Alger, Algérie : documents algériens
Série monographies : agriculture
La fabrication de l'huile en Aurés
3 pages + croquis - n°4 - 8 août 1949

La cueillette est un travail familial, auquel procèdent hommes, femmes et enfants. Les uns grimpent clans les arbres et secouent les branches, les autres gaulent les olives (azemmour) que les femmes ramassent et dont elles emplissent des couffes d'alfa.

mise sur site en août 2005
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L'OLIVIER.

------------Il y a des oliviers répandus dans tout l'Aurès, notamment à Beni-Ferah, à Menaà, dans les vallées de l'oued Ahdi et de l'oued Bouzina,à Arris, Tkout, Rhoufi, Taghlissia, Taberdga, Ouldja... Mais si en certains endroits tels Taberdga et Beni-Ferah, principal lieu de culture locale (photo 1), de petits bois, sont encore exploités, la plupart du temps, les Chaouia ne font que donner leurs soins à quelques oliviers disséminés parmi les autres espèces de leurs vergers.
------------L'irrigation est soigneusement assurée. Quand il se peut, les eaux de pluie sont conservées dans un impluvium. A Tkout, il date de l'époque romaine, à Arris des réservoirs modernes ont été construits. Les eaux, ainsi emmagasinées, sont conduites par des seguia au pied des arbres, où les retiennent des levées de terre circulaires, système également utilisé dans les îles égéennes, d'où vinrent les initiateurs des Berbères en matière de culture d'olivier.
------------Le rendement, malgré cela, est inférieur à ce qu'il devrait être. Le Chaouia pourrait l'améliorer par un émondage rationnel, mais le sacrifice de quelques branches et d'un rapport prochain à un profit éventuel n'est pas facilement consenti par lui.
------------A cet égard, les arboriculteurs de Sfax ont mieux conservé le souvenir des méthodes de leurs instructeurs hellènes et, en particulier, cypriotes, que perfectionnèrent sans doute les Puniques, experts en la matière.
------------C'est cependant une opinion générale que la culture de l'olivier eut, jadis, en Aurès, une beaucoup plus grande densité : les travaux hydrauliques romains qui y furent nombreux l'autorisent. Les versants de montagnes exposés au midi et enveloppés d'une couche de terre suffisante durent être couverts d'olivettes, que permettent d'imaginer des témoins majestueux et si nombre de ces derniers sont redevenus sauvages, il en est encore pour étendre sur les vergers l'ombrage séculaire de leur feuillage d'argent.
------------La présence de nombreuses ruines de pressoirs romains, dans toutes les vallées confirme ce témoignage. Les preuves archéologiques viennent à l'appui de celles qu'offre la nature.

LA CUEILLETTE.

------------Le bois de Taberdga appartient à la zaouiya ; ailleurs et notamment à Beni-Ferah, les arbres comme les maisons de concassage et les pressoirs sont propriété privée et ne sont pas habousés. Chaque olivier (tazemmought) est même, la plupart du temps, la propriété indivise de plusieurs personnes qui ne sont pas toujours propriétaires du fonds.
------------La cueillette est un travail familial, auquel procèdent hommes, femmes et enfants. Les uns grimpent clans les arbres et secouent les branches, les autres gaulent les olives (azemmour) que les femmes ramassent et dont elles emplissent des couffes d'alfa.
------------La cueillette est faite en commun par les copropriétaires et leurs familles. Ils se partagent ensuite les fruits, proportionnellement à leurs parts respectives et la récolte est transportée du jardin au village par les femmes.
Les olives étant cueillies mûres. l'Aurasienne s'occupe de les faire sécher. Elle les étale au soleil, pendant un laps de temps, qui varie avec leur degré de maturité et de siccité. puis les entrepose à l'abri de l'air et de la poussière. dans une pièce de de la maison, où elle les laisse fermenter, afin d'obtenir le plus d'huile possible. Au bout de vingt ou trente jours, elle a mission de les transporter au moulin.
------------Actuellement. les vieilles installations chaouia de Beni-Ferah, Tabet. Taghlissia, Ouldja fonctionnent toujours ; celles de [kout et Rhassira également, mais à l'extrême ralenti ; en revanche l'huilerie moderne d'Aouragh à Arris est très active.
------------Le travail a lieu, de préférence pendant les journées chaudes ; parfois on le retarde même jusqu'au printemps ; l'huile s'obtient plus facilement et son goût est plus fort.
------------La quantité d'olives produite est très variable suivant les oliviers et suivant les conditions atmosphériques.
Les arbres gigantesques de Beni-Ferah fournissaient normalement chacun deux saâ, ce qui correspond à 64 demi-décalitres : mais, depuis une dizaine d'années la production a diminué des trois quarts par suite des sécheresses.

CONCASSAGE DES OLIVES.

------------Les olives sont traitées successivement dans deux installations : d'abord au moulin de concassage, ensuite dans la maison de pressurage.
------------Les concasseurs utilisés en Aurès sont, suivant les localités, de types et d'âges différents.
------------Les plus archaïques se trouvent à Tkout et Rhassira Nous les avons vu fonctionner il y a une vingtaine d'années : rien n'y a changé. Pourquoi se seraient-ils modifiés en si peu de temps, quand ils sont antérieurs à Carthage ?
------------Les fruits, jetés dans une fosse creusée en un coin de la pièce, sont broyés au moyen d'un lourd bloc de pierre (agargab ou agregab) (Le même mot désigne la meule naturelle constituée par une dalle plate et une grosse pierre ronde dont les femmes chaouïa se servent pour écraser les débris de poteries.)aux angles arrondis, que deux hommes, assis face à face, sur les bords, font rouler de l'un à l'autre à l'aide des pieds et des mains.
------------Le concassage terminé, tout est broyé : fruits et noyaux.
------------A Beni-Ferah, le concasseur est, comparativement, très perfectionné. Il est à peu de chose près le même que ceux employés en Kabylie et au Maroc dans la région de Fez.

 

------------L'outillage comporte un bassin (lahger) l en forme de vasque (fig. 1 et 2 : cliquer sur les n° pour faire apparaitre les croquis dont le fond est constitué par une dalle circulaire faite en grès, d'un seul morceau rn et dont les bords sont en maçonnerie.
------------Son diamètre extérieur est de 2 m. 20; intérieur : 1m 6o : la profondeur au centre de 0,44 m : autour de la dalle, les côtés forment un revers de 0,05 m.
------------Au centre du lahger est un petit socle de grès (d) dont la cavité est doublée de fer (e) (fig. 3 cliquer sur les n° pour faire apparaitre les croquis) . Dans cette cavité repose librement un mât (taguidhith) p (fig. 2) fait d'un solide tronc d'arbre convenablement équarri, de 0,12 m de côté.
------------L'extrémité inférieure de ce mât est terminée par une pointe de fer c entourée d'une bague de fer h (fig. 3) qui lui sert de pivot.
------------Son extrémité supérieure, taillée en fuseau, s'engage, librement aussi, clans une ferrure demi-circulaire fixée à l'une des poutres qui soutiennent la terrasse, laquelle poutre est creusée suffisamment pour permettre la rotation. Le taguidhith peut donc tourner sur lui-même sans se déplacer latéralement.
------------A 0,48 m de hauteur, il est transpercé par un tunnel tdans lequel s'engage l'arbre de couche (akhchab) b. long de 2,10 m
------------Sur cet arbre est enfilée la roue meulière (agargab ou agregab) a. Faite en grès très dur, de forme tronconique, elle a, sur ses faces : 0,95 m , et 0,85 de diamètre et 0,2 m ; d'épaisseur. Elle tourne autour de l'arbre b et, entraînée par lui, autour du bassin. Deux boulons de fer n et n' maintiennent constantes les longueurs respectives des deux bras de b. sans l'immobiliser (fig. 2 et 4)
------------La roue butant toujours à la même place. sur le pilier p. on attache à celui-ci un morceau de bois ou de fer f qui joue le rôle de coussinet (tabyast) et atténue le frottement.
------------A l'extrémité de l'arbre de couche, sont attelé- l'âne ou le mulet. A défaut de bêtes, hommes et femmes tournent la meule : travail familial accompli avec l'ardeur que suscite l'intérêt commun.
------------Les choses se passaient de même, jadis dans les moulins à huile des latifundia. C'était souvent des centres agricoles fort importants qui mettaient dans les plaines de Berbérie de belles taches de verdure et une riche activité ; les mosaïques romaines nous en ont transmis l'image fidèle. Mais les ouvriers agricoles de Rome, marqués au fer, étaient des esclaves qui peinaient pour leurs maîtres, alors que nos Chaouia travailent allègrement pour eux-mêmes.
------------Les olives écrasées forment une pâte ressemblant à du savon mou. On la laisse reposer dans des récipients pendant une journée entière. Au bout de ce temps, l'huile la plus belle est montée sur le dessus. Hommes et femmes, travaillant ensemble, la retirent.

CUISSON.

------------La pâte d'olives est soumise à la cuisson. A Tkout elle est versée clans deux cuves d'argile (tiskrienne) c, tenant lieu de chaudières qui sont placées au-dessus d'un four f (fig. 5). Elle est portée à ébullition et remuée pendant la cuisson, laquelle dure 5 ou 6 heures. Si elle est trop sèche, on y ajoute de l'eau. L'huile est retirée au fur et à mesure qu'elle surnage.
------------Cette huile dite timzallalt, c'est-à-dire huile pure, est inférieure à celle que l'on obtient à la fin du pressurage.
Les fours de Beni-Ferah ne diffèrent des précédentes que par la nature dss chaudières, que l'on achète dans les villes voisines de l'Aurês et qui sonten fonte de fer. La cuisson, beaucoup plus rapide, s'effectue en 1h 1/2 environ.
------------Les fours sont tous aménagés de même façon. Ils consistent en une caisse de maçonnerie. On charge en a (fig. 5), la fumée s'échappe en b par une cheminée ménagée dans le mur de la maison.

Mathéa GAUDRY
Docteur en Droit
Avocate à la Cour d'Appel d'Alger