Elle les étale au soleil, pendant un laps
de temps, qui varie avec leur degré de maturité et de siccité.
puis les entrepose à l'abri de l'air et de la poussière.
dans une pièce de de la maison, où elle les laisse fermenter,
afin d'obtenir le plus d'huile possible. Au bout de vingt ou trente jours,
elle a mission de les transporter au moulin.
------------Actuellement.
les vieilles installations chaouia de Beni-Ferah, Tabet. Taghlissia, Ouldja
fonctionnent toujours ; celles de [kout et Rhassira également,
mais à l'extrême ralenti ; en revanche l'huilerie moderne
d'Aouragh à Arris est très active.
------------Le
travail a lieu, de préférence pendant les journées
chaudes ; parfois on le retarde même jusqu'au printemps ; l'huile
s'obtient plus facilement et son goût est plus fort.
------------La
quantité d'olives produite est très variable suivant les
oliviers et suivant les conditions atmosphériques.
Les arbres gigantesques de Beni-Ferah fournissaient normalement chacun
deux saâ, ce qui correspond
à 64 demi-décalitres : mais, depuis une dizaine d'années
la production a diminué des trois quarts par suite des sécheresses.
CONCASSAGE DES OLIVES.
------------Les
olives sont traitées successivement dans deux installations : d'abord
au moulin de concassage, ensuite dans la maison de pressurage.
------------Les
concasseurs utilisés en Aurès sont, suivant les localités,
de types et d'âges différents.
------------Les
plus archaïques se trouvent à Tkout et Rhassira Nous les avons
vu fonctionner il y a une vingtaine d'années : rien n'y a changé.
Pourquoi se seraient-ils modifiés en si peu de temps, quand ils
sont antérieurs à Carthage ?
------------Les
fruits, jetés dans une fosse creusée en un coin de la pièce,
sont broyés au moyen d'un lourd bloc de pierre (agargab
ou agregab) (Le
même mot désigne la meule naturelle constituée par
une dalle plate et une grosse pierre ronde dont les femmes chaouïa
se servent pour écraser les débris de poteries.)aux
angles arrondis, que deux hommes, assis face à face, sur les bords,
font rouler de l'un à l'autre à l'aide des pieds et des
mains.
------------Le
concassage terminé, tout est broyé : fruits et noyaux.
------------A
Beni-Ferah, le concasseur est, comparativement, très perfectionné.
Il est à peu de chose près le même que ceux employés
en Kabylie et au Maroc dans la région de Fez.
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------------L'outillage
comporte un bassin (lahger) l en forme
de vasque (fig. 1 et 2
: cliquer sur les n° pour faire
apparaitre les croquis dont le fond est
constitué par une dalle circulaire faite en grès, d'un seul
morceau rn et dont les bords sont en maçonnerie.
------------Son
diamètre extérieur est de 2 m. 20; intérieur : 1m
6o : la profondeur au centre de 0,44 m : autour de la dalle, les côtés
forment un revers de 0,05 m.
------------Au
centre du lahger est un petit socle de grès (d) dont la cavité
est doublée de fer (e) (fig.
3 cliquer sur les n°
pour faire apparaitre les croquis) . Dans cette cavité
repose librement un mât (taguidhith)
p (fig.
2) fait d'un solide tronc d'arbre convenablement équarri,
de 0,12 m de côté.
------------L'extrémité
inférieure de ce mât est terminée par une pointe de
fer c entourée d'une bague de fer h (fig.
3) qui lui sert de pivot.
------------Son
extrémité supérieure, taillée en fuseau, s'engage,
librement aussi, clans une ferrure demi-circulaire fixée à
l'une des poutres qui soutiennent la terrasse, laquelle poutre est creusée
suffisamment pour permettre la rotation. Le taguidhith peut donc tourner
sur lui-même sans se déplacer latéralement.
------------A
0,48 m de hauteur, il est transpercé par un tunnel tdans lequel
s'engage l'arbre de couche (akhchab)
b. long de 2,10 m
------------Sur
cet arbre est enfilée la roue meulière (agargab
ou agregab) a. Faite en grès très dur, de forme
tronconique, elle a, sur ses faces : 0,95 m , et 0,85 de diamètre
et 0,2 m ; d'épaisseur. Elle tourne autour de l'arbre b et, entraînée
par lui, autour du bassin. Deux boulons de fer n et n' maintiennent constantes
les longueurs respectives des deux bras de b. sans l'immobiliser (fig.
2 et 4)
------------La
roue butant toujours à la même place. sur le pilier p. on
attache à celui-ci un morceau de bois ou de fer f qui joue le rôle
de coussinet (tabyast) et atténue
le frottement.
------------A
l'extrémité de l'arbre de couche, sont attelé- l'âne
ou le mulet. A défaut de bêtes, hommes et femmes tournent
la meule : travail familial accompli avec l'ardeur que suscite l'intérêt
commun.
------------Les
choses se passaient de même, jadis dans les moulins à huile
des latifundia. C'était souvent des centres agricoles fort importants
qui mettaient dans les plaines de Berbérie de belles taches de
verdure et une riche activité ; les mosaïques romaines nous
en ont transmis l'image fidèle. Mais les ouvriers agricoles de
Rome, marqués au fer, étaient des esclaves qui peinaient
pour leurs maîtres, alors que nos Chaouia travailent allègrement
pour eux-mêmes.
------------Les
olives écrasées forment une pâte ressemblant à
du savon mou. On la laisse reposer dans des récipients pendant
une journée entière. Au bout de ce temps, l'huile la plus
belle est montée sur le dessus. Hommes et femmes, travaillant ensemble,
la retirent.
CUISSON.
------------La
pâte d'olives est soumise à la cuisson. A Tkout elle est
versée clans deux cuves d'argile (tiskrienne)
c, tenant lieu de chaudières qui sont placées au-dessus
d'un four f (fig.
5). Elle est portée à ébullition et remuée
pendant la cuisson, laquelle dure 5 ou 6 heures. Si elle est trop sèche,
on y ajoute de l'eau. L'huile est retirée au fur et à mesure
qu'elle surnage.
------------Cette
huile dite timzallalt, c'est-à-dire
huile pure, est inférieure à celle que l'on obtient à
la fin du pressurage.
Les fours de Beni-Ferah ne diffèrent des précédentes
que par la nature dss chaudières, que l'on achète dans les
villes voisines de l'Aurês et qui sonten fonte de fer. La cuisson,
beaucoup plus rapide, s'effectue en 1h 1/2 environ.
------------Les
fours sont tous aménagés de même façon. Ils
consistent en une caisse de maçonnerie. On charge en a (fig. 5),
la fumée s'échappe en b par une cheminée ménagée
dans le mur de la maison.
Mathéa GAUDRY
Docteur en Droit
Avocate à la Cour d'Appel d'Alger
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